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BULLETIN
DE LA
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SOCIETE NIVERNAISE
DBS
LETTRES, SCIENCES ET ARTS
NEVERS,
G. YALLIERE, IMPRIMEUR
Avenue de la Gare^ 24.
BULLETIN
SOCIÉTÉ NIVERNAISE
LETTRES, SCIENCES ET ARTS
TROISIEME SEEIE. - TOME IX'. - XIX' VOLUME DE U COUECllO»
A NEVERS
Chkz U. MAZBBOK, uBaAiBE ds la SociAté, hvk dd Commuct
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5 -A- y]
SOCIÉTÉ NIVERNAISE
DES LETTRES, SCIENCES ET ARTS
COMPOSITION DU BUREAU
MM. René de Lespinasse, président.
Henri de Flamare, vice-président.
Paul Meunier, secrétaire.
Gaston Gauthier, pro-secrétaire.
Edmond Duminy, bibliothécaire-archiviste,
de Saint- Venant, conservateur du musée de ïa Torte^du-Croux.
G. Vallière, trésorier,
MEMBRES D'HONNEUR
Mgr l'EVÊaUE DE NeVERS.
MM. le Préfet de la Nièvre.
le Président du Tribunal civil.
USTE DES MEMBRES TITULAIRES
MM.
Alxard (l'abbé^, curé-doyen de Pougues-les-Eaux. — 29 mai 1890.
Akchald (comte d') , château de Sauvages , par Beaumont-la-Ferrière.
— 3i juillet 1890.
Andrieu (Joseph), rue de TOratoîre, à Nevers. — 27 juin 1901.
Armaillé (vicomte René d*), château du Tremblay, à Vandenesse. —
2^ novembre 1900.
AssiGNY (Henry d'; iji^, à Nevers. — 7 juillet 1868.
Barrau (Léon d'Abbadie de) , château du Chazeau , par Imphy. •—
24 juin 1886.
Barreau (Joseph), à Pont-Saint-Ours, commune de Coulanges. —
25 novembre 1897.
Baudot, à Lanty, par Rémilly, — 29 novembre i888.
VIII —
MM.
Bayle, notaire à Ncvers. — 29 novembre 1900.
Benoist d'Azy (vicomte Paul), château de Paye, commune de Verntuil.
— 17 juin 1897
Benoist d'Azy (baron Denys), château du Vieil- Azy. — 29 dé-
cembre 1898.
Bexoist d'Azy (baronne Denys), château du Vieil-Azy. — 29 no-
vembre 1900.
Benoist d'Azy (comte René), à Saint-Benin-d'Azy. — 29 novembre 1900.
Benoist d'Azy (comtesse René), — —
Bert de La Bussière (Antonin), â Pougues-les-Eaux.— 26 juillet 1894.
Berthier-Bizy (baron Charles de), à Nevers. — $ mars 1874.
Berthier-Bizy (comte de), château de Bizy, par Pougues-les-Eaux. —
31 octobre 1889.
Bide (docteur), professeur à l'école de médecine, à Clermont-Ferrand.
— 30 octobre 1890.
Blandin (Frédéric), propriétaire à Nevers. — 4 février 1869.
B01GUES (Joseph), à Brain, par Decize. — 27 octobre 1898.
BorriAT, curé-archiprêtre de la cathédrale, à Nevers. — 27 avril 1882.
BoNNEAU DU Martray ^, inspecteur général honoraire des ponts et
chaussées, 3$, rue de Béthune, à Versailles. — 7 octobre 187$.
BoNNEAU (Paul), avocat à Clamecy. — 27 novembre 1890.
BoucoMONT (Antoine), propriétaire à Asnières (Seine). — 25 no-
vembre 1897.
BouTROUX (Paul), propriétaire â Nevers. — 31 juillet 1884.
Boyer, à Saint- Amand-en-Puisaye. — 27 juin 1901.
Breuil (comte Jean de), château de Réconfort, commune de Saizy.
— 28 octobre 1897.
Bruneau (l'abbé), curé d'AUigny-en-Morvan. ^ 26 juin 1884.
BusauET, directeur des mines, â La Machine. — 6 novembre 1873.
Cachet (l'abbé), curédeSaint-Jean-aux-Amognes. — 29 novembre 1894.
Cassan (l'abbé), curé de Beaumont-Sardolles. — 3o octobre 1902.
Chabannes (comte Henri de), au château de la Tourette, par l'Arbresle
(Rhône). — 26 janvier 1888.
Chabot (Abel), château de Sauvigny, par Nevers'. — 27 juillet 1893.
Mn»e Chabot (Abel), château de Sauvigny, par Nevers. — 27 juillet 1893.
Chapoy (l'abbé), ancien curé d'Aunay. — 30 août 1872.
Charant (colonel de), O. *, à Montargis (Loiret). — 27 juillet 1882.
Charrier (l'abbé Jules) , aumônier de la Sainte-Famille, â Nevers.
Chastellux (comte de), château de Chastellux-sur-Cure (Yonne). —
Février 1885.
— IX —
MiM.
Chatelaim (l'abbé), licencié es lettres, professeur à Tinstitution Saint-
Cyr, à Nevers. — Décembre 1891.
Cheminade (Emmanuel), licencié en droit, à Nevers. — 26 no-
vembre 1885.
Col (Charles) , licencié en droit, rue de la Banque, à Nevers. —
25 janvier 1883.
CouRSON DE La Villeneuve (le colonel de), O. #, commandant le
i3« d'infanterie, à Nevers. — 29 décembre 1898.
Dameron, architecte à Nevers. — 190t.
Darnay (baron), château de Montas, par Saint-Saulge. — 3i juillet 1890.
Dasse (l'abbc), curé d'Ourouêr. — 3o mai 1897.
Dauphin, notaire à Nevers. — 2$ juillet 1889.
Debourges (G.), avocat à Nevers. — 22 février i883.
Delamalle (Jacques), 104, boulevard Haussmann, Paris. — 28 novem-
bre 1889.
Delost (Fabbé), chanoine honoraire, curé -doyen de Château-
Chinon. — 4 mars 1869.
Désveaux, O. *, colonel d'artillerie, à Autun (Saône-et-I-oire).
D0MGERMAIN (comte René de), à Veninges, près Nevers, et à Phlin,
par Nomény (Meurthe-et-Moselle). — 25 avril 1889.
DuBOST, avoué à Nevers. — 29 novembre 1900.
DuMiNY (Edmond) , conservateur de la Bibliothèque , à Nevers. —
2 juin 1881.
Espeublles-Vicence (comte Albéric d') îRf, conseiller général, au chAteau
d'Espeuilles, commune de Montapas. — 27 juin 1889.
Estampes (comte Jean d'), château de Mouchy, par La Charité. —
3i octobre 1889.
Faulquier (Adrien), à Clamecy. — i3 mai 1875.
Ferrier (Henri), artiste peintre, à Prémery. — 20 avril 1871.
FiCHOT fils, 84, rue de Mouësse, à Nevers. — 25 avril 1901.
FiOT, ancien négociant, â Nevers. — 22 février 1893.
Flamare (Henri de), <l L, archiviste du département, à Nevers. —
23 février 1882.
François, ancien architecte , rue de l'Oratoire, 11, à Nevers, et à
Anthien. — 2$ novembre 1897.
Gaillon (l'abbé), curé de Tamnay-en-Bazois. — 3i janvier 1902.
Garillakd, jugede paix â Pouguës-les-Eaux.— 24 novembre 1892.
\
— X —
MM.
Gaulmyn (vicomte Joseph de) , château de Rimazoir, par Souvigny
(Allier). — 29 novembre 1888.
Gauthier (Gaston), instituteur à Murlin. — 26 juin 1890.
Gauthier (docteur), à Saint-Benin-d'Azy. — 3o octobre 1902.
Geoffroy, conducteur des ponts et chaussées, à Nevers. — 29 mai 1902.
Girard (Paulin), chef de division de préfecture retraité, à Nevers. —
25 avril 1901.
Girerd (Frédéric), avocat à. Nevers. — 19 niars 1891.
GoNAT (Albéric), à Saint-Pierre-le-Moûtier. — 17 août 1874.
Grincour (André), château de Fontallier, par Samt-Pierre-le-Moûtier.
— 27 juin 1889.
Gueneau (Lucien), notaire à Brinon. — 29 octobre 1896.
M™« GuÉNY, château de Dumphlun, par Saint-Benin-d'Azy. —
31 octobre 1889.
Guillerand, à Roussy, commune de Saint -Parize- le -Châtel. —
24 février 1887.
HuGOK (Edmond), ancien magistrat, â la Coquillerie, commune d'Urzy.
— 5 juillet 1873.
HuGON (Charles), à Nevers. — 27 juin 1901.
Imbart de La Tour (comte Joseph), à Chevret, par Imphy. —
3i juillet 1890.
JouRDAN (docteur), rue Mirangron, à Nevers. — 27 juillet 1882.
Jullien (l'abbé), curé de Poiseux.
JULUEN, commis des ponts et chaussées, à Nevers. — 26 janvier 1882.
La Chesnaye (comte de), à Pouilly-sur-Loire. — 24 février 1887.
Langle de Cary (Charles de), ancien magistrat, â Corvol-d'Embernard.
— 13 mai 1875.
'Languimier (Edmond), château de Machigny, commune de Saint-
Sulpice. — 22 février 1893.
Laugardière (vicomte de), ancien conseiller â la cour d'appel, i3, rue
Hôtel-Lallemant, Bourges. — 23 avril 1857.
Lavesvre (Henri de), â Clamour, conwnune de Germigny-sur-Loire.
— 22 avril 1893.
Le Blanc Bellevaux (Auguste), 11, rue Gambetta, Nevers. — 1899.
Lebceuf, adjoint au maire, â La Charité-sur-Loire. — 1899.
— XI —
MM.
Lespinasse (René de) >{<, tt I., à Luanges, commune dIJrzy. —
8 juin 1867.
M™e DE Lespimasse, à Luanges, commune d*Urzy. — 3i octobre 1889.
Le Vasseur, château de la Pointe, par La Charité. — 27 janvier 1898.
Lhuissier (l'abbé), curé de Champvert . — 28 juillet 1898.
Magnard, industriel à Fourchambault. — 31 juillet 1890.
Manuel (Georges), à Marzy, et 31, rue François-Ic, à Paris. —
25 avril 1895.
M AR AND AT (Henri), à Oliveau, commune de Mars. — 30 mars 1893.
Marcy (Raoul), ingénieur civil à Nevers. — 27 mai 1886.
Marcy QA^j Jean de), chanoine de Lorette, à Lorette (Italie). — 1891.
Marochetti (le commandant) #, conseiller général, château de
Chevannes, par Nevers. — 25 novembre 1897.
Maron (Albert), à Nevers. — • 2 juin 1881.
Masse (François), précepteur, à Corcelles, par Decize. — 1899.
Massillon Rouvet %, Q A., architecte à Nevers. — 25 no-
vembre 1897.
Maumigny (comte de) ^, rue Creuse, à Nevers. — 28 juin i883.
Mazeron (Achille), libraire à Nevers. — 25 juin 1885.
Mazoyer i^y ingénieur en chef des ponts et chaussées, à Nevers. —
27 janvier 1898.
Métairie (Abel), à Fonfaye, par Châteauneuf-val-de-Bargîs. ^ 9 juillet
1874.
Meunier (Paul), avocat, 23, rue du Rempart, Nevers. — 28 novembre
1889.
Meunier (l'abbé), professeur à l'institution Saint-Cyr, à Nevers. —
27 juin 1895.
MiLLiEN (Achille) 4^, © A., à Beaumont-la-Ferrière. -— 14 juin 1860.
Mirault, régisseur à Cours-les-Barres fCher). — 10 janvier 1866.
MiROT-CoGNAT (Léon), archiviste aux Archives nationales, Paris, 23,
rue Denfert-Rochereau, et à Clamecy. — 22 avril 1893.
MONÔT (docteur) *, à Montsauche. — 6 mars 1873.
MoHLER (Paul), juge à Issoudun. — 27 juin 1901.
MoNTAGNON >¥c, à Nevers. — 13 février 1879..
MoNTAGNON ((jabriel), industriel, à Nevers. — 2$ avril 1901.
MoNTHGNiER, à Dompierre-sur-Nièvre. — 29 août 1872.
Montjoye (vicomte de), à Châtel-Censoir (Yonne). — 1899.
MoNTRiCHARD (comte de] ^, château de la Chasseigne, par Saint-
Parize-le-Châtel. — 27 octobre 1881.
— XII —
MM.
MoREAU (Victor), ancien notaire, à Moulins-Engilbert. — 25 no-
vembre 1897.
MoRET DE Nyon (capitaine), à Nevers. — 27 janvier 1898.
MoRLON, conseiller à la cour d'appel, à Bourges. — 5 dé-
cembre 1867.
MouTiLLON (l'abbé), curé de Saint-Martin-d'HeuilIe. — 26 décembre
1901.
Pannetier (l'abbé), curé de Varennes-les-Nevers. -— 29 août 1872.
Pénavaire Q, compositeur de musique, 21, rue Notre-Dame-de-
Lorette, à Paris. — 5 avril 1894.
Perrier (docteur), médecin à La Charité. — 13 novembre 1879.
Philippe (André), archiviste de la Lozère, àMende. — 3i octobre 1901.
Poussereau (Louis), à La Machine. — 30 juin 1892.
Prégermain (Lambert), château de Tintury. — 4 octobre 1877.
(2JJILLIER, notaire à Decize. — 30 décembre 1897.
Rameau (l'abbé J.-B.), professeur à l'institution Saint-Cyr, Nevers.
— 29 mars 1890.
Rasblly (marquis de) , château de Beaumont , par Saint-Pierre-le-
Moûiier. — 2$ juillet 1889.
Renault (Théodore), 3, rue Gerbilon, Paris. — 1899.
RoBELiN (Albert), à Nevers. — 24 novembre 1881.
RoBLiN, à Champvert. — 25 mars 1897.
RosEMONT (Pierre de), château de Vernoil (Loire), et à Nevers. —
2 juin 1892.
Saint-Cyr (docteur Victor), à Léré (Cher). — 30 novembre 1882.
Saint- Venant (de) ^, inspecteur des forêts, à Nevers. — 25 avril
1895.
Saint-Sauveur (vicomte de), à Saint-Firmin, et au château d'Autry,
par Vierzon (Cher). — 26 avril 1894.
Sarriau, rue Treilhard, 4, Paris. — 7 octobre 1880.
Savigny de Moncorps (comte Charles de) ^, château de Fertot, par
Nevers. — 3 août 1854.
Savigny de Moncorps (vicomte René de) #, à Sdllans (Var). —
3 août 1854.
Savigny de Moncorps (la vicomtesse Henri de), château de Poiseux^
par Guérigny. — 26 juin 1890.
— XIIÎ —
MM.
Saulieu (comte Charles de), à Lurcy-le-Bourg, par Prémery.— 24 fé-
vrier 1887.
Sery (l'abbé), chanoine, à Nevers. — 27 octobre 1881.
SouLTRAiT (vicomte Roger de), château de Dornes et à Nevers. —
23 février 1888.
SoTER (l'abbé), curé de Sermoise. — 9 janvier 1873.
SuBERT (docteur), 9 L, à Nevers. — 12 janvier 1865.
Teste, château de Vésigneux, par Saint-Martin-du^Puy. — Février
1885.
Teste (Alexandre), à Lormes. — 27 octobre 1887.
Thonier (Roger), à Saint-Léger, commune de Mars. — 30 mars 1893.
Tiersonnier (Gabriel), au château du Colombier, par Nevers. —
27 juin 1889.
Tiersonnier (Ludovic), château dé la Grâce, commune de Gimouille.
Tiersonnier (Ch.), â Nevers. — 25 avril 1901.
TorroT (Ernest de) , â Nevers. — 6 février 1862.
Trameçon (l'abbé), curé de Montigny-sur-Canne. — 31 janvier 1895.
Tricot, avocat â Nevers. — 27 février 1902.
UsQjJiN (Paul), ancien juge de paix, à Pougues-Ies-Eaux. — 6 avril
1876.
Vallière (Gilbert), imprimeur-éditeur â Nevers. — 23 mai 1889.
Verne (Charles du), à Nevers. — 3 mars 1870.
Verne (Victor du), à Nevers. — 9 janvier 1873.
Verne (Auguste du), â Nevers. — 4 novembre 1880.
Verne (Charles du), château de Poiseux, par Guérigny. — 25 avril
1889.
Vbllenaut (Octave de), â Nevers. — 27 janvier 1887.
— XIV —
SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES
1 Afinistèfe de l'Instruction publique et des Beaux-Arts^ Paris. S exem-
plaires.
2 Commission du répertoire de bibliographie scientifique, 5« bureau
de l'Enseignement supérieur. — Minbtèrede Flnstniction publique.
3 Bibliothèque de la direction des Beaux- Arts, Palais-Royal, à Paris.
4 Société philotechnique, à Paris.
5 Polybiblion, 5, rue Saint-Simon, à Paris.
6 Société littéraire de Clamecy (Nièvre).
7 Société d'émulation de l'Allier, à Moulins.
8 Société historique du Cher, à Bourges.
9 Société des Antiquaires du Centre, à Bourges,
xo Société archéologique et historique, à Orléans.
1 1 Société d'agriculture , belles-lettres , sciences et arts d'Orléans.
12 Société historique du Gâtinais, à Paris, 38, rue Gay-Lussac.
13 Académie de Mâcon.
14 Société éduenne, à Autun.
15 Société des sciences naturelles et historiques de l'Yonne, à Auxerre.
16 Société d'études, à Avallon (Yonne^.
17 Société archéologique de Sens.
18 Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers.
19 Société académique d'archéologie, sciences et arts de l'Oise, à
Beauvais.
20 Société d'études des sciences naturelles de Béziers.
21 Société académique de Boulogne-sur-Mer.
22 Société d'agriculture , de commerce, etc., du département de la
Marne, à Châlons-sur-Mame.
23 Société académique de Cherbourg.
24 Académie des sciences de Clermont-Ferrand.
25 Société d'agriculture, de commerce et d'industrie du département
du Var, à Draguignan.
26 Société d'études des Hautes-Alpes, à Gap.
27 Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, à
Guéret.
28 Société des sciences et arts du Havre.
29 Société havraise d'études diverses, au Havre.
30 Société historique et archéologique de Langres.
31 Société des archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis, â
Saintes.
— XV —
52 Société littéraire de Lyon.
33 Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille.
34 Société des travaux de statistique de Marseille.
35 Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tam-et-Garonne, à
Montauban.
36 Société archéologique de Tarn-et-Garonne, à Montauban.
37 Société d'émulation de Montbéliard.
3jB Société centrale d'agriculture, à Nice.
39 Académie de la Val-d'Isère, à Moutiers (Savoie).
40 Société des sciences naturelles de l'Ouest , au muséum de Nantes.
41 Société des sciences, lettres et arts des Alpes-Maritimes, à Nice.
42 Académie du Gard, à Nimes.
43 Société historique et archéologique du Périgord, à Périgueux.
44 Société des Antiquaires de l'Ouest, à Poitiers.
45 Société archéologique de Rambouillet.
46 Académie de Reims.
47 Société historique et archéologique de Soissons (Aisne).
48 Comité archéolc^que de Senlis, à Senlis.
49 Société académique du Var, à Toulon.
50 Société d'histoire naturelle de Toulouse.
5 1 Société archéologique du midi de la France, à Toulouse.
52 Société des sciences et arts de Vitry-le-Français.
53 Société archéologique de Touraine, rue du Mvedëre, 16 bis, i
Tours.
54 Société scientifique de Beaune.
5 5 Société des BoUandistes, à Bruxelles.
56 Société de l'histoire naturelle , à Colmar.
57 Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace,
ii Strasbourg;.
— XVI —
l'*'
REGLEMENT
DU
PRÊT DES LIVRES DE LA BIBLIOTHÈQJJE DE LA SOCIÉTÉ
i^ Tous les livres appartenant à la Société pourront être
prêtés aux membres titulaires et plus spécialement ceux qui
forment le fonds de Soultrait.
2^ Un registre sera créé à cet effet et divisé en plusieurs
colonnes, contenant le titre et le format de Touvrage, la date
du prêt, le nom de l'emprunteur ainsi que sa signature et
l'évaluation du volume.
S'' Les livres ne seront prêtés que pour un délai maximum
d'un mois, et devront être remis à la Porte-du-Groux. ,
4^ Le bibliothécaire aura seul qualité pour donner et recevoir
les volumes.
5^ Au cas où la lettre de rappel du bibliothécaire serait
restée sans réponse, tout nouveau prêt serait refusé au retar-
dataire.
6** Le plus grand soin est recommandé pour les livres. H y
aurait lieu à indemnité dans le cas où un livre serait détérioré.
BULLETIN
DB LA
SOCIÉTÉ NIVÉRNAISÉ
DES
LETTRES, SCIENCES ET ARTS
DESCRIPTION
DU
CLOCHER a DE L'ÉGLISE DE MARZY
PAR
RENÉ DE LESPINASSE
r
Parmi les petites églises paroissiales qui subsistent
encore, pour l'époque romane, dans les environs de
Nevers, celle de Marzy est peut-être la plus intéres-
sante et, malgré certains remaniements regrettables,
une des mieux conservées jusqu'à ce jour.
Elle mérite d'être décrite dans tous ses détails.
Le village de Marzy, situé sur la pointe de terre
formée par la jonction de la Loire et de TAllier, se
trouve en dehors de tout passage et assez rarement visité
à cause de cet isolement ; mais Tarchéologue qui se
détournera de son chemin sera amplement récompensé
par la vue de ce petit monument exécuté avec le soin
et Télégance les plus recherchés.
Cette première étude, qui sera complétée plus tard
par la partie historique, montrera l'intérêt local de ce
petit coin oublié des environs de Nevers.
X n, 9" série. 1
— 2 —
A Textérieur, la construction^ aux proportions bien
combinées, présente un ensemble très gracieux ; nef
et porche terminé en pignon ; au transept un beau
clocher carré dominant les toitures de deux étages ;
chapelles plus récentes de chaque côté, au nord et au
midi; abside ronde au fond de Tédifice.
Extérieurement, la nef a 26 mètres de long sur
10 de large, le clocher 7 mètres, l'abside 4 m. 50;
longueur totale en dehors, 37 m. 50.
L'édifice est donc de petite dimension, construit par
le trésorier du chapitre de Saint-Cyr pour les besoins
d'une paroisse peu importante, mais d'un ensemble
assez harmonieux pour constituer un ravissant mor-
ceau d'architecture .
Nous ignorons encore la date exacte de la construc-
tion qui doit remonter, d'après ses apparences, à la
renaissance romane du xn® siècle. On y trouve l'arc
aigu mélangé au plein cintre, comme à la grande
église monastique de La Charité, ainsi que les déco-
rations de sculpture qui, malgré leur sobriété, indiquent
une époque postérieure à notre autre église monastique
de Saint-Etienne de Nevers.
Examinons d'abord le dehors. La nef ne mérite pas
l'attention ; deux contreforts à faible saillie soutien-
nent les murs sur toute la longueur ; leur faiblesse
comme le peu d'épaisseur des murs ne laissent pas
supposer l'existence d'une voûte à une époque quel-
conque. L'entrée est formée d'un simple pignon pointu,
sans aucun ornement ; le tympan de la porte en plein
cintre, en claveaux bruts, est refait. De chaque côté
deux petits corbeaux anciens, reposant sur chaque
montant, ont dû supporter la légère charpente d'un
porche. Une petite baie à plein cintre, située au milieu
de la hauteur, en place de rosace, semble ancienne. A
gauche de l'entrée de Téglise, une belle pierre tombale.
— 3 —
dressée sur quatre pieds, sert pour déposer les cercueils
des défunts. Les murs latéraux sont terminés par un
entablement en doucine orné de modillons également
en doucine et d'un joli efEet. Ces pièces doivent être
anciennes tandis que la pointe du pignon et la cou-
verture actuelle en tuiles ont été certainement refaites*
La charpente primitive devait être plus plate. A la
suite d'une destruction par incendie ou autrement on a
donné plus de hauteur et de pente à la toiture et l'on
a engagé la moitié de l'étage de la tour ce qui produit
le plus fâcheux effet à l'œil quand du dehors et du côté
de la nef on regarde le clocher. Cette disposition défec-
tueuse nous paraît inadmissible pour l'état primitif.
La surélévation de la toiture semble s'accorder avec
une réfection de la base des murs qui indique une
reprise de tout l'ensemble, aussi bien de la nef que du
clocher, les entablements et autres ornements exté-
rieurs restant anciens.
Passons maintenant à la tour carrée ou clocher, qui
est le plus beau morceau de l'édifice. Il se compose d'un
rez-de-chaussée formant contrefort et de trois étages,
l'un plein et les deux autres à jour, le tout d'une
hauteur d'environ 20 mètres.
L'évidement des contreforts au-dessus du rez-de-
chaussée et l'ornementation des étages donnent une
grâce réelle à ces petites proportions . La toiture en
tuiles, de forme pyramidale, n'est pas de l'époque,
cependant nous ne croyons pas à 1 existence primitive
d'une flèche en pierre. La couverture actuelle n'est pas
trop écrasée et ne doit pas s'éloigner sensiblement de
la forme ancienne.
On y a mis deux mauvaises lucarnes en bois néo-
gothiques qui déparent absolument la toiture et une
affreuse horloge qui ne marche plus depuis longtemps.
S'il s'agissait d'une réparation il faudrait tout enlever*
— 4 —
La base et les contreforts ont 8 mètres de haut, une
petite baie à plein cintre est située au milieu.
Le premier étage, de 4 mètres de haut, est entière-
ment plein, en bel appareil régulier et lisse, sans aucun
bandeau ni saillie; puis, viennent deux étages de
4 mètres chacun, ornés de fenêtres et d'arcatures d'une
gr&ce charmante ; ces trois étages, par leur contraste,
faisant les uns au-dessus des autres le plus heureux
effet.
Voici les détails de cette ornementation assez com-
pliquée :
Chaque encognure est bien marquée et saillante,
elle est accompagnée d'une colonne ronde qui saillit
d'une demi-sphère ; une autre colonne, en tout sem-
blable, placée au milieu, entre les deux fenêtres, com-
plète l'encadrement. La base des colonnes repose sur
un cordon orné de petits modillons et sur des car-
touches en encorbellement représentant des besans.
Entre ces colonnes plaquées sont de petites fenêtres
géminées en plein ceintre formées de trois colonnettes
avec bases et chapiteaux à feuilles, encadrées elles-
mêmes dans de plus grands arcs.
Au deuxième étage, ces arcs sont agrémentés de
perles et contournent tout le tour du clocher ; le der-
nier étage a les mêmes lignes sans l'ornementation de
perles entourant les cintres des fenêtres. L'architecte
a voulu réunir la masse de ses décorations sur l'endroit
où l'œil se porte instinctivement.
D'ailleurs, l'ensemble est d'ime grande richesse,
chaque façade possédant 8 fenêtres, 12 colonnettes,
trois grandes colonnes garnissant les deux étages, trois
cordons courant tout autour, enfin les arcs, encadre-
ments et corbeaux divers.
Le tout est, hélas I dans un délabrement complet.
r
[
— 5 —
beaucoup de pierres sont encore bonnes mais disjointes
et disloquées. Le côté nord et son rampant en pierre
du rez-de-chaussée est assez en état, mais le midi est
presque méconnaissable, la plupart des pierres sont
gelées, le rampant en pierres est remplacé par un pan
de toiture en tuiles ; de plus, une profonde lézarde à
J'encognure sud-ouest semble faire redouter une chute
de la construction, néanmoins l'aplomb ne parait pas
menacé. Pour éviter la pluie et Tébranlement du vent,
on a bouché en maçonnerie toutes les fenêtres du pre-
mier étage, travail fait grossièrement et dans lequel
plusieurs colonnettes sont engagées.
L'abside accolée à la façade Est de la tour a trois
baies en plein cintre^ refaites en bon style ; elles
reposent sur un cordon ou bandeau taillé en doucine ;
un cordon supérieur exactement semblable contourne
les cintres des fenêtres et tout le pourtour de l'abside.
Entre les fenêtres, deux colonnes demi saillantes, la
base carrée partant du sol et les chapiteaux ornés
l'un de besans et de feuilles d'eau, comme ceux de
l'intérieur ; Tautre de deux palmes posées en croix et
pointillées. L'entablement est soutenu par 17 cor-
beaux assez saillants, très rapprochés, tous ornés avec
grande variété, besans, tête de licorne, serpentin, tête
de chèvre, carrés superposés, tête de mouton, roue,
chat-huant, prismes, carrés, t^te d'ours, besans, tête
de lièvre et trois sortes d'enroulements. Ces corbeaux
assez convenablement conservés, sauf deux ou trois
forment un joli ensemble de sculptures romanes dont
Tart est si original.
La toiture en tuiles, par opposition à celle de la nef,
a été légèrement surbaissée.
Passons maintenant aux détails de l'intérieur et,
pour revenir plus tard à la nef, allons directement
au chœur formé par la coupole du clocher. Une petite
- 6 -
marche le sépare de la nef, les deux contreforts de
chaque angle avancent dans l'église avec môme saillie
qu'à l'extérieur .
L'arc doubleau aigu ouvrant sur la nef est d'une
belle hauteur et marque par sa forme la renaissance
romane du xn® siècle ; il est appuyé sur deux colonnes
et a été armé d'une poutre surmontée d'un crucifix,
par mesure de précaution ou par ornementation mal
comprise.
En face s'ouvre l'arc de l'abside également aigu et
plus bas, faisant^ lorsqu'on regarde l'enfilade de
l'église, la déclivité si gracieuse des petits édifices
romans.
La base de la colonne de gauche est carrée. A plat,
sur les angles, est sculpté un serpent à tête fantastique
et à double queue s enroulant de chaque côté. Le fût
repose sur un gros tore très aplati, il a 3 mètres de
haut et semble sous la peinture être monolythe ou de
deux morceaux au plus. Le chapiteau à corbeille ronde
est formé de feuilles plates à pointe recourbée, celle
du milieu dentelée ; à chaque angle est une face
humaine grimaçante, ayant la bouche démesurément
grande.
La colonne de droite a une base carrée sans sculp-
ture ; le fût semblable à l'autre, avec chapiteau orné de
feuilles plates délignées et dentelées et d'un macaron à
stries au milieu.
Nous nous trouvons dans le chœur, sous le clocher,
formant petite coupole, de 5 mètres carrés d'intérieur
et d'environ 8 mètres de hauteur ; le plafond en demi-
sphère ou calotte appuyée sur des trompes qui retom-
bent gracieusement à chaque angle, accusant nettement
la forme de coupole ; les deux côtés, à gauche et à
droite, sont garnis d'un archivolte à arc aigu reposant
sur deux colonnes et éclairé au milieu par une petite
r
— 7 ~
baie & plein centre ; les colonnes sont à base carrée ; le
fût terminé à la base par un tore aplati et en haut par
un chapiteau de feuilles mélangées d'enroulements et
de besans.
Uarc ouvrant sur Tabside, également aigu et plus
bas, reproduit exactement celui de la nef en sa dis-
position de colonnes : celle de gauche avec le chapi-
teau orné de feuilles et de deux faces humaines grima-
çantes ; celle de droite avec chapiteau de feuilles plates
et rameaux surmontés de besans.
Les besans ou petits carrés se retrouvent un peu
partout au dedans et au dehors, soit par fantaisie de
Tartiste sculpteur soit comme emblème préféré des
bienfaiteurs de Téglise ; sur trois chapiteaux de la
coupole, ils affectent la forme d'un blason placé au milieu
du sommet.
La petite abside, de 3 mètres de profondeur,
élevée de deux marches, donne place au maltre-autel.
Trois jolies fenêtres à plein cintre, reposant sur des
colonnettes à fût entièrement dégagé dans les redans,
la base et le chapiteau finement sculptés de feuilles,
i éclairent Tautei et ornent les murs ; enfin la voûte en
^ berceau, formant quart de sphère, donnent à cet
' ensemble les meilleures et les plus pures conditions
du style roman.
Le maitre-autel, sans caractère ni mérite sculptural,
doit cependant attirer l'attention ; c'est un gros bloc
^ plein, en marbre gris ou pierre très dure à grain très
' fin, ayant la forme d'un sarcophage et reposant sur
: . deux pieds ; il est recouvert de peinture et engagé de
i panneaux et rayons en bois peint derrière et au-dessus.
i L'église de Gimouille possède im autel de même carac-
[" tère.
I Là s'arrêtent, à l'intérieur, les parties restées romanes
I et réellement bien conservées. Le tout a été, sous
1
- 8 —
Tadministration de M. le curé Crosnier décoré de
peintures assez sobres, mais où il se trouve encore trop
de dorures et de tons criards pour ne pas faire contraste
avec Télégance sévère du monument. Néanmoins, le
chœur formant coupole, avec ses deux arcs évidôs, et
les deux arcs pleins de chaque côté, l'abside avec sa
voûte en berceau et ses trois fenêtres, Tornementa-
tion de colonnes et de colonnettes, le mélange des
grands arcs aigus et des petits arcs en plein cintre
des fenêtres, constituent un motif d'architecture de
proportions très réduites mais d'une extrême pureté
de lignes et d'une beauté remarquable.
La nef à l'intérieur n'a gardé aucun caractère roman :
les murs sont nus, sans aucune trace de colonnes ou de
piliers, ce qui nous confirme, comme le dehors, dans la
supposition qu'il n'y a jamais eu de voûtes.
La nef mesure intérieurement 24 mètres de long sur
7 m. 50 de large. L'écartement des murs est main-
tenu par de petites poutres élégamment chanf rénées
et munies d'un tyran, placées à 9 mètres de hauteur
du sol et au-dessus de la pointe de Tare doubleau, de
façon à ne pas nuire au coup d'œil. De chaque côté,
deux petites fenêtres cintrées avec ébrasement, pro-
bablement plus récentes et sans le moindre détail de
sculpture, sont placées très haut éclairant imparfaite-
ment l'espace. Des verrières modernes médiocres et
toutes différentes garantissent des intempéries.
La tribune, moderne, est supportée par deux colonnes
en bois avec simples balustres de bois tourné ; deux
petits bénitiers, imités du roman : l'un en bois, l'autre
en pierre ; fonts baptismaux en plâtre représentant
une porte de style roman ornementé ; contre la porte
d'entrée, une statue en pierre de saint Christophe
portant Notre-Seigneur, d'assez grossière exécution,
du xvp siècle ; enfin, au milieu de la nef, sur le nu des
- 9 -
murs, deux niches en plâtre, de style roman, contenant
des statues de saints.
A la suite de ces objets médiocres se voit une chaire
en bois, style xv« siècle, hexagone à pans coupés,
offrant huit panneaux carrés garnis chacun d'un car-
touche rond présentant une tôte de saint assez fine-
ment sculptée.
Le banc d'oeuvre placé en face est une fine sculp-
ture sur bois du xvi« siècle ; le dossier, à deux étages
de six panneaux, se compose de colonnettes et arca-
tures flamboyantes : les trois de dessous en plein et
ceux de dessus élégamment ajourés formant une den-
telle de sculpture. Par-dessus se trouve un dôme ou
dais gracieusement orné de six clochetons et d'une
galerie gothique.
Deux chapelles latérales ont été ouvertes en avant
du clocher au xvi» siècle, pour donner des places
réservées ou pour augmenter le jour de la nef trop fai-
blement éclairée. Les arcs à nervures gothiques et la
croisée d'ogive formant la voûte reposent sur quatre
chapiteaux en pendentifs terminant un fût de colonne
tronqué.
Deux chapiteaux représentent des feuillages, un
cheval ailé et une série d'enroulements, sujets favoris
du XVI* siècle.
La chapelle du nord, dédiée à la sainte Vierge,
porte une inscription relative à un membre de la
famille Bouzitat, et l'autre à M. le curé Crosnier et
autres bienfaiteurs ; les murs sont recouverts de pein-
tures bleu et or, qui déparent les motifs d'architec-
ture; la grande baie géminée avec arcatures flam-
boyantes possède de beaux vitraux modernes.
La chapelle du sud, dédiée au Sacré-Cœur, offre
des détails de môme style remis à neuf avec plus de
goût dans le ton pierre. On y voit un assez joli groupe
— 10-
en pierre peinte^ représentant un pèlerin, un enfant et
un chien. Le vitrail moderne est mauvais.
A la suite, une autre chapelle engageant une partie
du clocher sert de sacristie où Ton remarque de beaux
meubles .
Le Répertoire archéologique (p. 151) décrit trop som-
mairement, selon nous, ce ravissant édifice, si complet
dans ses modestes proportions.
U Album du Nivernais (planche 63, p. 189) donne
un dessin un peu fantaisiste de la tour dans l'état où
elle devrait être après réparation complète. Une des-
cription assez détaillée (t. I, p. 186) laisse à désirer
sur beaucoup de points en ne faisant point valoir les
rares qualités de la construction. Il existait alors à
l'entrée de l'église « une espèce de porche » où se
trouvait la boiserie du xvi® siècle dont on a fait le
banc d'œuvre, et la st»fue de saint Christophe apportée
de la cathédrale d^ Ne vers. Ce porche a totalement
disparu.
Ce délicieux petit monument de l'époque romane
avait sa place d'honneur parmi nos souvenirs archéo-
logiques. Notre confrère, le vénérable abbé Bogros,
curé de Marzy , espère toujours aboutir à la réparation
si utile et si urgente de sa belle tour carrée ; il aura,
en agissant ainsi, bien mérité des archéologues et
accompli une œuvre digne de sa longue et sainte vie.
Dans une autre étude, nous réunirons tous les actes
relatifs à la partie historique de l'église de Marzy.
fin
» » » ■»
» « » »
* « * *
^-^
- 11 -
LE PÈRE PLACIDE GALLEMANT
ET
LE COUVENT DES RÉCOLLETS
DE NEVERS
Je m'étais d'abord proposé, en vue de préparer les
membres de la Société nivernaise à la visite de ce qui
reste de cet ancien couvent, un travail très court —
le cadre tracé se renfermait dans une explication som-
maire du couvent — et je n'ai pas su m'y borner...
Les notes et observations se sont accumulées. Des
parties du couvent que je jugeais de prime abord sans
intérêt — par exemple les jardins — se sont révélées
sous un aspect inattendu ; en chemin, j'ai aussi ren-
contré des détails ou faits nouveaux, des erreurs et
inexactitudes qui étaient à signaler et à redresser.
Dans tout cela, que me déciderai-je à retrancher ? —
Rien, pas un pouce, pas une ligne : je me fais l'illusion
d'avoir écarté les inutilités.
Cette appréciation personnelle, qui peut paraître de
la présomption, fait sourire et trouve en même temps
son excuse dans l'attachement à la case, de la part
d'un habitant de la cour des Récollets, qui écrit pro
domo.
La présente étude se divise en deux parties :
I
La première comprend la visite de l'église, de la
maison conventuelle et des dépendances.
La seconde donnera un aperçu de la vie et des
événements du couvent.
— 12 -
Comme il n'entre pas dans mon cadre de faire l'his-
torique du premier couvent des Cordeliers, établi au
faubourg de la Chaussée, je me borne à rappeler sa
fondation par la comtesse Yolande de Bourgogne, entre
1270-1280, et son transfert au château de Gloriette
après moins d'un siècle, en 1363.
Ceux qui désirent plus de détails sur les origines
de la fondation des Cordeliers ou Frères Mineurs de
Nevers, peuvent consulter Mff' Crosriier {Congréga-
tions religieuses d* hommes du Diocèse de Nevers), et
Parmentier (Archives de Nevers, tome II).
La règle de saint François est fondée sur la pau-
vreté : « Le Franciscain doit vivre au jour le jour du
pain de l'aumône et ne rien posséder sous le soleil ».
Combien elle fut florissante à l'époque de foi qui la vit
naître I Dans la suite, des mitigations furent apportées
pour assurer la subsistance des Frères, tandis que,
parmi les disciples du saint fondateur, les fervents,
épris des charmes d'un renoncement et d'un dépouille-
ment absolus, continuèrent de pratiquer l'observance
primitive; toutefois, môme dans cette branche, la
difficulté des temps introduisit, sinon un relâchement,
du moins des modifications dues à la force des choses.
Une réforme de l'Observance môme s'imposait; aussi,
entre les années 1500 et 1538, de petits groupes isolés
surgirent de tous les côtés, en Italie, en Espagne, et
en France; les religieux demandaient simplement â
s'associer pour mener une vie plus pauvre et plus recueil-
lie, RECOLLECTi. Dovenus de plus en plus nombreux, ils
réclamaient des gardiens et des ministres provinciaux
pris dans leurs rangs. Ainsi s'opéra la réforme des
Franciscains Récollets, qui fut unifiée et approuvée
par les Souverains Pontifes.
- 43 -
Le couvent de Nevers fut le premier de la province
de France qui reçut ces religieux. Ils y entrèrent le
7 septembre, au nombre de 7, et le 17 du môme mois,
la communauté commença à chanter solennellement
l'office divin. — L'installation était bien appropriée,
vaste, pourvue des dépendances nécessaires et surtout
d'une magnifique église.
L'accueil de la ville fut très bienveillant.
La faveur du duc de Nevers, Louis de Gonzague,
était acquise à l'avance aux bons Pères (1) ; un mem-
bre de sa famille, François de Gonzague, avait été
ministre de leur ordre ; il était alors évoque de Mantoue
et vint ensuite en qualité de légat auprès du roi de
France.
Après ce préambule nécessaire, arrivons à la visite
du couvent. Nous commencerons par l'église.
§ P'. — L'église.
L'église remontait à la fin du xiv* siècle ; elle était
belle et vaste (2).
M. Morellet dit qu'il n'en reste plus qu'un mur
masqué par des constructions nouvelles (3).
M. de Soûl trait mentionne un vieux pignon encore
debout, et une petite porte à colonnettes et à chapi-
teaux ornés de feuillages, et il cite, d'après le Recueil
(1) Dans la suite, les ducs de Nevers témoignèrent aux Récollets une
égale bienveillance pour les fondations des couvents de Glaniecy et de La
Charité, et même en dehors de la province du Nivernais; le couvent de
Ghàlons (sur Marne) fut 1 objet des faveurs du dnc Charles de Gonzague»
« favente cum primis Carolo Gonzaga, Nivemensium et Retellensium
duce lothis tune Campanim Gtibematore >. (P. Gajxehant, page 148,
Provincia Saneti-Dionysii).
(2) Sainte-Marie, Recherches historiques sur Nevers.
(3) Album du Nivernais, tome H, page 127.
-14 -
d'inscriptions de Gaignières, les épitaphes du
caveau (1).
Mff' Crosnier donne le vocable des huit chapelles.
Et voilà tout ce que les auteurs nivernais disent de
l'église en tant qu'édifice.
Comme matériaux de reconstitution, les docun^ents
des auteurs nivernais sont donc maigres, de même
que les restes de construction subsistants. J'ai pu faire
des observations personnelles assez importantes et
d'autre part, un ouvrage d'un père Récollet m'a été
d'un précieux secours; il est intitulé : « Provincia
S** Dionysii, F. M. Recollectorum in Galliâ, Cata-
launi (Châlons) 1649. Auctore Pâtre Placido Galle-
mant ejusdem provincise diffinitore ». C'est un recueil
abrégé, 250 pages, in-12, de tout ce qui se rapporte à
la fondation, à l'état actuel (pour son temps) et aux
titres de gloire des couvents de cette province.
Quel guide plus autorisé pouvions-nous désirer?
Une affection privilégiée a dicté les pages consa-
crées au couvent de Nevers, pour deux motifs : qu'il
a été le berceau de l'ordre en France et que l'auteur
ne peut oublier la dette de reconnaissance de son
Ordre à l'égard des princes de Nevers.
Je vous montrerai d'abord un fragment notable du
chevet de l'église, et vous vous demanderez comment
il avait passé inaperçu.
A gauche, en entrant dans la cour des Récollets,
vous avez devant vous un mur en pierre de taille
avec socle en saillie, entre deux contreforts engagés
dans des constructions modernes ; c est le chevet de
l'église qui était à pans coupés ; il ne reste pas de
façade de la fenêtre de l'abside, car la maçonnerie du
(1) Guide archéologigxie dans Nevers^ page 59.
- 15 -
mur a été percée ponr l'ouverture de fenêtres d'appisr-
tement.
Du même endroit où nous sommes, dans la cour,
à droite du chevet nous voyons se dresser le pigùon
mentionné par M. de Soultrait.
Dès lors,prenant le milieu du mur du chevet jusqu'au
prolongement de la ligne du pignon (qui est un côté de
I!église), nous avons la moitié de la largeur exacte de
la nef, soit : pour la largeur totale a 6 toises 3 pieds »,
épaisseur du mur comprise et 6 mv 30 en œuvre.
On remarque aussi un fragment de nervure prisma-
tique de la voûte de l'abside qui part de l'angle, pour
former la croisée d'ogive de l'abside.
Curieux d'avoir sous le regard toute la partie du bas
du pignon, je pus arriver d'une chambre haute du
voisinage à pouvoir l'examiner convenablement. Dans
la muraille, tout en pierre d'appareil, à 4 ou 5 mètres
du sol il y a deux belles fenêtres, actuellement murées,
à l'effleurement des formes et meneaux qui en garnis-
saient l'intérieur ; meneaux et dentelles de la pointe
gênaient le maçon qui les fit disparaître d'un coup
de marteau.
Ces deux fenêtres sont espacées également avec
l'autre fenêtre, dont on voit un montant, comme il en
sera parlé bientôt. Je pensais voir des traces de
colonnes sur les murs ; il n'en est rien. La travée du
pignon est d'une largeur double des travées ordinaires .
Intérieurement et extérieurement, les murs sont en
pierre d'appareil.
Traversant le logement du rez-de-chaussée de la
maison Hainaut, nous arrivons dans un jardinet d'où
nous verrons une partie de la face extérieure du
pignon. Ici encore des observations nouvelles :
1** Un contrefort qui monte jusqu'au-dessous des
modiUons ;
- 16 -
2* Une suite de modillons qui formait une cou-
ronne au moins tout autour du chœur ;
3° Un fragment de fenêtre, à distance et hauteur
égale percées dans le pignon.
L'église a été commencée, non en 1381, comme le
dit M. de Sainte-Marie dans ses Recherches histo-
riques, mais en mars 1371, date où l'on commença de
creuser les fondations de Télégante église que nous
voyons maintenant (1). En effet, comment expliquer
cette donation de, 100 florins ad scutum par Philippe
d'Arbois, évoque de Tournay, mort en 1378, qui
donna cette somme au commencement de la construc-
tion et qui dans la suite fit une nouvelle largesse?... (2)
La donation du terrain pour bâtir l'église est datée
de Bourges 3 septembre 1362 (3).
Par la sacristie, à laquelle nous reviendrons, sans
plus tarder, entrons dans l'église.
Pour commencer nous sommes quelque peu surpris ;
la disposition intérieure n'est pas celle des églises ordi-
naires : l'autel est à une assez grande distance de
l'abside; entre cet espace et les deux rangées de
stalles des religieux s'élève le magnifique tombeau de
la comtesse Yolande. Nous sommes dans le chœur
réservé aux Pères.
Les Frères Mineurs y avaient transporté de leur
ancien couvent les restes de leur fondatrice et son
épitaphe gravée sur une grande table de marbre noir
(1) p. Gallemant, p. 86.
(2) md., p. 87.
(3) 1362, 3 septembre : à Bourges, Louis, comte de Flandre, duc de
Brabant, comte de Nevers, « en suivant la piété de ses ancestres et voyant
» les Frères mineurs de la ville de Nevers n'avoir aucune église, leur
B octroyé place en T'hostel de son chastel de Nevers et es circonstances
» et appartenances d'iceluy, pour y fonder et édifier leur église ». {Inven-
taire de MaroUeSf page 500.)
- 47 -
qu'on voit encore, dit Parmentier, derrière le maître-
autel. Le P. Gallemant nous décrit ainsi « le magni-
fique tombeau » de la comtesse Yolande :
« Le monument, placé au milieu du chœur, derrière
le maître-autel, s'élève de deux coudées au-dessus du
sol; il est en beau marbre artistement ciselé, avec
TeflBgie couchée de la comtesse. L'épitaphe, qui a subi
en certains endroits Tusure du temps, se compose de
treize vers qu'il reproduit :
ÉPITAPHE DE LA COMTESSE YOLANDE
HIC JACET, UT CEHNIS, LAPIDIS SUB PONDERE GRANDIS,
QUONDAM NIVERNIS COMITISSA POTENS YOLANDIS :
JUSTA FDIT, STABILIS, CONSULTAQUE, MmS, HONESTA,
COMPATIENS, HUMILIS, SAPIENS, DEVOTA, MODESTA :
EJUS NEC METRA COMPENSANT LAUDES, NEQUE PETRA.
SIT PROCUL A TETRA CALIGINE, REGNET IN iETHRA '.
MOESTIS SOLAMEN ERAT HMC MISERISQUE JUVAMEN.
SIT SIBI SOLAMEN TRINUS ET UNUS, AMEN.
BIS CENTUM, MILLE, SEPTEM DECIES, NOTAT ILLE,
ATQUE DECEM, CLARE QUI VULT SUA FATA NOTARE,
FERIA 2, JUNIO, TOLLITUR E MEDIO.
HXC QUOQUE QUI VIDET, ORANDO JUVAMEN El DET,
VISU, GHRISTE, TUO POSSIT UT IPSA FRUI.
AMEN. (1)
(1) P. Gallemant, p. 90.
T. iz^ 9* série. Ht
— 18-
Voici la traduction de cette épitaphe :
Ici gît, comme tu le vois, sous le poids de cette haute pierre,
Yolande, autrefois puissante comtesse de Nevers,
Elle fut juste, ferme et de bon conseil, douce, honnête,
Compatissante, humble, sage, dévouée, modeste :
Ni ces vers ni cette pierre ne pourraient justement
redire ses louanges.
Loin d'elle soient les ténèbres profondes, qu'elle règne
au plus haut des cieux !
Elle était la consolation des affligés, le secours
des malheureux.
Que la Trinité sainte soit sa consolation. Amen.
Qui veut clairement compter les jours de sa destinée
Devra noter deux fois cent, mille, dix fois sept
en y ajoutant dix.
C'est en la deuxième férié de juin qu'elle fut enlevée
du milieu de ce monde.
Que celui qui lit ces lignes lui accorde le secours
de sa prière.
Et qu'il puisse comme elle, 6 Christ, jouir de ta vision
éternelle I
Guy-Coquille, dans son Histoire de Neoers, avait
reproduit l'inscription, mais avec une faute au
cinquième vers : caperent au lieu de compensant. Ce
passage était sans doute presque effacé par l'usure ; la
plaque de marbre au couvent de la Chaussée, incrustée
dans le sol, s'altérait insensiblement.
On peut voir au musée de la Porte-du-Croux la
sculpture de l'effigie couchée de la comtesse Yolande.
Il est intéressant de raconter sa découverte.
Au mois d'août 1879, en faisant des travaux de
réparation d'une maison, située sur l'emplacement de
l'église des Récollets, on découvrit de magnifiques
débris de sculpture ; ces fragments qui se retrouvèrent
presque tous avaient servi, en guise de moellons^ à
— 19 —
maçonner une baie dans le mur latéral. Le propriétaire,
M. Ligeron, a consenti à les offrir gracieusement au
musée de la Porte-du-Croux. Ils correspondent bien à
la description, par le P. Gallemant, du tombeau élevé
au milieu du chœur, « en très beau marbre noir, avec
Teffigie couchée de la comtesse Yolande » .
Ceux qui ne seraient pas à même de visiter cette
belle sculpture qui couronnait le tombeau, seront au
moins im peu dédommagés par la description qu'en a
faite M. Bouveault, architecte : « La statue couchée,
en marbre noir, est de grandeur naturelle. La comtesse
est vêtue d'une longue robe dont l'un des plis retombe
sur le bras gauche. Les deux mains jointes et posées
en avant de la poitrine lui donnent l'attitude * de la
prière. La tête, parfaitement sculptée, intacte, n'a pas
de couronne ; des bandelettes et un voile entourent le
visage et viennent se réunir sous le menton. Les yeux
ouverts donnent à la figure un aspect doux et vivant.
La tête était abritée par un dais richement sculpté ».
Assurément, ce monument ne date pas du temps
qui a suivi immédiatement la mort de la fondatrice du
couvent de la Chaussée, 1281. Il faut donc admettre
que les restes de la comtesse Yolande ont été transpor-
tés dans le nouveau couvent, et non le tombeau entier,
qui pouvait avoir subi des mutilations par suite des
guerres avec les Anglais. En tout cas, ce qui reste
du monument funèbre indique bien dans ses détails
au moins le milieu du quatorzième siècle.
Le chœur d'assez vastes dimensions, avec l'autel en
avant, n'est pas un fait insolite; au contraire, cette
disposition est ordinaire dans les églises de religieux
où les fidèles sont admis et peuvent, de la nef qui leur
est réservée, entendre la psalmodie, jouir des cérémo-
nies et s'édifier de la parole divine.
M. de Sainte-Marie énonce une chose inexacte en
disant que les connaisseurs admiraient le tableau du
maître-autel. Il donne à entendre que l'autel était
rapproché du fond du chevet, et que ce tableau de
valeur le surmontait. Or, d'après le texte très clair du
P. Gallemant, qui décrit ce qu'il a vu, l'autel était
bien plus rapproché du milieu de l'église, en avant du
chœur des religieux ; car le beau sépulcre de la com-
tesse Yolande s'élève au milieu du chœur, derrière le
maltre-autel : « Extat in medio chori, pone altare
majus.., nobile sepulcrum Yolandis comitissœ (1).
Sans nier l'existence de ce remarquable tableau, il
faut lui assigner une autre place, que je ne me charge
pas de déterminer.
Le maître-autel est dédié, de même que l'église, à
Tous les Saints ; il a été élevé aux frais de la confrérie
de ce nom, qui contribua à la construction de ce bel
édifice (2).
Pour la question de patronage de l'église, nous nous
en rapportons de préférence à notre auteur qu'à Par-
mentier, qui pourtant affirme qu'elle fut dédiée aux
apôtres saint Pierre et saint Paul, dont on voit des
images partout, et non pas, comme on le croit, à Tous
les Saints ; car aux semi-doubles on en ferait mémoire,
et on ne le fait pas. — Parmentier, au lieu de s'engager
bien à l'aventure dans ce cas de liturgie, aurait bien
mieux fait de questionner un père Récollet, qui l'aurait
renseigné sûrement et dans le sens du P. Gallemant,
L'autel, éloigné de l'abside et rapproché de la nef,
atténue la longueur de l'église, et met en équilibre les
proportions de l'édifice en lui imprimant un caractère
particulier de grandeur, de piété et de recueillement.
C'est ainsi que le plan primitif a été conçu.
(1) p. Gallemant, p. 9i,
(2) nnd., p. 88.
— 2i -
Continuons la visite de l'église.
Les chapelles que nous aurons à examiner, ont été
ajoutées à plus de deux siècles d'intervalle.
c Dans le pourtour de l'église, on compte huit cha-
pelles, cinq du côté du cloître et trois de l'autre côté,
dont deux, celle du Saint-Sépulcre et celle de Saint-
Jérôme, furent construites grâce aux aumônes des fidè-
les, et surtout aux largesses de la très excellente princesse
Charlotte de Bourbon. Dans la suite, elles furent
ornées d'élégantes peintures et de statues ou sculptures
{picturis et imaginibus), par la pieuse duchesse Marie
d'Albret » (1).
L'Album du Nivernais dit que la belle sculpture de
la Chasse de Saint-Hubert, dans l'ancienne maison du
docteur Le Blanc Bellevaux, n^ 26, rue Saint-Martin,
provient de la chapelle du Saint-Sépulcre. Aurait-elle
été donnée par Marie d'Albret ? C'est xme représenta-
tion qui répond bien au mot imaginibus.
Tandis que saint Hubert se livre à son plaisir favori,
tout à coup, se tourne vers lui le cerf qu'il poursuivait.
L'animal est tranquille comme s'il ne courait aucun
danger ; il s'avance gravement, la tôte haute, le front
calme, portant entre ses cornes un crucifix resplendis-
sant. A cet aspect, les chiens haletants s'arrêtent,
saint Hubert tombe à genoux et son piqueur le regarde
étonné.
La troisième chapelle, dédiée à Notre-Dame de
Lorette, fut b&tie aux dépens de Léonard du Pontot,
bailli de Nevers.
La première chapelle du côté du cloître, sous le
vocable de saint Bonaventure et des deux saint Jean,
fut élevée par le même Léonard du Pontot.
(1) P. Gallemant, p. 88.
- 22 —
La deuxième, par une dame de La Chôze, en l'hon-
neur de saint Alexis.
La troisième, de Tlmmaculée-Conception, a pour
fondatrice Tillustrissime princesse Marie d'Albret.
La quatrième a été bâtie par le seigneur de Bussière,
en ex-voto à Notre-Dame de Pitié.
La cinquième, par la dame de Nanvigne, veuve de
feu Guillaume Zenon, à la gloire de sainte Marie-
Madeleine et de saint Christophe (1).
Revenons à la chapelle du Saint-Sépulcre, où il nous
reste :
1« A voir, — toujours d'après le P. Gallemant, —
« le grand mausolée en marbre blanc, incrusté de por-
phyre, qui ne redira jamais assez la gloire des ducs de
Nevers et leur bienveillant intérêt pour notre église ».
29 A nous demander : pourquoi ce monument dans
cette chapelle plutôt que dans une autre ? Or, le P. Gal-
lemant nous en indique ailleurs la raison : c'est que,
sous cette chapelle du Saint-Sépulcre, est creusé un
caveau destiné à la sépulture des ducs de Nevers. Les
restes de plusieurs membres de leur famille y repo-
sent, dont les épitaphes nous font connaître les noms :
je ne reproduis pas les inscriptions pompeuses ; je me
bornerai à indiquer les personnages avec les dates de
décès :
Prince Engilbert de Clèves, comte de Nevers, d'Eu,
d'Auxerre, mort le 21 novembre 1506.
Prince Charles de Clèves, fils d'Engilbert et de
Charlotte de Bourbon.
Prince Louis de Clèves, mort à Amiens, le 24 sep-
tembre 1545.
Princesse Marie d'Albret, morte à Paris, en son
palais, le 17 octobre 1549.
(1) P. GiaLEMANT, p. 89.
— 23 —
Marie de Clèves, fille de François de Clèves, épouse
du très excellent prince de Condé, morte à Paris, au
mois d'octobre 1574.
A la suite de ces épitaphes, Gaignières ajoute que
dans le fond de la cave, du côté des pieds des sépul-
tures (c'est-à-dire au levant), est l'image de Notre-
Dame des Vertus, et ces inscriptions étaient accom-
pagnées d'un plan du caveau qui nous aurait été très
précieux (1).
n est certain que l'église n'a pas été agrandie à
partir des chapelles, y compris la continuation de la
nef ; s'il en eût été ainsi, l'addition devenait, par là
môme, plus considérable que la partie primitive, et dès
lors une nouvelle consécration devenait nécessaire,
comme nous l'avons vu pour l'église des Jacobins —
en vertu de cet axiome : major pars trahit ad se minjCH
rem ; — or il n'y eut pas lieu à une nouvelle consécra-
tion, ce qui est la preuve de la simple addition des
chapelles.
Une récente découverte vient corroborer ce plan
d'église si allongée : le 32 mars 1900, des ouvriers
pratiquaient, pour la conduite des eaux, une fouille
dans le parterre d'entrée du Crédit Lyonnais qui
occupe l'emplacement de la nef et des chapelles ; ils
avaient fait une excavation d'environ un mètre de pro-
fondeur, sur un mètre carré. En passant devant la
porte d'entrée, je vois les ouvriers, je remarque sur le
bord de la fouille des pierres en forme de dalles, et à
l'intérieur de la fouille, par côté encore, quelques
dalles à environ 0 m. 50 de profondeur, elles étaient
posées sur leur lit de mortier, c'est-à-dire non dépla-
cées ; par-dessus il y avait des pierres pôle-mèle comme
dans un éboulement : croyant voir, dans Tune d'entre
(1) Grnde Arch, dans Neven.
— 24 —
elles, l'œuvre du ciseau, je la fais dégager. C'était un
fût de colonne de la nef Il porte les caractères du
XIV* siècle.
L'église est donc de dimensions considérables, sur-
tout en longueur. Comme il a été dit plus haut^ elle a
été commencée en 1371.
Les chapelles sont du commencement du xvi« siè-
cle. Alors fut conçu un plan d'agrandissement, que
contribuèrent à réaliser, la magnificence des princesses
de Nevers, la générosité des seigneurs et les quêtes
des fidèles.
Pour fixer l'époque approximative des nouvelles
constructions, je placerai en regard des noms des fon-
dateurs les dates connues de leur mort ou de leurs
fonctions :
Charlotte de Bourbon, veuve en 1506, d'Engilbert
de Clèves, se retira en 15... au couvent de Fontevrault
où elle fut inhumée .
Léonard du Pontot> fut bailli de Nevers de 1533 &
1525. (Parmentier).
Dame de La Chèze...
Marie d'Albret, en 1506, épouse de Charles de Clè-
ves, meurt en 1549.
Dame de Nanvigne, veuve de Guillaume Tenon.
Jeanne de la Tillaye, veuve de Guillaume Tenon,
seigneur de Nanvigne, rend hommage, en 1526, au
comte de Nevers pour divers biens (1).
L'addition des chapelles remonte donc au commen-
cement du xvv siècle, mais successivement, à quel-
ques années d'intervalle. Plus tard, dit le P. Gallemant,
c'est-à-dire pas aussitôt après leur construction, Marie
d'Albret, qui mourut en 1549, orna d'élégantes pein-
(1) Inventaire de» titre» de Nevers, de Tabbé dç MaroUes, p. 223.
— 35 -
tares et de sculptures les chapelles du Saint-Sépulcre
et de Saint- Jérôme. '
En 1515 elle était déjà construite. Par son testament,
Charlotte de Bourbon donne 1,200 livres pour l'édifice
et façon d'une sépultiure, sur le lieu où est inhumé
Engilbert de Clèves.
« 1515, 27 mai, à Fonte vrault. Testament de Char-
lotte de Bourbon, fait à l'abbaye de Fontevrault, où
cette princesse dit vouloir demeurer pour vivre reli-
gieusement le reste de ses jours. Elle laisse à ses fils,
par égale portion, tout le bien qu'elle peut avoir au
comté d'Auxerre et les arrérages à elle dus, à cause des
2,000 livres de rente données par le roi Charles VII.
Elle donne... ; item, 1,200 livres pour employer à
l'édifice et façon d'une sépulture sur le lieu où est
inhumé Engilbert de Clèves, comte de Nevers, en
l'église des Cordeliers, de Nevers (1) ».
Pendant que nous sommes dans l'intérieur de Téglise,
toujours guidés par le P. Gallemant, nous entrerons
dans la sacristie, du côté du cloître, pour y vénérer
de précieuses reliques dont les principales sont :
« l*»Dans une croix d'argent, une parcelle considéra-
ble de la vraie Croix ;
» 2*» Une épine de la couronne qui ceignit le front de
Notre-Seigneur dans sa Passion, renfermée dans im
reliquaire couvert de soie rehaussée d'or ;
» 3® Dans un bras d'argent, \m os presque entier du
bras de saint Alexis.
» n y a aussi d'autres reliques moins insignes (2) ».
M. de Flamare, archiviste de la Nièvre, a trouvé
dans les minutes de maître Minard, notaire à Moulins-
Engilbert, l'acte de donation de ces reliques aux Pères
(1) IfwefUcdre de$ titres de Nevers, de Tabbé de MaroUes, p. 21.
(3) P. GAixEMAirr, p. 89.
-26 —
Récollets. Il en a pris la copie, que je reproduis en
son entier :
« Par devant et en la présence de Claude Prévost,
notaire royal au bailliage de Sainct-Pierre-le-Moustier
et tesmoings ci-apprès nommés : Révérend Père Au-
gustin Andrie, gardien du couvent des Révérendz
Pères Récoletz de Nevers, Révérendz Père Denis
Le Telier, François Triquet et Ambroize Catuz, reli-
gieux dudict couvent ont recogneu et ad voué avoir receu
de la pure grâce et bienveillance de Pierre de Ber-
thelon, escuier, seigneur de La Forest et La Cave en
partie, et de feu Gilbert de Berthelon, vivant escuier,
sieur de ladicte Cave, dévotz de sainct François, ledict
Pierre de Berthelon demeurant audict lieu de La
Foretz, parroisse de Savigny-sur-Canne, présent et
acceptant les reliques suivantes : premièrement, une
particule de la Vraye Croix de Nostre-Seigneur ; plus
une espine entière de sa vénérable couronne ; plus une
pièce assez notable du sacré chef de sainct Jehan-
Baptiste ; plus une partie de coste de sainct Maurice,
martir de la Légion Thébaine, pour estre, s'il se
pouvoit faire, honorés et respecter, audict couvent,
comme elles méritent. Et par ce mesme moien, ledict
sieur Pierre de Berthelon et damoiselle Marie du
Plesseys, vefve dudict deflfimct sieur de La Cave,
aussi présente, assistée de Jacques de Veilhan, escuier,
seigneur d'Avrigny, à présent son mari, ont dit, juré
et affirmé ausdictz Révérendz Pères, es mains dudict
notaire, tenir lesdictes reliques de feu damoiselle Marie
Petit, belle-mère desd. de Berthelons qui les avaient
reçeuz en présent d'ung sien oncle jadis doyen de la
Saincte-Chapelle de Paris. En recognoissance de
laquelle délivrance lesdictz Pères religieux ont vouUu
et veulent par ces présentes que lesd. de Berthelons
et les leurs ensemble, ladicte du Plesseys soient randuz
ÉeUSE DES R^COLLETS, A NEVERS
_ Lavis de Martel lange, vers 1615.
(Sesîin de MC^WAiitr tfFituttrJ
y
- 27 —
participans comme associez à TOrdre, de tous les sacri-
fices, comunions, suffrages et prières qui se feront
audict couvent, dont moy notaire susdict ay, ce requé-
rant les susdictz, dressé le présent acte pour servir à *
Tadvenir, de ce que de raison, audict couvent de
Nevers. Après midi, le sixième jour de novembre Tan
mil six cens trante-trois, es présence de François de
Lanty, escuier, seigneur de Maulpertuis, demeurant
au Meuble, paroisse de Boulon, païs de Bourbonois, et
Louys Cartin, couvreur d'ardoize, et Anthoine Bar-
bault, aussy couvreur d'ardoize, demeurantz audict
Nevers, tesmoings à ce requis et appelez et qui ce sont
soubsignez avec les parties.
9 P. de Berthelon, » F. Augustin, gardien indigne du
» F. de Lanty , couvent des Récolletz de Nevers
» MarieduPlesseys, » Frère Denis Le Tellier, récollet.
» Jehan de Veilhan, » F. François Tricquet, récollet,
)) C. Prévost, )) F. Ambroise Catheu,
» Anthoine Barbault,
» Loy Cartuin.
» Scellé led. jour ».
D'anciens ornements étaient aussi conservés à la
sacristie en souvenir de Marie d'Albret, insigne bien-
faitrice du couvent.
« 1534, 9 juin, au châtel de Nevers. Testament de
Marie d'Albret, comtesse de Nevers, laquelle élit sa
sépulture en l'église des Frères mineurs de Nevers,
dans la chapelle et au lieu où est son époux. Elle veut
que son cœur soit inhumé à Saint-Cyr... ; elle fonde
un anniversaire en lad. église des Frères mineiurs, pour
— 28 —
le jour d6 saint Jérôme et lui donne 100 écus d'or et
tous les ornements de sa chapelle... (1) »
Dans notre visite de l'église, outre le tombeau de la
comtesse Yolande avec sa longue inscription sur plaque
de marbre noir et les épitaphes du caveau des ducs des
Nevers, nous avons foulé de nombreuses dalles avec
des croix gravées et inscriptions en bordure ; nous
avons remarqué une grande pierre tombale provenant
de l'église, au millésime de 1597 et fragments de lettres
illisibles (servant de pierre à évier chez Mlle Hainaut) ;
une autre sur laquelle on déchiffre avec peine le nom
de Marguerite de Fontenay (dont nous trouverons le
nom ailleurs) ; l'inscription qui recouvre le cœur de
Biaise de Lamoignon ; deux grandes plaques de pierre
encastrées dans le mur, aux armes de Chastellux entou-
rées de feuillage et surmontées d'un heaume de cheva-
lier. Les beaux caractères gothiques dont elles sont
chargées, étant à l'abri du pied qui efface à la longue
tant de souvenirs confiés à la dalle, relatent les détails
d'une fondation du chevalier Claude de Chastellux
qui demande « à toujours et perpétuellement la célé-
bration toutes les semaines de l'an de deux messes à
voix basse ; item à toujours mais perpétuellement ime
procession avant la grand'messe cothidiaine. . . avec
letanie a chant et a haute voix et à la fin d'icelle
letanie, les colectes pertinens et accoustumiée3...(2))).
Comme l'élargissement de l'église, d'après le plan
de 1759, offre à droite et à gauche les mômes dimen-
sions à partir des chapelles, on se demande comment
il n'y en a que trois d'un côté et cinq de l'autre.
Du côté où il n'y en a que trois correspondant aux
cinq de l'autre côté, il faut admettre que deux des
(1) Inventaire des titres de Nevers, p. 23.
(2) Aaz faits historiques, voir la charte analysée, à Tannée 14S7*
- 29-
trois chapelles sont d'une largeur double. Cela se
conçoit, d'ailleurs, que la chapelle du Saint-Sépulcre,
la plus rapprochée du chœur, ne peut être de la dimen-
sion des chapelles ordinaires ; car, elle reproduit la
grandeur du caveau des sépultures des princes niver-
nais, placé directement au-dessous, et elle contenait
im monument qui était loin d'être mesquin, « le grand
mausolée en marbre blanc » élevé à la gloire des ducs
de Nevers. Une des chapelles du môme côté sera éga-
lement double. C'est la seconde, d'après un dessin de
Martellange, de la Bibliothèque Nationale.
Des cinq chapelles correspondant à trois seulement,
j'avais conclu, à bon droit, que deux étaient doubles
en grandeur et que le bas de l'église se composait de
cinq travées.
lia grande vue du Palais ducal, par Martellange,
en 1615,' nous représente l'église des Récollets; cet
édifice religieux, à l'angle du dessin général, pour être
traité moins en détail, est fidèlement représenté. Cette
copie est extrôment intéressante, avec le mur de
clôture à créneaux arrondis .
Dans le cadre formé par le fronton, au-dessus de
la petite porte, apparaît une partie saillante qui, à mon
avis, représente en relief les deux mains stigmatisées,
armoiries de l'Ordre Franciscain.
La petite porte conduit au portail de l'église ; la
façade du portail est ajourée d'une splendide fenêtre
à trois meneaux ; les contreforts à clochetons indi-
quent la largeur de la nef ; deux fenêtres d'égale
grandeur, à deux meneaux, correspondent aux deux
grandes chapelles, et la troisième, plus près du portail,
moitié moins large et simple, c'est-à-dire sans
meneaux, éclaire la petite chapelle.
Qu'il me soit permis d'offrir ici mes humbles remer-
ciements à M. G. Rohault de Fleury, qui m'a proposé
-so-
ie plus aimablement possible de reproduire la partie
du dessin de Martellange représentant l'église des
Récollets ; c'est la copie à la plume du distingué
archéologue que j'ai l'honneur de mettre sous vos
yeux.
Le détail d'un accident arrivé aux vitraux donne
à supposer qu'ils étaient de verre blanc avec peut-
être une simple bordure de verre de couleur :
« 1629, ordonnance de paiement aux Pères Récollets,
pour raccommoder les vitres de leur église, cassées par
les canons tirés dans la grande cour du château, le jour
du feu de joie de la prise de La Rochelle (1) ».
La sacristie commimiquait directement avec l'église
par une porte intérieure percée dans un mur très
épais, 1 m. 40 ; c'est celui surmonté du pignon. Dans
cette ouverture, condamnée plus tard, on a trouvé les
fragments du tombeau de la comtesse Yolande.
La porte extérieure, occidentale, de la sacristie est
la porte avec colonnettes sculptées mentionnée par
M. de Soultrait. Elle est du xiv® siècle. Son ornemen-
tation, qui n'est pas celle d'une porte ordinaire, et son
voisinage de l'église indiquent la destination de
sacristie dans la pièce à laquelle elle donne accès, —
« ci-devant sacristie » (2).
En sortant par cette porte de sacristie, nous retrou-
vons encore un pan de mur assez considérable de
l'église, avec deux contreforts, distants de 4 m. 50 et
qui tracent nettement trois travées après la travée
double correspondant au pignon. La face extérieure du
(1) Archives municipales de la ville de Nevers, GC, 293.
(2) « Acte de partage de tout Tendos et maison ci-devant conventuelle des
Récolets de cette cité, à Texception de la ci-devant église et sacristie
y joignante, 19 frimaire an U de la République ». (Minutes Pannecet.)
-34 -
mur est en appareil de taille avec socle saillant de
0 m. 10 et de 1 mètre de hauteur à partir du sol.
Dans ce mur nous avons à signaler la présence de
pierres saillantes dont nous indiquerons plus loin la
destination en parlant de o l'ancien cloître ».
Nous rentrons dans l'église et y donnons un dernier
coup d'œil. — Elle est exactement orientée. — Elle
est vaste et paraît plus grande en raison de sa longueur
et de son étroitesse. Elle est riche avec ses beaux mau-
solées de marbre, ses peintures et ses bas-reliefs, svelte
et élégante dans son ensemble.
Nous sortons par la grande porte du côté du Château
et nous avons à droite le clocher faisant suite à la
façade comme l'indique le plan de 1759 et aussi cette
mention des comptes de la ville :
« 1618, 36 livt'es pour aider les Pères à bâtir leur
clocher au bout de leur église (1) ».
Je ne m'explique pas son omission sur le plan
d'Israël Silvestre de 1650; une ancienne vue de
Nevers aura été rééditée sans tenir compte du nou-
veau clocher ; mais le toit de l'église est représenté
sm^monté de deux clochetons : l'un, â la pointe du
chevet, en forme de tourelle avec dôme renflé comme
on en voit aux minarets ; l'autre, avec campanile et
flèche très aiguô correspondant à la troisième travée de
la nef.
En 1622, peu de temps par conséquent après l'érec-
tion du nouveau clocher, dans les comptes de Jean
Thonnelier nous voyons figurer « une somme de
18 livres pour aider les Pères Récollets à refondre \^
cloche de leur couvent (2) ».
(1) Archives communales de Nevers, GC, 283.
(2) Ârch. comm. CC, 291.
- 32 -
Il existe devant le portail de l'église une bande de
terrain libre de 5 ou 6 mètres de large pour l'entrée.
Le long de la rue des Récollets, une construction est
adossée à l'église, à l'angle de la chapelle du Sépulcre
jusqu'à Tangle du pan coupé de l'abside. Etait-ce la
conciergerie ? Etait-ce une échoppe ?
Quel sort fut réservé à la belle église des Récollets,
comme à tant d'autres ?
Aux registres des délibérations, du 6 septembre 1792,
un membre observe que « les jours où le courrier arrive,
un nombre assez considérable de citoyens s'assemble
le soir à la société séant en l'église des ci-devant
Récollets et que les assemblées qui, durant le jour, sont
utiles pour propager le feu du patriotisme, peuvent
devenir dangereuses pendant l'obscurité, sur quoi le
conseil, considérant qu'à la réception de nouvelles ras-
surantes l'allégresse des citoyens pourrait se manifester
avec trop d'éclat, comme à la réception de nouvelles
attristantes, leurs alarmes pourraient troubler la tran-
quillité publique, arrête que la société ne s'assemblera
plus après neuf heures du soir ».
(( 12 décembre 1792. Délibération tendant à faire
l'acquisition de l'église des Récollets absolument
nécessaire pour y établir une halle à blé ; le commis-
saire des guerres, autorisé par le district, y a déjà
établi un magasin de fourrages ».
« 14 brumaire an IL Demande par le citoyen Chau-
veau (1), serrurier, d'im réverbère pour éclairer l'atelier
que lui et ses confrères occupent à la ci-devant église
des Récollets où ils travaillent à des ouvrages pour le
compte de la République. — Accordé, sauf à rendre le
tout en bon état » .
(1) Plus tard an des acquéreurs de l'endos et de la maison ci-devant
conventuelle des Récollets.
— 88 -
a Le 3 messidor an IV, Gilbert Frappât, entrepre-
neur de bâtiments à Ne vers, se rend acquéreur pour la
somme de 8,604 livres :
» De la ci-devant église des Récollets ;
» De la construction qui y est adossée, au chevet, du
côté de la rue;
» Et d'une boutique et un caveau, attenant au chevet,
du côté du ci-devant couvent ».
La désignation des objets est ainsi détaillée :
« La ci-devant église consiste en une entrée ayant
de longueur 10 toises sur 2 de largeur hors œuvre et
dont le tout se trouve inférieur à celui de l'église (plus
près du Palais ducal) ;
)) En un corps de bâtiments servant de nef, de la lon-
gueur de 14 toises sur 10 de largeur hors œuvre, et
successivement en un corps de bâtiments formant le
chœur, de la longueur de 7 toises sur 6 toises 3 pieds de
largeur ;
)) En im petit bâtiment faisant partie intégralle avec
ladite église, composé d'une chambre et d'un caveau
placé le tout dans l'entrevaux de deux piliers, le tout
couvert en thuiles et en état de réparation ;
D En une chambre et une boutique adossées â l'arrière
chœur ».
Si les mesures en largeur pour l'église sont exactes ,
je ferai observer qu'il n'en est pas de môme pour la
longueur. Certainement, dans ce sens, on a toisé â vue
de nez (comme c'est reconnu pour plusieurs autres
Ventes nationales) ; attendu que l'abside existe encore
et la maison bâtie sur l'emplacement de là bande,
devant l'entrée de l'église ; or, j'ai mesuré 60 mètres
dont il faut, à la vérité, déduire l'épaisseur des murs
et la partie de l'abside qui va en rétrécissant. Cette
longueur concorde avec le plan de 1759. Il est certain^
T. XL, 3* série. 3
— 34 —
d'ailleurs, que cette église est souvent mentionnée
comme vaste; il fallait, en effet, que ses dimensions
fussent respectables pour contenir une assemblée,
dont je parle plus loin, composée de 1,100 notables des
trois ordres élus pour les Etats-Généraux de 1789.
§ 2. — Couvent des Récollets.
On entrait dans le couvent des Récollets par un
vaste portail du dix-septième siècle, qui existe encore,
situé rue actuelle des Récollets, auparavant rue du
Château ou montée du Château.
Du seuil môme, nous voyons, au fond de la cour et
à gauche, d'anciens bâtiments avec arcades bordées
dans leur pourtour d'une bande de pierres détaille,
avec claveau saillant au milieu du cintre et cordon de
taille plat à environ 1 m. 50 au-dessus des arcades de
la galerie.
Dans le côté du cloître, à gauche, qui a été recons-
truit en entier à partir du sol, au dix-septième siècle,
la rangée de fenêtres du premier étage est de plus
grandes dimensions que celles du côté du cloître au
fond de la cour.
Le bâtiment du fond de la cour, ou côté nord, est
plus ancien ; a-t-il été construit primitivement avec
une galerie ? En tout cas, elle était beaucoup moins
élevée et surmontée de deux étages d'appartements.
Mais pour faire suite à la nouvelle construction, ouest,
on a prolongé le pourtour des arcades et la ligne du
cordon qui les surmonte ; de la sorte, un étage a été
supprimé, seulement sur la face du cloître, et il en
résulte que la hauteur sous la galerie aurait été exces-
3ive : on y a remédié par un faux plafond qui laisse
— 35 —
un grand vide, de plus de 1 mètre, sous le plafond de
l'étage supérieur.
Ces deux côtés du cloître, à gauche et au fond, ne
représentent que la moitié du couvent. — A droite, des
constructions, dont il reste juste la largeur d'un arceau,
se prolongeaient pour revenir en équerre sur le côté du
cloître à gauche : ainsi la galerie régnait tout à Ten-
tour d'un vaste espace un peu plus long que large, ou
cloître proprement dit, avec cimetière. A plusieurs
reprises, les fouilles pour la conduite des eaux ou du
gaz n'ont laissé aucun doute à cet égard ; les habitants
de la com* témoignent tous qu'à chaque fois de nom-
breux ossements humains étaient tirés du sein de la
terre,
La partie' Est, ou de droite, du parallélogramme des
bâtiments est donc indiquée par une première arcade.
Il reste aussi une bonne amorce de construction du
côté Sud, ou de l'entrée, et dans l'angle à gauche, à
la largeur de la galerie du cloître, on voit engagé dans
le mur le pilastre et le commencement d'arceau de la
galerie sud. — D'ailleurs, le plan de 1759, aussi bien
que l'acte de partage des bâtiments et clos du ci-devant
couvent des RôcoUets (dont nous aurons à parler),
concordent avec cette description sommaire.
Entre le portail et les bâtiments du cloître propre-
ment dit existait une petite cour de la largeur de la
façade.
La largeur du parallélogramme intérieur est de
13 m. 50, et la longueur de 18 mètres.
La largeur du cloître est de 3 mètres ; la largeur des
appartements, derrière le cloître, est de 7 mètres.
Commençons maintenant un rapide parcours de
détails.
Nous sommes â l'angle nord-ouest du cloître. A
-36-
droite et & gauche des deux premières arcades, la
galerie est murée; en face, ime porte à deux bat-
tants s'ouvre et donne accès à \xQ,e pièce où est le puits,
de vastes proportions. La profondeur est en rapport.
On tirait Teau au moyen d'une a roue, qui a été par-
tagée entre les six portionnaires », qui avaient acheté,
l'an II> Tenclos et la ci-devant maison conventuelle, à
l'exception de l'église et de la sacristie y joignant ; la
roue fut remplacée par une poulie qui n'existe plus (1).
En dehors de la cage du puits, un escalier récent
conduit aux appartements du haut.
La continuation du cloître, à droite, est occupée par un
atelier de balancier, M . Millien-Bernard. De l'atelier une
porte communique avec l'ancienne cuisine ; on y descend
par six marches. En entrant, on a devant soi une
grande cheminée dont les montants, de 1 m. 96 de
haut et de 2 m. 35 d'écartement, sont dépourvus de
leur manteau. La pièce est éclairée de chaque côté de
la cheminée par une fenêtre donnant sur la rue des
Ouches. Le plafond, de 3 m. 30 de hauteur, est en
solives et mauvaises planches reposant sur deux pou-
tres. Cet appartement est bien misérable et ne fait pas
venir l'eau à la bouche en pensant à la nature ou à la
préparation des mets qui en sortaient.
Venant de la direction du puits, une rigole de 0 m. 20
sur 0 m. 10 est pratiquée dans le dallage et se pour-
suit dans le sens du levant, où se trouvaient les jardins ;
de cette manière, l'arrosage et l'irrigation se prati-
quaient avec ime économie considérable de temps et
de fatigue.
J'ai dit que dans cette partie plus ancienne des
constructions, un étage avait été supprimé du côté de
(1) Acte de partage de rendos et de la maison ci-devant oonventaelle,
da 19 frimaire an II de la République, de l'étude Pannacet ; communiqué
par M. AUroy, de la rue des RécoUets, petit-fils d'un des six acquéreurs.
-37-
la face du cloître ; au-dessus de la cuisine et du côté des
appartements opposés au cloître, il y a deux étages,
dont un au moins était occupé par le dortoir ; les reli-
gieux s'y rendaient par un escalier de pierre encore
existant. Nous sommes certains de la position du dor-
toir, par un compte de maçon, de 1456 : (1) « pavé
depuis le coing du vergier des Cordeliers en la rue des
Hosches, au droit de la porte maistre Dreux Le Tort,
jusques au coing du pignon du dortouer des Cordeliers » .
Près de l'escalier qui monte au dortoir, il en est im
qui descend du côté de la rue des Ouches, au guichet
qui donnait sur cette porte et à des substructions,
dépendances du couvent. Ce guichet était ime porte de
service pour entrer des provisions de bois, de vin ou
de légumes et non une porte de concierge .
Le môme compte de maçon signale le guichet qui
existe encore : « Pavé en la rue des Osches, depuis le
coing de ladite rue, derrière chez maistre Jehan
Leclerc, jusques au guichet de chez les Corde-
liers (2) »•
A côté du guichet il y a de petites constructions
souterraines. A l'extrémité d'une cour assez étroite, on
voit ime porte à deux battants ajoiu'és d'une petite
ouverture en carré, garnie d'un grillage de fer ; c'est
tout le système d'aération et d'éclairage de la pièce à
laquelle cette porte donne accès. — Ce vaste souter-
rain, de 20 mètres de long et 6 de large, est voûté à
plein cintre, et quatre arcs doubleaux, distancés égale-
ment, lui donnent un air grandiose et un certain cachet ;
on y descend par neuf marches et le fond est exhaussé
par un dallage assez récent. — Plusieurs cherchaient
vainement la destination de cette pièce : chapelle
(i) ce. 59, Arch. com.
(2) ce, 5^ Ârch. com.
- 38 -
pour les pauvres, lieu de distribution des aumônes, à
côté du ft guichet » . L'acte de partage de la maison ci-
devant conventuelle, dénomme le local... ornée; mais
ce n'est pas une vulgaire vinée.
Dans l'acte de partage, entre les acquéreurs en
commun des bâtiments et de l'enclos du ci-devant
couvent, je pense trouver l'application de l'exhausse-
ment du sol au fond de la cave, de môme que le motif
de l'ouverture de la trappe pratiquée dans le haut de
la voûte. La cave est partagée en deux lots, qui
furent séparés par un petit mur en pied et par-dessus,
une cloison de planches.
Le fond de la cave est attribué au possesseur du
cinquième lot de partage des bâtiments conventuels,
â la charge par « lui de pratiquer une ouverture et un
escalier dans sa cour ci-dessus, pour l'encavage de son
vin ». Or il pratiqua l'ouverture que nous remarquons
dans la voûte, exhaussa le sol et fit placer un escalier
en bois pour l'usage de sa portion de cave.
Pendant que nous sommes â proximité de la rue des
Ouches, franchissons le « guichet » pour donner un
Coup d'œil aux constructions du couvent qui regardent
la rue. Par suite de la différence de niveau avec le
plateau, plus élevé d'une dizaine de mètres, le pignon
est d'une belle hauteur et d'un effet pittoresque avec
ses grandes fenêtres des xv^ et xvi® siècles ; d'autres
fenêtres plus petites éclairent le bâtiment « du dor-
touer », qui est d'une grande simplicité et même qui
respire la pauvreté.
Nous remontons au couvent. La reconstruction de
la partie du cloître, à gauche en entrant, date du
XVII® siècle et a été reprise en pied ; ses arcades lui
donnent grand air, et le bienveillant intérêt des ducs
de Nevers ne doit pas être étranger ni au plan dressé,
ni surtout au règlement des comptes.
— 39 —
Cette réédification n'était--elle pas nécessitée par les
incendies dont à plusieurs fois la maison a eu grande-
ment à souffrir ?
Nous trouvons dans les Comptes de la ville un pre-
mier incendie en 1483 :
(c A vénérable et discrète personne Gillaume Gentil,
prêtre, curé de Vandenesse, demeurant à Nevers,
7 livres tournois pour les dommages qu'il a soufferts, à
cause des huit demi-tonneaux de vin tant vermeil,
blanc, que clairet, pris en sa cave, devant les Corde-
liers, le lundi veille de saint Barthélémy, pour le
gecter au feu qui était prins à l'hôtel de Jean Bour-
bonnat et autres lieux, les puits et fontaines de la
ville étant taris (1) ».
Le couvent des Cordeliers ne fut pas indemne ; nous
en avons la preuve dans un autre détail du Compte :
« Procession le jomr de Monsieur sainct Bartholomier,
où furent portées deux torches par les échevins, en
remerciant Dieu, notre Créateur, de la gr&ce qu'il nous
a faite le lundi, veille de ladite fête, du feu qui s'était
prins aux Cordeliers et plusieurs autres lieux de la
ville » (2), c'est-à-dire, d'avoir préservé la ville et le
couvent de plus grands malheurs et d avoir permis
d'enrayer le feu malgré les conditions désavantageuses
de sécheresse et de disette d'eau. — Vu la situation du
couvent attenant à Gloriette et s'étendant jusqu'au bas
de la rue par les jardins, \\% maison Bourbonnat occupait
l'autre côté de la rue, en face ou un peu au-dessous du
portail des Cordeliers. C'est le chœur de l'église, le
plus à proximité du lieu de l'incendie, qui eut particu-
lièrement à souffrir ; les caractères d'architecture de
cette époque trouvent leur explication dans la restau-
(1) ce. 78. Arch. comm.
(2) 1483, ce, 72, Archiv. corn.
— 40 —
ration nécessitée par les dég&ts du désastre ; en effet,
les restes de nervures prismatiques du chevet et les
deux fenêtres murées du pignon subsistant accusent
nettement le xv® siècle. ]
Par les comptes encore nous avons connaissance ,
d'un nouvel incendie en 1543 :
(( Aux personnes commises à la garde du feu prins {
de nuit aux Cordeliers, S6 sols 6 deniers tournois » (1). 1
i
Nous allons continuer la visite rapide de différents
appartements du couvent, tenant à la main l'acte de
partage de la maison ci-devant conventuelle des Récol-
lets.
Après l'ancienne cuisine, décrite plus haut, vient le
puits dont il a été aussi parlé.
« Ensuite un lavoir et un oflQce se joignant ensem-
ble, ledit lavoir ayant ses jours sur ladite rue des
Ouches, et l'oflSce sur l'ancien cloître, aujourd'hui en
nature de jardin » .
« A la suite des pièces ci-dessus, une grande salle
qui servait ci-devant de réfectoire, éclairée par trois
croisées donnant sur le jardin ». La porte du grand
corridor (nouveau style), communiquant avec cette
salle, est celle-là môme par laquelle, jadis, les reli-
gieux entraient pour prendre en commun leur chétive
nourriture.
Après, deux chambres éclairées chacune par une
fenêtre donnant sur le jardin vient « une grande cham-
bre au rez-de-chaussée, connue sous la dénomination
de bibliothèque ».
Puis nous arrivons à a la cage du grand escalier qui
est près de la ci-devant sacristie » .
(1) ce. 114, Archiv. com.
— 41 -
« Un caveau (petite cave) est adossé à ladite sacris-
tie 1».
Le grand escalier conduit à une pièce au-dessus de
la sacristie et qui était « la tribune éclairée par une
croisée donnant sur un arrière- jardin qui était l'ancien
cloître, et une autre croisée donnant sur la ci-devant
église ».
Cette pièce a, dans sa plus grande étendue, la largeur
du pignon contre lequel s'appuie l'église et environ 6
mètres dans l'autre sens ; elle est actuellement divi-
sée par des cloisons de briques sur champ ; ce qui
indique l'absence antérieure de murs qui auraient été
utilisés au moins en partie ou remplacés par une cloi-
son pouvant tenir lieu de support sérieux.
Il nous reste à déterminer l'ouverture de communi-
cation de la tribune avec l'église. Elle devait être au-
dessous et entre les deux fenêtres du pignon ; à cet
endroit il existe une cheminée dont l'enfoncement du
foyer semble pris dans la baie qui donnait jour au-
dessus du chœur des religieux.
Dans le mur occidental de la tribune a été percée,
par suite de nouveaux aménagements, une porte qui
donne accès à une petite galerie suspendue et comprise
entre deux contreforts de l'église. Ici, j'ai remarqué
deux choses :
V A une certaine hauteur régnait un cordon tout
autour du mur extérieur de l'église. A cause de l'étroi-
tesse du couloir, il a été supprimé ; mais il existait
certainement, et les coups de marteau l'ont grossière-
ment mis au niveau du mur ; — nous en retrouvons le
dessin à un des contreforts du chevet.
2»A0m.30ou0m.40 au-dessus du plancher, des
pierres en claveaux dessinent un fragment de partie
cintrée qui dénote le commencement d'une porte : en
— 4e -
effet on conçoit bien l'opportunité et la convenance de
cette porte latérale, surtout quand le cloître, avant
d'être entre le carré de bâtiments du couvent plus
récent, se trouvait adossé au mur nord de l'église et
au mur de séparation entre le petit château et le cou-
vent. Un peu plus loin il faudra bien que je parle un
peu plus en détail de l'ancien cloître, duquel plusieurs
fois a fait mention l'acte de partage de la ci-devant
maison conventuelle des ci-devant Récollets.
De la visite sommaire de ces constructions, il est
facile de constater, par la diiïérence de niveau des éta-
ges, qu'elles ne sont pas de la môme époque, et que par
la suite le plan a été modifié. Nous avons déjà signalé,
comme plus récente, la façade occidentale de l'inté-
rieur du cloître.
§ 3. — Dépendances.
Le premier jardin est dénommé : « verger », dans un
extrait des Comptes de la ville, et dans l'acte de partage
de la maison conventuelle en 1793 : « arrière jardin
ou jardin sur l'emplacement de l'ancien cloître » ; — il
est délimité par : l'église au midi, le mur de la maison
Mancini (le petit château) au couchant, la rue des
Ouches au nord, et au levant les constructions du
couvent.
Les arbres du « verger », surtout le long du
mur qui séparait le couvent d'avec « la propriété
Mancini », plongeaient leurs racines au milieu des
ossements des premiers religieux. On pouvait supposer
qu'à l'origine le noyau du couvent était bien plus rap-
proché de Gloriette qui a donné asile aux religieux un
certain temps; l'acte de partage, à la Révolution,
donne toute certitude à cet égard ; plus de dix fois, il
— 43 —
désigne ce jardin sous le nom d'ancien cloître, ce qui
explique la présence des pierres et corbeaux engagés
dans le mur.
Le second jardin, sur le grand plan de Nevers de
1759, est divisé par milieu, à peu près, par une ligne
parallèle entre les deux rues des Ouches et de la Montée
du Château (actuellement des Récollets) ; la partie qui
longe cette dernière rue s'appelle jardins du haut;
l'autre portion, en contre-bas, s'appelle jardins du bas.
Les anciens habitants de la rue disent, d'après la
tradition, que le jardin du couvent était séparé de la
Montée du Château par un mur, c'est conforme à l'acte
de partage de 1793.
La ci-devant maison conventuelle fut partagée peu
de temps après l'acquisition entre les six acquéreurs
en commun, lors de l'adjudication^de la vente natio-
nale. En conséquence, six lots furent composés par
des experts :
Le possesseur du premier lot, ayant été reconnu de
beaucoup plus avantagé, fut exclu du partage du jar-
din au levant qui restait indivis.
« Les cinq autres portionnaires ayant manifesté aux
citoyens experts l'intention de bâtir une maison pour
chacun d'eux sur le jardin haut qui borne la rue, la
division du terrain s'est faite en cinq bandes, de la rue
des Ouches à celle des Récollets, ayant sur cette der-
nière rue chacune trois toises, trois pieds, deux pouces
de large, à partir de la maison Chaillot-Lugny jusqu'à
la porte cochère des ci-devant Récollets ».
En effet, on peut constater cette égalité mathé-
matique de façade dans les maisons numéros 30, 22,
14, 26, 28.
— 44 —
II
Après la visite du local et des constructions du
couvent, je m'étais proposé d'y jeter un peu de vie
et d'animation, en pariant des religieux qui l'ont
habité, des personnages qui lui ont témoigné, par des
largesses, leur bienveillant intérêt, et des faits qui se
rapportent à son histoire. Mais le champ était bien
vaste. .. et je me borne à de courts paragraphes :
Le 1®' relatif au motif spécial de bienveillance de la
princesse et du jeune prince de Nevers qui accueil-
lirent les Cordeliers dans leur château, après l'incendie
du couvent de la Chaussée ;
Le 2« donnant un aperçu de la vie des Récollets ;
Le 3* rappelant les principaux bienfaiteurs ;
Le 4"^ groupant les faits ou événements qui se rap-
portent au couvent, en dehors de ceux mentionnés
dans le récit.
§ler
Contrairement à l'assertion de Parmentier qui dit
que c( les Pères demeurèrent cinq ans sans asile après
la destruction de leur couvent do la Chaussée », le
P. Gallemant écrit : (( Nos Pères pourtant ne restèrent
pas sans abri, en 1358. Dès aussitôt, Marguerite, fille
du roi de France Philippe le Long, et alors veuve de
Louis II, comte de Flandre et de Nevers, leur offrit
l'hospitalité dans son propre palais de Nevers, leur
concédant la partie qui s'appelle Gloriette, pour y éta-
blir leur église et couvent (provisoires). Le 16 avril, le
second dimanche après P&ques, ils reçurent l'acte de
— 45 —
donation en bonne et due forme, avec approbation
d'Urbain VI, en 1363. La maison fut bénite pour
Tusage des Pères, le 18 mai 1358, par notre révéren-
dissime P. Jean, episcopo Custodiensi (1) ».
Nous trouvons aux archives du Nord (2), la « permis-
sion par Louis de Maie, aux Frères Mineurs de Nevers,
dont Téglise et le monastère, situés hors des murs,
avaient été incendiés, de venir demeurer provisoire-
ment dans l'enceinte de la ville et d'y célébrer le ser-
vice divin en une maison particulière ».
Le texte précis du P. Gallemant nous indique la
maison particulière dont il s'agit : c'est « G/o-
riette (3) ».
Une délégation de commissaires est établie pour
faire mesurer une place en la ville de Nevers, située
près le Château, place que les Frères Mineurs de cette
ville avaient demandée au comte afin d'y établir leur
couvent : les commissaires devront s'assurer si l'éta-
blissement dudit couvent ne gênera pas l'entrée ou la
sortie du Ch&teau (4).
Avec l'aide du P. Gallemant nous voyons parfaite-
ment comment les négociations se sont engagées et
résolues d'une façon satisfaisante pour les Pères.
La princesse Marguerite, par un double motif de
piété et de reconnaissance (nous expliquerons ce mot
un peu plus loin), recueille dans son château de Glo-
riette, les religieux délogés par l'incendie. Comme elle
ne pouvait disposer des propriétés du château sans
l'assentiment de son fils Louis de Maie, elle lui écrivit,
dit le P. Gallemant, en lui rappelant « qu'il descen-
(\)V. Gallemant, p. 84-85.
(2) B. 1596, 1141-1393.
(^ P. GaLLEH ANT, p. 85.
(4) Archives du Nord, B. 1596.
r
r
dait (1) d'Yolande, fondatrice du couvent des Frères
Mineurs à la Chaussée et que le vœu de son cœur
devait ôtre que les ossements de sa bisaïeule fussent
déposés dans leur nouvelle église ; qu'il avait sucé les
principes de la religion et ses connaissances dans les
lettres chez les bons Pères, dans leur couvent actuel-
lement détruit )) .
De ce qui précède, nous voyons que l'éducation du
jeune prince Louis fut confiée aux Frères mineurs dans
leur couvent. De plus, « l'effigie couchée de la com-
tesse Yolande », correspond pour ses détails d'archi-
tecture à la fin du xiv<* siècle. Il est à croire que les
ossements furent relevés et qu'un mausolée nouveau
le recouvrit.
A la prière de sa mère, Louis s'acquitta princière-
ment des devoirs de la piété filiale envers sa bisaïeule
et de la reconnaissance envers ses anciens maîtres.
Dès lors les commissaires délégués, munis de pleins
pouvoirs, taillèrent dans les dépendances du Château,
pour la construction du nouveau couvent, en ayant
soin que « l'établissement dudit couvent ne généra pas
l'entrée ou la sortie du Ghâteau ». Il n'y a pas de doute
qu'ils tracèrent pour ligne de séparation, celle formée
par le mur contre lequel était adossé <( l'auvent de
l'ancien cloître t>.
ft Amortissement par Louis de Maie est accordé, en
considération de la dame sa mère, pour certains héri-
tages acquis par les Frères Mineurs de Ne vers (2).
(1) Yolande de Boargogn«, fille de Hagues de Bourgogne et de Mahaut
de Bourbon, épousa en premières noces Tristan, quatrième fils de saint
Louis et en deuxièmes noces Robert lU de Flandre, dont elle eut :
Louis I"' de Flandre, qui épousa Jeanne de Rethel.
De ce mariage naquit Louis II de Flandre, qui épousa Marguerite de
France, fille de Philippe-le-Long.
Louis ni de Flandre est leur fils et Yolande est sa bisaïeule,
(2) Archives du Nord, B. 1566.
-47-
Le P. Gallemant dit qu' « existaient encore aux
archives du couvent, les lettres datées du 4 septem-
bre 1365, par lesquelles le prince Louis, leur fondateur,
déclare donner aux Pères à perpétuité tout ce lieu
absolument exempt de charges ». Les religieux durent
acheter ou reçurent en pur don « certains héritages »
contigus.
« L'étroitesse de l'emplacement, ajoute le P. Galle-
mant, s'élargit par l'acquisition d'une maison et d'une
parcelle de jardin données par les héritiers de Réginald
Lopper (1), et d'une autre maison occupée accuelle-
ment par le chœur de l'église : « presbylerium eccle-
siœ ». Pour l'acquisition de cette dernière maison,
Adhelma d'Aubigny donna vdlontairement, par piété
pour Notre-Seigneur, sa propre maison ».
Le comte Louis de Maie concède donc aux Corde-
liers une partie de Gloriette, de manière toutefois que
l'établissement du couvent ne gênera pas l'entrée ou
la sortie du château. Les autres annexions qui se font
du côté du levant montrent que le plan est déjà
arrêté de constructions communiquant directement
avec le chœur de l'église, du cloître adossé au mur
nord de l'église et se prolongeant en équerre au mur
de séparation avec le château de Gloriette.
Mais un si grand travail ne s'accomplit pas tout à
la fois et sans interruption. Nous lisons : (( A la date
du 2 novembre 1431, que le couvent de l'ordre des
Frères-Mineurs, le dortoir, le cloître et le réfectoire
autrefois fondés et bâtis en dehors des murs de Ne ver s,
par suite des guerres et autres fléaux qui dévastèrent
ces quartiers, sont dans un tel état de destruction et
(i) Dans Vlfwentaire de Tabbé de MaroUes, page 235, à l'année 1367,
on voit que feu Kegnauld Loppier, bourgeois de Saint-Pierre-le-Moûtier,
9vait marié sa fille Margot avec Pierre de Champrobert, damoiseau,
— 48 -
de ruine qu'ils sont devenus absolument inhabitables.
Le gardien et le couvent ont commencé une nouvelle
construction dans Tenceinte de la ville et adressent
une supplique poiu» demander des indulgences (1) ».
Le 30 septembre 1612, Charles de Gonzague, duc
de Nevers, et Catherine de Lorraine, sa femme, don-
nèrent une maison qui leur appartenait pour agrandir
le jardin des Récollets (2). Le jardin dont il s'agit est
celui situé au-dessous du couvent, à l'est.
Les Récollets s'établirent à Nevers le 27 janvier 1592,
d'un commun accord entre le duc Engilbert de Clèves
et Monseigneur Arnauld Sorbin.
A ce propos, sans aucune base sérieuse, M. de
Sainte-Marie raconte que l'Evèque de Nevers les avait
fait venir en secret et les aurait substitués d'une
manière singulière aux Observantins. — L'Evoque
ordonna une procession générale à laquelle devaient
prendre part tous les Ordres religieux de la ville ;
pendant la procession, les Récollets entrèrent de force
au couvent, et les Observantins, au retour, trouvant
les portes fermées, durent se résigner et prendre le
parti de se retirer à Issoudun.
§2.
Le P. Gallemant décrit ainsi la vie des premiers
religieux de cette Réforme :
« Leur but principal fut de servir le Seigneur dans
les travaux et les épreuves, dans les veilles, la soif, la
faim et les jeûnes multipliés, dans le froid et la nudité,
dans la prière perpétuelle, la pauvreté la plus absolue
(i) Denâfle, Désolation des églises, monastères et hôpitaux de France^
1,53.
(2; Parmentibr : Archives de Nevers^ tome I, p. 354*
— 49 -•
et le zèle des âmes...; leur dénuement dans ces premiers
temps fut presque incroyable et cependant leur
constance joyeuse dans le bien ne se démentit pas un
seul instant i>.
A une époque de foi vive, une pareille austérité
n'était pas un épouvantail et un repoussoir. — En 1649,
à cinquante ans du berceau de la réforme franciscaine
implantée à Nevers, le couvent comptait 25 frères :
« 12 prêtres dont 8 pour la prédication, 8 étudiants en
philosophie et 5 frères lais ».
Les ressources de ces pauvres volontaires consis-
taient (1) : dans l'aumône qu'ils quêtaient ou qu'on
leur apportait et dans la rétribution qu'ils recevaient
pour le service de la prison et de l'hôtel-Dieu (2), pour
leurs prédications (3), pour Ica: .s assistances aux enter-
rements de personnages notables (4).
(i) Le P. Gallemant dit que si les temps n'étaient mauvais, trente reli-
gieux pourraient vivre de la quête de chaque jour : ■ ex mendicatione
quotidiana *.
(2) La ville leur faisait une aumône annuelle de 20 livres ; ils avaient
une rétribution pour le service de la prison ; plus tard, en vertu de la
fondation Charles Roy. ils recevaient 640 livres annuelles pour leur
ministère à Thôtel-Dieu.
(3) L'aumône donnée en retour d'un grand sermon était bien modique :
• 1397, ce, 5. A religieuse et honnête personne le lecteur des Frères
mineurs de Nevers, 10 sols tournois pour cause d un sarmon par lui fait en
l'église Saint-Cyr, le jour de saint Mathe >.
« 1740, ce, 201. Au R. P. Théophile, religieux du couvent des Récollets,
80 livres pour avoir prêche V Avant ■.
(4) À l'occasion des sépultures solennelles, Tassistimce des Pères était
demandée moyennant une aumône ; entre plusieurs actes, le testament du
chanoine Henri de Saxoine exprime la volonté du testateur que, « pour son
convoi de sépulture, les Frères Mineurs accompagnent, en procession, son
corps depuis la maison jusqu'à l'église... » et le testateur donne à cet effet
10 sols tournois aux Frères Mineurs.
De plus, pour l'anniversaire de son décès, le testateur demande au cou*
vent des Frères mineurs que, la veille, on dise les vigiles des morts et, le
tour, qu'on célèbre une messe des défunts et que les Frôrrs dudit couvent
se rendent en proccession avec la croix sur sa tombe et chantent le Libéra
avec les versets et oraisons accoulumé.s, et à ceteflet il lègue 30 sols tournois
aa couvent des Frères Mineurs.
T. iz, 3* série. 4
I
- 50-
Jusque-là le couvent des Franciscains avait été soumis
aux supérieurs de la province de Tours. Mais Sixte V,
rilluste pape franciscain, par un bref adressé à Arnaud,
évêque de Nevers, soustrait le couvent de cette ville à
la province de Tours et le place sous Y obédience du
provincial de la France parisienne, qui leur avait
promis aide et protection.
Ces nouveaux religieux, tous Italiens, peu initiés à
nos usages et à notre langue, constatèrent bientôt leur
impuissance à remplir les difficiles fonctions de prédi-
cateurs et de directeurs des âmes. Aussi, après cinq
années, ils furent rappelés dans leur pays natal, où
leur absence était d'ailleurs vivement regrettée ; mais
ils ne laissaient pas le couvent vide ; ils avaient par la
sainte contagion du bon exemple attiré près d'eux sept
Français qui demeurèrent fidèles au poste que la
Providence leur avait montré et continuèrent l'œuvre
commencée. C'étaient les PP. Marc de Saint-Denys,
Antoine Banneville, Bernardin Damineïs. Denis Le
Tellier, Thomas Marc, Nicolas Haoùet et Nicolas du
Bret ; ce dernier n'était pas encore prêtre.
Le Révérendissime Père général désigna le P. Marc
de Saint-Denys comme supérieur du couvent de
Nevers et Père de toute la Réforme de France ; le
vicaire fut le P. Antoine Banneville et le premier
maître des novices le P. Nicolas Haoùet.
Au moment où le P. Gallemant écrivait son résumé
d'histoire (1649), les religieux de Nevers, comme il a
été dit plus haut, étaient au nombre de vingt-cinq.
En 1790, « l'état des religieux, prêtres désignés sous
le nom de Récollets de la province de Saint-Denis, qui
occupent le couvent de Nevers, est ainsi composé :
Frères Denis Heudebert, Albert Millard, Agathange
Dujardin, Léonard Renaut, tous clercs ; frère Antoine
- 51 -
Thorel et frère Protais Legrand, laïcs, et frère Hubert,
Autelet, tierçaire (1) ».
Le petit sceau de 1730 porte en exergue : <r Parvum
sigillum provinciœ Sancti-Dionysii in Francia » ; saint
Denis, en costume d'évôque, porte sa tête entre ses
deux mains devant la poitrine, au milieu de deux anges
aux ailes éployées.
Le P. Gallemant cite quelques noms de religieux de
Nevers ou qui ont habité le couvent et se sont fait un
nom :
Le P. Rapine, de Nevers, 1629.
Le P. Moret, aussi de Nevers, 1632.
Le P. Ignace le «Gault, gardien du couvent de
Nevers, en 1618, qui, à la prière du roi très chrétien
Louis le Juste, fut nommé vicaire général et commis-
saire apostolique de l'Ordre en France, et devint défi-
niteur général au chapitre général de Rome en 1639.
Le P. de Banneville, de Paris, le premier vicaire du
couvent réformé, qui, dans cette charge, vécut digne
de tous éloges et mourut saintement en 1599.
Le P. Gallemant donne, depuis l'origine, la liste des
gardiens du couvent de Nevers; il y en a 25 jusqu'à
l'année 1648. Ils restaient en charge trois ans quand ils
ne venaient pas à mourir ou à être appelés par leurs
supérieurs à d'autres fonctions.
§3.
Plusieurs bienfaiteurs insignes ont été cités, notam-
ment en parlant de l'église et des chapelles. Mais, dit
le P. Gallemant, « beaucoup d'autres personnes firent
de pieuses largesses : Charles, roi de France ; le comte
(1) Archives de la ville, GG, 144.
- 52 —
et la comtesse de Flandre ; le duc Charles de Bourbon,
que Ton dit avoir donné 100 livres et avoir posé la
première pierre des fondations de l'église ; Jeanne de
Chantemerle ; Marguerite de Fontenay, qui exprima
le désir d'être inhumée dans l'église et donna 250 flo-
rins ; Marotta de Mézières ; Jean de Bonnelli ; Perrot
le normand ; Guillaume Barbier et Jeanne, sa femme.
— Parmi les PP. Récollets : le P. Jean Pinauldi, le
P. André de Magny, le P. Guillaume de La Chapelle,
le P. Jean Mutonis et le P. Poux ».
1365. — Le jeudi après la fête de saint Martin-d'Été,
Renaud II, abbé de Saint-Martin, donne une maison
aux Frères Mineurs pour agrandir leur église (1).
§4.
Le couvent fut en état de recevoir, en l'année 1398,
l'assemblée du chapitre général pour la dépense duquel
la ville donna aux Frères 20 écus, valant 22 livres
10 sols (2).
Confirmation, par Eugène IV, de la Confrérie de
Tous les Saints, érigée dans l'église des Frères-Mineurs
de Ne vers (3).
Après l'incendie de 1483, il y eut des ruines à rele-
ver. Un courant de sympathie se porta du côté du
couvent si éprouvé ; de là datent en effet, sous l'impul-
sion d une pieuse émulation, la restauration du chevet
de l'église et bientôt son agrandissement, par l'addi-
dition des huit chapelles latérales. Dans ce même temps,
Claude de Chastellux entre dans ce mouvement de
(1) GcUliâ Christiana, t. XII, liste des abbés de Saint-Martin.
(2) Parmentier, Archives de Nevers, t., I. p. 352.
(3) P. Galleuant, p. 90.
— 53 —
pieuses largesses en faisant, par testament, un legs
considérable aux Frères Mineurs (1).
1570, 10 mars. — Assemblée dans le chapiteau du
couvent des Cordeliers par les habitants du quartier
de Loire, pour l'élection d'un capitaine au lieu de
défunt M« Jehan Jourdain.
Election des conseillers, le dimanche, jour de saint
Michel, 29 septembre, et élection des échevins le
môme jour :
En l'église Saint- Victor, pour le quartier de Nièvre.
Au chapiteau de Saint-Etienne, pour le quartier des
Ardilliers.
Au chapiteau de l'abbaye Saint-Martin, pour le
quartier du Croux.
Au grand chapiteau du couvent des Cordeliers, pour
le quartier de Loire.
1639. — Election des conseillers et des échevins (2) :
1® Assemblée en l'église Saint- Victor . . 40 votants.
2» — — Saint-Etienne. 90 —
30 — aucloître des P. Récollets 59 —
4® — — Saint-Martin . . 55 —
Nous ajoutons immédiatement à la suite, Télection
de 1639, pour expliquer que chapiteau et cloître ont la
même signification.
En 1518, les Cordeliers réformés, connus sous le
nom d'Observantins, remplacent les Cordeliers conven-
tuels.
1518. Diverses pièces concernant l'acquisition faite
par Charlotte de Bourbon, comtesse douairière de
Nevers , de 90 livres tournois de rente à prendre sur
les terres de la Vallée, de la Chaussée et la dlme de
(1) Le texte de cette charte est publié au Bulletin, t. X., p. 199.
(2; Registre des délibérations de la ville de Nevers.
— 54 -
Baratoû. • . au profit des Frères Mineurs de Nevers ,
pour partie de fondation, dotation et augmentation
du service divin que madite dame avoit ordonné
être faites perpétuellement en l'église desdits Frères
Mineurs (1).
1521, 30 juillet, au Louvre. Testament de Charles de
Cièves, qui, gisant au lit, malade, élit sa sépulture au
couvent des Cordeliers de Nevers, au lieu où son père
a été aussi inhumé; il donne auxdits Cordeliers
200 livres (2).
1525. Le Chapitre général des Cordeliers se tient
au couvent et Ton donne 10 livres au gardien pour
aider à la dépense (3).
1534. Dans la salle capitulaire se réunirent les
commissaires députés pour la rédaction ou reformation
de la Coutume de Nevers. — Je ne puis désigner cette
salle d'une manière précise ; toutefois, comme elle doit
réunir certaines conditions de grandeur et de proxi-
mité de l'église, je la placerai dans le bâtiment neuf,
au premier étage, au-dessus de la bibliothèque ; on y
arrivait par le « grand escalier » et elle communiquait
avec l'église par « la tribune » (4).
1582, 15 septembre. Louis de Flandre et de Nevers
donne aux Cordeliers la petite cour qui se trouve
devant leur église (5).
1607-1617. Cinq des enfants de Charles de Gonzague
et de Catherine de Lorraine, d après les registres de
la paroisse Saint-Jean, dans la cathédrale, ont été
baptisés dans l'église des Récollets. Il avait fait vœu
de consacrer à saint François de Paule son premier
(1) Titres de Nevers, p. 435.
(2) W., p. 22.
(3) CO, 98, Arch. com. de Nevers.
(4) Parmentier, t. I, p. 355.
(^ Titres de Nevêrs, p. 500.
- 55 —
enfant mâle. Cet enfant, baptisé le 1®' 'août 1607, fut
tenu sur les fonts du baptême par le P. Claude Duvi-
vier^ provincial des Minimes et nommé François de
Paule.
Charles fut baptisé le 11 décembre 1609 ; Anne, le
17 avril 1616; Ferdinand, le 2 septembre 1616;
Benoite, le 19 avril 1617.
Le R. P. Jean-Baptiste fit ériger une croix devant
l'église le 25 mars 1764 ; elle fut renouvelée le
28 mai 1776.
Le 14 août 1768, le P. Louis prêcha à la cathédrale
l'oraison funèbre du Dauphin.
En 1770, le 6 août, une messe avec Te Deum de
reconnaissance était chantée dans l'église des Récollets
pour remercier Dieu de la grâce accordée à un soldat
du régiment de la reine, en garnison à Nevers, qui
devait être passé par les armes. '
A la cérémonie assistèrent le colonel, M. de Tom^ny,
et un certain nombre d'officiers.
En 1788, le 16 août, dans la bibliothèque du couvent,
se réunit l'assemblée provinciale du Nivernais. Elle se
composait de Pierre de Séguiran, évoque de Nevers,
et de onze membres : deux parmi les ecclésiastiques,
trois parmi les seigneurs et six dans le tiers-état (1).
1789. Les mandataires du tiers-ordre tinrent leur
séance d'ouverture, le 14 mars 1789, dans l'église des
Récollets ; elle fut présidée par Leroy de Prunevaux,
bailli d'épée du bailliage, ayant à sa gauche le lieute-
nant-général civil et criminel, noble Guillier de Monts,
et, un peu au-dessous de l'estrade, noble Chaillot de
La Chasseigne, procureur général. La droite était
occupée par les députés du clergé, au nombre de 301 ;
(1) Paul Meunier, la Nièvre pendant la CanvenHonj !•' vol., p. xi.
— 56 ^
la gauche, par ceux de la noblesse, au nombre de 252 ;
en face, était le tiers-état en nombre égal aux deux
ordres privilégiés, soit 553 (1). Il fallait un beau local
pour contenir à l'aise une assemblée de plus de
1,100 personnes. On était tenté de croire à l'exagéra-
tion au premier énoncé de la grandeur (longueur sur-
tout) de l'église des Récollets .
Dans son Avis au lecteur bienveillant , l'auteur de la
Provincia Sancti Dionysii Fratrum Minorum Recol-
lectorum nous apprend que Jean de Naples, ministre
général d'alors de tout l'Ordre Franciscain, se propo-
sait de revoir et de contrôler les importants écrits de
François de Gonzague, maintenant éyêque de Mantoue,
concernant l'histoire de l'Ordre; dans ce but il char-
geait tous les ministres des Provinces de l'Ordre, de
l'aider dans son travail par des recherches sérieuses et
approfondies, qui lui seraient envoyées, sur la fonda-
tion, l'état et les titres de gloire des Provinces et des
Couvents.
Au P. Gallemant échut cette tâche pour la Pro-
vince des Récollets de Saint-Denys en France. Les
notices qu'il composa, il se décida, le P. Ministre
général étant mort, à les faire imprimer pour sauver
de l'oubli quelques feuillets d'histoire.
Il prend soin d'avertir son lecteur qu'il n'a rien écrit
que sur des témoignages fidèles et conformes à la
vérité (2).
Non content de cette déclaration, il affirme dans sa
notice sur le couvent de Nevers de Tous les Saints —
qui comprend 13 pages, de 83 à 96 — que tout ce qui
se rapporte à sa fondation et à sa translation peut être
(i) Album du Nivernais, t. I, p. 86.
(2) Ad lectorem benevolum admonitio.
K^
— 57 —
vérifié sur les documents conservés aux archives de ce
môme couvent (1).
Remercions donc l'historien en abrégé du couvent
des Récollets de Nevers.
Sans son appui, il ne fallait pas songer à un essai de
reconstitution sérieuse. Je me suis efforcé de tirer le
meilleur parti de son ouvrage, mais je crains de
n'avoir réussi que bien imparfaitement.
Abbé A. SERY,
Chanoine.
(1) P. Gallehant, page 94.
— 58 —
FRANCIS D'ALLARDE
Par PAUL MEUNIER
M. le colonel de Courson a fait don à la Société
d'une brochure intitulée : « Les Chevilles de maître
Adam, menuisier de Nevers, ou les Poètes artisans,
comédie en un acte, mêlée de vaudeville, par
MM. Francis et Moreau, représentée pour la première
fois, à Paris, sur le théâtre Montansier, nivôse an IL
— Chez M°»û Masson, libraire, éditeur de pièces de
théâtre, rue de TEchelle, n® 10, au coin de celle de
Saint-Honoré. 1806 ».
Deux exemplaires de cette brochure, mais d'une
autre édition, existent à la Bibliothèque de Nevers.
Le prétendu portrait d'Adam Billaut qu'on remar-
que en tête représente un menuisier quelconque en
costume du xvi® siècle, et a, comme facture et
comme dessin, tous les caractères des gravures du
commencement de ce siècle.
Les C/iccilles eurent trois éditions.
Elles furent jouées pour la première fois, le
28 décembre 1805, sur le théâtre de la Montansier,
appelé alors théâtre Montansier {palais du Tribunal).
Si l'on consulte les affiches des théâtres à cette
époque, on se rend facilement compte du genre cultivé
dans ce théâtre :
Le 28 : Théâtre Montansier : la première représen-
tation des Chevilles de maître A rfa/n, vaudeville en un
acte; — L'Ivrogne, le diable couleur rose; —
-59 —
VHéloïse de l'isle Saint-Louis et V Anguille de
Melun.
Le 29 : /e Turc de la rue Saint-Denis ; — le Che-
valier errant; -^ V Intrigue sous les toits ; — le Pont
des Arts.
Le 30 : Avis à Jocrisse; — Roquelaure ; — le
Niais de Sologne; — Cadet à Chaillot,
Le 31 : M, Largillière ; — le Timide ; — Deux et
deux font quatre; — M, Vautour,
Les Chevilles tiennent l'affiche jusqu'au 17 mars
sans interruption.
Ad. Billaut était un sujet à la mode^ dans le goût
de l'époque.
Le 29 prairial an III, on avait représenté Maître
Adam, menuisier de Nevers, comédie en un acte, en
prose, mêlée de vaudeville, par les C. C. Christian
Le Prevot et Philippon. — Théâtre du Vaudeville.
Au siècle où vécut Adam Billaut, on s'émerveilla de
voir un ouvrier faire des vers ; mais ce fut une curio-
sité avant tout dans le monde des Grands et des lettrés.
Sous le Directoire, Adam Billaut eut un regain de
célébrité grâce à un autre sentiment. C'était l'époque
où Bonaparte nommait maréchaux de France des gens
qui sortaient du petit peuple. N'importe qui pouvait
arriver â tout. Le peuple eût applaudi si Adam Billaut
eût vécu alors et que Napoléon eût fait un dignitaire
de ce poète-artisan .
Ce n'est pas qu'Adam Billaut fut un poète populaire
dans le sens où nous l'entendrions aujourd'hui. Un
poète ayant l'inspiration, le ton d'un révolté, poétisant
les revendications populaires, n'eût pas été accepté sur
l'ancien théâtre de la réaction thermidorienne et
royaliste de la Montansier.
En effet, môme en pleine Révolution, on n'eut pas
l'idée de ce que pouvait être un barde populaire.
— 60 —
Toute expression de la pensée était malgré tout
solennelle, en style convenu et classique.
Quinet fait remarquer que le faux régnait absolu-
ment en littérature.
A part des expressions ordurières, le père Duchône
« n'a pu saisir le vrai langage populaire ».
Saint-Just était un classique.
Noël Pointe, ouvrier armurier, récitait à Nevers,
dans les cérémonies, des vers inspirés de Tibulle, de
Properce, d'Horace, dont les incorrections seulement
dénotaient la main inhabile qui les avait tracés. (Revue
du Nivernais).
Marie-François-Denis Leroi d'Allarde, plus connu
sous le pseudonyme de Francis, auteur dramatique, né à
Besançon, le 12 mars 1778, mort vers 1840, était fils du
baron d'Allarde. Ce vaudevilliste très fécond a débuté,
en 1798, au théâtre des Troubadours, par Arlequin
aux petites maisons. Depuis il a donné, soit seul, soit
en collaboration avec Chazet, Lafortelle, Moreau,
Desaugiers, Ourry, Scribe, Dartois, Dupaty et autres,
une infinité de pièces, dont la plupart ont obtenu des
succès considérables. Nous citerons : les Chevilles de
maître Adam (1803) ; Boileau à Auteuil (1806) ; les
Femmes colères (1804) ; le Soldat laboureur, les
Ouvriers (1824) ; Clara Wendel (1827) ; la Famille
du Porteur d'eau (1824) ; la Fille mal gardée (1822) ;
l'Homme de paille (1827). Francis était encore un
chansonnier aimable. Le recueil de ses chansons a été
publié (Paris, 1824). On trouvera la liste de ses œuvres
dans Querard, France littéraire, 1. 1®', p. 33, et dans
Bourquelot, Littérature française, t. I®','p. 20.
Comme au marquis de Rochefort, père du pam-
phlétaire, il ne lui était resté que son nom et son titre
à travers les péripéties de la fin du xvm« siècle. *
- 61 —
Il se fit vaudevilliste, chansonnier fut membre du
Caveau, l'émule de Désaugiers et de Scribe, Duvert et
Lausanne, pléiade de gais auteurs qui cultivaient le
flon-flon, le couplet final, le dialogue sentimental pour
s'en faire quelques rentes,
Il pensa sans doute que son nom et son titre ne
répondaient pas à son métier de vaudevilliste et signait
ses œuvres de son prénom Francis; un nom quelconque.
Cela amène à faire une sorte de parallèle entre la
situation d'Adam Billaut et celle de Francis au point
de vue social, suivant les époques où ils vécurent.
Adam Billault, un artisan, est sur le Parnasse ^
d'après le langage du temps ; la culture des lettres est
pour lui l'exercice d'un don supérieur. On le compare
aux plus grands poètes, bien qu'en définitive il ne fit
que des chansons et ne mît parfois en vers que des
polissonneries.
On s'étonnait qu'un homme pût faire en mémo temps
des coffres et des vers, tant le don de la poésie avait,
alors de lustre, et il faut dire qu'il exploitait avant
tout cet étonnement pour s'en faire des rentes.
Les plus grands seigneurs le recherchaient ; mais en
réalité lui faisaient des farces comme à un bouffon et
lui promettaient plus qu'ils ne lui donnaient.
Cent cinquante ans après, le baron d'Allarde pour
vivre fait des chansons et des vaudevilles ; c'est une
clientèle bourgeoise qui l'appelle Francis tout court,
qui lui fait des rentes et l'applaudit. Il a la dignité
d'un homme qui ne mendie pas, plus de talent sans
doute que Adam Billaut, mais il est bien vite oublié
et aujourd'hui il faut qu'il ait touché à Adam Billaut
pour que je le rappelle à votre mémoire.
Francis nous amène à parler de son père qui joua un
rôle au commencement de la Révolution dans la
Nièvre et à rappeler une famille importante du Niver-
nais complètement éteinte aujourd'hui dans le pays.
Le père de Francis, ainsi que le marquis de Bonnay,
et le comte de Sérent ont marqué non seulement
dans la députation du Nivernais aux États-Généraux,
mais aussi à la Constituante.
Le Dictionnaire biographique de M. V. Gueneau
relate que Leroy (Pierre-Gilbert), baron d'Allarde,
est né à Montluçon le 9 août 1852 de J.-B. Le Roy,
chevalier, baron d'AUarde, seigneur de Guy et d'Anne
de Rolland.
C'est la date de 1852 qu'on trouve dans le Diction-
naire des parlementaires et dans la Nièvre pendant
la Convention.
La Grande Encyclopédie le fait naître en 1749.
Son père était non pas J.-B. Leroy qu'on trouve,
étudiant à Bourges en 1716, époux d'Anna Rolland,
mais le fils de ce dernier, Charles Leroy, baron d'Al-
larde, seigneur de Lomoy, le Puits de Varennes, mort
avant 1775, époux de Marie- Angélique-Catherine
Coiu-tois de Lomoy.
Il eut à Besançon pour fils, Francis qu'on dénomme
Marie-François-Denis Teresa Leroy d'AUarde, l'auteur
des Chevilles. A cette époque, il était capitaine dans
les chasseurs de Franche-Comté.
AUarde est située dans la commune de Givardon,
canton de Sancoins. L'histoire et statistique monu"
mentale du Cher, de M. Buhot de Kersers, porte
« Alarde, qui appartint au xvni« siècle à Charles
Leroy, aujourd'hui à M. le comte de Massiac ».
Le baron d'AUarde avait des possessions en Morvan.
Au xvui® siècle, le Bruys fief et justice, paroisse
de Montigny-en-Morvan, châtellenie de Montreuillon,
relevant de Château-Chinon pour partie, appartenait
au baron d'AUarde.
- 63-
Quant aux Grand et Petit Guy, anciennement Nault
ouNiault, paroisse de Chougny, terre et justice, sei-
gneurie et château relevant de Château-Chinon (alié-
nation ecclésiastique), mais revendiqués aussi comme
faisant partie de la chàtellenie de Montreuillon, ces
possessions appartinrent à Nicolas Le Roy (descen-
dant comme son parent J.-B. Leroy, grand-père du
député, de Jean-Pierre Leroy, écuyer, seigneur de
Guy, Frétoy, Marcilly et autres lieux, inhumé à
Gervon, le 12 juillet 1697, époux de : 1® Madelaine le
Gastellier ; 2^ d'Edmée de Marcellange).
Francis avait une tante Anne Gilbert, qui épousa,
le 28 septembre 1790, Antoine-Marie le chevalier de
Brecon de Ried, ancien major d'artillerie, chambellan
du roi de Bavière.
Dans la branche de Guy, on trouve au commence-
ment du XIX® siècle, Jean-François-Sosthène Leroy
de Guy, mort en 1804 (il était né en 1801), lequel avait
eu pour tantes Marie-Françoise, née en 1760, Reine-
Geneviève, née en 1767, à Ghougny, épouse de Jacques-
Annet Bardet de Bure, chevalier de Saint-Louis et de
la Légion d'honneur, chef d'escadron en retraite; morte
à Nevers, le 11 juin 1824, Gharlotte Leroy de Guy,
épouse de Pierre Deremy, propriétaire, conseiller mu-
nicipal de Nevers ; morte dans cette ville, le 18 août
1816, Marie-Jeanne, née en 1765, épouse de François-
Ghristophe Millereau de Vauban, paroisse de Bazolles
(Ghougny, 21 décembre 1789).
Si Francis n^a pas eu de fils, le nom de Leroy ne
serait donc plus porté par personne de cette famille .
Lors de la convocation des électeurs pour les Etats-
Généraux, le baron d'Allarde comparut comme pos-
sessionné à Givardon ainsi qu'au Bruys, et fut appelé
comme électeur à ces deux titres, à Saint-Pierre-le-
Moûtier.
- 64-
Anne-Josèphe de La Duz, veuve de Pierre-François
Leroy, de la branche de Guy, représentant ses enfants
mineurs, fut appelée pour Guy à Nevers et représentée
par Etienne de Borne de Grandpré.
Le baron d'Allarde avait été page de la Dauphine.
Il prit une part active aux élections mouvementées
de Saint-Pierre. G'est lui qui inspira toute la partie
relative aux finances des a observations de l'ordre de la
noblesse sur le cahier du Tiers-Etat », car Tordre de
la noblesse ne fit pas de cahier à proprement parler.
Je citerai les articles 18 et 19 des observations conte-
nant un vœu qui n'est pas encore réalisé : « Le droit
de contrôle diminue en raison de ce que le prix d'ac-
quisition augmente ; il serait à désirer qu'on lui
donnât une proportion inverse, d'où il résulterait que
cet impôt porterait sur la classe la plus riche, ce qui
serait juste ».
Député suppléant, il alla siéger à Versailles à la
place de M. de Bar, qui refusa pour cause de santé.
Il se trouvait à Versailles avec le comte de Lange-
ron, qui semble lui avoir servi de secrétaire. Il y a,
aux archives de Nevers, une correspondance relatant,
séance par séance, les votes de l'Assemblée et tous
les incidents parlementaires, sous forme de compte
rendu aux électeurs de l'assemblée de Saint-Pierre.
Il faut y relever cette phrase : « Ne douté plus que
la démocratie, le despotisme du peuple peut s'établir
sur les ruines de la monarchie » .
L'impression générale peut se résumer ainsi : nous,
membres de la Noblesse, nous sommes prêts à aban-
donner tous privilèges, à établir un régime d'égalité
et de liberté; nous prenons l'initiative de toutes les
réformes ; que veut-on donc de plus? »
Langeron quitta bientôt Versailles.
— 65 —
Quant à d'Allarde, il semble s'être confiné dans
l'étude des questions fiscales.
Se<5 plans pour rétablissement des patentes furent
adoptés sur son rapport ; mais il échoua dans ses
plans pour la création d'une dette amortissable.
Il fit adopter la loi pour Tabolition et le rembourse-
ment des jurandes et des maîtrises.
Pendant la Convention, il resta à Paris et s'occupa
d'opérations commerciales. En 1803, il afferma l'octroi
de Paris, mais fit faillite.
Il s'était retiré en Franche-Comté pour s'occuper de
l'exploitation de forges, et était sur le point de réussir ;
il s'était même fait réhabiliter, en 1807, quand il
mourut à Besançon, le 9 septembre 1809.
Le baron d'AUarde ne s'était pas joint aux qua-
rante-sept gentilshommes qui, le 27 juin 1789, firent
bande à part et se joignirent au Tiers-Etat.
M. le comte de Sérent avait cru devoir en référer à
ses électeurs.
M. d'AUarde écrit à ce propos : « Depuis que les
lettres sont écrites, M. de Sérent est de retour de
Nevers, où il a reçu les mandats qui lui permettent
de délibérer en commun ; je puis donc penser que
cette conduite est conforme au désir de la noblesse du
Nivernais. En conséquence, je vais m'y soumettre,
étant d'ailleurs particulièrement persuadé que le bon-
heur public l'exige ».
Je crois qu'on peut classer d'AUarde dans la caté-
gorie des gentilshommes démocrates de la Consti-
tuante, A ce point de vue, sa physionomie est origi-
nale.
Il fut comme eux travailleur, réformateur de bonne
foi et, finalement, victime et ruiné, nous pouvons
ajouter, injustement oublié.
T. IX, 3* série. * 5
- 66 -
LES C0NR4DE
LEURS FAÏENCES D'ART
La Manufacture de Sèvres a dit des faïenciers de
Nevers : « Ce sont des artistes d'ordre inférieur ! . . . »
Vous devinez la conséquence : les faïences en sont
peu intéressantes, presque nulles 1...
Ceci me rappelle un grand financier du siècle de
l^ouis XIV, qui se plaignait, avec raison sans doute,
de ne recevoir que des visites intéressées :
« Il n'y a, disait-il, que ma nièce Pauline qui sache
m'approcher sans regarder dans mes poches ». Ceux
qui discréditent nos faïences sont, comme la nièce
Pauline, les plus adroits. Ce discrédit doit leur rap-
porter profit.
J'ai l'espoir, après cette lecture, de mettre en
mesure de répondre :
I. — Les faïences de Nevers du xvi" siècle comptent
parmi les plus belles de Tépoque, sans excepter celles
d'Italie.
IL — La première faïence en France a été fabriquée
à Nevers.
III. — De Nevers l'industrie a rayonné en France.
IV. — Nous espérons aussi démontrer que les
faïences de Nevers, avec leurs caractères propres,
remontent à une époque antérieure à 1602, et que c'est
- 67 -
grâce aux artistes nivernais que Rouen a pu devenir à
son tour un centre actif pour sa faïence et faire éclater,
après 1647, son originalité.
Notre étude porte sur un groupe de faïences connues,
il est vrai, mais non encore étudiées quanta leur date,
leur origine ou leur signification historique (1).
I
Les faïence? cont de Nevers
De Thou, historien contemporain des Conrades (2),
au XVI'' siècle, a écrit ;
« On raconte qu'un Italien, qui avait accompagné
en France un duc du Nivernais, aperçut, en se pro-
menant aux environs de Nevers, la terre de l'espèce
dont se faisaient les faïences en Italie.
» Il la prépara et fit construire un petit four où fut
fabriquée la première faïence en France (3) ».
On se demandera, non sans raison, si nous n'avons
pas été impressionné par cette citation.
Aussi nous allons démontrer que nos faïences sont
de Nevers.
(1) M. du Broc de Scgange a connu ces faïences, mais persuadé que
rintroduction ne datait que de 1602, il ne pouvait admettre une œuvre
qui lui fût antérieure, comme Test celle qui nous occupe. Oe parti pris, il
les a classées d'Italie (p. 170-171). Il a essayé par là de remonter l'opinion
publique. « Les classant italiennes, dit-il, c^est une supposition très
acceptable » (p. 171).
(2) Les premiers volumes paraissaient en 1602 ; ils ne pouvaient que
signaler des faits antérieurs.
(3) Encyclopédie méthodique t. II, p. .".OG, P;u'is, chez Panckouko, 1783,
- 68 —
Elles étaient scellées à demeure dans une vieille
piaison, rue de la Tartre (1), à côté des prepaiers
fours.
Mais comme on pourrait les récuser, même aves un
état civil de la maison, nous les avons étudiées par
leur fabrication.
Nous n'avons pas hésité à avoir recours à l'expé-
rience de nos faïenciers, entre autres de M. Montagnon.
Cet examen nous a démontré que la terre est chimi-
quement la même que celle des faïences de Nevers
jusqu'au xvn® siècle inclus. Elle est de la même
finesse, de la même ténuité, de la même cuisson, de
la même couleur, de la même dureté.
Si, à Nevers, les faïences sont jaunes, rougies par
l'oxyde de fer, à Savone, elles sont blanches. Pour
obtenir le résultat de nos faïences, M. Montagnon dit
mettre de huit à dix ans de manipulation ainsi répar-
tie :
Pour extraction et laisser geler les terres, deux
ans au moins ; pour délayer, pourrir les terres dans
des fosses pleines d'eau, de trois à quatre ans ; pour
laisser fuser la terre à l'air, deux ans ; puis le temps
nécessaire pour malaxer, battre , tourner la poterie ;
la sécher, la cuire, l'émailler, la décorer et enfin la
cuire une dernière fois.
La terre de nos faïences a subi toutes ces opéra-
tions ; elle indique qu elles sortaient d'une fabrique
ayant de bons exécutants , une bonne installation,
étant maîtresse de ses productions, fabrique où
l'époque des essais était passée depuis longtemps en
fabrication courante.
(1) Maison remise à TaUgnement, mais dont les murs intérieurs sont
antérieurs au xiv<! siècle.
— 69 -
Les carreaux ont 0 m. 018 d'épaisseur et sont des-
tinés à la décoration du bâtiment.
Par la terre, nous sommes donc bien de Nevers.
L'émail de nos faïences a une belle glaçure sans
gerce , mais avec quelques bouillons , qui indiquent
une cuisson à haute température pour le biscuit et
pour l'émail ; c'est le caractère des fours de Nevers ;
la cuisson italienne est moins élevée .
Sur nos faïences se retrouvent à la fois la palette de
Nevers, par le jaune, le bleu et le manganèse, et celle
de Savone par la transparence et la chaleur du jaune
foncé ou du jaune paille ; celui-ci est plus verdâtre à
Nevers.
L'Italie a une palette combinée et toutes les cou-
leurs qui ne sont pas le bleu, le jaune et le manganèse
s'évaporent dans les fours de Nevers, si on les y
expose.
En Italie, les couleurs sont heurtées et crues ; à
Nevers, elles sont harmonieuses à cause du prisme
décomposé des trois couleurs ; à Nevers, le blanc est
laiteux et très différent de ceux d'Italie ; or, ce blanc,
nous l'avons sur nos compositions.
Nos échantillons tiennent de Savone par la trans-
parence des couleurs employées, et par l'émail sont
de Nevers.
Les faïences d'Italie sont constamment marquées
pour reconnaître la fabrique ou le maître.
Les plus anciennes faïences de Nevers ne le sont
pas.
Là, il y avait concurrence ; ici, monopole.
Les marques nivernaises n'apparaissent qu'après
1636 avec les fils Conrade, les Guillereau, les Custode,
les Borne, les Lefebvre, les Viodé, les Rodrigue, les
Seigne, etc., etc.
- 70 -
La déchéance du monopole les oblige à les signer
ou à les marquer.
Les faïences qui nous occupent sont représentées au
musée de Nevers depuis 1830 environ ; ce groupe
provient de la même maison, il est de la même compo-
sition, de la môme main.
Au musée, elles y sont classées les premières en
date ; si on ignore la date et Tauteur (1), on les a. par
tradition, toujours cataloguées de Nevers, même aux
expositions spéciales. C'est sous ce titre qu'elles
viennent de figurer à l'Exposition de 1900.
Jamais personne n'a contesté sérieusement leur ori-
gine. De notoriété , les faïences sont donc encore de
Nevers.
Il
Les faïences sont du XVI® siècle
Ces faïences remontent au xvi® siècle (1584) (2) et non
au commencement du xvii® siècle (1602), comme on le
croyait généralement ; nos preuves seront tirées des
pièces ayant figuré à l'Exposition de 1900.
Pour nous pénétrer de ces compositions, nous les
avons dessinées ; c est en les copiant que la hardiesse
du dessin, la sûreté de main, les traits vifs et lancés,
mais fermes, nous ont surpris.
Nous avons senti l'artiste maître de lui, composant
librement, dessinant avec rapidité, avec entrain.
A-t-il seulement fait des poûcifs? Nous ne le pen-
(1) M. du Broc de Segange, page 173, dit: « On pourra peut-être éle-
ver d'autres objections à rencontre des interprétations que nous venons
de donner au sujet des céramiques trouvées à Nevers; mais en persistant
absolument à les attribuer à Nevers, etc., etc. -.
(2) C'est, pour nous, la date la plus rapprochée.
- 71 -
sons pas ; tout indique qu'il a esquissé ses études sur
l'émail cuit ; l'exécution particulière nous le démontre.
L'émail blanc laiteux semble avoir reçu la pensée et
le premier jet de l'artiste.
Le pinceau est venu ensuite fixer ses contours,
modeler les personnages avec une science profonde du
dessin et surtout du nu.
Nous avons voulu, avant tout, chercher le style de
ces compositions et nous y avons reconnu tous les
caractères du xvi«^ siècle.
D'abord, par l'ensemble du dessin et du paysage
rappelant les compositions de Jean Cousin (1500-
1590).
A cette date, on ne laisse presque pas de ciel ; la
perspective est profonde comme dans les compositions
des Raphaël , des Jules Romain , des Léonard de
Vinci.
Tout le monde se rappelle le paysage formant le
fond du beau portrait de la Joconde.
Ici, le premier plan de feuillages, avec des plantes
de convention, donne cette facture, bien connue, des
tapisseries flamandes du xvi® siècle, notamment de
celle publiée dans le Compte rendu des Beaux-Arts de
1893 {/a Naissance d'Œdipe), et des belles tapisseries
de Charles-Quint du Pavillon espagnol, à l'Exposition
de 1900, que tous les visiteurs ont admirées.
Il existe même double ressemblance, par la perspec-
tive et les plantes du premier plan, entre les tapisse-
ries et nos faïences.
Ce double caractère se retrouve encore dans la scène
du Duc de Guise blessé (1563), qu'il est facile de voir
page 68 du tome II de l'Histoire de France, de Char-
ton. Les feuilles des arbres y sont traitées comme
celles de nos compositions.
Au musée du Louvre, les n®^ 236 et 237, Apollon et
— 72 -
Narcisse et Enlèoement de Ganymède ont la même
ordonnance, lem- date est 1525.
La coupe d'Urbino Fontana : VEnlècement d'Europe
qui est de 1531, est semblable.
Mais les faïences de Savone, dont Nevers tient Tori-
gine, ont le même procédé d'exécution pour leurs
troncs d'arbres en tire-bouchon, procédé conservé à
Nevers jusqu'au xvii® siècle.
Voilà qui nous fixe déjà la date du xvi'' siècle.
Nous verrons plus loin que les armes, les meubles,
les costumes sont précisément du même siècle ; les
draperies sont inspirées de Raphaël ou du Pérugin ; et
le modelé des enfants procède de Michel-Ange.
Ces compositions pourraient être médiocres ; ^Ues
sont, au contraire, remarquables de style ; c'est encore
un argument en notre faveur, car Nevers n'a eu son
apogée d'art qu'au moment où les faïences s'y sont
installées; depuis, il y a eu décroissance, déchéance.
M. Garnier, directeur de la Manufacture nationale
de Sèvres, présente, dans son beau travail, les faïences
de Nevers comme des œuvres ayant moins de style
que de naïveté.
Les reproductions sont du xviii'* siècle et même de
la Révolution!...
Un auteur célèbre, Voltaire, a dit : « Il faut se
défier des myopes, ils voient les choses de trop près )>.
Elargissons donc nos vues.
Du jour où l'art s'est trouvé isolé et séparé du contact
intellectuel des maîtres, l'art livré à lui-même a déchu.
On s'est jeté dans des pastiches, car cet art n'était
pas vivifié par la pureté du dessin ; il a fini par ces
grotesques de la Révolution.
Dix minutes de promenade au musée de Nevers
justifieraient cette allégation bien mieux que nous ne
saurions le décrire.
- 73 -
Nos œuvres sont donc des productions de l'origine
de la faïence à Nevers ; on y sent une main habituée
à copier des maîtres de l'école italienne du xvi-^ siècle.
Chaque coup de pinceau est une tache ; mais cette
tache indique que le pinceau, rapide pour les clairs,
s'arrête et décharge pour les ombres, donnant de beaux
effets de clairs-obscurs.
C'est l'artiste qui modelait si bien les nus qui avait
compris Michel-Ange répondant à François de Hol-
lande :
« Quel peintre serait assez niais pour préférer le
soulier d'un homme à son pied I... »
III
Description des siijets
La première qualité d'un peintre étant d'exprimer
sa pensée, nous pouvons dire que les compositions
présentées brillent par ce mérite. D'ailleurs, décri-
vons-les en trois groupes :
Le premier est composé de parties de frise en
hauteur de 0 m. 17 de large.
C'est une théorie d'amours en guirlandes se déta-
chant chaudement en un modelé bleu, alterné de
manganèse clair sur un fond jaune — la couleur or de
ces belles mosaïques romaines, — couleur dont l'oppo-
sition, douce et vive tout à la fois, est si riche.
Ce fond jaune est orné, de chaque côté, d'un étroit
filet blanc, puis par deux autres plus larges : le pre-
mier est bleu, l'autre violet foncé ; après se retrouve
un large galon blanc : l'émail de la faïence.
~ 74 -
Sur ce fond or, si brillant, se dessine une chute
ininterrompue d amours modelés en bleu sous tous les
aspects ; c'est une véritable école du nu.
Aucun ne se répète et la bordure est longue ; ils
sont par couples, par grappes et se relient par les
mams ou par des banderolles violettes ; les uns ont des
gerbes de fleurs, d'autres des fruits avec la note verte
des feuillages, et d'autres des armes, dont les similaires
se retrouvent sculptées aux façades du bord de l'eau
du... Louvre.
D'ailleurs, banderolles, fruits, fleurs et armures ont
tous ce style français du règne de Henri III,
Au point de vue de la composition, nous signalerons
l'un des amours, ayant toutes les qualités, tous les
mérites qui ont fait du groupe de la Danse, de Car-
peaux, à la façade de l'Opéra de Paris, sa juste
renommée.
La vérité du mouvement et la passion se trouvent
ici comme dans l'œuvre du célèbre statuaire.
Le deuxième groupe se compose de deux allégories ;
Sapientia et Veritas. Chacune d'elles est représentée
sur deux carreaux; elles ont 0 m. 22 sur 0 m. 15.
Veritas est assise sur un trône, dont la forme ne laisse
aucun doute sur sa date, confirmée par le style du
dessin, qu'on prendrait pour un Jean Cousin : Veritas
est abritée sous un arbre vert et drapée couleur
manganèse. La Vérité est avenante, gracieuse, aima-
ble ; et cette vérité est dans le livre qu'elle montre :
les Saints Evangiles, sans doute.
Le modelé bleu du personnage, donne des formes
parfois d'une correction exquise, sur le fond jaune
foncé ; le feuillage est vert et le trône est bleu.
— 75 —
L'effet est fort heureux et très brillant.
Sapientia lui fait un beau pendant. Elle aie casque
de Minerve, en tête, et s'appuie d'une main sur son
bouclier, à tête de gorgone, en violet; l'autre
main a un geste fort jaste et très expressif; son cos-
tume est presque identique à celui de Arion, par
Andrée Riccio (1) (surnommé Briosco) ; la date do
celui-ci est de 1470-1532. Il endosse la cuirasse des
généraux romains, laquelle semble du renouveau à
l'époque.
La figure de Sapientia est à l'unisson de son geste.
Minerve a une grande allure.
L'ensemble se fait valoir par la couleur et par la
valeur des tons, ce qui fait une opposition des plus
heureuses.
* *
La troisième composition est Renaud et Arniide, du
Tasse ; elle a une complète analogie avec celles que
nous venons de décrire pour le dessin, les armures et
les accessoires.
Cette scène, créée par le Tasse, a été rendue vivante
par un tableau, bien connu du Dominiquin, qui est au
musée du Louvre.
Nous retrouvons la môme scène traitée par Le
Poussin, Van Dyck, Teniers et Boucher.
Mais un artiste du xvi® siècle, encore ignoré, le pre-
mier en date, l'avait déjà composée sur faïence de
Ne vers (2).
Nous allons rechercher le caractère de cette compo-
sition.
(1) La Renaissance HaUenne^ de M. Eug. Muntz, donne p. 300 lu
statue, et p. 'i^ celle de Gnutlanielatta, par Donalello. presque semblable.
(2) Cette belle fa'ien^'e a figuré à l'Exposition univei^elle de 1900, au
Petit-Palais, sur la proposition de rauteur.
- 76 -
La composition est un médaillon formé par une cir-
conférence, ayant 0 m. 63 de diamètre ; quatre car-
reaux la composent, sa palette est identique à celle
des autres faïences ; jaune foncé pour le sol modelant
ses vallées, à profondes perspectives, par du jaune
clair et des réserves de blanc.
Le ciel est bleu.
Ce paysage improvisé par le pinceau rappelle la
transparence des vitraux ou mieux de nos aquarelles.
Les tons y sont frais et brillants ; sur ce fond, s'étale
un groupe en bleu, savant, bien modelé, bien musclé;
puis les verts sombres des arbres ou des plantes
font repoussoir et donnent à cette composition un effet
saisissant qui vous charme.
Pour traiter le sujet, le Dominiquin a pris le texte
suivant du Tasse :
(( Armide sourit, mais toujours elle s'admire ; elle
rappelle ses cheveux errants, les entrelace, les tresse,
les arrondit en boucles; et les fleurs qu'elle y môle
brillent comme l'émail enchâssé dans l'or...)).
>) Il (Renaud) y voit les honteux ornements dont il
est couvert : ces cheveux parfumés, ces boucles volup-
tueusement flottantes, cette épée. .. devenue, pour lui,
une vaine parure » .
L'artiste nivernais s'est inspiré du poème :
(i Renaud est couché dans ses bras, son voile ne
couvre plus l'albâtre de son sein ; ses cheveux épars
sont le jouet des zéphirs...
)) Dans ses prunelles pétille le feu de l'amour... »
Puis les reproches virils :
« Quel sommeil, quelle léthargie a donc assoupi ta
valeur ? Quelle faiblesse a flétri ton courage ? »
— 77 —
La première différence des deux auteurs est donc
dans le programme. La seconde sera dans la date.
Nous avons dit que les compositions étaient fran-
çaises et du règne de Henri III, qu'elles procédaient de
l'école italienne.
Si la profusion des nus et leurs modelés semblent
s'inspirer de Michel-Ange, nous trouvons aussi des
draperies inspirées de la fresque du Pérugin, de la
Chapelle Sixtine, de l'école d'Athènes et de la Vierge
de François I®' de Raphaël. Ces maîtres inspiraient, à
l'époque, tous les artistes.
Renaud avec son costume similaire à Sapientia a
aussi son origine avec Riccio; c'est-à-dire que tout
marque le xvp siècle, tandis que le Dominiquin, né
en 1581, mort en 1641, ne donne plus qu'une œuvre du
xvn'^ siècle ; l'architecture elle-même donne cette date.
L'arrivée à Nevers d'Augustin Conrade en 1584,
originaire d'Albissola, sur la rivière de Gênes, situé
à trente-huit kilomètres de Gênes, sur le golfe de ce
nom ; Conrade, dont la donation du 16 mai 1611
contient qu'il demeure à Nevers depuis plus de vingt-
sept ans (1) ; le potier-peintre qui, en 1590, d'après
les archives, peint quatre buffets de vaisselles pour
Paris, vient nous éclairer, nous préciser une date pour
ces compositions.
Disons de suite que personne en dehors des Conrade
n'était à même de donner les qualités que nous avons
décrites.
Nous venons de vous révéler un chef-d'œuvre où,
suivant l'expression pittoresque de Mme do Sévigné :
tt jamais carrosse n'a passé ». Ajoutons que les[faîences
(1) Augustin ne serait-il pas venu rejoindre ses frères et traiter 'ce
sujet avant 1584 ? Nous ne pouvons Taftirmer puisque nous ne connaissons
encore que la pièce du 16 mai 1611.
- 78 -
n'étaient pas commerciales ; qu'elles étaient scellées.
fixées .
Ne pouvons-nous penser que nous sommes en pré-
sence des modèles obligés que tout industriel doit faire
pour indiquer ses productions, son talent? Dans ce cas,
son atelier était à l'angle des rues du Doyenné et de
la Tartre (1).
L'origine nivernaise et la date trouvent enfin leurs
preuves indiscutables dans le portrait de Renaud qu'on
représente sous les traits du. duc Ludovic de Gon^agiie
à l'âge qu'il avait en 1584.
Dans un instant vous allez voir la preuve de ce que
nous avançons avec le portrait du duc en 1565, vous le
comparerezà celui de Renaud dix-neuf ans après (1584).
Pour faciliter la critique nous signalerons une
chose bien connue de tous : la profonde modification
de la physionomie d'une personne avec l'âge. Victor
Hugo en est une preuve frappante ; on dirait autant
d'individualités que de portraits. Le Figdro les a
publiés à vingt-cinq, trente, cinquante, soixante-six,
soixante-douze et quatre-vingt-un ans et chacun d'eux,
vous pouvez vous le rappeler, est une individualité.
Nous venons d'établir les dates au premier groupe
par les motifs rappelant le règne de Henri III.
Au deuxième groupe par le dessin, les meubles, les
armes, le costume.
Au troisième groupe par le portrait de Ludovic de
Gonzague en 1584. Nous allons poursuivre ces preuves
avec d'autres documents.
(l) Tartre veut dire ômail.
- 79 -^
IV
Autres preuves
En 1590 (1), un Nivernais, Gaston de Claves, dédiait
au duc de Nevers une plaquette où nous trouvons les
mots caractéristiques suivants, d'un témoin oculaire :
(( Ces artistes inrjénicii-r r/ui produisent des ouvra-
ges ADMIRABLES pour les étrangers ».
Vous qui connaissez les faïences, ne pensez- vous pas
sincèrement comme lui ?
C'est en 1575 que parut la Jérusalem déliorée ; son
apparition fut un succès prolongé : ce poème eut un
retentissement, non seulement en Italie mais en
France.
Comment admettre qu'un prince, que des artistes
d'Italie ne se soient pas engoués pour la poésie ?
Il faut avoir quitté un temps sa langue maternelle
pour connaître toute Timpression délicieuse qu'on
éprouve à la lire dans un milieu étranger.
On peut être assuré qu'il en fut ainsi de nos hôtes.
Mais lorsque les pensées , les poésies sont aussi
suggestives pour l'époque que celles du Tasse, l'im-
pression sur l'esprit d'un artiste est considérable.
Ajoutez que l'artiste arrivait d'Italie et un autre
fait connu, que le futur cardinal Scipion de Gon-
zague (2) était lié d'amitié avec le Tasse (3) ; enfin,
(t) Cette môme année, Augustin Conrade fabriquait ses faïences pour
Paris (Archives communales.)
(2) 15i2-lo95, cardinal en 1587.
(3) 1554-15^.
- 80 ^
la femme du duc, Henriette, elle-même, a fait la tra-
duction de VAminta du Tasse.
Voilà plus d'une raison pour que Ludovic et
Conrade aient parlé du Tasse et pour motiver la com-
position d' Augustin Conrade. Et ce fut certaine-
ment la première interprétation en dessin de cette
harmonieuse poésie.
Avec le Dominiquin, Conrade est dissemblable de
cadre, de groupement, de personnages, d'accessoires
et d'idée.
Dans l'œuvre du Dominiquin, le paysage est le
principal dans lequel se noie le groupe.
Dans Conrade, c'est l'opposé. Un coin dans les deux
compositions paraît se ressembler, à se demander
môme si le Dominiquin n'avait pas connu celle de
Conrade ; c'est celui des guerriers cachés derrière un
bouclier dans le bocage.
Dans le Dominiquin , ce sont les camarades de
Renaud : c'est Ulbade et le Danois ; ils sont inquiets
et préoccupés ; car quel sera le résultat de leur appa-
rition, de leur démarche ?
Dans Conrade ce sont trois enfants : des génies .
Ils ne sont pas inquiets.
J'ajoute que le poème ne les explique pas avec cette
attitude et ce ne sont pas les seuls accessoires qui
soient étranges ; les amours derrière le groupe sont
encore plus inexplicables avec le Tasse. Au contraire,
ce dernier ne peut prêter à équivoque avec le Domi-
niquin. Ces raisons nous ont engagé à chercher une
allégorie parallèle au sujet principal, laquelle vient
encore confirmer nos conclusions.
LES CONRADE - LEURS FAÏENCES D'ART
e
Exposition de Neverg 1887.
^ 81 -
L'allégorie
Cette allégorie est nivernaise par le portrait du duc
Ludovic de Gonzague.
Avant de la chercher, nous croyons utile de pré-
ciser un point d'histoire locale : Nevers était sorti
d'un grand danger, les troubles fomentés par le duc
Engilbert de Clèves, d'une part, et son compétiteur
le seigneur d'Orval, en se disputant le duché, avaient
mis Nevers « à deux doigts de sa perte ».
Ces compétitions tranchées , par le mariage des
enfants des adversaires, par ordre du roi, redeve-
naient terribles par les guerres de religion.
Pour les calmer, le roi envoie Lafayette à Nevers,
et le rappelle, sa mission n'ayant pas été celle d'un
pacificateur.
L'intolérant seigneur de ChàtilIon~en-Bazois aug-
mente les épreuves , et Catherine de Médicis elle-
même intervient. Tout cela se passait la veille du
mariage de Ludovic de Gonzague avec Henriette de
Clèves, en 1565, Henriette de Clèves que Ronsard a
chantée :
La dochesse de Nevers,
Aux yeux verts
Qui sous leur paupi^^e blonde
Lancent sur nous plus d'éclairs
Que font vingt jupiters,
Dans les airs
Lorsque la tempête gronde.
De 1565 à d584 venait de s'écouler dix-neuf ans
d'une paix fructueuse : vrai privilège pour Nevers.
7, IX, 3> série, 6
- 82 ^
Une reconnaissance, au moins égale, existait de la
part des Conrade, car ils avaient un monopole et
étaient exempts des impôts.
Ces avantages , le nouvel arrivant , Augustin
Conrade, les ressentait encore plus, car la qualité des
produits nous a révélé une industrie établie déjà et
en bonne production.
Pourquoi les Conrade n'auraient-ils pas donné au
héros chrétien la figure du duc ?
Augustin savait bien que le Tasse avait dédié son
poème à un prince italien ; ne pouvait-il dédier sa
composition au duc ?
De cette situation particulière devait sortir une
création digne et surtout chaste.
Celle du Dominiquin sera voluptueuse.
Conrade n'a point failli à ces nécessités. Renaud
n'est pas l'enfant terrible, Armide n'est pas l'écervelée
adolescente du Dominiquin ; tous les deux sont dans
la force de Tâge, car Armide peut figurer la Ville de
Nevers, qu'on ne doit pas présenter sous un aspect
jeune. Cette maturité de Renaud lui était nécessaire
d'abord pour la ressemblance, et pour qu'on comprît
cette citation :
« A peine l'éclat de lacier a frappé ses regards, son
feu se rallume, l'ardeur des combats rentre dans son
âme ; sa molle langueur se dissipe, il sort de l'ivresse
et de l'assoupissement du plaisir ».
Si la ville était en danger, n'est-ce pas, désormais,
ce prince qui lui doit sa protection ?
Point n'est besoin de faire effort pour lui trouver
cette attitude, car le guerrier est au repos.
Si son casque, si son bouclier sont renversés à ses
pieds, ils sont encore à portée de sa main.
Si des amours chevauchent sur le glaive et si l'un
— 83 -
d'eux cache les lauriers à la vue du héros, celui-ci, du
moins, n'est pas couché dessus et le glaive est toujours
près de sa main.
Chez le guerrier, c'est de la longanimité.
Mais rassurez- vous, l'un des génies veille, une gaule
à la main, écartant les souvenirs de guerre, de combats,
coupant le fil que des génies cachés figurent.
Ceux-ci, nous l'avons dit, ne sont pas inquiets ; ils
n'ont pas mission de réveiller, de rallumer l'ardeur
guerrière.
Ils veillent, ils attendent, voilà tout.
Mais cette quiétude du héros lui ferait-elle perdre
le souvenir de hauts faits ?
Nullement.
Un autre génie dresse, soutient à son insu, derrière
lui, un cartouche prêt à recevoir l'inscription de son
œuvre de civilisation ; et la Ville de Nevers , de sa
main gauche, saisit ce cartouche pour l'y inscrire elle-
même.
Aussi les autres génies peuvent-ils répandre à terre
les vases, sortir les ornements de la cassette ; c'est
l'art qu'ils étalent dans la paix.
Et ils sont, ma foi, fort occupés.
Le panache, en guise de marotte, est à la main d'un
amour, à côté du porte-queue d'Armide.
A quoi bon le panache!...
En temps de paix, ce n est qu'un joujou.
Un amour dirige le bras droit de Renaud ; aucune
autre pensée ne sera mise en jeu, car ce génie garde et
guide le bras.
D'ailleurs, ne vous y trompez pas : voyez cet amour
perché, accroché à une branche au-dessus de... Renaud
et Armide?... non ! du Duc et de sa Ville.
De cet arbre stérile, n'ayant que des feuilles, ce
génie a détaché un fruit : Vart du faïencier I.,.
— 84 —
Il est dans sa main et îe tend à un de ses congé-
nères, tandis qu'au loin, aux pieds du duc, un autre
encourage le mouvement.
Et celui-là, d'un élan magnifique, va recevoir le
fruit et, soyez-en sûr, le porter au duc qui repose sur
le genou de sa Ville-Armide.
N'est-ce pas à lui qu'on en doit Téclosion ?
C'est d'elle que le Tasse dit :
« Car elle a vu ce front calme et tranquille^ ces
lèvres où repose le sourire, ces yeux dont le sommeil
môme ne peut lui dérober l'éclat, elle sent expirer sa
colère...
» Elle admire ses grâces et demeure penchée sur
son front, comme Narcisse sur la fontaine qui réfléchit
son image. . .
» Ce cœur, plus dur que le diamant, plus froid que
la glace, s'amollit et déjà ne connaît plus que le feu de
l'amour ».
Voilà bien ce qui est commun à la ville de Nevers
et à Armide, précisant encore la date des faïences (1).
Pourquoi cette pensée nWrait-elle pas hanté des
artistes fixés à Nevers, connaissant les vicissitudes
antérieures ?
S'il en est ainsi (2), louons doublement leur compo-
sition si différente de celle du Dominiquin, si person-
(1) M. du Broc de Segange désigne ce chef-d'œuvre un peu trop pro-
saïquement « un dessus de poêle ! •, p. 171.
(2) Cette allégorie a été contestée. On veut voir simplement des amours
s'ébattaut autour de Renaud et Armide.
Mais toute composition a une pensée.
Quel besoin Ârmide aurait-elle de prendre le cartouche? Quels hauts
faits voudrait-elle buriner dessus?
L'amour sur la branche figurerait-il la fragilité de cette passion ?
Pourquoi des arbres stériles et pourquoi, dans la main de ce petit acro-
bate sournois, y a-t il un fruit ?
Serait-ce lu pomme de la discorde? Celle d*Eve ou de la belle Hélène?
— 85 ^
nelle^ si française de détail, si pleine de sentiments
délicats.
La louange discrète de leur industrie s'y trouvait
jointe à l'élévation des pensées nivernaises pour leur
duc.
VI
L'art rayonne
Au point où nous en sommes, nous sentons la néces-
sité de prouver que l'art, dont nous venons de vous
entretenir, n'est pas resté stérile, comme les arbres de
l'allégorie.
Au contraire, il a produit de beaux fruits ; dès l'année
1598 il rayonne et va exciter par ses succès et sa
renommée le zèle d autres villes en France.
Il résulte d'actes authentiques que les faïenciers
vont à Cosne. Les registres de l'état civil de 1598 à
1652 nous donnent cette preuve (1).
Ces registres nous révèlent l'existence d'une ving-
taine de familles de faïenciers, que, de nos jours, ses
habitants ignorent encore.
Bientôt nous pourrons voir, il faut l'espérer, dans le
nouveau musée de Cosne, ces faïences groupées. Nous
comptons sur le zèle de son dévoué conservateur.
Les ohefs et les créateurs de cette industrie, existant
en 1598, sont Bernardin Conrade et son gendre, Michel
Seton, lequel avait épousé Espérance Conrade.
Douze fois, le nom de Conrade, de 1598 à 1641, se
trouve sur les actes ; et vingt-une fois, de 1598 à 1624,
se trouve le nom de Michel Seton.
(1) Voir appendice « les faïenciers de Cosne. n
- 86 —
B. Conrade se marie deux fois : sa première femme
est Agnès Perle, sa seconde Louise Dely.
Parmi les familles des autres faïenciers, nous rete-
nons les noms suivants :
Sylvain Talbouthier ; il se marie à Cosne en 1644 et
meurt à Nevers en 1688.
Edme Cardot, qui marque sa résidence à Cosne de
1646 à 1652 et meurt à Nevers en 1674.
Barrât, témoin et faïencier à Cosne en 1647 ; il finit
ses jours à Nevers en 1672.
Ces faits, mis à côté de Baptiste Conrade de Nevers,
qui est parrain d'un enfant Seton, ne démontrent-ils
pas, jusqu'à l'évidence, que les faïences de Cosne sont
créées par les Conrade de Nevers ?
Si les états civils le prouvent, on saura que les pro-
duits sont encore plus proches parents.
Le prochain groupement des faïences dans leur pays
de production prouvera victorieusement ce que nous
avançons .
A Roanne, M. le docteur Noélas nous apprend,
page 23 de son ouvrage sur les faïences de Roanne,
que dans les registres des états civils de cette ville,
dès 1637, « les noms des Conrade apparaissent ».
A Moulins-sur-AUier, en 1666, un faïencier a pour
femme Françoise Conrade.
Augustin Conrade, premier médecin de la reine de
Pologne, le même qui assiste et signe plus tard le
procès-verbal de décès de Louis XIIL Augustin
Conrade, disons-nous, de 1685 à 1689, habite la ville
de Moulins.
Nous pourrions déjà englober les faïences de Cla-
mecy et celles près d'Auxerre, de La Charité-sur-Loire
- 87 —
et de Clermont, comme une poussée venant de Nevers,
mais nous avons mieux.
«
A Rouen, cette belle ville de Normandie, si célèbre
par ses faïences, nous allons préciser le contact et la
présence des faïenciers nivernais.
Nous nous servirons de l'auteur si estimé, André
Potier, historiographe de ces faïences, puis des états
civils de Rouen et de ceux de Nevers, nous mettant du
coup au-dessus de toute critique.
Page 165 du volume cité, nous trouvons, en 1631,
Potier, faïencier, venant mourir à Nevers en ir>68,
âgé de soixante-quinze ans ;
En 1636, Lefebvre, revenu à Nevers en 1644 ;
En 1641, Leclerc, qui, en 1732, est décédé à
Nevers.
Voilà déjà trois noms nivernais cités par André
Potier, avant 1647^ date du plat historique de Rouen.
Mais André Potier écrit, à la page 9, en regard de
la date 1640 :
« Epoque où florissait à Nevers un fabricant dis-
tingué. Custode, à qui on a attribué les imitations de
majolica, de faïence hollandaise du genre chinois ».
Cette désignation est à retenir.
Mais ce Custode était le père de Jean Custode, l'in-
culpé au retentissant procès du 14 décembre 1646, par
Porterat de Saint-Etienne, le grand faïencier de
Rouen, un an encore avant le plat de 1647.
Ce procès, donné par André Potier, nous révèle la
présence, à ce moment, d'autres faïenciers nivernais à
Rouen : Petit, puis Anthoine Dupas ; Girault et Petit-
Jean, lesquels, dit l'enquête, « sont de présent à Nevers » .
^ 88 -
Etaîent-ce bien tous les faïenciers de Nevers habi-
tant Rouen ?
On nous permettra de laisser un gros point d'inter-
rogation.
Plus tard, André Potier nous en donne d'autres à la
page 165 :
En 1648, Brochard; en 1660, Dumont; en 1666,
Bourgoin ; en 1671, Henri Borne.
Celui-ci, de la famille nivernaise des potiers-sta-
tuaires, fait souche à Rouen et se trouve inhumé à
Nevers, église Saint-Genest, le 15 mars 1716.
Son fils Claude a deux pièces rouennaises célèbres
signées de lui : les Quatre Saisons (1736), et Diane
surprise au bain par Actéon (1738).
En 1679, Guay ; en 1680, Mazois et Soret ; en 1681 ,
Maugras ; en 1685, Rodrigue ; en 1688, Desporte ; en
1697, Marque; en 1699, Serrurier; en 1711, La-
cuisse ; en 1717, Baudoin .
Pour Nevers, lui était-il possible de choisir une
plus belle ville que Rouen pour y apporter son art ?
Nous ne le pensons pas.
Et cette marque indélébile est sur le plat portant
son état civil : « Fait à Rouen 1647 ».
Car s'il n'y était pas cet état civil, pour les érudits,
môme de Rouen, nous serions en face d'une faïence
(( hollandaise du genre chinois », d'après André
Potier ; d'un Custode nivernais !
Le décor qui fait la caractéristique de Rouen et sa
gloire, est un ornement avec réserve de blanc.
Nous sommes heureux et fier que cette grande et belle
ville de Rouen ait ensuite porté si haut l'art du faïencier.
La preuve est faite et le faïencier de Nevers a réel-
lemeût porté au loin, dans une zone encore indéter-
minée, et dès 1598, son tour de main et son art.
- 8d -
Il semble qu'on pourrait faire le dialogue suivant :
Grimm disait, un jour, à Diderot :
— On n'est jamais trahi que par les siens.
Et Diderot de répliquer :
— Vous oubliez que le plus souvent on se trahit soi-
même.
Mais remplaçons Diderot par Rouen.
C'est en vain qu'on opposerait le carreau d'Ecouen
de 1542 et son auteur Masseot Abaquesne, ce car-
reau n'a pas été suivi de la création d'une industrie.
Cette industrie, d'après André Potier, ne vient que
cent cinq ans après. Le plat de 1647 est une époque ;
le carreau de 1542 est un incident (1), un écho ; mais si
l'écho fait illusion, il est toujours circonscrit dans un
petit espace.
La célébrité, qui est la consécration du mérite, n'a
pas manqué à la faïence de Nevers, car on a noté ses
premiers essais .
De nos jours aussi, on se remémore les modestes
débuts des ballons, de la vapeur, de l'électricité et des
vélocipèdes ; mais de Thou a célébré \q petit four où
fut cuite la première faïence en France .
Peut-il exister réellement un rayonnement ou la
diffusion d'un art, d'une industrie, s'il n'y a déjà succès
notoire? Si l'établissement n'est pas ancien ?
Personne ne saurait soutenir une thèse contraire à
cette vérité, à cet axiome.
Le succès notoire existe ; il est confirmé par la cita-
tion de de Thou : « Nevers a fait cuire la première
faïence en France ».
(i) Piccopalsi, dans son manuscrit, en 15i8, p. 6, dit au moment où il
écrit, « un certain Guido Savino a porté Part à Anvers et ses fils le main-
tienaent ».
- 90 —
Nous pourrions dire de Nevers du xvp siècle : c'était
un champ artistique, champ où des villes françaises
venaient glaner (1).
VII
Résumé
Nous avons établi les caractères de la faïence de
Nevers, ainsi que la date du xvi* siècle.
Cette date se trouve précisée par le mariage du duc
en 1565 ; par les relations amicales du cardinal de
Gonzague avec le Tasse ; par la date du poème de 1575 ;
puis par la présence à Nevers d'Augustin Conrade en
1584; mais nous avons retrouvé dans le groupe des
faïences du musée de Nevers (2) des costumes de natio-
nalités qui sont pris dans « Les navigatiotis et voyages,
de Nicole de Nicolaî, géographe du roi de France,
volume imprimé à Venise en i580, par Francesco
Ziletto », où le caractère du dessin est de la même
famille que le dessin des faïences.
(1) Que les vers de Victor Hugo exprimeraient si bien dans Booz :
Nevers s'estait couché de fatigue accablé ;
11 avait tout le jour travaillé dans son aire,
Puis avait fait son lit dans sa place ordinaire ;
Nevers dormait auprès de boisseaux pleins de blé.
Ce vieillard possédait des champs de blés et d'orge ;
Il était, quoique riche, à la justice enclin ;
Il n'avait pas de fange a leau de son moulin ;
11 n'avait pas d'enfer dans le feu de sa forge.
Sa barbe t tait d'argent comme un ruisseau d'avril,
Sa gerbe n'était point avare ni haineuse ;
Quand il voyait passer quelques pauvres glaneuses :
n Laissez tomber exprès des épis » disait-il.
(2) Ont figuré à FExposition de 1900.
— 91 —
Le dessin comme la littérature a une famille : elle
s'appelle Homère ou Raphaël, Voltaire ou Michel-
Ange, Victor Hugo ou VioUet-le-Duc. Mais la concor-
dance de Tàge du duc de Nevers, en 1584, représentée
dans Renaud, est la signature la plus authentique qu'on
puisse exiger.
Le caractère français découle du lieu de production
de cette industrie, dont les preuves d'antériorité sont
déduites de la longue manipulation des terrées (huit à
dix ans), de la période d'essai, et enfin du temps
nécessaire à son rayonnement en 1598.
Ces résultats font accorder, en 1578. la naturalisa-
tion de français à leurs auteurs ; les termes mêmes les
confirment : « Les Conrade combattent dans l'armée
française, disent-ils, à côté du duc « dès leur prime
» jeunesse ».
Ces termes confirment qu'avant 1578 les Conrade
avaient fait leurs preuves. Ils découvrent une date
ignorée et me ramènent à la mémoire la réponse
d'une marquise au duc de Saint-Simon :
— (( Savez- vous pourquoi, lui disait-elle, nous
faisons peu de cas des dates ? C'est que nous nous
appliquons, aux approches de la trentaine, à oublier le
millésime de notre naissance ».
N'oublions pas notre naissance : sous François I®',
l'artiste Le Rosso , d'Italie , est nommé intendant
général des Beaux- Arts, qu'il dirige de 1532 à 1541.
Le Primatice, italien aussi, garde ces hautes fonc-
tions de 1541 à 1570. Et si Toussaint Dubreuil, qui lui
succède, est Français : c'est un élève du Primatice
qui doit tout aux artistes italiens.
C'est lui qui facilite la récompense des Conrade ;
n'en doutons pas.
- 92 —
Qui douterait que Tlntendant général des Beaux-
Arts n'était en relations suivies avec... un prince de
Gonzague !.. . devenu français par son mariage ?
La date vers laquelle il faut déjà chercher l'intro-
duction des faïences d art à Ne vers est 1565.
Plus tard, les Conrade deviennent de vrais Français
et les vraies étoiles fixes de l'astronome Kepler, qui
les veut groupées et non isolées.
En 1598, on trouve des faïenciers à Cosne.
En 1637, ils sont à Roanne ; en 1666, à Moulins-
sur-Allier,
En 1631, nos faïenciers sont à Rouen. Cherchez et
vous trouverez leurs noms sur les registres des états
civils.
Nos faïenciers dépassent même le but en allant en
Flandre peindre un autel portatif (1) ; c'est Stéphane
Borne, en 1716, un vrai Nivernais celui-là 1
Mais la tradition de français n'est-elle pas cimentée
par ce fait que l'éminent jurisconsulte Guy Coquille
a pu aider à la richesse de son pays natal où il fut
ensuite inhumé dans l'église disparue des Saints-
Pères.
Guy Coquille, de 1568 à 1570, administra la ville de
Nevers pour le duc de Gonzague, dont il était le
conseil et l'ami.
Lamennais, dans une longue phrase, dit cette écla-
tante vérité : « Si les êtres se dégagent et s'indivi-
dualisent, l'art n'échappe point à la règle ».
Aussi pouvons-nous dire des faïences de Nevers :
C'est de l'art français !
(1) Voir Musée de b^èvres :
Fecit Jacobus Féburier
In Flatidria anno iliô
Pinxit MariorStephanus Borne iliô.
- 93 -
Nevers peut hautement revendiquer les artistes de
grande valeur qu'étaient les Conrade.
Si des Conrade on peut dire : L'homme n'a guère
conscience de son berceau, on dira de Nevers : Tout
cœur bien né a le culte de son foyer.
Et notre foyer ici ce sont nos œuvres d'art, œuvres
nées au centre, au cœur de la France !
Massillon Rouvet.
Archxlecie,
Membre non résidant du Comité des Sociétés des
Beaux- Arts des départements.
^
APPENDICE
LES FAÏENCIERS DE COSNE
Extrait des registres de Vétat civil
de Cosne : (S.- A.) Saint-Aignart ;
(S.-J.) Saint-Jacques.
Bernardin COURRADE, époux d'Agnès Perle,
puis de Louise-Anne Dely.
Catherine
17 février 1(506,
/ille d'Agnès.
(S.-A.)
Marie
Parrain : Bouchet.
Marraine : Roussel.
8se|)lenibre 1607.
Fille d'Agnès.
(S.-A.)
Anthoine
Janvier 1613.
(S.-J.)
Fils de Bernardin
et de Dely.
Parrain : h. h. Fran-
çois Saiigeot.
Marraine : E. Dt svaux.
Bernardin a été, en outre, témoin : de Michel Minard, fils
de Michel et de Perrette Laudrat, avec Pierrette Tinant,
30 juillet 1605 (S.-A.);
De Etiennette Pcrly, avec Jehanne Folonge, le 28 juillet 1607
(S.-A.);
De Jean Ferrie,, fils do Jean et de Marguerite Moy, avec
J. Duplessis et Jacquette Bouchet, 10 décembre 1607 (S.-J.);
De Jehan Bouchet, 5 mars 1(300 (S.-J.).
François CORADE, épouse Françoise de Rabotin.
Henry-Jacques
1641.
Parrain : Henry Coul-
tani, sgr de Boi.sre-
naiilt.
Marraine: n. d. Cathe-
rine Perly.
(S.-J ) •
MADfclLEINE
23 novembre 1642.
Parrain : h. h. Claude
Nouranl , sgr Du -
plessis.
Marraine : Madeleine
Barré.
(S.-J.)
- 95 -
Michel SETON, époux d'Espérance Courrade.
François
11 juillet tSOQ.
Parrain ; Fran{ois
Bouchot.
Parrain ; Bernardin
i <s!j.r
Michel Selon signe comme parrain, 31 mai irjQS, k la nais-
sance de Françoise Corradt', avec Valenline Gambin (B" Ver-
riers, page 8|;
De Michel Geoffroy, sa si^aliirc : 'M. B. Conradus),
15jiimellO(H(S.-.l.);
De ^licliol Hinard : Bernardino Courrade, 30 juillet 1G05
(S.-A.);
De Ëdmée Bebrier, lille de Mathieu et de Millet. Marraine :
Madeleine Chanioy, 7 décembre 1609 (S.-J.);
De Michel Conrset, mailie potier, lîls do Course! et de
Marie Danaud. et Anne Deniitot, 5 mars KilO (S.-J.l ;
De Michel Lavigne, maître potier, fils de Michel et de Clau-
dine Frossot. Marraine: Roussot;
De Edme Maloyson. fils de Pierre, avec Edmëe Dcsvaits,
t9 février 1611 (S.-.).);
De Michel Charlcl, flis de Jean et de Philberle Pillon, avec
Pierrette Pillon (S. J.);
Du 12 novembre 1613 (S.-J.).
De Jehan de Pouilly, 12 octobre 1615 S.-J,! ;
Du 1" février 1617 ^S.-J. ;
Du 29 janvier 1618; titre: potier en (Ciivie blanche iS-J.";
Du mai 1618; titre : potier en œuvre binnclie iS.-J.;;
Du mai 1619 (S.-J.); potier en faïence; d'un acte de la
paroisse (S.-J.), mai 1619.
De Pierrette Tixîer, 14 février 1624; titre: maître potier
en œuvre blanche (S.-J.);
De Marie Guay; titre: maître potier, mars lOSii (S:-J.).
CARDOT.
Est témoin au baplt^me de Jac:|ues Cardot, le 8 octobre 1606
1S.-A.), mais semble n'avoir rien de cnuimini avec le suivant.
- 96 -
Jacques CARDOT, époux d'Étiennette Piot,
puis de Marguerite Penot.
Louis
Fils d*Etiennette Piot.
Parrain : Couirade.
Mars 1605.
(S.-A.)
Madeleine
FiUe de Cardot
et Marguerite Penot.
23 mars 1642.
(S.-A.)
Il est témoin le !«' septembre 1636 (S.-A.)
Marguerite SETON.
Au mariage de Marguerite Renaut, 4 septembre 1611 ^S. J.).
Marraine : février 1614 (S.-J.);
— 20 mai 1615 (S.-J.);
— janvier 1623 (S.-J.);
— 28 janvier 1626 (S.-J.).
François CHOPINE, époux d'Edmée Rousseau.
Parrain : Baptême de Jehan; pariain : François Perly.
Août 1636 (S.-A.);
Avril 1637 (S.-A.).
De François Marchais, marchand potier en faïence (ne signe pas).
Marraine : h. fille Paule Damoiseau, 20 octobre 1639 (S.-A.);
De Nicolas en 1645 (S.-A.);
11 août 1647 (S.-A.);
Jour Annonciation, 1648 (S.-A.).
Barthélémy COSTE.
Est parrain de Barthélémy Mateît, 17 décembre 1637 (S.-A.).
Jean ODON, potier-faïencier,
lorrain de Madeleine Castillier, fille de François et Madeleine Céâé,
MaiTaine : Madeleine Barré, 25 juin 1642 (S.-J.).
De Anthoine Hubert, 4 septembre 1646 (S.-J.).
- 97 —
François CASTILLIER, potier en faïence,
époux de Madeleine Cédé.
Madeleine
Parrain : Jean Odon,
potier en faïence.
Marraine : Madeleine
Barré.
25 juin 1642.
(S.-J.)
Noël
Parrain : Noël Bon.
Marraine : Chopine.
2 févri'?r 1644.
(S.-J.)
JoACHiM BLONDET, potier en faïence, époux
de Madeleine Barré.
Jacques
Parrain : Jacques
Bailly.
Marraine : Henriette
Jars
26 avril 1643.
(S.-J.)
Jehan
Parrain : Julien
Bidault.
Marraine : Madeleine
Chopine.
20 juillet 1644.
(S.-J.)
Anne
Parrain : Jacques Jars.
Marraine: Anne
Pi^'nault.
29 janvier 1647.
(S.-J.)
Louis ROBET, potier- faïencier , époux
de Jehanne Merlot.
Etienne
Parrain : Etienne
Nauliat.
Marraine : Marie
Fariueau.
(S.-J.)
Sylvain TALBOTHIER, potier-faïencier.
Se marie à Cosne, le 18 avril 1G44; il est fils de Léonard
et de Catherine Picard, et épouse Françoise Sauzot, fille de
défunt Simon Sauzot et de Marie Lhomrae.
Témoins: Jehan Ferré et Pasquier Soulier (S.-J.)-
T. IX, 3* série.
7
— 98 -
Louis ROBINET, potier-faïencier, époux
de Marie Burloy.
Louis
Baptisé âgé de 4 jours.
Parrain : h. h. Louis
Bourhet , sieur de
Ville- Cor don, bailly
de Cosne.
Marraine : Marie
Burloy.
(S.-J.)
Barthélémy COSTE, marchand potier.
Parrain de Barthélémy Maleit, 17 décembre 1637 (S.-A ).
Noël BON, potier - faïencier , époux
de Françoise Sauzot.
Fille de François Sauzot, marchand, et de défunte Margue-
rite Jars, mariés le 21 août 1644 (S.-J.)-
Parrajn de Suzanne Pinon, fille de Âllain et de Anne Lodde, 15 jan-
vier 1646. Marraine : Suzanne Balleron (S.-J.);
De Noël Bordot, fils de Jean et Catherine Thenier. Marraine : Jeanne
Robin, 9 février 164C (S.-J.) ;
De Anne Thuriau, Pille de Jean, marchand potier, et de Jeanne Langlois.
Marraine: Anne ;Jailly, 6 mai 16i6vS.-J.);
De Anne Naudin, fille de Etienne, marchand potier, et de Kdmée
Pouriau, 12 mai 1616 S.-J.);
De François Malbault. Marraine : Marie Cochet, 23 novembre 16tô (S.-J.).
René BERGERY, potier en faïence,
époux de Marie Thereau.
Pierrette
Parrain : h. h. Biaise
Guray, docteur-mé-
decin.
Marraine : Françoise
Sauzot.
4 août 1647.
(S.-J.).
Parrain de René Biot,
2 juin 16fô.
(S.-J.)
- 99 -
Edme CARDOT, époux de Marguerite Horta^ilt.
Madeleine
Parrain : Jacques
Rapine.
Marraine : Madeleine
Damoiseau.
24 mars 1646.
(S.-A.)
Parrain, Hjan vier 1648.
(S.-A.)
Pau LE
28 juillet 1651.
(S.-A.)
François
3 décembre 1652.
(S.-A.)
Edme BARAT, époux d'Anne Paultre.
Jacques
8 juin 1647.
(S.-J.)
Claude FRAPPIER, marchand potier,
époux d'Edmée Chopine.
Françoise
14 janvier 1650.
(S.-A.)
Jean -Louis
10 janvier 1652.
(S.-A.)
Il est parrain de Claude Barat, avec Etiennetle Barat :
l«f janvier 1650 (S.-A.).
De février 1651 (S.-A.).
M. R.
' * " -
4 ^
i
— 100 —
A TRAVERS
LES
LETTRES DE RÉMISSION NIVERNAISES
AUX XIV« ET XV SIÈCLES
PAR
RENÉ DE LESPINASSE
L'objet des lettres royales de rémission était d'ar-
rêter la marche régulière des juridictions locales, de
supprimer l'effet des jugements déjà rendus, et de
réhabiliter l'accusé.
Le suppliant pouvait toujours s'adresser au Roi, qu'il
soit incarcéré dans les prisons seigneuriales, qu'il ait
déjà comparu en justice, jugé ou non par défaut, ou ^
en fuite dans un pays quelconque, l'important pour
lui était de faire parvenir ses lettres au Grand Conseil
du Roi, par des parents ou des amis.
Il n'y avait pas de cas réservés dans les lettres de
rémission; ordinairement ce sont des meurtres, quel-
quefois des vols. Elles témoignent, comme on le verra,
d'une grande mansuétude dans la concession de grâce,
en opposition à la rigueur et à la rapidité d'exécution
des justices locales. Le plus souvent l'effet était de
supprimer immédiatement la peine, cependant on
impose parfois à l'accusé un temps de prison ou un
pèlerinage de pénitence.
k
- 101 -
Cette faveur royale, tout à fait exceptionnelle, était
en somme très fréquente et commune à tous, quelle
que soit la situation de l'accusé : serfs, laboureurs,
ouvriers, clercs, aussi bien et môme plus que les
nobles, guerriers et autres oflBciers. Les gens pauvres
sont d'ailleurs de beaucoap les plus nombreux et
figurent avec des détails locaux et des traits de
mœurs.
J'ai déjà exposé quelques cas de rémission de 1487 à
1492, pour montrer l'intérêt et la variété de ces docu-
ments (1). Quelques autres ont été simplement men-
tionnés à la fin deV Inventaire des chartes nwer nuises,
du comte de Chastellux, publié Tannée suivante avec
les pièces du Trésor des chartes (2). La série des
lettres de rémission n'est pas encore complète, et il y
aura lieu d'y revenir aux mêmes dates, mais actuelle-
ment elle présente déjà une suite suflBsante pour indi-
quer la physionomie d'une époque.
La plus ancienne lettre de rémission que nous ayons
jusqu'à ce jour date de juillet 1330 et concerne la fille
d'un tanneur d'Entrains, Isabeau Huguet. Elle était
soupçonnée d'avoir causé la mort de Savery, fils d'un
certain Simonet, de Clamecy, et pour ce fait détenue
dans la prison de Clamecy. Huguet demande qu'elle
soit retirée de prison, s'engageant à la garder chez lui
comme otage.
Jean Buchart, bailli de Nivernois, donne cette auto-
risation pendant les assises de Clamecy et charge
Herbert de Roigemont, lieutenant, et Jean de Mont-
réparé, prévôt de Clamecy, de régler l'affaire. On s'en
rapporta à la décision d'un conseil d'arbitres ou com-
missaires désignés : Guyot de Saint-Vrain, sire
(1) Ci-dessus, Bulletin de 1895, t. XVI, p. 242 à 2M.
(2) BuUetin, t. XVO, p. 132 et suiv.
— 102 -
d'Asnois, Guillemin de Paisselières , GeofiEroi de
Voaigne, Regnaut Langlois, Guillaume Maugin,
Huguenin Le Muet, procureur du comte de Nevers,
Chrétien Pigneron, procureur de la comtesse, et plu-
sieurs autres qui déclarèrent ladite Isabeau innocente
du crime.
Le bailli Buchart ratifia cette décision et la fit
revêtir de l'approbation royale (1).
Eudes de La Roche, seigneur de Millay, chevalier,
Jean de Vaudenay, Guillaume de Fontaynes, Jean
Buchepot, avaient été condamnés à des indemnités et
au bannissement pour des prises et exactions contre
leur seigneur, Girart de Chatillon et Guillaume
d'Alonnc, et encore pour d'autres méfaits et même la
mort de Jean Cornuaul, homme d'armes de Girart.
Puis, sur la demande de plusieurs seigneurs, le Roi les
quitta de toutes condamnations et les remit dans leurs
droits et situation, à la condition qu'ils serviront pen-
dant un an à l'armée du duc d'Athènes dans son expé-
dition de Roumanie. Ce prince s'était également
adressé au Roi et c'est à son intervention que les
seigneurs complices durent leur acquittement com-
plet (2).
Ces deux affaires constituent une transaction judi-
ciaire ou une sorte de grâce après condamnation,
tandis que les lettres de rémission proprement dites
avaient pour principal effet d'interrompre le cours de
la justice.
A mesure qu'elles paraîtront, nous pourrons en
reconnaître exactement la nature et l'objet.
Les premières lettres, avec leur caractère bien mar-
qué, se voient pour le Nivernais vers la fin du
XIV* siècle.
(1) JJ. 66, n*« 748 et 774, juillet 1330.
(2) JJ. 66, n» 1154, avril 1333.
- 103 -
11 s'agit de Jean Brisède, pauvre maréchal-f errant,
demeurant à Neuvy-sur-Loire. Un jour qu'il rame-
nait un cheval en passant par Anthoigny, il rencontre
sur son chemin la femme de Perrin Houdôe, labou-
reur, « sa commère et bonne amie ». Le cheval prit
peur et renversa la femme qui, sur le coup, ne parut
pas blessée; puis, deux mois plus tard, elle mourut,
atteinte sans doute d'une <^,pidémie régnant dans le
pays. Il y avait quatre ans de cela, et le maréchal, ^
redoutant les poursuites de la justice, s'enfuit à Gien,
d'où il s'adresse au Roi, qui, en raison de sa bonne
conduite passée, lui remet toute peine et le restitue à
son pays, à sa bonne renommée et à ses biens.
1 /homme était passible de la juridiction de l'abbé de
Saint-Germain-des-Prés, l'accident ayant eu lieu sur
un territoire qui lui appartenait (1).
Après un intervalle de dix années, qu'il nous sera
possible de vérifier plus tard, nous passons, en 1390,
d'un vulgaire meurtrier ou assassin, exerçant une ven-
geance plus ou moins brutale sur son rival, à la mau-
vaise gestion d'un contrôleur du grenier à sel de La
Charité-sur-Loire, le nommé Pierre Béguin.
Tout le moyen âge est occupé, fonctionnaires et
consommateurs, des fraudes sur le sel et sur la gabelle,
comme aujourd'hui sur les alcools. A part les chiffres
actuels, qui font bien le centuple de ceux d'autrefois, !
c'est toujours l'éternelle histoire d'alléger à son profit i
la rigueur des impôts indirects. \
Le cas de Pierre Béguin était grave. Il avait cru j
prudent d'éviter de comparaître à l'appel des a géné-
raulx reformateurs ordenez », s'empressant, comme
nous disons, de passer la frontière, devenu, par là î
môme, contumax et mis en défaut. ^
M
(1) JJ. 118, n- 197, juin 1380. }
f
I
!
\
- iOi -
D'après les accusations portées contre lui, il était
consentant et complice du grenetier en défalquant une
grande quantité de sel vendu au grenier de La Charité.
Les papiers contenaient l'enregistrement d'une quan-
tité de sel de beaucoup inférieure aux livraisons effec-
tuées. Il devenait ainsi complice et participant d'avoir
« vendu à leur proufit ledit sel ainsi défalqué sanz
gabeler et d'avoir prins nostre droit de gabele qui
estoit monté à VII^ et Illl livres tournois ou environ. »
De plus, ils avaient favorisé des entremetteurs,
marchands de sel, qui prélevaient le droit de salage,
délivraient des quittances fausses, s'emparaient de
chevaux et autres biens advenus au grenier pour
causes de forfaitures, donnaient des cédules d'un prix
supérieur, tous actes absolument repréhensibles et qui
exigeaient une punition exemplaire.
La femme et les amis de Béguin ont supplié le Roi
de le recevoir à compensation en considération de la
longueur de ses services, et il fut admis que moyen-
nant la somme de 250 francs d'or, restitution et
amende comprises, il demeurerait quitte et paisible et
serait restitué à sa bonne renommée.
Cela prouve que le 12 janvier 1390, date des lettres
royales, il y avait aussi, et peut-être davantage, des
accommodements avec le Grand Conseil du Roi, môme
pour des employés coupables de concussion (1).
L'affaire de Tannay révèle le curieux usage pour les
habitants de mettre à l'abri leur linge et effets de
ménage dans des coffres placés en une partie de
l'église, comme plus en sécurité que dans les maisons
livrées à l'abandon. C'était la même idée que les
coffres-forts loués dans les banques pour bijoux,
valeurs et argenterie.
(1) JJ. 138, n» 93.
— 405 -
On va voir que les mesures de précaution manquaient
à Téglise de Tannay et qu'on en prenait un peu trop à
son aise.
Un jeune marié, avec deux enfants, Clément Ber,
allant visiter son arche de l'église « s adressa à l'arche »
voisine de la sienÈie, appartenant à Jean Le Char-
pentier, de Tannay, l'ouvrit avec une de ses clefs, y
déroba <• cinq petis draps de lit, une touaille de quatre
aulnes, un cueuvrechief et environ trois livres de cire
et autres menues choses qui pouvoient valoir en tout
40 sols ») et plaça le tout dans son arche qu'il referma
soigneusement.
Le Charpentier s'aperçut promptement de la sous-
traction, il le fit annoncer au prône de l'église et les
soupçons tombèrent de suite sur Clément qui, à cette
nouvelle, « s'absenta du pays ».
Les lettres ne portent aucune excuse sérieuse pour
ce vol manifeste. On le rétablit en grâce et renommée
sans raison plausible autre que le suppliant a été de
bonne vie et conversation, qu'il est fugitif et laissera
mendiants sa femme et ses enfants, et qu'il a mal agi
sous l'impulsion de la jeunesse et de la pauvreté.
C'était vraiment peu de réduire l'affaire à une simple
réparation civile.
A Tronsanges, dans une auberge, des paysans s'étant
pris de querelle, s'en retournent chez eux par la nuit
noire et se battent en chemin avec coups et blessures
tels que le nommé Durand Boquin fut tué par un cer-
tain Jehan Salé. Deux autres témoins du crime, Jean
Maillet et Guillaume Berigny, avaient cherché à
éteindre un tison enflammé dont on s'était servi, crai-
gnant d'être considérés comme complices du crime,
font valoir leurs bons antécédents de simples labou-
~ 106 -
reurs, sans aucun vilain cas, et obtiennent facilement
la miséricorde royale (1).
Les gens craignaient d'être inquiétés par la justice
et prenaient les devants pour obtenir une situation
nette auprès des juges locaux. Le bailli royal de Saint-
Pierre était toujours chargé de les garantir.
Même querelle dans une auberge à Veninges, après
avoir joué et bu ensemble, Huguenin Grumet et Petit
Bachelier se battent à coups de couteau. Celui-ci en
meurt huit jours après et Huguenin, qui n'avait pas
d'autre mauvais cas, est délivré, sur cette phrase :
« voulans miséricorde en ceste partie estre préférée à
rigueur de justice » (2).
Le cas de Guillaume Guiart, de Parzy , près Garchizy ,
se rapporte à un fait de guerre. Les forteresses de
Bulcy, près La Charité, des Riaux et de Cours-les-
Barres, étaient occupées par des Anglais qui ravageaient
tout le pays. Quelques-uns s'étaient retiré dans une
maison dite le Pressoir de La Marche, à Pierre de Sury ,
chevalier, et une autre à Guillaume d'Azy, écuyer.
Guiart crut protéger le pays de grands inconvénients
et périls en mettant le feu à ces maisons qui servaient
de repaires à ces pillards ; mais comme il redoutait
l'action de la justice, il s'adressait en toute confiance
au Roi, qui lui accorda ses lettres de rémission en
juin 1390. A cette époque de guerre et de fréquents
combats, les mœurs se ressentaient sensiblement d'une
vie aussi cruelle.
Guillaume Debeuvron, laboureur, avait été cité par
Jean Baulart, de Livry, devant l'official de Nevers et
excommunié pendant deux ans. Assez longtemps après,
les deux hommes se rencontrèrent sur le grand chemin
(1) JJ. 138, n«* 209 et 220, mai 1890.
(2) JJ. 438, n- 270.
- 107 —
de Nevers, et Guillaume l'accabla de reproches. Bau-
lart le frappa, ce que voyant, Guillaume lui donna sur
le corps et sur la tête des coups de bâton qui entraî-
nèrent la mort. Il fut ensuite saisi et mis dans la prison
du château d'Aunay, au sire de La Rivière, premier
chambellan du Roi, où il attendait la rigueur de la
justice. Sur sa bonne réputation il est remis de toute
peine corporelle, criminelle et civile et rétabli dans
sa bonne renommée (1).
Le cas suivant montrera jusqu'où allait la clémence
royale lorsqu'il se présentait des vols et rapines plus
ou moins mêlés aux faits de guerre.
Guillaume Le Jaillier végétait dans les prisons du
duc de Bourgogne, à Decize, attendant d'être jugé.
Il se décide à adresser une supplique au Roi, et reçoit,
en juin 1390, des lettres de rémission où sont exposés
une partie seulement de ses méfaits : premier vol d'ar-
gent et effets dans la garde-robe d'un écuyer ; autre vol
d'écus d'or et d'objets divers appartenant à Guillaume
Lamoignon au Val-de-Bargis ; troisième vol de sou-
liers en cuir blanc à la poulaine commis à Decize, et
pour lequel il avait été incarcéré. Cette récidive prou-
vait bien l'habitude invétérée du vol; pourtant le
Conseil du Roi, ayant égard à la durée de sa détention,
le condamna « en prison fermée par l'espace de 2 mois
au pain et à l'eaue et sera tenu de faire un pèlerinage
à Notre-Dame de Boulongne sur la mer, dedens 2 mois
après sa délivrance, dont il sera tenu de rapporter cer-
tifBcacion par devers le bailli de Saint-Pierre -le-
Moûtier » (2).
Pierre Marandat, pauvre laboureur , demeurant près La
Charité (3), était allé recueillir la succession de sa mère,
(i) JJ. 138, !!•• 246 et 249.
(2) JJ. 138, n» 254.
(S) 9aint-0ay, Saint-Loais, ancienne chapelle à La Pointe.
- 108 —
décédée au pays, il y a trois mois, et, arrivé sur place,
il trouve un certain Regnaut Cayot mis par justice en
possession des biens. S étant déclaré et ayant été
reconnu héritier, Cayot ne lui en délivra qu'une très
minime partie ; « elle avoit esté riche femme et elle
avoit grant finance ». Maraudât « dolent et courroucé »
s'introduisit de nuit dans la maison de Cayot, y prit
une jument et un poulain « qui valoient xu frans », les
emmena dans un hôtel en la justice du prieur de La
Charité, et regrettant son action laissa les bêtes et
s'en alla. Mais les gens du prieur le poursuivirent et
le ramenèrent à La Charité où il fut incarcéré.
C'est de la prison qu'il adresse sa supplique au Roi.
Les bêtes ayant été rendues au propriétaire, et Maran-
dat n'ayant pas d'autre vilain cas sur la conscience, il
obtient d'être élargi (1).
Tristan Le Chauffeur, écuyer, réclamait sa solde à
Rogier Le Mire, de Jaligny, receveur de notre cham-
bellan Guichart Dauphin, maître des arbalétriers. Il avait
reçu 73 sols 4 deniers tournois et Rogier lui demandant
des quittances pour d'autres sommes. Tristan chargea
Jean Tirant, notaire à Saint-Pierre-le-Moûtier, de les
préparer. Ayant présenté ses quittances il prétendait
que Rogier lui devait encore un écu. Des paroles et des
injures on en vint aux coups ; Rogier reçut au bras et à
la poitrine un coup de couteau tranche-pain et s'irrita
tellement, sans se soigner, que deux jours après il
mourut (( du feu de Saint-Anthoine qui se prinst en
sa plaie » (1)
Tristan s'adresse au Roi qui reconnaît qu'il est de
bonne renommée, l'a loyalement servi dans les guerres
(1) JJ. lU, 11- 121, février ISifâ.
(1) Feu Saint-Antoine ou feu sacré. I^ membre atteint devenait noir
et sec comme s'il avait été brûlé (Trévoux). C'est une érésipèle ou ma-
ladie de peau. Dans notre cas, c*e8t la gangrène.
- 109 —
en la compagnie du chambellan, que le cas n'est pas
advenu « de fait appensé mais de chaude cole », qu'il
n'y avait haine ni rancune et qu'ils étaient môme bons
amis.
En somme, ce n'était qu'un accident regrettable.
Tristan fera dire un service annuel pour le salut de
l'àme dudit feu Rogier et ira en pèlerinage à Saint-
Jacques en Galice, et rapportera lettres certifîca-
toires (1).
Querelle entre jeunes gens à une noce, au village
de Reugny, paroisse de Cossaye. Colin Dufour, pauvre
homme, couturier, poursuit Guyot Baulon, et d'un
seul coup de couteau sur la tête lui fait une blessure
qui, sans repos ni soins, occasionne la mort vingt-
quatre jours après. Colin s'est absenté du pays, il est
poursuivi et redoute une griève punition, si les lettres
ne lui obtiennent miséricorde (2).
Guillaume Guiller d'Asthée, châtellenie de Mou-
lins-Engilbert, laboureur, surveillant son moulin, voit
des chèvres gardées par la femme Guillemin entrer
dans son pré. Il s'empara des chèvres en garantie du
dommage et, en chemin, lui et la femme se heurtèrent
mutuellement sans se faire apparence de mal. La
femme revint vers les autres pâtres, filant et causant
avec eux ; quand, à midi, elle cessa subitement, en
proie à une attaque qui la fit « sarrer les dens ,
escumer par la bouche, entachée de maladie de saint
que l'en dit au pals le grant mal » et mourut sur le
soir. Cité en justice, condamné, par défaut, au ban-
nissement du comté de Nevers, il s'est enfui et ses
amis s'adressent à la miséricorde du Roi qui lui est
acquise (3) .
(i) JJ. 144, n* 163, mars 1393.
Ci) JJ. 14i, no ÎM6, avril 1393.
(.^ JJ. 144, Qo 221, avril 1393, après Pâques,
— 110 -
Jean Bovet, de Nuars, âgé de vingt-quatre ans,
avait été condamné à payer six boisseaux d'avoine,
mesure de Moulins-Engilbert , en compensation du
dégât commis par sa jument dans un champ d'avoine
à Guillaume Dissars. Furieux de ce jugement , il
réunit plusieurs amis et profitant de l'absence de
Dissars, il enlève dans sa maison les six boisseaux
d'avoine, un chaperon et un écu d'or, le tout d'en-
viron 30 sols parisis. Il redoute la justice du duc de
Bourgogne ; une bonne partie de la valeur a été resti-
tuée, ses amis s'adressent au Roi pour l'acquitter de
ce délit de jeunesse, le seul qu'il ait à se reprocher (1).
Guillaume Fautrier, de Fougues, jeune laboureur
de bras, et un prêtre, appelé Jean, étant devant le
presbytère, rencontrèrent un certain Louis de Four-
neau, prêtre, fermier de la cure de Fougues, armé
d une épée, couteau et taloche, et accompagné de deux
individus. Ils en vinrent à se disputer et chacun
tirant ses armes, se frappèrent si fort que Louis resta
mort sur place. Le suppliant craignant rigueur de
justice s'est absenté du pays ; il est jeune, il a femme
et petits enfants. Louis était un prêtre de vie très
mauvaise et dissolue « soustraieur de femmes mariées,
bateur de gens, suivant tavernes » ; il le poursuivait
de sa haine, le menaçait et de plus lui devait de
l'argent. Guillaume est pardonné, après réparation
civile, sans aucune autre punition (2) .
Ferreau, Huillier et plusieurs camarades boivent
ensemble et jouent aux billes. Une dispute éclate, ils
prennent des lattes pour battre Ferreau, lequel s ar-
mant à son tour d'une fourche de bois, en donne à
Huillier sur la tête un seul coup qui l'étend mort. Il
(1) JJ. 144, n« 295, mai 1398.
(2) JJ. 144, no 327, avril 1393.
— 112 —
cause de sa mauvaise renommée, les jeunes gens sont
acquittés (1).
Jeanne de Crusay, dame de Saint-Pôre-à- Ville,
femme de Guillaume de Migé, écuyer, goutteux et
impotent, administrait elle-même ses biens. Elle se
plaignit à un sien cousin, Guillaume de Maisoncomte,
écuyer, du tort que lui faisait un certain Guillaume
Dangly en réduisant le prix des tailles de ses hommes
de 8 à 3 fr., ainsi que ses revenus sur la juridiction
de Saint-Père-à- Ville dont elle avait le quart. D'autres
amis, Philibert de Billy et Moreau, écuyers, étant
venus la voir, reçurent également ses plaintes. Les
trois hommes convinrent entre eux que Dangly méri-
tait d'être battu. Maisoncomte cependant chercha des
prétextes pour ne pas se joindre à eux. La dame les
suppliait de se servir seulement de bâtons afin d'éviter
les blessures mortelles. Ils le promirent en s'en allant,
puis le lendemain, sans rien dire, ils allèrent le soir
chez Dangly, qui soupait avec un* de ses amis, Guil-
laume de Railly. Irrité de leur présence, il courut sur
eux l'épée haute, voulant les tuer, et dans la bagarre,
il reçut une blessure grave. S'étant fait transporter à
Decize, son mal empira par le mouvement et la grosse
chaleur et il mourut au bout de quelques jours. La
suppliante nest pas responsable, il lui faut avoir
recours à des parents et amis. Elle obtint rémis-
sion (2).
Guiot Rémon, jeune homme d'Onlay, expose que
Renart avait acheté une cuisse de porc et l'avait
(1) JJ. 145, n- 39, octobre 1393.
(2) JJ. 145, n» 40, octobre 1393. — Trois antres lettres pour même
affaire concernant Guillaume de Maisoncomte, écuyer, chambellan de
Louis de Sancerre, maréchal de France, relatant les mêmes circonstances
et obtenant de n'être aucunement inquiété par tous officiers de justice
\1bid,, n« 42) ; Philibert de Billy et Jean Moreau Çlbid., w 104 et 196;.
m
J
i
— 113 —
donnée à porter dans Moulins-Engilbert à Macaut,
lequel la déroba pour son usage. Plus tard, s'étant
rencontrés chez Jean Guillaude, prêtre, chapelain
d'Onlay, qui avait taverne, ils se dirent des paroles de
haine, et Guiot ayant été envoyé chercher des porcs,
rencontra les individus qui l'injurièrent et lui jetèrent
des pierres ; en se défendant contre eux, il lança une
pierre si malencontreusement qu'il tua Macaut. Il est
retenu pour ce fait dans la prison du comte de Nevers,
à Moulins-Engilbert, et s'adresse au Roi qui l'acquitte
en lui infligeant un mois de prison en plus de ce qu'il
a déjà fait (1).
Olivier de Saint-Limier, chirurgien, revenant de
Corbigny, où il allait en pèlerinage avec son fils, ren-
contre un moine, Robert de Montenceaume , qu'il
accuse de l'avoir fait mettre en prison pour avoir
dérobé une somme de 15 gros. Des disputes ils en
viennent aux coups ; le moine reçut un coup de cou-
teau ; puis apparurent d'autres individus, armés de
leviers, contre lesquels le fils, Jehannin, s'étant atta-
qué, il atteignit l'un d'eux, Chape, qui « tantost ala de
vie à trépas ». Olivier s'est absenté du pays, ses amis
intercèdent pour lui, le Roi lui accorde son pardon en
raison de ses bons antécédents (2).
Il y eut plusieurs grosses affaires, l'une concernant
de pauvres laboureurs : Thomas Bureau père et fils
rencontrent des individus qui, au retour de la foire de
Vezelay, à la Magdelaine, les poursuivent à coups de
bâton. Le fils, pour protéger son père, s'en prend à un
certain Jehannot et le tue d'un coup de bâton sur la
tête. Guillaume Guedon, de Saint-Martin-du-Puy, est
poursuivi d'injures et de menaces par un certain
(1) JJ. 146, n» 142, novembre 4394.
(2) JI. 145, n» 303, décembre 1393.
T. XX, 3» série, g
— 114 -
Guillaume Geneaul. Us étaient également une bande
de part et d'autre et Guédon, voulant défendre son
père, attaque l'autre avec une « ronce de char » et le
tue.
Ces deux meurtriers, n'ayant pas d'autre vilain cas,
sont acquittés sur leur demande (1).
Jean Bérgon et Jean Bretin, revenant de la messe
de Saint-Denis au couvent deCommagny, se disputent
à propos d'une femme. Bergon, frappé d'un pal de
vigne, se jette sur Bretin et lui met les genoux sur le
corps ; ils tirent l'un sa dague, l'autre son couteau, et
finalement Bretin est tellement blessé qu'il en meurt.
Les amis de Bergon obtiennent le pardon pour un fait
qui n'était que le résultat d'un moment de fureur bien
expliqué (2).
Henry de Bourbon, contrôleur du grenier à sel de
Nevers, avait consenti à s'entendre avec le grènetier
et son clerc Pilavoine pour réduire les quittances et
s'attribuer une part dans la vente du sel ; il s'était fait
ainsi un bénéfice indu de 40 fr. Surpris par les com-
missaires Jacques Dugat et Pierre de Bertigny, il
implore le pardon du Roi, se fondant sur sa jeunesse (il
a eu le contrôle à dix-huit ans), sur son peu de res-
sources pour sa femme et ses enfants, pendant neuf
ans il a servi à 60 fr. de gages par an, et sur son
dévouement bien connu. Il est acquitté à la condition
de payer les 40 fr. ci-dessus (3).
Etienne Godot, à Moraches, était couché avec sa
femme et son enfant dans la maison de son beau-père,
où il demeurait. Survient, en pleine nuit, Guillaume
Joly, déguisé en femme ; il frappe d'abord Godot, puis
(1) JJ. 145, no« 217 et 285, décembre 1393 et janvier 1394.
(2) JJ. 145, n* 317, février 1394.
(.3) JJ. 145, 11» 425, mars 1394. - Ci-dessus (p. 103), en 13S0, affaire du
même genre pour PieiTc Hôguiii, contrôleur à f^ Charité.
— lis-
sa femme, qu'il tire du lit en la maltraitant. Le beau-
père, réveillé par le bruit, essaie de faire de la lumière;
il est étendu à terre d'un coup sur la tôte. Joly s'en-
fuit, le croyant mort, et laisse tomber sa robe en se
sauvant. Godot, le reconnaissant, entre en fureur et le
poursuit à coups de fourche, aidé d'un mâtin qui lui
mord les jambes ; pendant ce combat entre les deux
hommes et le chien, la femme arrive, dégage son
mari, cogne sur Joly, qui cherche à se sauver et qui,
poursuivi par le chien, tombe à terre et meurt. Le
mari languit dans les prisons du seigneur de Moraches,
la femme a quitté le pays ; leurs amis, Jaisant valoir
qu'ils ont été victimes d'une mauvaise action, obtien-
nent pour eux le pardon (1).
Guillot Durand, marchand à Nevers, rencontre, à
son passage dans la ville, un valet pelletier, Guillaume
Lerouge, qui l'injurie devant du monde et l'exaspère
tellement qu'il le frappe sur la tête d'un coup de cou-
teau. Le barbier qui le pansait lui recommandait de se
reposer et de ne pas boire, néanmoins il but du vin
sans eau et se promena avec les camarades pelletiers
dans la taverne du lieutenant du bailli de Nevers,
s'enivrant et ne prenant aucune précaution. Le bar-
bier prévint le bailli et Guillaume lui-même, disant
qu'il mourrait s'il continuait, et, en effet, huit jours
après, à la suite d'une orgie de vin et de viandes, il
passa de vie à trépas. Guillot, sur la demande de ses
amis, fut acquitté (2).
Guiot Buletin et Jean Pautrart, laboureurs, sur
l'ordre des officiers du duc de Bourgogne à Donzy,
avaient aidé à mener en prison Etienne Leduc. Trois
mois après, celui-ci les rencontre à Perroy, les injurie
(1» JJ. 145, n- 462, avril 1394.
(2) JJ. 145, n* 444, avril 1303,
- 416 -
et les frappe, et ceux-ci, armés d'un couteau, lui font,
en se battant, une blessure mortelle. Comme Leduc
était de mauvaise renommée, ils sont facilement
acquittés (1).
Les frères Gautier et Guillaume Dorneaul, labou-
reurs, tenaient ensemble une exploitation agricole.
Gautier après une journée de corvée pour le seigneur
de Vaux, rentra tard à la maison; les femmes lui
reprochaient d'être ivre et de ne s'occuper de rien ; la
querelle s'envenime, les deux frères se menacent,
Gautier s'en va chez lui se disant malade, mais Guil-
laume le poursuit avec un gros pal et les deux hommes
se battent furieusement. Guillaume reçoit un coup de
couteau et meurt en disant : « Mon frère, fuy-t-en car
je suis mort ». Malgré la gravité de ce crime, les amis
de Gautier s'adressent au Roi et obtiennent sa rémis-
sion (2).
Guillaume de Corvau, bâtard, âgé de vingt ans,
avait emmené une femme. Jeannette Ducrot, chez sa
mère. Andrieu, Guillaume Naudin et une bande de
jeunes gens viennent frapper à la porte et envahissent
la maison, battant la mère, emmenant la femme malgré
elle et saccageant tout. Guillaume va chez son père,
Guy de Corvau, chevalier, prendre sa cote et sa
taloche et aidé de deux amis, Simon Maréchal et Guil-
laume Leroy, ils s'en vont à Isenay et à Vandenesse
chercher leurs adversaires. Quand ils eurent trouvé
Naudin, la bataille recommença et d'un coup de
badolaire celui-ci fut étendu mort. Les amis de Guil-
laume de Corvau s'adressent au Roi qui, ayant égard
(1) JJ. 145, n« 534, mai 1394. — 1393, octobre. [Vidimus d'une charte
de Tarchevéque de Bourge» de mars 1393, relative à un homicide commis
par Girard, clerc, sur Jean Gautier, laïque du diocèse de Nevers. —
JJ. 145, n- 46.
(2) JJ. 146, n- 10, mai 1394,
I
- 117 —
aux bons et loyaux services du chevalier dans les
guerres veut bien faire grâce à la condition que le
meurtrier a sera détenu prisonnier un mois, au pain et
à Teaue (1) » .
Deux cas de querelle, concernant : l'une, Girart Car-
roget, laboureur, pour des réclamations d'argent ;
l'autre^ Pierre Corcelle qui se dispute avec les deux
frères Stevenot, se terminent par une blessure entraî-
nant la mort. Les meurtriers sont acquittés (2).
Jean Jardon, pauvre homme, avait bu un jour de
f ftte dans une taverne de Parenche (Azy-le-Vif), avec
Jean de Chapitre. Celui-ci lui avait pris son chaperon
et quand il rentra très tard chez lui, sa femme lui
reprocha de s'être laissé voler. Malgré lui, elle voulut
aller chez Chapitre, but avec cet homme et s'en revint
vers minuit. Mécontents de cela ils se disent des
injures, puis, la femme la première lui donna un gros
coup de poing au visage, il se lève hors de lui et la
frappe d'un coup de couteau taille-pain, dont elle mou-
rut deux jours après. A cause de ses enfants et de sa
conduite passée, il en est quitte pour deux mois de
prison au pain et à l'eau (3).
Jeanin Régnant, laboureur, s'était fâché avec le fils
du bailli de Prelart (AUigny-en-Morvan), qui avait
tué une de ses bêtes d'un coup de pierre. Plus tard,
pour ce même sujet, ils se disputèrent de nouveau et
d'un coup de bâton Régnant fit une blessure qui alla
jusqu'à effusion de sang. Dans l'intérêt de sa femme et
de ses enfants réduits à la misère, il est acquitté.
Perreau Ferrant et ses amis revenaient de Chaulgnes
après boire et passaient devant la maison de la femme
Chatingat qui venait d'accoucher. La chambrière leur
(1) JJ. 146, n* 27, mai 1394.
(?) JJ. 146, n«* 34 et 53, mai 1394.
(3) JJ. 146, n« 55, jain 1394.
- 118 —
dit de payer le vin et les hommes, déjà fortement émus,
se disputent, Laurent s'empara du chaperon de Per-
reau et les deux hommes se poursuivant de coups et
d'injures. Laurent fut poussé dans le feu et vint, armé
d'un coiteau, sur Perreau qui, blessé sérieusement, le
poignarda à son tour lui faisant une blessure dont il
mourut (1).
Etienne Barole. de Champlemy, comté de Nevers,
travaillait dans son champ de blé, quand le bœuf de
son voisin pénétra dans le champ brisant la récolte ; il
renvoie le bœuf chez Coquart, qui travaillait à côté,
et celui-ci insultant le valet d'Etienne, il vient à son
tour sur place et les deux hommes se poursuivent à
coups de pierres, dont l'une fit une forte blessure à la
tète de Coquart. Il alla se plaindre en justice; ils com-
parurent et le juge leur proposa « l'asseurement », que
des amis leur empochèrent de conclure ; puis, quelques
jours après, Coquart, pris du mal Saint-Antoine, se
met au lit et meurt. Etienne, dans l'intérêt de sa
femme et de ses enfants, est acquitté (2).
Jean Millaut, de Saint-Baudière, près Marzy, avait
une femme « tanceresse » qui poursuivait sa mère d'in-
jures et de coups. Une fois, lui-même s'enferma et la
femme brisa la porte pour l'attaquer ; furieux, il lui
fait d'un coup de bâton sur la tête une plaie dont elle
mourut cinq jours après. Comme il ne voulait point
la tuer et seulement se défendre, il est facilement
acquitté (3).
Jean-Charles allait fêter la Saint-Fiacre, un soir, à
Tintury, chez Seguenot Roussel, marchand de bes-
tiaux. Après avoir bu, ils s'en vont tous les deux en
pleine nuit et volent une jument, qui fut ensuite
ri) Ji 146, n*> 200 et 216, juin 1394.
(2) .TJ. 146, n* 270, septembre 1394.
(3) .TJ. 147, n* 9, décembre 1394.
— H9-
reconnue à Anlezy et payée par Charles au proprié-
taire. Ils se rencontrent un mois plus tard et volent
encore un troupeau de douze pourceaux qu'ils emmè-
nent et qu'ils rendent lorsqu'on le reconnaît, puis deux
poulains qu'il rendit de lui-même. Charles, qui cachait
chez lui tous ces animaux commençait à voir que la
compagnie de Seguenot pouvait lui faire du tort, il
rompit définitivement avec lui, et comme depuis ce
temps il a commis d'autres larcins, il craint rigueur de
justice et il a quitté le pays, demandant au Roi sa
rémission. Le suppliant est jeune, il n'a pas d'autre
vilain cas, il a agi par « envortement de Seguenot et
temptacion de l'ennemy », les biens ont été restitués
sans contrainte. Il est acquitté après a deux mois en
prison fermée » (1).
Thevenin Pelvé, à Champlemy, assiste à une que-
relle entre son fils et sa bru. La femme avait pris un
tison enflammé et en frappait son mari. Thevenin,
étant armé d'un couteau, cherche à les séparer, mais,
par un faux mouvement, la femme tombe sur le cou-
teau et se fait une profonde blessure au côté, dont elle
meurt. Les amis exposent que c'est un accident invo-
lontaire, et, pour sa bonne renommée. Thevenin est
acquitté (2).
Pierre Tixier, jeune homme de Chàtillon-en-Bazois,
et son ami Jean Bavelle, s'en vont à la nuit au moulin,
où ils trouvent la Guyotte avec Picquart, valet de
Guichard Dauphin, maître des arbalétriers de France
et seigneur de Châtillon (3). La fille consent à les suivre,
mais les hommes se disputent et se battent à main
armée. Bavelle, excité par Tixier, s'attaque au cama-
rade de Picquart, nommé Quatrecôtes, et le tue d'un
(1) JJ. 147, n* 119, février 1305.
(2) JJ. 147, n* 195, mars 1395.
(3) Déjà cité ci-dessas (p. 106), en mars .1393.
- 420 -
coup de couteau. Sa jeunesse et sa bonne renommée
le font acquitter par le Roi, auquel ses amis avaient
adressé une supplique (1).
Guillaume de Reugny, écuyer, avait de mauvaises
paroles avec un prêtre nommé Jean Rossignol , à
Cressv. S'étant rencontrés dans une taverne, ils s'in-
jurièrent de nouveau et se battirent. Guillaume tira
un grand couteau sans intention de tuer et seulement
pour faire peur, mais Tarme tourna entre ses mains
et fit une grosse blessure à la tête qui causa la mort
de Rossignol huit jours après. Considérant que Guil-
laume est bon écuyer . qu'il s'est accordé avec les
amis du défunt, et qu'il s'adresse au Roi le vendredi-
saint, jour de pardon à cause de la Passion de Notre-
Seigneur, il est acquitté à la condition de payer à
« l'Hôtel-Dieu de Paris la somme de cent francs d'or et
avecque ce fera faire un anué de messes de Requiem
pour l'âme d'icellui défunt (2) ».
Bertram Dechasteau, clerc, marié, reconnu cou-
pable de faux en écritures publiques, condamné à une
grosse amende, et ensuite puni par l'évêque de Paris,
obtient rémission pour pouvoir reprendre du travail ;
elle est signifiée au bailli de Saint- Pierre - le -
Moûtier (3).
Jean Petit , laboureur à Marcigny , près Saint-
Pierre-le-Moûtier, vint offrir à une petite fille de dix
ans de garder sa jument avec celle de Jean Garant,
lui offrant un blanc de cinq tournois. La petite Jeanne
Galeine accepta et l'autre étant revenu abusa d'elle,
mais sans la violer et lui donna un blanc. De vilaines
gens la poussèrent à faire une plainte au prévôt de
Saint-Pierre, puis la plainte faite elle vint déclarer à
(1) JJ. 147, n» 200. avril 1395.
(2) JJ. 147, n« 259, 9 avril 4395.
(3) JJ. 147, n* 342, juin 1395.
- i21 -
tin notaire qu'elle n'avait pas dit la vérité au juge. A
cause de cette contradiction, il est acquitté (1).
Jean Deboys , pauvre laboureur, âgé de soixante
ans, allait faucher dans un pré, quand il rencontra
Guillaume Robert, se disputa, lui donna des coups de
poing et lui répartit : « p. pour ta bourgeoisie et pour
ton Roy ». Il était ivre, mais quand même craignant
pour ces paroles dites dans une bataille, sans bles-
sures, il s'adresse au Roi qui l'acquitte après un mois
de prison fermée au pain et à l'eau (2) .
Guillaume Petit, de Montigny-sur-Canne, et Jean
Courbeau, cousins par leurs femmes, étaient allés à
la chasse aux écureuils. Ils se disputent d'abord, se
réclamant de l'argent pour des peaux prises autrefois.
Devant eux saute sur un arbre un écureuil que Petit
atteint d'une pierre, l'écureuil tombe dans la rivière
la Canne, entraîné par le courant. Petit est encore
furieux de l'avoir perdu, il tire son couteau et menace
Courbeau qui s'enfuit, il lui lance alors une pierre
qui l'atteint à la tête si grièvement qu'il en mourut.
Avant sa mort, il dit devant plusieurs témoins qu'il
pardonnait à Petit et qu'il avait eu des torts vis-à-vis
de lui. Pour cela, le Roi l'acquitta (3).
Jean Moneret, laboureur . témoin d'une rixe où
Guillaume Passeau, de Champvert , avait été tué,
faisait pour cela un mois de prison à Decize. Son
beau-frère , Jean Renart , l'excitait tout le temps
contre ce Passeau et il avait dit une fois qu'il voulait
bien qu'on le batte, mais sans le tuer. Moneret craint
de rester en prison et ses amis s'adressent au Roi qui
l'acquitte (4).
(1) JJ. 148, n* 85, août 1396.
(2)JJ. 148, n> 141, août 1396.
(3) JJ. 148, n* 146, août 1395'
(4) JJ. 148, n* 212, octobre 139
1
- 422 —
Etienne Paquet, maréchal au service des religieux
de Bellary, se prend de querelle en jouant aux quilles
avec des camarades. Rossé d'abord par eux, il reprend
le dessus, et en se défendant il tue Etienne de Beau-
voir d'un seul coup de bâton. Comme il n'avait pas
d'autre blâme et reproche dans sa vie, il obtint facile-
ment sa grâce (1).
Jean Mariotte, laboureur à Grenois, se prend de
querelle dans un cabaret avec Jean Cheraut, dit Le
Camus, et le tue d'un coup de bâton. Les femmes et
les habitants se rassemblent et le font incarcérer dans
les prisons de la dame de La Tour, où il croit « finir
ses jours » si le Roi ne lui fait grâce. Il obtient son
pardon, après satisfaction civile, en ajoutant â sa peine
deux mois en prison fermée (2).
Guillemin Bourdelier, laboureur à Ourouér-aux-
Amognes. étant en course à Sury, rencontre dans une
auberge un porteur de semonces nommé Demores qui
accablait d'injures le curé d'Ourouër; il le blâme de
traiter ainsi un homme d'église, de bien et d'honneur ;
la dispute s'envenime et se termine par un gros coup
de bâton que Demores reçoit sur la tôte. Cependant il
reste à s'enivrer toute la nuit et plusieurs jours après
il marche encore, mais on le trouve mort dans un
champ le samedi suivant.
Guillemin, n'ayant que ce fait à se reprocher,
s'adresse au Roi ; il a voulu venger les injures faites au
curé; son adversaire était un homme de mauvaise vie
et gouvernement ; étant mort quelques jours après, il
peut avoir été atteint d'un autre coup dans les champs
comme un malfaiteur qu'il était ; sa veuve et ses amis
ont reçu satisfaction ; bref, Guillemin en sera quitte
(1) JJ. 156, n- 144, mai 1401.
(2)JJ. 156, n* 164, juin 14(H.
- 123 -
pour un mois de prison fermée et sera entièrement
réhabilité (1).
Le pardon fut accordé par lettres royales de juillet
1401 à Guillaume Bureau, charbonnier à Précy,
redoutant d'être poursuivi pour meurtre sur la per-
sonne de Guillaume Thibaut.
Plusieurs détails dans cette lettre tiennent de loin
à l'affaire et sont autant de traits de mœurs. Bureau
faisait du charbon dans les bois du seigneur de Précy,
Philippe de Bonnay (2). Il y avait à Précy une grosse
forge à faire du fer, laquelle forge était dirigée par un
certain maître Hennés, du pays d'Allemagne. Bureau
y vendait son charbon. Tous ces gens venaient à La
Charité faire leurs provisions et passaient les ponts de
Loire, le grand passage pour les deux rives du fleuve.
Des religieux achevai allant de La Charité à Aubigny
se rencontrent sur les ponts avec des habitants qui
venaient du pèlerinage de Saint -Antoine de Garchy,
le forgeron allemand s'y trouvait aussi ; une bagarre
s'ensuivit entre lui, les religieux et les pèlerins, où
finalement Guillaume Thibaut trouva la mort (3).
Ces événements sont décrits avec assez de confu-
sion, mais ils indiquent une vie mouvementée et assez
active dans ces localités.
L'année suivante, des lettres de rémission de sep-
tembre 1402 traitent d'une affaire connexe à celle-ci.
C'est encore un forgeron allemand venu de son pays
depuis une dizaine d'années pour demeurer en Berry
et en Nivernais et y travailler de son métier de forge,
nommé Volleaume. Il se trouve impliqué dans la
bagarre entre le religieux d'Aubigny et les pèlerins
de Sancergues, sur les ponts de Loire. Craignant
(1) JJ. 156, n* 170, juin 440t.
(2) Près Sancergues (Cher).
(3) JJ. 156, n» 217.
- 124 -
d'être poursuivi pour le meurtre de Thibault, pour
lequel d'ailleurs il était retenu à la prison de Saint-
Pierre-le-Moùtier, il s'adresse au Roi. Les lettres
disent « qu'aians pitié dudit Voleaume et de sadite
femme et enffans », on lui remet sa peine (1).
Il n est fait aucune allusion à sa qualité d'étranger ;
il semble être traité sur le même pied que les Fran-
çais.
Nous verrons dans la suite que la colonie allemande
de forgerons était très nombreuse en Nivernais.
Le meurtre commis à Lormes, dans la maison appe-
lée la Grange, attira une double affaire pour Hugues
de Saint- Aubin, chevalier, et son page Jean Petit.
Hugues réclamait d'un des hommes de Lormes lo
temps de louage qui lui était dû et que celui-ci lui
refusait avec insolence. Il y avait eu entre eux des
injures et des menaces suivies de coups. Le page,
voyant son maître irrité, lui demanda la cause de sa
fureur et entreprit de le venger. Le chevalier y
consentit, mais à la condition formelle que tout se bor-
nerait à une forte correction sans entraîner mort
d'homme, « deux ou trois batteures sans mort », ou
autrement qu'il désavouerait.
Le page chercha des camarades ; la rencontre eut
lieu et, dans la chaleur de la lutte, l'un des adver-
saires, Perrenot, reçut un coup mortel.
L'affaire fut très désagréable au seigneur de Saint^
Aubin : il devait se mettre à la disposition de la
justice, ses biens allaient être saisis. Ses parents et
amis, très préoccupés de ces conséquences, s'employè-
rent auprès du Roi pour obtenir les lettres de rémission
de janvier 1402 (2).
(1) JJ. 157, n* 182.
(2) JJ. 157, n- 41.
— 425 -
Quant au jeune clerc Jean Petit, son affaire avait
été proinptement réglée, au mois de décembre précé-
dent, « par contemplation de nostre très chier et très
amé oncle le duc de Bourgoigne qui de ce nous a fait
supplier (1) ». Avec la protection d'un seigneur de
cette importance, l'escapade sanglante du jeune page
devait défier les rigueurs de la justice.
A Château-Chinon, en janvier 1402, eut lieu une
querelle entre femmes. La femme Marion, en compa-
gnie de son mari, Jeannot Dubouc, et d'un barbier
nommé Jean Pugnet, buvaient dans un hôtel de la
ville. Une nourrice, accompagnée de la veuve
Regnaulde, vint les accabler d'injures, puis de coups,
la frappant du poing sur la tète et par le visage et
frappant aussi son mari. Mue de chaleur et de cour-
roux, la femme Marion s'arma de son petit couteau
taille-pain et, d'un seul coup en pleine poitrine, tua
la nourrice. Grâce fut accordée parce que « la feue
nourrisse fut agresseresse et commença le débat »,
tandis que l'autre n'était convaincue d'aucun blâme
précédent (2).
Une joyeuse bande d'hommes et de femmes, pour
fôter la Saint-Pierre, étaient allés « s'esbattre en un
villaige, près de Commaigni », â Merry, près Moulins-
Engilbert. Garnier et Favier, s'étant disputés, en
vinrent aux mains et, au milieu de la bagarre, Garnier
fut atteint d'une pierre dans la tête dont il mourut
quinze jours après. Favier, condamné au bannisse-
ment par défaut, se voit quand même rentré en grâce
sur la demande de ses amis (5).
Querelle de jalousie entre Huguenin Ducrocq ,
paroisse de Gacogne, qui trouve son parent Rigault
d) JJ. 156. n- 326.
(2) JJ. 156, n» 331.
(3) JJ. 156, n- 450, mars 1402.
— 126 -
av6c sa femme et le tue d'un coup de bâton sur la tète.
Lé suppliant, qui avait fui le royaume, démontra aisé
ment que c'était une pure vengeance pour des rela-
, tiens déjà anciennes et il obtint grâce devant la
justice (1).
Regnault Depoussy, tonnelier à Nevers, passait un
soir â Fougues et demandait à souper à l'hôtel de
Guillaume Fautrer ; il s'attabla avec quelques autres
et, après boire, une querelle s'éleva entre eux suivie
d'injures et de coups violents. Nativeault, fortement
pris de vin et plus irrité que les autres, menaça
Regnault d'un couteau qu'il tenait en main, et celui-ci.
saisissant un bâton, lui en donna sur la tête un coup
qui retendit par terre. Le lendemain, il était mort.
Les amis de Regnaut exposent qu'il s'était borné à se
défendre, que son adversaire était ivrogne et mal famé,
qu'il a pu mourir d'une autre maladie comme de sa
blessure. Aussi la rémission fut facilement obtenue en
mai 1402 (2).
Guillaume de La Bruyère, écuyer, demeurant à
Coussay, se rend à Champlemy, où il rencontre un
certain Jean Guillot, qui l'avait autrefois battu et
(( fait plusieurs villenies ». A la première altercation,
ces gens le mettent en chasse, en le poursuivant à
coups de grosses pierres, et s'arrêtent seulement devant
un sergent du duc de Bourgogne survenu avec le frère
dudit Guillaume. Mais celui-ci revint â la charge et,
rattrapant le nommé Deflfère, il le frappa sur la jambe
d'un coup de bâton si violent qu'il en mourut. A la
suite de ce fait, Guillaume disparut, craignant d'en-
courir le bannissement. Ses parents et amis s'adres-
sent à la miséricorde du Roi, disant qu'il a toujours
(1) JJ. 157, 11» 24, avril i403.
(2) J.Î. 157, n" 48. — Ci-dessus p. 110, môme nom à Fougues.
^ 127 -
été de bonne vie et honnête conversation, qu'il en
voulait à Jean Guillot et non à Deffère, et que c'est par
pure méprise qu'il Ta frappé.
Sur cet argument d'assez peu de valeur, le Roi
accorde la rémission (1).
Jeannot Acot, serf de la dame d'Aunay, veuve de
Bureau de La Rivière , premier chambellan de
Charles V, passait à Varzy pour affaires et rencontra
Jean Belleperche, avec lequel il se prit de querelle
suivie d'injures et de coups. Il fut même traduit, à ce
snjot, devant le prévôt de l'évêque d'Auxerre, à Varzy,
où Ton voulait le condamner au bannissement. Comme
serf, il ne peut en appeler ; il n'a- que vingt ans, il
vient en aide à ses parents par son travail ; il n'y a eu
mort, mutilation, sang ni plaie. On lui accorde l'auto-
risation de revenir sans être inquiété par la justice (2).
Encore une querelle d'auberge à Maison-Dieu, où
Alexandre Morillon, laboureur, et Monin Humbert se
rencontrent en revenant de Saulieu. Ils s'injurient
pour une femme, sur le compte de laquelle Monin
tenait de mauvais propos, ce qui donne lieu à des
actions en justice devant le bailli de Donzy,àClamecy,
et simultanément à Saint-Pierre-le-Moûtier. Ils se
retrouvent à la foire de la Madeleine, à Saint-Père-
sous-Vézelai, où ils avaient des arbalètes et des petites
épées, dites bazelaires. Monin reçut un coup d'estoc,
il fut pansé et guéri par un barbier d'Auxerre, puis,
dix jours après, faute de soins, il mourut des suites
de cette blessure.
L'exposant qui avait quitté le pays obtint réparation
complète pour une affaire aussi obscure, où il ne pou-
vait être condamné (3).
(1) JJ. 157, m 127, mai 1402.
(2) JJ. 157, n* 206, novembre 1402.
(3) JJ. 157, n- 209, juillet 1102. •
- 128 -
A rAnnoncîation de Notre-Dame, 1402, un jeune
homme, Regnaut Le Marrillier, avait prêté de l'argent à
Pierre Citot, curé de Saint-Martin-du-Puy. Ayant joué
aux dés et à la paulme, à Lormes, en nombreuse compa-
gnie, Citot f( qui est homme joueur, tavernier et de vie
dissolue », nia la dette, refusa de rendre Targent et
proféra de telles injures que Regnaut, hors de lui, le
frappa d'un coup de couteau sur la tôte. Après être allé
de maisons en tavernes dans la ville de Lormes, expo-
sant sa plaie à l'air et buvant sans ménagement, il
mourut au bout de trois semaines.
Les lettres excusent le meurtrier sans hésiter pour
la situation du défunt et l'acquittent à la seule condition
qu'il fera le pèlerinage du Mont Saint-Michel (1).
Perrenot Barat, de Villiers, près Lormes, revenant
avec Guillaume Pechin, se prit de querelle avec lui et
lui fit une large blessure à la tête. Il est poursuivi par
le bailli du .^eigneur de Chalon, séant à Lormes. Il
obtient acquittement par lettres d'avril 1403 (2).
En juin 1403, rémission en faveur de Guyot Léri-
tier, laboureur à Riousse, paroisse de Livry. S'étant
disputé avec Guillaume Perrot, maçon, homme de
mauvaise vie qui entretenait des relations avec sa
femme, il lui donna un coup de barre de fléau, lequel,
par ricochet, vint frapper l'un des assistants, nommé
Bureteau. La plaie, toute petite, s'envenima et, faute
de soins, l'homme mourut quelques jours après (3).
Jean Jobelin, homme de petite conscience, faisait
manger à ses bœufs les prés de ses voisins et causait
des dommages de tout genre à leurs cultures. Une nuit
on le surprit; il voulut résister et menaça d'un piochet
qu'il tenait à la main, puis, dans la bagarre, Perrin
(1) JJ. 157, n- 440.
(2) JJ. 157, n» 444.
{S) JJ. 158, n* 9.
Perrin était gendre du propriétaire volé; on le
cozisidéra comme défeodant son bien, et à ce titre il
obtint rémission du meurtre qui débarrassait la
contrée d'un malfaiteur. Denis Loquet, qui avait par-
ticipé au meurtre, fut également absous (1).
L'afiaire du gentilhomme qui a tué son fermier,
exposée dans les lettres d'octobre 1403, mérite d'être
racontée avec quelques détails.
Bleuet de Montagu, un joli nom, âgé de vingt-deux
ans, quittait le Bourbonnais pour se rendre dans le
comté de Nivernais, où il avait à payer un douaire de
dix livres tournois par an à Jeannette de La Forest,
femme de son feu père Jehan de Montagu, et à présent
femme de Jean de Cossaye, écuyer. Il passa par les
villages de Saint^Martin et La Varenne, paroisse de
Trezelles, chez Henry Bonneaul, sou fermier, pour
être payé de 20 sols tournois de taille annuelle, 15 petits
blancs et 4 bichets de blé, dus de l'année précédente.
Il trouva André, fils du fermier, et les femmes, qui lui
dirent que Bonneaul était & Bourbon. Bleuet lui
demanda s'il aurait de l'argent et du blé, à quoi André
répondit qu'il y en avait, mais qu'il n'était pas prêt,
ayant l'air de se moquer de lui.
Pourtant, l'année passée. Bleuet avait déjà envoyé
huit ou dix fois son valet pour lui réclamer, et dans
cett« course de dix lieues il avait plus dépensé en
frais qu'il n'avait touché d'argent; il lui ajouta qu'il
voulait être payé le mardi suivant au plus tard ou
qu'il 86 fâcherait. André répondit qu'il ne lui faisait
pas peur, ce que, voyant. Bleuet lui répéta la môme
W li. 158, n* 57, août 1408,
T. IX, S* aéne, ^
— 430 —
injoDctioDi de s'exécuter, et André, hautement et
h&tiyement, déclara « qu'il n'estoit pas villain, que ce
que il avoit et tenoit il Tavoit plus franchement que
ce que tenoit ledit Bleuet, et plus ou aussy franche-
ment que le Roy ne tenoit son royaume ». Indigné de
ces paroles, Bleuet le traita de menteur, le menaçant
de le frapper, et l'autre lui dit qu'il pouvait bien
frapper, qu'il ne demandait pas autre chose.
Les femmes intervinrent, cherchant à le calmer et à
l'emmener à la maison, craignant qu'à la fin les deux
hommes n'en vinssent à se battre.
André répéta qu'il n'oserait pas, mêlant les injures
et les moqueries à tel point que Bleuet, ne se possé-
dant plus, mit la main à son épée et allait se lancer
sur André quand son compagnon de voyage, Henry
de Couses, écuyer, se mit entre les deux leur défen-
dant de se battre, mais Bleuet s'échappa, piqua des
éperons son cheval et fondit sur André Tépée nue,
lui assénant deux coups de plat d'épée sur la tête,
André se sauva vers la maison prit un gros b&ton et,
revenant avec menaces, allait assommer Bleuet quand
celui-ci l'abattit d'un seul coup d'estoc.
Bleuet le laissa sur place et traversa la Loire pour
continuer son chemin en Nivernais. Il apprit plus tard
qu'André était mort le jour même et craignant la
justice, il s'est absenté du pays, ne voulant pas y
revenir avant d'avoir reçu sa grâce. « Bleuet est
noble home, disent les lettres, ses prédécesseurs nous
ont servy en nos guerres et espère ledit Bleuet de
nous y servir quand mestier sera ; le fait est advenu
par la grande importunité dudit feu André et par ses
mauvaises paroles et injurieuses. Bleuet a toujours
été de bonne vie, renommée et honneste conversa-
cion ».
En somme, il est remis de toute peine, et eonfisca-*
-131 -
tioD de biai9 et restitaé en bonne rMiommée. Il fera
simplement «par manière de pénitence, un pèleri-
nage à pié à l'église de Notre-Dame-du-Puy , en
Auvergne, et avecquee ce fer» chanter cent messeï
pour le aakt de l'âme du trépassé en l'église parro-
cliial où i) demeuroit ».
n faut avouer que dans certains cas difficiles comme
celui-là pour les ofBciers ordinaires de justice , le
jugement du Roi pouvait avoir du bon, l'issue de ta
bataille devant être fatale aussi bien pour l'un que
pour l'autre (1).
En décembre 1403, furent rendues deux lettres de
rémission concernant quatre officiers de la suite du
comte Dauphin d'Auvergne : c'était alors Béraud III,
dont la fille, héritière du comté, épousa, en 1438,
Louis I*' de Bourbon, comte de Montpensier.
Ces jeunes gens avaient été envoyés préparer une
chasse dans la forôt de Charnes et s'arrêtèrent dans la
taverne du village du Plessis, où on leur montra une
femme galante qu'ils voulaient emmener avec eux. La
femme s'en allait avec deux hommes qu'ils ne connais-
saient pas. Ils se prirent de dispute avec eux, et
pendant que Perdrieur disparaissait dans tes bois avec
la femme, ses deux compagnons, Putolot et Prévost,
étaient assaillis à coups de pierres; Perdrieur fut
aussi atteint & la tête et dans la bouche, mais s'étant
défendus avec leurs épées, ils firent à Gillet une pro-
fonde blessure à la tôte dont il mourut peu de jours
après.
Gillet était le mari et Taing le frère de la femme ;
mais comme la vie de celle-ci était parfaitement notoire
et qu'ils ne connaissaient pas les individus, l'affaire
(1) ». 15B, n* 83,
- 132 -
n'avait pas la même gravité et « la contemplacion
dudit comte Dauphin ^ arrangea tout (1).
Jehannot Le Mariât, cordonnier, serf du duc de
Bourbon, demeurant à Lormes, était en procès avec
Criselat devant le ch&telain de Lormes. Ils se trou-
vaient dans une taverne avec un certain Savote, dit
le Galant, sorte d'homme d'affaires qui les mit d'accord
entre eux, à la condition de payer quatre gros et
quatre pintes de vin qu'ils burent ensemble. Bientôt
ils se prirent de paroles grosses et injurieuses, oubliant
leur premier entretien, et en vinrent aux coups. Mariât,
blessé à la tête, protégé sous une claie à faire des
gâteaux, tira un petit couteau dont il frappa Savote
sur l'épaule, lui faisant une blessure mortelle.
Mariât, enfermé dans les prisons de Châteauchi-
non, risque d'y finir ses jours ; la supplique adressée
au Roi considérant que la victime était un homme de
très mauvaise et déshonnète conversation, cherchant
noise à tout le monde, le meurtrier est absous de toute
peine et amende (2).
Guillaume Bourgeois^ bâtard, âgé de soixante ans,
avait une seconde femme a de très mauvaise vie et
déshonnète gouvernement et abandonnée de son
corps », laquelle prit fantaisie d'aller tenir une taverne
près de Saint-Saulge, où elle vendait vin à ceux qui
lui plaisaient. Guillaume y alla ; elle lui refusa avec
arrogance le vin qu'il lui demandait, et, après toutes
sortes d'insultes, il devint tellement en fureur qu'il
tira un petit couteau et en « ferit sa dite femme un
seul cop par la hanche jusques à effusion de sanc,
duquel cop elle ne f u mie estanchiée à point ne gou-
vernée, et pour ce eUe alla assez tost après de vie à
trespassement ».
(1) JJ. 158, n- 219.
(2) JJ. 158, n* 251, janvier 1404,
-133 —
Il s'absenta du pays et adressa unô supplique au
Roi qui, par pitié et miséricorde, l'acquitta de ce
meurtre où ni lui ni la société n'avaient à souffrir (1).
Plusieurs jeunes gens de Crux-la- Ville étaient allés
un dimanche jouer aux billes dans un champ voisin,
l'un d'eux en jouant lança sa bille près de l'oreille, à la
tête de son camarade, qui en mourut.
Le meurtrier prouva facilement « que ledit fait
D'avint pas par hayoe ne de fait precogité, mais
d'aventure », et sa supplique fut admise sans aucune
peine (2).
Jean Craupin, pauvre vieillard ainsi que sa femme,
avaient donné un « asseurement devant le prévôt de
Ciez y> à Guiot Jobert, qui était un mauvais plaideur.
Depuis on les avait vus boire et manger ensemble,
plusieurs pouvaient en témoigner, même parmi ceux
qui ont disparu dans la dernière mortalité. Puis
Jobert, s'étant disputé avec un autre, vint déclarer
devant le juge qu'en faisant une batture, il avait
enfreint l'assurement (3) pour quoi il fut mis en prison
parles officiers au siège d'Auxerre. Comme Craupin
n'avait aucun vilain blasme ou reproche, il obtint gain
de cause (4).
Un jeune homme de dix-sept ans, Jean Broussier,
compagnon maréchal â Lurcy-le-Bourg , avait été
mis dans les prisons de l'évêquedeNevers, àPrémery,
pour avoir violé une certaine fille, Agnès, gardeuse
de bêtes, qu'il avait suprise dans un champ. En raison
de sa jeunesse, et comme il est prêt à épouser ladite
(1) JJ. 168, ■)• 362, mai 1404.
(3) JJ. 158, »• 366, mii 1404.
(3) Serment qui engageait la parole.
(4) JJ. 158, n< 303, juin 1404.
— 134 -
âUe, sur la demande de ses amis le Roi lui accorde
dee lettres de rémission (1).
Les lettres de janvier 1405 acquittent une affaire de
vol pourtant assez grave. Jean Morin, serviteur d'un
chambellan, Guillaume Martel, avait pénétré chez le
sire de Garencières, autre chambellan, demeurant i
l'hôtel Saint-Paul, à Paris. Il avait dérobé, après
effraction, dans un coffre de bahut, six vingts écus en
or, des anneaux d'or et d'argent , une croix d'or où
était de la vraie croix, un reliquaire rond d'argent
garni de ses reliques , quatre vervelles ou anneaux
d'argent aux armes de Garencières pour marquer les
faucons. Ce vol consommé, Jean Morin avait quitté
son maître et s'était installé à Pouilly où, après s'être
marié, il tenait paisiblement un hôtel depuis neuf
ans, lorsque, par hasard, le sire de Garencières, pas-
sant à Pouilly, le reconnut, le convainquit du vol et
le fit enfermer dans les prisons de Cosne, sans recourir
d'ailleurs à la juridiction spéciale des chambellans à
laquelle il avait droit. Morin offrait de le satisfaire
complètement, le chambellan ne lui avait sans doute
pas autrement gardé rancune, et les lettres le resti-
tuèrent à sa bonne renommée (2).
Le jeune Guiot, après être allé à la messe à Chan-
tenay s'était mis à boire et à jouer à la paulme avec
des camarades. Ils étaient de noble lignée. Mison,
l'un d'eux, traita Guiot de truand et homme de rien.
Après le jeu, ayant pris leur chemin, les mêmes injures
recommencèrent à tel point que Guiot sortit sa dague
et en donna à Mison un grand coup sur la tête lui fai-
sant une profonde blessure. Transporté chez lui, à
Saint-Pierre, il mourut, faute de soins, huit jours après.
(1) JJ. 158, n* 396, mai 1404.
(2) JJ. 159, n- 170.
— 135 —
Le meurtrier expose qu'il s'est absenté du pays pour
éviter les sentences des seigneurs justiciers dont il est
sujet et qu'il risque de ne pouvoir jamais revenir s'il
n'obtient des lettres de rémission. On considère que
a le fait est advenu en grande partie par les paroles
et atisemens » et qu'il était de bonnes vie et renommée.
« Il fera deux pèlerinages, l'un au mont Saint-Michel,
et l'autre à Notre-Dame de Chartres, demorera un
mois en prison fermée et rapportera certif Qcation de
chacun desdis lieux (1) ».
Guillaume Le Barbier, pauvre laboureur, âgé de
soixante-dix ans, habitant Verneuil, avait donné im
« asseurement » devant le prévôt de Cercy à un nommé
Manyot, homme « noiseux et rioteux », cherchant
querelle à tout propos. Or, celui-ci fut pris une nuit
dans sa maison par plusieurs individus et si fort battu
qu'il en mourut. Avant sa mort, il avait eu le temps
de dire que Le Barbier faisait partie de cette bande,
et pour cela il fut détenu dans les prisons de Nevers
par les officiers de notre cousin le duc de Bourgogne,
alors comte de Nevers. « Gehiné, mis à la question et
interrogé », il finit par avouer qu'il avait dit de battre
Manyot, mais sans le tuer, et que ces gens lui avaient
pris par force les pièces d'argent qu'il possédait.
Pour cette méprise, il allait finir ses jours en prison.
Mais comme il était de bonne vie et le défunt de très
perverse condition. Le Barbier fut absous, sauf « qu'il
tendra prison fermée trois mois entiers au pain et à
l'eaue, et sera tenu faire un pèlerinage & Notre-Dame
du Puy, en Auvergne, pour l'âme du trépassé et de
faire chanter treize messes et de dire treize fois le
saultier (3) ».
(1) JJ. 159, n» 216, février 1405.
(2) JJ. 159, n* 2aD, avril 1485.
— 136 -
CHRONIQUE ET MÉLANGES
Pour raniiée 1900.
Aucun fait saillant n'est à signaler dans le résumé de
nos travaux de l'année 1900. Les séances ont été régu-
lièrement suivies et occupées par des lectures formant
des articles insérés au Bulletin, Les remarques pré-
sentées aux séances et n'offrant pas la matière d'un
article ont été simplement indiquées ici ; les dons de
manuscrits et de livres sont aussi mentionnés de
manière à fixer ces souvenirs tout en supprimant
l'impression des procès- verbaux.
Les sujets traités dans les articles sont, comme
toujours, variés et recueillis par vous au hasard des
recherches et des découvertes, mais ils n'en sont pas
moins utiles pour les historiens locaux.
Nous en sommes au dix-neuvième volume de notre
Bulletin, Il y a déjà une masse considérable de maté-
riaux et d'études historiques disséminées dans cette
collection qui remonte à l'origine de notre société.
Nous ne la connaissons pas assez, nous la consultons
rarement, nous nous y reportons très peu. et nous
ignorons souvent les ressources qu'elle peut offrir.
Quelques ouvrages plus étendus et plus spéciaux, dus
aux études de nos prédécesseurs Mgr Crosnier et M. de
Soultrait, semblent renfermer tous les éléments de
notre histoire. Le Bulletin qui s'augmente chaque
année devra fournir d'importants compléments aux
recherches de ces auteurs.
-137 -
En 1891, j'ai fait une table sommaire des dix pre*
miers volumes que chacun de nous doit toujours
consulter avant de toucher à un point d'histoire quel-
conque; il nous en faudra bientôt une autre pour la
suite de nos volumes.
Le musée lapidaire et les archives ont obtenu quel-
ques pièces et peu à peu nos collections prennent de
Timportance. Vous voyez par vous-mômes que, loin de
péricliter, notre compagnie gagne d'année en année.
Voici maintenant le résumé des études non insérées
au Bulletin :
«- M. de Saint- Venant présente à la compagnie divers objets
de caractère mérovingien, entre autres un sabre de guerre et
une^ agrafe, ainsi que plusieurs objets préhistoriques, époque
intermédiaire de la pierre taillée et de la pierre polie, trouvés
par M. Hîppolyte Marlot, d'Arleuf, dans les communes de
Lormes, Cervonet Dirol. — Il annonce la découverte d'un tronçon
de voie militaire romaine allant de Thaiz à Saint-Honoré,
signalée mais non encore explorée. Cette voie traverse les bois
et à l'aide des essences d'arbres qui poussent dans la ligne on
pourra la reconnaître. — Il montre encore un bois gravé
représentant un hussard, tête de lettre d'avis à l'usage des
recruteurs des armées dans l'ancien régime pour obtenir des
engagements. — A la séance de janvier 1900 il explique que
le bronze du musée de Nevers reproduit dans ï Album du
Nivernais serait une variante de VHercule de Feurs, réduction
de la statue de Lysippe^ connue seulement par les textes.
— M Gaston Gauthier expose l'état de la continuation des
fouilles de Champvert qui n'ont encore pour l'instant rien
donné de nouveau. Il présente une sorte de trompe en terre
cuite grisâtre trouvée dans le lit de la Loire à Gharrin, par
M. Gonin, et servant à appeler les passeurs d'eau ou les
conducteurs de troupeaux.
— Achèvement de la restauration du chevet de Saint-Etienne
de Nevers; M. de Toytot expriine l'espoir que la ville, après
lai havtux si bien exécutés par TEtaty s'occupera de dégager
complètement la place sur la rue de la Barre.
— Médaillons de Tartisle italiea Nini conservés au musée de
Ne vers ; M. de Saint -Venait donne des détails sur le séjour et
les travaux de Nini à La Charité-sur-Loire.
— Objets romains remarqués dans des bois de Sauvigny
appartenant à M. Ricfaani^ note présentée par M. Paul Meu-
nier.
-^ Inventaire des bagues et joyaux de Marguerite de Bourbon,
comlesoe de Nevers^ en 1560, dressé par quatre experts orfè-
vres lapidaires de Paris, exposé par M. de Lespinasse d'après
le manuscrit tr. 4682 de la BiblioMqne nationale. Ces joyaux
merveilleux étaient déposés à Thôtel de Nevers, à Pans.
— Lettres du célèbre médecin nivernais Roche, lues par le
docteur Subert, et notes biographiques sur ce personnage, né
le 27 juillet 1790.
— Lettre de M. Hyde de Neuville relative à divers faits de la
petite Vendée du Sancerrois, original appartenant à M. Sarriau.
— Tapisseries de Marie d'Albret au musée de Nevers, à l'occa-
sion d'un mémoire de M. le comte Charles de Beaumont au
congrès des sociétés des Beaux-Arts du 25 mai 1899, M. de
Saint* Venant croit qu'elles sont une oeuvre bien française et
non produite par des artistes flamands.
— Les importantes copies de dom CaflSaux relatives à des
familles nivemaises sont indiquées par notre confrère M. Léon
Mirot et Ton rappelle à ce su, et qu'il en existe une copie aux
archives de la Nièvre.
— Inventaire de la garbe-robe de Charles de Bourgogne,
comte de Nevers, habillements, objet de toilette et de chasse,
armes, jeux, instruments de musique, garniture de chapelle,
en Tannée 1464, d'après le manuscrit fr. 4679 de la Biblio-
thèque nationale, M. de Lespinasse ajoute à cette curieuse
description diverses notes sur la vie guerrière et mondaine de
ce seigneur. La publication de cet inventaire ainsi que des
joyaux de Marguerite de Bourbon est réservée à la bibliothèque
de l'Ecole des Chartes.
-^ Le prieuré de Gommagny et sa curieuse église sont l'objet
d'une petite description par M. Victor Moreau.
-130 -
— > M. Tabbé Bogros, curé de Many, notre confrère, t eu les
honneurs de YEglantine aux jeux floraux de Toulouse pour ie
discours en prose intitulé : La part de Vâme et celle du corps
dam Véducatian.
-^ Le Comité des Sociétés savantes a bien touIu accorder une
deuxième subvention de 300 fr. aux fouilles gallo-romaines
de Champvert entreprises sous les auspices de notre Société
par notre zélé confrère M. Gauthier.
— A l'issue de la séance du 31 «mai, la compagnie a visité,
sous la conduite de M. le chanoine Sery, les substructions et
vestiges de l'ancien couvent des Récollets, à Nevers.
— Spécimens de la flore de la période houillère des mines de
La Machine; beaux dessins et préface d'une importante étude
sur le dépôt houiller nivernais, préparée sous les auspices de
M. Bosquet, directeur des mines, par notre confrère M. Pous-
sereau.
-^ M. Pic, conservateur du musée de Prague, en Bohème,
étant de passage à Nevers, offre à la Société nivernaise d'entre-
tenir des relations scientifiques avec la Société savante de
Prague.
— Collège de La Charité^ur-Loire. L'immeuble, autrefois
hôtel Lespinasse, appartenant aujourd'hui à notre confrère
M. Debourges, avocat à Nevers, est exproprié pour cause de
reculement. Avant la démolition il a été tiré une photographie
de l'ancienne construction ; il est également montré un bouton
d'uniforme orné de deux palmes avec légende de cet établisse-
ment d'instruction, qui a eu son moment de célébrité en Niver-
nais jusqu'en 1850.
— Communications de M. Henri Sarriau :
— « Pùugue$ en il69. Extrait de: Raulin (D^). — Obser-
vations sur l'usagé des eaux minérales de Pougues... avec
l'analyse chimique des eaux par M. Castel, ancien apothicaire,
aide-major des camps et armées du Roi... — Paris, Edme,
1709, in.l2 ;
» La route de Paris à Pougues, qui est une des grandes routes
de Lyon, est très belle et très agréable ; on y a toutes les
- 140-
commodités possibles : bon vin et alimens salubres en tout
genre.
9 Le bourg de Fougues a beaucoup d'agrémens; Tairy est fort
sain ; il y a des promenades champêtres, et surtout beaucoup
de couvert. Le pain et le vin y sont excellens. On y boit com-
munément du vin blanc de Pouilly, qui a de la réputation, et
dont l'usage est recommandé, avec une croûte de pain, immé-
diatement après qu'on a pris les eaux. Ce déjeuner, qui ne
charge point, n'empêche pas de dîner de bon appétit.
» Les habitans de Nevers qui ont des biens ou des vignes dans
le territoire de Fougues, y entretiennent des maisons com-
modes, très logeables et proprement meublées. On les loue en
tout ou en partie, et à tel terme que l'on veut. Il y a un bureau
de poste, et le grand courrier passe plusieurs fois la semaine
par le bourg. Plusieurs carrosses et voitures publiques passent
aussi par cette route. A l'entrée du bourg, est une source d'eau
douce très bonne ; et la Loire, dont l'eau est une des meilleures
du Royaume, n'est éloignée que d'environ une lieue.
1» La ville de Nevers, qui n'est qu'à deux lieues de Fougues,
fait seule une vraie promenade, qui présente des points de vue
variés et de belles perspectives de la plus grande étendue.
y> Enfin la position des Eaux, dans un aspect riant et dans un
pays bien ouvert, ne sauroit être plus agréable : avantage
presque unique ou dont jouissent très peu d'eaux minérales en
France et ailleurs. Son A. S. Mgr le Frince de Conti a fait
planter plusieurs allées d'arbres qui aboutissent au grand
chemin et qui conduisent aux Eaux. Du lieu où elles sont, on
traverse une prairie charmante dans laquelle on a pratiqué de
petits chemins sablés à l'anglaise, pour s'y promener à pied
sec. Au milieu de cette prairie, est une allée de tilleuls qui
mène à un plateau d'où l'on découvre le village à gauche, et à
droite près de deux lieues de la grande route. Au retour de
cette même allée des Eaux, on a l'aspect d'un grand vignoble,
de plusieurs bouquets de bois et de collines qui décrivent une
espèce de fer achevai, dont les deux extrémités ont deux lieues
d'éloigneraent. Le bas pays, fertile en grains, forme un terrein
qui varie encore la scène, étant coupé de monticules dont tous
les fonds sont des prairies, »
-144 -
< Numismatique nivémaise. — La vente du 7 avril 1900, à
rhôtel Drouot, renfermait les pièces suivantes dont je m'em-
presse de signaler Texistence aux collectionneurs nivemais :
MEREAUX DE LA COLLÉGIALE DE SAINT-PIERRE-
LE-MOUTIER
Clef et crosse disposées en sautoir, cantonné d'étoiles aux
2, 3 et 4 ; autour, filet et grènetis. (Type du n» 9 de Tétat
actuel de la Numism, niv,)
R. Le chiffre VI dans le champ, accosté de 4 roses.
On ne connaissait jusqu'à présent que les chiffres II et Xll.
(N<» 80 du catalogue de la vente) acquis par le musée de
Nevers.
Clef et crosse en sautoir cantonné aux 1-4 de fleurs de lis,
aux 2-3 de la date 15-84. Autour, filet et grènetis. (Type du
no 11 de l'état actuel de la Numism, niv.)
R. Le chiffre XII dans le champ, accosté de 4 roses. Autour,
filet et grènetis. De cette série on ne possédait que le chiffre YI.
(No 81 du catal.)
MÉDAILLES DE THÉODORE DE BÈZE
Médaille frappée en 1835, à Genève, pour le 3® jubilé de la
Réformation et présentant au droit les bustes de Calvin, Farel,
Viret et de Bèze, disposés 2 et 2 dans le champ.
Br. 62 mm.
(Je regrette de ne pouvoir présenter une description plus
complète). »
— D'importants papiers sur les forges au charbon de bois en
Nivemais avaient été recueillis par notre ancien confrère
M. de Pierredon, pendant son séjour comme directeur des
usines d'Imphy ; ne comptant plus les utiliser lui-même, il a
préféré les offrir à la Société.
M. de Lespinasse a cité plusieurs documents assez curieux
Ik^rtant svr des enquêtes faites en 1810 et 1838, coneemant
les forges de MM. de Berthier, à Bîzy^ Septier de Rigny, à
l'AUine,et TayllerandPérigord, à Vandeoesse. ly autres papiers
de même nature, mais moins intéressants parce que ce sont des
comptes d'ouvrages de la forge de Gigogne, sont également
offerts à la Porte du Croux par un Nivernais M.Ladrey, notaire
honoraire à Annecy. La Société, en remerciant ces messieurs
de leur précieux hommage, confie ces papiers à M. Paul Meu-
nier qui s'occupe d'un travail sur le inême sujet.
— Après la séance du 25 octobre, la compagnie visite les caves
voûtées de l'ancienne abbaye de Notre-Dame, décrites par M. le
chanoine Sery.
— M. l'abbé Bridet, curé de Saint-Bonnoi, ofire à la Société
un document daté de 1571 et contenant un cens servile modifié
en bordelage. Cette pièce viendra s'ajouter à d'autres que nous
possédons déjà sur cette curieuse question d'histoire.
— Mme Moncharmont donne au musée deux pierres ornées
de billettes provenant de Tabbaye de Notre-Dame.
En terminant, messieurs, je vous renouvellerai mes
instances pour vous décider à signaler les divers objets,
documents ou faits d'histoire qui peuvent vous passer
sous les yeux ; isolés, disparates, insignifiants par
eux-mêmes, ces renseignements, consignés dans cette
chronique du Bulletin, sont susceptibles de servir à
un moment donné aux travailleurs en attirant leur
attention sur une source ou un fait qui leur aurait
échappé. Le moindre détail viendra ainsi offrir une
réelle utilité ; par ce moyen facile pour vous tous et
qui se rencontre à chaque instant, nous prendrons
intérêt aux travaux de nos confrères les plus laborieux
et nous aiderons au but de notre chère Société
nivernaise.
~ 143 -
Quelques livres offerts à la Société par ses membres
ou autres auteurs particuliers, en dehors des revues
d'échanges ou des nombreux envois administratifs :
— Authenticité des Titres des Croisades de la collection Cour-
tois, par Robert de Courson.
— Comédie par Francis et Moreau, intitulée : Les CheviUes de
M^Adam ouïes Poètes Artisans, Masson libraire, in- 12, 1806.
Offert par M. le colonel de Courson.
— Le Pont d'Avignon^ par M. Massillon Rouvet.
— Thèse de doctorat: Le Servage et les Communautés servUes
en Nivernais^ par M. Paul Mohier.
Membre décédé :
— M. le docteur Fichot, médecin en chef de Thôpital, à Nevers.
Nouveaux membres admis en 1900 :
— M. Bayle, notaire à Nevers, présenté par MM. Sery et
Meunier ;
— M. Dubost, avoué à Nevers, par MM. Meunier et Duminy ;
— M. le comte René Benoist d'Azy, par MM. Massillon
Rouvet et Meunier ;
— Mme la comtesse René Benoist d'Azy, par MM. Massillon
Rouvet et Meunier ;
— Mme la baronne Denys Benoist d'Azy, par MM. de Lespi-
nasse et Sery ;
— M. le vicomte René d'Armailié, par MM. Charles du Verne
et de Lespinasse.
— M. Dameron, architecte à Nevers, par MM. d'Assigny et le
comte de Maumigny.
R. DE L.
Navers, imp. 6« YaUière»
— 145 -
Li TOMBE DE SERÊNE DE GREVANT
Femme de FRANÇOIS II de CHABANNES,
Comte de Saignes, baron de Charlus, etc.
ET DE VÂLENTINE DE GHÂBÂNNES, LEUR FILLE.
En Végliêe de Trucy-V Orgueilleux,
ET
M. TOMBE DE JACQUES DE CHABANNES,
Baron de Vergers et de Sainte -Colombe,
Dans Vancienne église de Vergers, commune de Suilly^la^Tour,
La t©mbe de Serène de Crevant et de Valentine de
Chabannes attire depuis très longtemps l'attention
des amateurs d'archéologie. Dans son Répertoire
archéologique du département de la Nièvre, notre
regretté Président, le comte de Soultrait, en a fait la
description. Plusieurs autres publications en ont aussi
parlé et. Tannée dernière, elle a reçu la visite de plu-
sieurs de nos confrères. L un d'eux, M. de Flamare,
en nous parlant de cette visite, nous exprima le regret
que les inscriptions et les armoiries qui figurent sur
cette tombe, disparussent peu à peu, par suite de
l'usure occasionnée par le passage fréquent sur cette
pierre, de ceux qui pénètrent dans l'élise. En effet,
cette tombe, qui était primitivement dans le chœur
près du maître-autel, se trouvait, sans avoir changé
de place, à l'entrée de l'église, depuis 1773, date où
le chœur, orienté au levant, fut transporté à l'extrémité
T. IX, 3* série. 10
- 146 —
opposée. Désireux d'assurer la conservation de cette
dalle funéraire, précieuse par son antiquité, les sou-
venirs qu'elle rappelle, les inscriptions et les armoi-
ries qui la couvrent, nous en parlâmes au comte Henri
de Chabannes, notre confrère, arrière petit-neveu de
Serène de Crevant, qui accepta très volontiers de faire
les frais nécessaires pour obtenir ce résultat. Grâce à
Textrôme obligeance et aux soins intelligents de
M. l'abbé Camus, curé de Trucy-l'Orgueilleux, cette
tombe a été transportée dans la chapelle des anciens
seigneurs de Trucy, et adossée contre le mur du fond,
après qu'on y eut placé dans l'épaisseur de la maçon-
nerie une boîte contenant les ossements de Serène de
Crevant et de sa fille, ainsi que le cœur de celle-ci
renfermé dans une capsule de plomb. Ces restes se
trouvaient sous la tombe où leur présence avait été
déjà constatée en 1844, lors de la réfection du dallage
de l'église. Voici ce que dit à ce sujet feu l'abbé Gui-
bliU; alors curé de Trucy, dans le registre paroissial :
« Le 28 novembre 1844, les tailleurs de pierre, rele-
vant le pavé de l'église, trouvèrent sous ime pierre
tumulaire, un cœur en plomb, renfermant probable-
ment le cœur d'un enfant. De ce cœur, s'échappait une
liqueur très agréable (1). J'ai vu et tenu ce cœur, j'ai
senti l'agréable odeur qui s'en exhalait.
)) La pierre tumulaire était placée près du maltre-
autel, lorsque le sanctuaire regardait le levant avant
1793.
» Cette pierre fut replacée dans la môme position et
le cœur fut remis dessous avec les petits ossements
de l'enfant ».
(1) L'un des maçons avait fait nn trou dans la capsule en plomb.
— 147 -
Après avoir relaté les inscriptions de la tombe, le
bon curé ajoute :
« On trouva sous la pierre, les ossements de l'enfant
et plus bas ceux de la mère » .
Par suite de la nouvelle position de la dalle, il a été
possible de relever, de la façon la plus exacte, les
anciennes inscriptions de cette tombe, très inexacte-
ment reproduites jusqu'ici ; c'est M. le Curé de Trucy
qui a bien voulu encore prendre cette peine, et nous
ne saurions assez l'en remercier :
D'après le fac-similé ci-joint, dans toutes les copies
de l'épitaphe publiées jusqu'ici, on avait oublié le mot
D'ARMES, « Dame 6! Armes du Tour, etc. », puis on
avait pris pour un 8 ou pour un 6 le chiffre qui vient
après les mots AVEC'LVY, et qui est un 5, point au
sujet duquel divers actes concernant Serène de Cre-
vant ne permettent aucim doute. D'un autre côté, en
ce qui est des inscriptions régnant en exergue autour
de la tombe, on les a reproduites tout aussi inexacte-
ment. Du mot TIBI on avait fait la fin d'une inscrip-
tion placée à la suite de l'épitaphe, ce qui n'est pas. Le
mot TIBI, précédé des trois lettres IDA non mention-
nées jusqu'à ce jour, doit être la fin de l'inscription
latine LECTOR-MORSTVAMORSCHRISTIAN A,
à laquelle l'usure a enlevé sept ou huit mots avec les
premières lettres du mot terminé par IDA. On
n'a pas remarqué davantage que l'inscription
« SON • ESPERANCE • S'EST • NORRIE • ENVER-
TVEVSE- (sic) ATTENTE » se termine par les
mots POVR'VO VS et que par suite il manque égale-
ment à cette inscription cinq ou six mots.
La description des armoiries figurant sur l'écusson
placé près de la croix est en grande partie effacée ;
cette description, que nous trouvons dans le Répertoire
— 148 -
archéologique cité plus haut, laisse aussi très fort à
désirer comme exactitude. Elle est ainsi conçue :
(( Parti au 1 d'un écartelé et d'un lion, et aux 2 et 3
de la Tour c^' Auvergne à un chef chargé de...... et
au 4 parti d'un écartelé » .
L'auteur a voulu dire sans doute, que le 1®' parti
était divisé en trois parties. Trompé par l'usure de
cet écu, et aussi par la maladresse de l'ouvrier, il a
indiqué très confusément et inexactement les pièces
de l'écu sans tenir compte des règles du blason. Si le
1®' parti avait compris réellement trois divisions, il
aurait dû dire : Parti au 1 coupé de deux, etc.
En réalité, cet écu est parti de la 1" moitié des armes
de François de Chabannes, mari de Serène de Crevant
et d'un écartelé d'argent et d'azur, armes de cette der-
nière.
Les armes de François de Chabannes, qui apparte-
naient à la branche cadette des Chabannes, comte de
Saignes, étaient ainsi composées quand mourut sa
femme : « Ecartelé aux 1 et 4 de gueules au lion d'her-
mines armé, couronné et lampassé d'or qui est Cha-
bannes, et aux 2 et 3 contr'écartelé, aux 1 et 4 d'azur
semé de fleurs de lys d'or à la tour d'argent maçonnée
de sable, qui est la Tour, et aux 2 et 3 d'or au gon-
fanon de gueules, frangé de sinople, qui est Auvergne
avec l'écu de Boulogne qui est d'or à trois tourteaux
de gueules sur la contr'écartelure ». Tout en rappelant
une des belles alliances des Chabannes, les armes des
la Tour d'Auvergne étaient là comme brisure, car,
autrefois, c'était une règle absolue, que le chef de la
famille avait seul le droit de porter les armes pleines
de sa maison.
(( Le blason plein échoit en partage à l'atné, tout
autre doit briser comme il est ordonné ». C'est pour le
JL
r<it-TSr-HAvLTB-£T PViisttTZ
EFILI
FlLtt.VNIÛVE-VAlEWriWE
g iovAs-APH£ysA-Meft,£-nin-
CI-GIT- H aVLT-PVISSANT-SEIG
a lALOfrNMK-PARTlS-K-OROlje 5
|WE*'-f(JVfrJM-AM£. 2!
ÎÏMï3/lî(r>NOHVaa3tlVfl3«3 '^
-A* rnt*i > JAtfHli tt tu.
^n4u.pi-ii t^.it4tj, tt Ut t
3ÀKOH et \tK»tAi, raiisLittu *'m^i>-dj
— 149 —
même motif que la branche à laquelle appartenait
Valentine d'Armes, mère de François de Chabannes
brisait d'un lambel, ainsi qu'on le voit sur la statue
tombale de cette dame, qui était autrefois dans l'église
de Trucy (1) et que l'autre branche cadette des
d'Armes avait comme brisure une engrôlure d'or au-
tour de l'écu.
Plus tard, à la mort de son père, arrivée en 1610,
François de Chabannes mit sur le tout des grands
quartiers de ses armes, l'écu des Blanchefort qui est
d'or à deux lions léopardés de gueules, l'un sur l'autre.
La seigneurie de Boislamy lui advenait alors par
suite de la substitution établie par Françoise de Blan-
chefort, à l'occasion de son contrat de mariage, le
6 février 1498, avec Jean de Chabannes, baron de
Curton, en faveur des puînés de la maison de Cha-
bannes . Une des clauses de cette substitution était que
le bénéficiaire devait porter le nom et les armes de
Blanchefort.
Maintenant, ce qui a dû contribuer à tromper l'au-
teur du Répertoire archéologique, au sujet des armes
gravées sur la tombe, c'est que l'ouvrier peu habile,
trouvant trop difficile de faire tenir les armes assez
compliquées des la Tour d'Auvergne dans le quart de
l'écu, a anticipé sur le premier quart que le lion d'her*
mines aurait dû seul occuper. Par suite, ce lion est
devenu un lion passant qui, môme, parait tourné à
senestre.
Les deux dessins à la plume ci- joints et le fac-similé
de la tombe, rendront tout à fait saisissable ce qui
vient d'être dit au sujet des armoiries et des inscrip-
tions.
(1) Cette statae est actaellement dans la chapelle da château 4e la Toa-
rette, apparteaant au comte H. de Chabannes.
— 450 ^
Serène de Crevant (1) fille de Louis de Crevant,
chevalier de Tordre du Roi, seigneur de Bauché, la
Morandière, Beauregard , Saulnay, etc. (2), et de
Claude de la Marthonie (3) fut mariée, le 7 février 1595,
en la chapelle du château de Bauché, par l'abbé de
Maubec, avec François II de Cliabanncs, comte de
Saignes, baron de Charlus-Chabannes, Tinières (4),
Sautré (5), seigneur de Boislamy, Nouzerolles (6), du
Coudray, de Mariol (7) etc., chevalier de Tordre du
Roi, capitaine de cinquante hommes d'armes, conseiller
du Roi en ses conseils d'Etat et privé. François II, qui
épousa en secondes noces Hélène de Daillon du Lude,
était le deuxième fils de François de Chabannes le
jeune, et de Valentine d'Armes. Il avait pour frère
cadet Jacques de Chabannes, baron de Vergers, etc.,
dont descendent les Chabannes, actuellement fixés en
Nivernais. Le chef actuel de cette branche est
M. Eugène marquis de Chabannes de Vergers, domi-
cilié au château d'Argoulais, près Château-Chinon.
On ignorait, jusqu'à ces derniers temps, la date de
la mort et le lieu de la sépulture de Jacques de Cha-
bannes, auteur de la branche des Chabannes de Ver-
gers, mais sa tombe que nous avons eu la bonne fortune
de découvrir, récemment, dans l'ancienne église de
Vergers, transformée en magasin, nous a renseigné à
cet égard. L'épitaphe de cette tombe est conforme au
fac-similé ci- joint :
Jacques de Chabannes, chevalier de Tordre du Roi,
(i) Crevant, ancienne maison de la Touraine connue depuis Ârcham-
bault !•% qui épousa en 1302 Isabeau de la Fauconnière. La branche de
Bauché, l'atnée, s'éteignit en 1681 , et celle des ducs d*Humières en 1694.
(2) Localités de Tlndre et d'Indre-et-Loire.
(3) Vieille famille du Périgord.
(4) Saignes, Charlus-Chabannes, Tmières en Limousin.
(5) Sautré (Maine-et-Loire).
(6) Bêislamy et Nouzerolles dans la Creuse.
(1) Le Goudray et Mariol en Bourbonnais.
— 451 —
baron de Vergers et de Sainte-Colombe-des-Bois etc.,
était né, suivant une note de son père, le 2 dé-
cembre 1581, au château de Trucy-l'Orgueilleux, en
la chambre haute de la tour. Il fut baptisé le 18 du
môme mois, par messire Jean Fautier, curé de la
paroisse de Corvol-rOrgueilleux, et eut pour parrains
messire Hubert de la Rivière et François de Cha-
bannes, son frère aîné, et pour marraine, damoiselle
Bonne de Bamault , femme de messire Balthasar
de la Tournelle, seigneur de Montjardin, tante de
Valentine d'Armes, sa mère. Il épousa par contrat du
23 août 1610, Gabriel de Babute, fille de feu Léonard
et de feue Anne de la Porte.
«
TESTE.
— 152 —
FRAGMENTS DE L'OBITUAIRE
DE L'ÉGLISE
SAINT-MARTIN DE CLAMECY
Lorsque, il y a deux ans, nous avons publié ici môme
le texte de VObituatre de Saint-Martin, tel qu'il est
conservé dans le manuscrit du British Muséum, nous
exprimions le souhait que le hasard permît un jour
de retrouver les parties disparues de ce martyrologe.
Or, dans le manuscrit français 33074 de la Bibliothèque
nationale (composé d'extraits que fit dom Qaffiaux,
en 1770, au cours d'un voyage entrepris dans le Niver-
nais), se trouve une partie du nécrologe, que nous
publions aujourd'hui.
Nous avions supposé précédemment que le texte de
l'obituaire utilisé par l'abbé Lebœuf dans Y Histoire
civile et ecclésiastique de la ville et du diocèse
d*Auxerre était plus complet que celui actuellement
possédé par le British Muséum, et que ce manuscrit
était à cette époque la propriété du chapitre de Saint-
Martin. Cette hypothèse devient une certitude, en
présence des extraits de dom Caffiaux, et Ton peut
affirmer, sans réticence, qu'en 1770, le manuscrit exis-
tait, intégral, à Clamecy.
Ces extraits occupent les folios 67 v© à 70 v© du manus-
crit, moins quelques lignes où sont intercalés des
titres de la Chartreuse de Basseville ; ils s'étendent du
-153 —
9 des calendes de janvier (34 décembre) au 4 décembre.
Nous les avons reproduits, sauf les mentions allant du
5 des calendes de mai (27 avril) au 6 des nones de
juillet (2 juillet), cette partie étant déjà comprise dans
notre première publication.
Ils nous ont permis de retrouver quelques noms de
famille complétant les listes déjà données dans la
première publication et de rectifier certaines erreurs,
notamment en ce qui concerne la famille d'Arthe ou
d'Arthel. Ces retouches nous ont été facilitées par
M. de Flamare; nous le remercions sincèrement de
l'obligeance avec laquelle 11 a bien voulu nous commu-
niquer ses notes, encore manuscrites, sur les familles
nivernaises.
LÉON MIROT.
(Fol.67,vo) EXTRAICT
Du Martirologe du chapitre de Clamecy.
(24 déc). — Au 9 des calendes de janvier en 1427,
anniversaire de Pierre Grasset, TEneien.
{85 déc). — Au 8 des calendes de janvier 1334,
mort de Simon le Duc, quia donné un bien à Villaines,
tenant aux héritiers de Guillaume Félix et à la terre
de M. de Villaines,
(26 déc). — Au 7 des calendes de janvier, anniver-
saire d'Odon de Maisy, de Milon, son fils, et d'Agnès,
femme dud. Odon, qui ont donné du bien au moulin
de Vaux ; au môme jour, mort de M. Gaucher de
— 154 -
S. André, prestre. En 1380, mort de Pierre Grasset
TEncien, qui a donné un bien tenant à Jean de
Paroy (1).
(FoL 68.) {Ijanv.). — Au jour des calendes de janvier, anni-
versaire de Guillaume d'Arthe, chevalier, et de dame
Agnès d'Arthe, sa sœur, vers 1300 (2).
{2janv.). — Le 4 des nones de janvier vers 1300,
anniversaire d'Agnès, femme de Guillaume Le Petit.
{3 j'ano.). — Au 3 des nones de janvier vers 1300,
anniversaire de Gui, dit de Gourion, chanoine de
Clamecy.
{lî Janv.). — Au 3 des ides de janvier vers 1300,
de Jean Tardieu (ou Fardel), prêtre, de Hugues, dit
(1) Jean de Paroy appartenait à la même famille qu'Agnès de Paroy,
morte Ters 1900 ; il descendait sans doute de Millet de Paroy, mort le
6 août 1327. Millet eut pour fils Jean, père sans doute de ce Jean de Paroy.
Sa femme Jeanne testa le 90 juin 1400 et demanda à être inhumée dans
le grand cloître de Saint- Martin de Qamecy. Il eut deux enfants, un fils
nommé Jean, et une fille Marie, épouse de Jean Odeneau.
(2) La fimille d'Arthe ou d*Arthel, que nous avions à tort identifiée avec
la famille d'Arcy, occupa la vicomte de Clamecy jusqu'au début du
zv* siècle. La plus ancienne mention que nous connaissions remonte à
la fin du XIII* siècle, avec Seguin d'Arthe, trésorier de l'église de
Varzy et chanoine de Clamecy, mort en 1297-1296. Son neveu Gauthier,
qualifié de vicomte, est mentionné en 1281, et en 1289 ; sa femme se
nommait Isabeau. Vers la même époque, nous trouvons du même nom
Hugues, Guillaume et Agnès morts vers 1900 ; Perrin qui, en 1912, fait
à Guy de Ghastelluz un dénombrement de terres sises i Fiez et NeufTon-
taines ; en 1399, Jean d'Arthel, du bailliage de Bourges, donne quittance
pour service militaire ; de même en 1957, Gaucher d'Arthel ; en 1956,
Jean, précédemment nommé, est qualifié de vicomte ; en 1400 et 1407,
nous trouvons Guillaume, dont un frère, Liéband, était mort en 1400.
Le neveu de ces deux personnages se nommait Hugues de Quincy. Les
membres de la famille d'Arthel étaient, semble-t-il, inhumés dans l'église
de Saint-Martin (testament d'Antoine de Billy, en 1420); la. vicomte de
Clamecy qui parait avoir été héréditaire dans leur famille, passa proba-
blement par sobstitution à la famille de Billy.
- 155 —
Valasses et de sa femme, père et mère de Pierre,
prêtre, curé de Coincy (ou Quincy) et de Haye, sœur
dudit prêtre, épouse de Laurent.
(12 Jane). — A la veille des ides de janvier, anni-
versaire de Philleron, femme de Petitjean d'Armes,
qui a fait une donnation Tan 1311 ; le même jour en
1357, mourut Alix, femme de Gui Lavoe, laquelle
donna au chapitre 3 s. sur une vigne au lieu dit en
Foliose, tenant à Jean Buchart (1).
(Î3 Janv.). — Le jour des ides de janvier vers 1300,
l'anniversaire de Hugues de S. Gangulphe, chanoine
d'Auxerre et de Clamecy, lequel a donné 10^
avec lesquels le chapitre a acheté des rentes de
M. Jout de S. Maurice et de Hye Fardelle.
(14 janv.). — Le 19 des calendes de février, anni-
versaire de Jean Goste, mort le samedi avant la
purification 1381^ époux de Jeanne, fille de Mathieu
d'Austun.
(22 janv.). — Le 11 des calendes de février, mourut
Geoffroy d'Asnières, chevalier, vers 1300 ; le même
jour, Jean, dit le Chauve, qui a donné une rente sur
la vigne de Folieuse, tenant à la vigne de Jean Bui-
chard. Le même jour, en 1403, mourut Bienvenue,
(1) Buchart) Bouchart, Boussart, famille bourgeoise très nombreuse
au xiY* siècle, et dont la filiation est fort difficile à établir. Elle nous est
connue par Guy ou Guiot, qui figure en 1350 et mourut le 10 août
1359 ; il avait épousé Isabeau de Hougemont, dont il eut quatre enfants :
Isabelle, Jean, Guillemrlte, épouse de Jean Goujon, et Bonne. Un autre
membre de cette famille, Gautier, mort en 1367, avait eu de deux ma-
riages. Bonne, épouse de Jean Fillon, et Marie, épouse de Tasquin de
Saint-Omer-l'Eglise. Au début du xiv« siècle, nous voyons mentionnés
plusieurs autres membres de cette famille, parmi lesquels Guillaume,
Jean, garde du scel de la prévôté en 1311, etc.
1
— 156 -
veuve de Perrin, dit Gillet (1), couturier à Varzy,
laquelle a donnée pour l'anniversaire de sond. mari et
d'elle 2" 6* apprendre sur une pièce de vigne au
finage de Varzy, appelée la Coste du Pré, tenant aux
religieux de N.-D. de Bouras et à Guillaume de Bœuf.
(29 janv,). — Le 4 des calendes de février, vers
1300, mort de Hugues, fils de Pierre de S. Maurice;
en 1382, mort Amodote, fille de Jean de Paroy,
{3fév.). — Le 3 des nones de février 1419, mort de
M. Jean Bochard, chapplain de S. Eloi, qui a donné
au chapitre 20 s. sur sa maison audit Clamecy.
{Ifév.y — Le 7 des ides de février, vers 1300,
mort de Hugues, vicomte de Clàmecy.
{9fév.). — Au 5 des ides de février, acte du 7 fé-
vrier 1531, portant que le chapitre a receu de n, sr.
Jean de Magelier^ écuier, élu à Ch&teau-Chignon et
lieutenant du bailli du Nivernois à Clamecy, la somme
de 12 1. légué audit chapitre par feu Etiennette Grasset^
veuve d'Olivier de Magelier, écuier .
(iOfêv.), — Le 4 des ides de février, vers 1300, obit
d'Adeline, dame du Mont.
. (12fév.). — Le 2 des ides de février, vers 1300, obit
de M. Gui de Chaignai, chevalier.
{13fév.). — Le jour des ides de février, vers 1400,
anniversaire de M. Liebaut, que doivent payer le
(1) Daim son testament, Bienvenne demandait à ôtre enterrée au grand
cloître de Saint-Martin, près de la femme de Jean de Paroy, Elle instituait
comme légataire Jean Odeneau, son cousin.
.ht.
- 157 —
vicomte de Clamecy, Guillaume d'Arthe, chevalier,
firère dud. Liebaut et Hugues de Quinsy, écuier, leur
nepveu.
{14fév.). — Le 16 des calendes de mars, vers 1400,
obit de M. Guillaume de Blanchefort, écuier (1).
{Î6fév.). — Le 14 des calendes de mars, acte du
17 février 1404, passé par devant Jean Odeneaul, clerc
juré et notaire de madame de Bourgogne sous le scel
de la prévoté de Clamecy, ladite pièce signée Ode-
neaul (orig.)
{88fév.). — Le 3 des calendes de mars 1332, mou-
rut Jean Buichart, pour lequel Jean Buichart, son sgr.
a donnée 5 s. le même jour. Vers 1400, obit de Gélon,
dit le Borne, Aramburge sa femme, et Gaulier, leur
fils, qui ont donnée un bien tenant à Colas, aussi fils
dudit Gilon et de sadite femme. Le môme jour (vers le
môme temps), obit de dame Isabelle, dite de Minières,
veuve de messire Guillaume de Blanchefort, chevalier.
{22fév.). — Le 8 des calendes de mars 1293, obit
de feu de bonne mémoire Jacques de Rougemont (2).
(1) Cette faucille de Blancafort ou Blanchefort ne semble pas pouvoir
être rattachée à la célèbre maison limousine, qui au xyi« s. posséda la
baronnie d'Âsnois. Antérieurement i ce Guillaume de Blanchefort, nous
connaissons dans la première moitié du xiv« s., Guillaume, époux de
Isabelle de Minières, et Jean, mort le 9 juin 1340.
(2) Plusieurs membres de cette famille nous sont connus. Outre Jacques,
vivant en 1286, et mort vers 1293, nous connaissons antérieurement
André qui figure en 1210 (Marolles, Inventcâre des titres de la Chambre
des comptes de Nevers, p. 476) ; Herbert en 1222 ; plus tard, Guillaume
en 1294 ; Hugues en 1907. La fille d'Herbert, Isabeau, avait épousé
Gui Bonssard» et mourut en 1350. En 1330, nous voyons Philippe de
Roagemont, en 1386 Nicolas.
— 458 —
{17 mars). — Au 16 des calendes d'avril. Tan 1373,
obit de M. Liebaut de Corre, chevalier.
(23 mars). — Le 10 des calendes d'avril, vers
1400, obit de Humbert l'Asne Salligny (1).
(30 mars). — Au 3 des calendes d'avril, acte du
pénultième mars 1413, passé par devant Odeneaul,
portant que ledit jour mourut Jean Maistrejean , qui
fonda son anniversaire dans l'église de Clamecy.
Uacte est signé Odeneaul. (orig).
(31 mars). — Le 2 des calendes d'avril 1316, le
jour d'avril mourut Audeline, fille de Jean le Roux,
mère de Jean et Guillaume Buchart , laquelle donna
12 s. pour son anniversaire. Ledit jour, l'an 1320,
obit de Jeanne, fille de Regnoart et veuve de
M. Regnaud l'Anglois, laquelle donne une rente sur
une vigne que tient Robert Regnoart.
(f«' avril). — Jour des calendes d'avril, 1328, obit
de Marion, fille de feu Regnaud Langlois et de lad.
Jeanne, fille de Guillaume, dit Regnoart.
(2 avril). — Le 4 des nonnes d'avril, vers 1300,
obit de Gautier d'Arthe, chevalier , vicomte de Cla-
mecy ; l'an 1316 obit de Jean de Vaux, chanoine de
Sens.
(1) Cette famille apparaît à la fin du xiii« siècle, avec Humbert, garde
du sel de la prévoté de Clamecy ; il eut sans doute pour fils Jean, figu-
rant en 1309 ; Pierre, fils de Jean , et vivant en 1393 , eut pour fils
Jean, dont rexistence est attestée en 1407. En 1463 et en 1469, nous
connaissons Jean et François.
- 159 -
(5 avril). — Le jour des nonnes d'avril 1416, obit de
Jeanne, femme de Pierre de S. Verain des Bois (1).
(8 avril). — Le 6 des ides d'avril 1297, obit de
Seguin d'Arthe, chanoine de Clamecy, que il donna
un bien que tiennent Hugues de Bignons de Chivre,
et Emeryard sa femme, Isabelle leur fille, et Vigneron,
mari de lad. Isabelle.
(FoL68,v°) {i4 avril). — Le 18 des calendes de mai, l'an 1422,
obit de Marie, femme de Pierre Grasset l'alné, qui
donna un bien qui fut à mess. Durant Fabre, prêtre,
tenant aux héritiers d'Antoine de Billy, écuier (2).
(16 av.). — Le 16 des calendes de mai 1414, obit
d'Agnès, veuve de Regnaud le Quarault de Moley,
jadis servante de M. Jean Bochard.
(17 avril). — Le 17 des calendes de mai 1420, obit
de Perin, dit Raffart, qui a donné un bien au finage
de Baugy, tenant à la vigne qui fut à Guillaume
Buchart.
(i) La maison de Saint- Verain posséda très longtemps la seignearie
d'Âsnois, qui passa ensuite anx Blanchefort.
(2) La famille de Billy semble avoir succédé à la famille d'Ârthe
dans la vicomte de Qamecy. Le premier membre connu est Symon, en
1239; puis Jean, maréchal du Nivernais, en 1249-1252. D'Adeline, sa
femme, il eut Jean, Geoffroy, et Isabeau, femme de Guion Berchart En
1300, apparaît Jean ; puis ett 1328, Pierre, sgr de MaiUy-le-Château,
qui céda ses droits sur Billy, à sa cousine Huguette ; en 1350, Jean de
Billy fait aveu au comte d'Eu pour des biens sis à Ghâteau-Ghinon ; en
1^7 et en 1380, Robert paraît comme sgr de Verou et de Champcourt,
du chef de sa femme Ysabeau de Champdiou. Sa fille Alixand eut de
Henri Bauge une fille qui épousa Jean d'Avril. Jean de Billy, sgr de
Vèvre en 1377, eut pour fils Jean et Guillaume. En 1406, Antoine de
Billy, écuyer, sgr de Châteaux et de Saint-Martin de la Bretonnière, vend
des biens à Saint-Saulge. Il est qualifié de vicomte de Clamecy, et eut
pour fils Jean. La vicomte de Clamecy fut, en 1460, vendue au comte de
Nevers.
— 160 —
{Ï8 av.). — Le 14 des calendes de mai, obit du
vendredi après la résurrection 1417, de Louis, dit
Blandin^ écuier, s' de Cor vol TOrgueilleux , qui a
fondé son anniversaire et celui de Jean Blandin, son
fils {1).
[Les mentions du 27 avril au 2 juillet, occupant les t^ 68
et 69 v<>, sont comprises dans le texte que nous avons précé-
demment publié.]
{2 juillet). — Le 6 des nones de juillet, vers 1400,
obit de Jeanne, femme de Jean de Paroy.
(7 juillet). — Le jour des nones de juillet 1400, obit
de A. h. Antoine de Billy.
{8 juillet). — Le 8 des ides de juillet 1349, obit de
dame Bonne, femme de Jean, dit Buchart, laquelle a
donné pour son anniversaire 20 s. de rente apprendre
sur la vigne du Bois Micheau, qui fut à Geoffroy
Jeannelet, tenant à la vigne de Jean Fadel, laquelle
rente doit Pierre Chevalier.
*
(16 juillet). — Le 17 des calendes d'aoust, obit de
n. sflf Colart d'Arly, chevalier.
(Fol. 70.) (i 7 juillet). — Du 16 des calendes d'aoust, acte du
1 d'aoust 1413, portant que pardevant Jean de Villiers,
prestre, notaire juré de m^r le comte de Nevers,
comparu Perin Rafiart, de Clamecy, lequel reconnu
avoir donné au chapitre de Clamecy 8 s. de rente pour
l'anniversaire de feu Huguenin Raffart, son père et de
(1) Louis Blandin, sgr de Corvol-rOrgneilIeux , avait épousé Jaquette
de Billy. Son fils Jean épousa Marguerite du Deffent. Le père de Louis,
Pierre, mourut en 1968.
— 461 -
feue Jeanne, fille de feu N. Aucoustier, sa femnoie,
laquel rente il a assigné sur sa maison du marché
tenant d'une part à la maison de Guillaume Baclin, et
d'autre part au pavillon de Jean Odeneaul (orig.).
{19 juillet). — Au 14 des calendes d'aoust 1372,
obit de Gui Lavoe,
(23 juillet). — Le 10 des calendes d'aoust 1322, le
vendredi après la Madeleine, mort de N. Louis, comte
de Nevers et de Rethel (1).
{28 juillet). — Le 5 des calendes d'aoust 1257, mort
de N. dame Mahaut, comtesse de Nevers (2). Le
mesme jour 1400, obit de Gillet Boicheron, fils de feu
Regnaud Boicheron, qui donna pour l'anniversaire de
Jeanne, sa femme, 7 s. 6 d. sur sa maison devant
l'église de S. Martin de Clamecy, tenant à Michel
Boicheron, son frère, et à M. Jean Bouchart (Bou-
quardi).
(6 août). — Le 8 des ides d'aoust 1327, mort de
Milet de Paroy, qui donna, pour son anniversaire et
celui d'Isabelle, sa femme, 5 s. sur les tenemens,
lesquels 5 s., Jean de Paroy, son fils, a assigné sur la
moitié d'une maison situé en la grande rue de Cla-
mecy, qui fut à Gautier, dit Seignoret, tenant à la
maison de Gilet, dit Constant, et sur 2 prés séant à
Latrault, au lieu dite En-La-Molaise, qui furent aud.
Gautier Seignoret, à cause de sa femme.
(8 août). — Le 7 des ides d'aoust, vers 1350, obit de
Gautier Buchart.
(\) Louis II de Crécy, comte de Flandre.
(2) Mahaut I^», épouse d'Hervé de Donzy.
T. IX, 3* série. 11
{9 août). — Le 5 des ides d'aoust, vers 1300, obit de
Richard, vicomte de Clamecy ; le môme jour 1416,
mort de N. dame Issabeau de Villecendrier, dame
d'Anois, de la Bretagne et de La Lande.
{10 août). — Le 4 des ides d'aoust 1550, mort dlssa-
beau, femme de Gui Buchard, qui donna pour son
anniversaire 5 s. apprendre sur la maison sous la
Boucherie, qui fut à Herbert de Rougemont, père de
ladite Issabeau. Le môme jour 1359, mort de Guiot
Bouchart, qui a donné 5 s. sur sa grange et sa terre
de Cholet, dont Issabelle sa fille tient un quart ; Jean
dit Buchart son fils un autre quart, Guillemille sa fille
un autre quarts et Bonne sa fille un autre quart. Ledit
Jean, dit Buchart, et nommé plus bas dans le môme
article Jean Boussart, frère de Bonne, fille dudit Guiot
et frère de Guillemette.
{îl août). — Au 3 des ides d'aoust 1268, jour de
S. Laurent, mort de Gillet^ dit Seignoret.
{i9 août). — Au 14 des calendes de septembre,
vers 1340, obit de Marguerite, femme de Gautier
Seignoret.
{1 sept.). — Le jour des calendes de septembre
1373, le mardi après la Sainte Croix, mort de Jeanne
de Montaigu.
{2 sept.). — Le 4 des ides de septembre, vers 1300,
obit de Regnaud d'Angeliers, chevalier.
{24 sept.). — Le 8 des calendes d octobre 1404, de
Guillaume, dit Buchart, qui a donné 8 s. de rente sur
le manage de sa grange et sur sa vigne tenant à celle
de Michel Boicheron.
— 163 —
{S8 sept,). — Le 4 des calendes d'octobre 1372,
mort de Guillemette, fille de Gui Buchart. Elle et
Jean, dit Goyon, son mari ont donnée une pièce de
terre au chemin de Druye, tenante à Bonne, fille de
Guiot Buchart, pour leurs anniversaires et celui ^'Issa-
beau leur fille.
{29 sept.). — Le 3 des calendes d'octobre 1378,
mort de Mary on, femme de Tasquin de S. Orner, qui
adonnée une rente sur sa vigne à Baugy, tenant &
Pierre, dit RaiSart, et à Guillaume, dit Buchart.
{6 oc t.). — Le 2 des nones d'octobre, vers 1300,
anniversaire d'Agnès de Paroy.
(7 oct.). — Le jour des nones d'octobre 1343, mourut
Catherine de Billy, abbesse de Crisenon, pour l'anni-
versaire de laquelle n. h. Gautier de Billy, écuier,
vicomte de Clamecy, son neveu, fit une donnation.
{2ï oct.). — Le 12 des calendes de novembre 1416,
mort de Jean Odeneau (Odenelli), qui a donné au cha-
pitre de Clamecy 20 s. tournois, tant pour son anni-
versaire que pour celui de Marie, sa femme, de rente
apprendre sur la moitié de la dime d'Arcy. Ladite
Marie, sa femme, mourut le jour des octaves de
S. Martin d'hiver.
Il est marqué en marge que ladite dime appartient
. a presant au chantre et au chapitre de Clamecy,
comme appert par lettre qui sont au trésor dudit
chapitre, moyennant quoi les héritiers dud. Jean
Odeneau sont demeurés quittes des 2 s. de rente.
(Fol.70,v**) (26 oct.). — Le 7 des calendes de novembre 1362,
obit d'Isabeau, fille de feu Gui Buchart.
— 164 -
{26 oct.), — Le 7 des calendes de novembre 1324,
mort de Bienvenue, femme de Guillaume Buychard.
Le môme jour, 1361^ obit de Issabeau, femme de Jean
Buchard, qui a donné 5 s. de rente, laquelle et du
par ses héritiers. Le môme jour, anniversaire de
Hugues, dit Boussart, et de Hugues, dit Boussart, son
père, pour lesquels ledit Hugues, dit Boussart fils, a
donné au chapitre 11 s. 3 d. de rente à Gaver oche
{apud cavam ruppam) , scavoir : sur un pré au finage
dud. lieu tenant au pré de Jean de Dormeaulx, écuier,
et de Jean Odeneau (Odenelli), comme appert par
lettre sur ce fait le jeudi, jour S. Verain, 1419 (orig,).
{4 nov.). — Le 2 des ides de nov. 1262, anniversaire
de Hugonel Florence, de sa femme et de Robert, leur
fils, clerc, qui ont donnés 10 s. de rente que doit
Gautier Buchart.
{18 nov.). — Le 14 des calendes de décembre 1417,
mort de Marie, veuve de feu Jean Odeneau (Odenelli)^
laquelle a donnée au chapitre de Clamecy 20 s. tour-
nois de rente, scavoir 10 s. pour l'anniversaire de Jean
de Paroy , son ayeul, et 10 s. pour Marie et Jeanne, ses
filles, apprendre sur la moitié de la dime d'Àrcy, qui
a esté assigné au finage du Clos Clainose, comme il a
été dit ci-dessus du 12 des calendes de novembre, où
il a esté question dudit Jean, son mari.
[20 nov.). — Au 12 des calendes de décembre,
mourut Jean de Paroy, pour lequel Marie, veuve de
feu Jean Odeneau, a donné au chapitre de Clamecy
10 s. tournois de rente sur la moitié de la dime d'Arcy ,
au finage du clos, comme il est dit ci-dessus au 14 des
calendes de décembre.
— 165 -
{2i nov.). — Au 11 des calendes de décembre, mort
de n. n. filles de feu Jean Odeneau, pour lesquelles
Marie, leur mère, a donnée au chapitre de Clamecy
10 s. de rente sur la moitié de la dime d'Arcy, comme
il est dit au 14 des calendes de décembre.
(25 nov.). — Au 7 des calendes de décembre 1301,
morte de Rose, femme de Jean, dit Buchart.
{4 déc). — Le 2 des nones de décembre 1330,
morte d'Emenjard, dite Bourgeoise, femme de Phi-
lippe de Rougemont, et fille de feue Guillaume, dit
Regnoart, laquelle a donnée une rente sur une vigne
tenant à Michel Boicheron et à Jean Belin.
LÉON MIROT.
— 166 —
PROMENADE ARCHÉOLOGIQUE
COSNE, SAINT -PÈRE, SAINT -LAURENT
SAINT-VERAIN & ENVIRONS
PREMIÈRE PARTIE
COSNE
SaintrJacques. ~ Saint-Agnan. — Les Forges. — Les Augustins.
Le Château. — Notre-Dame-de-Galles. — Le palais épiscopal.
— Vieilles maisons.
Dans ses séances de mars et avril, alors que les
rigueurs d'un hiver particulièrement désagréable et
prolongé favorisaient l'évocation de jours meilleurs, la
Société nivernaise décidait ime exploration archéolo-
gique sous la conduite de son vice-président, M. de
Flamare, qui connaît si bien son Nivernais antique et
moyenâgeux ; nous le savions, mais nous en avons eu,
à cette nouvelle occasion, des preuves qui, pour être
superflues, n'en ont pas moins été parfois fort piquantes.
C'est ici un curé qui a la prétention, généralement jus-
tifiée, il faut en convenir, de bien connaître son église ;
là, c'est le propriétaire ou l'habitant d'une maison du
temps passé; en ville surtout, car le paysan préfère
observer à distance et en silence, c'est un voisin ou un
passant qui, voyant des messieurs le nez en l'air, et
plein de pitié pour leur ignorance extrême, car ce sont
Coma. — Ssint-J)cques
Group* an bois sctilpU (égli» da Cours]
— 167 -
sans doute des étrangers puisqu'ils ne sont pas d'ici,
leur offre avec une libéralité sans bornes le secours
de ses lumières. Or, quand les uns ou les autres, les
premiers surtout, avancent une allégation ou une
hypothèse un peu hasardeuse et qu'ils se les enten-
dent contredites ou rectifiées avec une placide cour-
toisie, mais avec une netteté parfaite, il y a quelque-
fois des jeux de physionomie curieux à observer, car
un archéologue n'est pas tenu de borner son attention
aux vieilles pierres, surtout lorsqu'il est en déambu-
lation.
L'excursion commença sous d'heureux auspices ; le
temps, détestable encore la veille, était charmant, et
digne des premiers jours de mai ; un seul reproche
put lui être fait, celui de n'avoir pas persisté davantage
dans ses bonnes dispositions. Vers dix heures, nous
arrivons à Cosne, sans avoir négligé les beaux paysages
de la route, ni sans avoir salué au passage les lieux
intéressants, un instant entrevus, et où l'on se promet
de s'arrêter un jour. Que de projets de la sorte se sont
envolés dans les fumées de la locomotive I
II n'est peut-être pas indispensable d'ébaucher ici
l'histoire de Cosne, ce qui reviendrait par à peu près
à écrire un paragraphe de guide Jeanne ; qu'il nous
suffise de constater qu'elle est d'une antiquité capable
de satisfaire l'archéologue le plus exigeant puisqu'elle
est mentionnée dans l'itinéraire d'Antonin, cette sorte
de livre de poste, quelque chose comme nos indica-
teurs de chemins de fer, qui donnait le tableau des
stations et des étapes de l'empire romain vers le
rv« siècle.
Cosne tire son nom du celtique Condate qui veut
dire confluent d'après MM. de Soultrait et de Flamare,
appuyés sur l'autorité de Jules Quicherat et d'Arbois
de Jubainville ; mais, d'après d'autres, coin de terre,
— 168 —
parce que la ville forme en effet un angle compris
entre le Nohain et la Loire. Du reste, au fond, la
différence n'est pas si grande et réside en ce qu'on
envisage ou la cause ou l'effet ; le confluent détermine
un angle, et l'angle est formé par la rencontre des deux
cours d'eau ; dans l'un et l'autre cas, le nom est des-
criptif du lieu. M. de Soûl trait note Condida vers 600,
Villa Condita super Jlumum Ligerim en 849, Cona,
Canada, Castellania Conade en 1157, Li Chatiau de
Cône en 1250, Villa Conade en 1263, Conne-sur-Loire
en 1403, enfin exactement l'orthographe actuelle, Cosne-
sur-Loire dès 1469. Sur cette question d'étymologie
et les points litigieux, ou simplement douteux, qu'elle
peut soulever, le dernier mot doit être laissé à un
spécialiste éminent, notre collègue, M. l'abbé Meunier ;
nous serait-il permis de lui rappeler qu'à lune des
dernières séances le président lui demandait de fixer
les éty mologies des chefs-lieux de cantons. . . pour com-
mencer ?
L'entrée de Cosne est celle d'une petite ville ; l'aspect
se relève très sensiblement lorsqu'on arrive dans la
rue où se dresse la tour Saint-Jacques et à l'extrémité
de laquelle se trouve Saint-Agnan.
En 1020, Hugues de Châlon, évoque d'Auxerre,
faisait construire à Cosne ime église Saint-Laurent :
« Après avoir restauré à Varzy l'église de Sainte-
Eugénie, disent les auteurs de la Gallia christtana, il
y établit deux chanoines et leur procura les ressources
nécessaires ; il attribua aussi à des chanoines l'église
construite à Cosne, sous le vocable de saint Laurent,
dans l'enceinte du château épiscopal ».
Dans la suite, on érigea un titre paroissial sous le
vocable de Saint- Jacques le Majeur ; la paroisse fut
réimie au chapitre en 1486, qui pourrait bien être la
date de la construction de l'église actuelle^ et le
I
» — 169 ^
chantre, chef du chapitre, fut le curé primitif. Il était
naturellement à la nomination de l'évoque d'Auxerre.
La collégiale de Saint-Laurent, qui comptait primitive-
ment douze chanoines, puis dix, par suite de Tinsuffi-
sance des revenus, nisi necessaria mendicarent, n'en
avait plus que trois à la Révolution : le chantre-curé,
le trésorier et un chanoine : tresfaciunt capitulum. Le
chantre-curé se nommait Pyrent, et l'un des bons
patriotes de l'époque s'exprimait en ces termes sur son
compte : « Pyrent est prêtre ; je l'ai toujours vu agir
comme un bon patriote ; ses discours étaient dans le
même sens ; mais^ en mon àme et conscience, je le
regarde comme un aristocrate et un fanatique... », et
Pyrent, sur cette singulière dénonciation, fut envoyé
à l'échafaud. Ames sensibles et consciences étrange-
ment délicates I II est des moments où la défense répu-
blicaine a de bien cruelles exigences 1
M. de Flamare attire notre attention sur ce qu'il y
a de plus remarquable dans la façade, à savoir la sin-
gulière disposition de la partie supérieure du pignon :
« C'est une plate-forme qui s'avance en encorbellement
au-dessus de la façade, sur un plan demi-octogonal,
entourée d'une balustrade découpée à jour qui lui
donne l'apparence d'une chaire à prêcher. On y accède
par un escalier qui suit le rampant nord du pignon.
Cet édicule a pu servir de loge au veilleur ; cependant
la vue est masquée du côté sud par la lourde tour de
l'église ».
La partie la moins connue de l'église Saint- Jacques,
est, évidemment, le caveau situé sous la chapelle des
fonts baptismaux, puisque le souvenir en avait à peu
près disparu jusqu'en 1845, date à laquelle M. l'abbé
Violette, curé de la paroisse, en fait une légère men-
tion, mais sans y attacher autrement d'importance.
Ce ne fut qu'en 1885, qu'un ouvrier, ayant perforé le
- 170 — ♦
dallage, laissa tomber le mètre qu'il avait introduit
dans l'ouverture pour se rendre compte de la profon-
deur et enleva le pavement dans le seul but que son
instrument ne fût pas... perdu. Le mot dont il se
servit fut un peu plus vif et tel que pouvait le justifier
le dépit ressenti à voir son mètre échapper à ses
mains et disparaître dans le vide mystérieux.
Telle est la circonstance, toute fortuite, qui permit
de découvrir le caveau qui, depuis lors, est retombé
dans son obscurité première. C'était donc une attrac-
tion que ne pouvait négliger le chef de l'expédition,
qui s'enquit auprès du sacristain de la possibilité d'une
descente dans le réduit abandonné. « Il y aurait tout
de môme moyen, lui fut-il répondu, mais l'entrée est
occupée par un loriot que plusieurs hommes peuvent
seuls déplacer^ ainsi que la couverture d'ailleurs ».
M. de Flamare, homme circonspect^ n'insista pas, ni
personne de l'assistance ; mais, au sortir de l'église,
l'examen des lieux nous fit constater que le fameux
loriot, qui, nous en avons tous fait l'aveu ultérieure-
ment, avait exercé notre imagination pendant tout le
cours de la visite, n'était autre qu'un magnifique lau-
rier apporté pour la décoration de l'église à l'occasion
des cérémonies de la confirmation. Il fut convenu que
des hommes seraient mandés pour faire le nécessaire
et, le lendemain matin, en efiet, la partie la plus aven-
tureuse des excursionnistes pénétra dans le gouffre
béant.
Le principal intérêt de ce caveau consiste en une
peinture qui orne la voûte ; elle est d'une bonne exé-
cution, dans \m état satisfaisant de conservation et
porte tous les caractères de la fin du xv« siècle. Dans
un quadrilobe formé, aux angles, d'arcs brisés séparés
par la pointe d'un carré posé en losange, le Christ
assis bénit de la main droite, tandis que son genou
— 171 —
supporte la boule du monde sur laquelle s'appuie la
main gauche. A l'entrée des angles du quadrilobe, les
attributs des quatre évangélistes sont représentés en
môme temps que les personnages sont désignés par
leur nom latin sur des phylactères, en belles lettres
gothiques. La figure du Christ, regardant le couchant,
fait face aux visiteurs qui entrent dans le caveau par
le côté du levant, car il existe une porte à chacune des
deux extrémités du caveau, et le sens de la fresque
établit que l'entrée du levant était la plus usitée parce
que seule elle permet de contempler le Christ dans sa
situation normale et de lire à la manière accoutumée,
et non pas à l'envers^ le nom des évangélistes. De cette
disposition, il faut conclure, non seulement que la
porte du levant, qui communiquait avec l'extérieur par
le mur latéral de l'église, était devenue le passage
ordinaire, mais encore que l'autel se trouvait un peu
au-devant de la peinture, et non adossé à la muraille,
car de ce fait eût été condamné l'escalier du couchant
qui aboutit dans la clôture des fonts baptismaux. Ces
différents points, soigneusement déduits par M. le
chanoine Sery, ont leur intérêt puisque cette partie
souterraine de Saint-Jacques n'avait jamais encore
été examinée, et que son existence môme était vague-
ment connue.
L'église Saint-Jacques possède deux souvenirs pré-
cieux de la chartreuse de Bellary, ou Belle-Demeure,
Bellum laricum in bosco (1), l'un des trois monas-
tères fondés en 1219 par Hervé de Donzy comme prix
(1) Telle est bien, à n'en pas douter, l'étymologie ; mais, puisque nous
sommes en promenade, par conséquent en récréation, pourquoi ne
citerais-je pas Fexplication fantaisiste que Ms*" Crosnier n'a pas craint de
rapporter lui-même au grave congrès archéologique de France, en 1851 :
« Bellary, comme je l'ai dit, était un des établissements fondés par
Hervé en réparation de la faute qu'il avait commise. Permettez -moi,
— 172 -
des dispenses obtenues du pape Innocent III pour la
régularisation de son mariage avec sa parente au degré
prohibé, Mahaut, fille de Pierre de Courtenay, qui lui
avait apporté en dot le comté de Ne vers et en espé-
rances ceux de Tonnerre et d'Auxerre. Notons, en
passant, le rôle bienfaisant des Souverains Pontifes
qui, en favorisant ou en prescrivant les fondations de
monastères en ces temps de dissensions intestines,
n'avaient d'autre but que de multiplier les refuges
munis du droit d'asile et de mettre un frein aux exi-
gences d'un vainqueur trop souvent impitoyable.
Les stalles de Beaumont-la-Ferrière proviennent,
paralt'il, de Bellary; c'est en tout cas l'origine du
maltre-autel de Saint- Jacques qui est fort remarquable ;
il est en forme de tombeau antique avec inscrustations
de marbres variés et précieux ; sur le devant se détache
un cartouche en forme d'écusson en style du commen-
cement du xvm* siècle ; il figure une urne cinéraire
enveloppée de deux palmes, l'une de laurier et l'autre
de lys, symboles de la pureté et de la victoire par le
sang. Le tabernacle est entouré de colonnettes de
marbre supportant une coupole ; on remarque parti-
culièrement le groupe d'anges en marbre blanc qui
mesneors, de rapprocher une légende populaire du trait d'histoire que
vous venez d'entendre.
• Mahaut, disent les gens du pays, vivait avec Hervé sans avoir fait bénir
son mariage par l'Eglise ; mais souvent elle était triste et des larmes
abondantes inondaient son visage, car son crime était toujours présent
devant ses yeux. Souvent Hervé lui avait demandé la cause de sa tristesse
et de ses larmes, le silence était sa seule réponse. Un jour, qu'il la voyait
plus triste que de coutume, il lui fit de nouvelles et plus pressantes
instances ; Mahaut finit par lui rappeler l'invalidité de leur mariage. Le
comte, pour la consoler, lui promit de demander au Souverain Pontife la
dispense nécessaire, alors la heUe a ri, et le nom de Bellary fut donné
au monastère dans le lieu même où la belle avait ri. Sans doute, comme
vous, je me garderai d'admettre cette étymologie ; cependant nous devons
remarquer que la légende le rapproche beaucoup de l'histoire •.
— 173 —
forme la partie antérieure du couronnement. Le taber-
nacle est lui-môme surmonté de têtes d'anges d'une
exécution extrêmement délicate et gracieuse.
Cet autel fut acheté par la fabrique, en 1804, pour
une somme de 900 fr., de M. Petit de Touvenay,
deuxième acquéreur des biens du couvent.
M. l'Archiprêtre actuel a reçu des offres très impor-
tantes, mais il a refusé, à juste titre, de démunir son
église d'un souvenir aussi précieux. L'autel fut posé
en 1804, vers les fêtes de la Pentecôte, par un sieur
Queneau, mécanicien et organiste, en remplacement
d'un autel fort délabré et dont on avait dissimulé la
laideur sous des tapisseries tendues sur le devant.
Un autre souvenir de la chartreuse consiste en un
calice en vermeil du xvii® siècle, auquel l'intelligent
clergé de la paroisse attache justement un grand prix
et qui mérite une description.
Le calice est en vermeil ; la coupe, évasée, en argent
battu, est ornée de rayons en relief alternativement
droits et flamboyants. Le nœud est assez gros et
godronné. Le pied en est incontestablement la partie
la plus remarquable.
Des rayons, analogues à ceux de la coupe, semblent
sortir du bas de la tige et se développent jusqu'au bord
de la circonférence inférieure qui, elle-même, se déta-
che en saillie entre huit lobes en demi-cercle formant
\me sorte de feston. Sur le devant du calice, entre
deux rayons flamboyants, un cartouche oblong, dont
les angles droits sont arrondis, est encadré d'une mou-
lure demi-ronde; il renferme la scène de Jésus en
croix entre la sainte Vierge et saint Jean, debout.
Dans l'intervalle de tous les rayons, sont semées régu-
lièrement une fleur de lys héraldique et, plus près du
bord, une rosace à cinq feuilles, sauf dans la partie
occupée par le petit tableau du Crucifiement. Toute
— 174 —
cette riche ornementation est ciselée en relief. Enfin,
dans les huit lobes demi-circulaires, sont gravés au
trait : une tête de vieillard à longue barbe et, détail
surprenant, avec des ailes largement déployées ; deux
goupillons croisés l'un sur l'autre ; un cœur surmonté
de trois clous, une abeille, \m marteau, des tenailles,
deux dés, ime sorte de balai (le roseau et l'éponge de
la Passion), des cierges allumés.
L'orfèvre a inscrit son nom en deux endroits :
1** sous la tige, à l'extérieur du rebord qui couvre la
vis ; 2^ sur le pied où il se joint à la tige ; il se nomme
Chrétien. A la seconde signature, il a ajouté les lettres
I. E. P.
Les dimensions du calice sont les suivantes : hau-
teur totale, 0" 20 ; hauteur de la coupe, 0°* 07 ; dia-
mètre de la coupe, 0°*093.
Terminons notre visite à Saint-Jacques par quelques
particularités qui, elles non plus, n'ont pas encore été
relevées. La clé de voûte de l'abside représente les
armes de France en grandes proportions ; on Ta sauvée,
pendant la Révolution, en la dissimulant dans un
gâchis de plâtre. La clé de voûte de la chapelle située
derrière les stalles est mobile, ainsi que nous le fait
constater, en la secouant véhémentement, le sacristain
au loriot, qui paraît connaître à fond son église et s'y
intéresse intelligemment : elle représente le Père Eter-
nel coiffé de la tiare (fin du xv« siècle). Cette clé de
voûte, ainsi que deux de celles de la nef, de môme
modèle et peintes également, proviennent de la cha-
pelle de Notre-Dame-de-Galles et sont d'autant plus
précieuses que plus rares sont les vestiges de cet inté-
ressant monument.
En sortant de Saint-Jacques, un spectacle nous
attend qui n'est dépourvu ni de pittoresque, ni d'inté-
rêt : c'est mercredi, jour du marché â Cosne, et nous
- 175 -
avons devant les yeux les habitants des campagnes
d'alentour avec les denrées et produits qu'ils sont
venus vendre à la ville ; ce qui me frappe tout d'abord,
c'est la couleur à peu près uniformément blanche des
volailles, alors que nos poules, à Ne vers et dans les
environs, sont généralement noires. Un proverbe latin
cite le poulet blanc comme le type achevé de l'orgueil
et de l'arrogance :
Gallinœjilius albœ.
Ce dicton n'est assurément pas d'origine gallo-
romaine des environs de Cosne, car ici les fils de
poules blanches ne peuvent se targuer de cette descen-
dance comme d'une distinction; ils constituent au
contraire le profanum vulgus.
Après avoir traversé le marché, nous avons une
échappée ravissante sur la vallée du Nohain et, après
s'être attardé un instant à s'en rafraîchir la vue depuis
le pont du Dimanche, on aperçoit bientôt sur sa gau-
che la belle abside de Saint-Agnan, qui donne un
grand aspect de noblesse à ce modeste quartier.
L'historien Nitard, petit-fils de Charlemagne, retiré
à Cosne où il écrivait en 843, parle d'une église Sancti
Frodualdi, qui a dû être remplacée par Saint-Agnan,
ancienne église d'un prieuré de l'ordre de Cluny, qui
date du xip siècle, a été remaniée au commencement
du xvi«, enfin en partie reconstruite après un incendie
en 1738. Le récit de ce désastre, fait au moment
même, mérite d'être reproduit ; M. de Flamare l'a
relevé dans les registres paroissiaux de Saint-Agnan,
déposés à la mairie de Cosne : « Le mesme jour, troi-
siesme mars 1738, à quatre heures et demie du matin,
nous avons eu la douleur de voir la ruine entière de
notre église, qui. a péri par le poids immense du clo-
cher qui étoit entre le chœur et la nef, qui a fait
— 176 —
écrouler les piliers. Cette église étoit du vf siècle ; le
clocher avait été brûlé en 1626, les cloches fondues.
Aujourd'huy, dans la chute du clocher, de quatre
cloches qui y étoient, il n'y en eut qu'une cassée ; les
baïis de l'église, qui lui faisoient une rente d'environ
50 livres, ont été entièrement écrasez avec les stalles
du chœur, jxae chaire toute neuve, les tableaux des
autels, les autels mesmes, les- bastons des confrairies
du Saint-Sacrement, de Saint-Eloy et de Saint-
Hubert, en un mot, tout a péri, exceptez le rétable, le
tabernacle et la sacristie, que Dieu, par sa miséri-
corde, nous a conservez. Cette église, en réparations
depuis 1718, avait coûté jusqu'à ce jour dix mille
livres d.
Bien que les proportions de l'édifice ne soient pas
considérables, l'abside romane a fort grand air ; à
l'autre extrémité, le portail , qui s'ouvre sous un
porche, est extrêmement curieux ; parmi les sujets
sculptés dans les bandeaux cintrés qui le composent,
on voit, côte à côte avec de saints personnages, un
basilic, un aigle, un âne jouant de la harpe, une
brebis et des agneaux , un porc, une tortue, une
colombe à tête humaine, etc..
A l'intérieur, plusieurs bons tableaux et notam-
ment des portraits de religieuses bénédictines des
xvn® et xvin® siècles, sans doute des prieures du cou-
vent établi à Saint- Agnan, par Mgr Pierre de Broc
(1640-1671). Citons aussi l'apparition du cerf à saint
Hubert, dont la confrérie est mentionnée plus haut,
et qui se trouve dans le même état de délabrement
où l'a mis l'incendie et l'effondrement de 1738.
Une maison tout flamblant neuf, située en face de
l'abside, porte bizarrement encastrée une console de
la fin du XV® siècle, représentant un écusson tenu par
deux anges et portant trois aumônières carrées avec
Abside de Saint-Agnan i Cosna
— 177 —
une fleur de lis ; on a, certes, bien fait de sauver ce
vestige d'une construction autrefois élevée, semble-t-
il, sur le môme emplacement, mais la disposition est
étrange. Non moins étrange, le nom de la ruelle voi-
sine : petite rue Folâtre I
En quittant l'église Saint- Agnan, nous descendons
sur la Loire et nous longeons ces magnifiques bâti-
ments que visita Mme de Sévigné alors qu'ils étaient
en pleine activité : « Hier soir, à Cosne, écrit-elle à
sa fille, le 1*' octobre 1677, nous allâmes dans un
véritable enfer ; ce sont les forges de Vulcain ; nous
y trouvâmes huit ou dix cyclopes forgeant non pas
les armes d'Ënée, mais des armes pour les vaisseaux.
Jamais vous n'avez vu redoubler des coups si justes
ni d'une si admirable cadence... ». C'est, en effet, les
ancres qui, pendant deux siècles, furent la spécialité
de Cosne ; au début, on y fabriqua aussi des canons,
mousquets et autres armes ; plus tard, c'est-à-dire au
commencement du siècle dernier, la fonderie à fer et
à acier eut une vogue immense. « Le grand monde,
dit M. Corbier, historien des forges de la Chaussade,
recherchait ses lustres, candélabres , vases à fleurs,
grilles, balcons, etc. Ces objets d'art, d'un travail
exquis, produisaient un effet admirable par le brillant
que prend l'acier poli, le beau bleu qu'il acquiert par
le recuit, la couleur d'eau qu'on lui donne avec la
pierre sanguine, et que relevaient de légers et gra-
cieux filets d'or. Le prix très élevé des ouvrages de
cette fonderie fut la cause principale de sa décadence ;
elle tomba avec la mode qui lui avait valu ses succès ».
Cette incursion dans le monde industriel ne nous
fait pas sortir du monde ecclésiastique ou monastique
en dehors duquel, d'ailleurs, aucune œuvre de civili-
sation ne s'est accomplie dans notre pays. Dès le com-
mencement du xu^ siècle, les religieux de Roches
T. n, 3* série. IS
- 178 —
possédaient à Cosne des chutes d'eau situées devant la
tour appelée la Fraite, puis la Tour Froide. En 1212,
ils les cédèrent à un certain Gaston Balerme sa vie
durant, sous la condition d'y faire construire des
moulins qui, après lui, feraient retour aux moines
et qui s'appelèrent effectivement les Moulins-aux-
Moines. En 1660» après bien des changements de pro-
priétaires, ils furent achetés par Elie Grégoire pour
en faire une manufacture d'armes , celle que visita
Mme de Sévigné, et, en 1734, les forges de Cosne
furent vendus 38,000 livres à divers, parmi lesquels
Pierre Babaud de la Chaussade.
Des forges et des bords de la Loire qui sont magni-
fiques à cet endroit, nous rentrons en ville et le
contraste est grand ; au sortir de ces vastes horizons
où le regard se perd et se délecte, voici bien, et brus-
quement, l'aspect de la ville tel que le dépeint d'un
mot le bon Gillet des annuaires : a Excepté la rue où
passe la grande route , qui est belle, les autres sont
étroites et tournoyantes ».
Voici tout d'abord et tout près les Augustins. Il y
y avait en France deux congrégations d' Augustins
réformés (fin du xiv** siècle) : la congrégation de
Bourges et celle des Augustins déchaussés. Les pre-
miers s'appelaient Petits -Augustins ou Guillelmîtes,
de leur fondateur saint Guillaume de Bourges; ils
avaient trois maisons en Nivernais : Saint-Pierre-le-
Moûtier, Prunevaux et Cosne. Le couvent de Cosne
fut fondé en 1616 ; on y instruisait la jeunesse et, de
fait, les bâtiments n'ont pas changé de destination,
car ils sont encore occupés actuellement par le collège
municipal. Le presbytère Saint- Jacques s'y trouve
également ; nous y trouvâmes un moment d'agréable
hospitalité, ce qui nous permit d'admirer une superbe
cheminée du xviP siècle qui fait revivre, dans le
— 179 —
salon de M. l'Archiprêtre, la décoration, un peu froide
mais majestueuse, du grand siècle.
La maison des Augustins, devenue propriété de
l'Etat à la Révolution, fut cédée à la ville de Cosne,
puis vendue, en l'an VI, à M. Dageville de Marseille,
acquéreur de biens nationaux. Elle revint de nouveau
à la ville en l'an XI, par suite d'un échange ; la muni-
cipalité céda en retour à M. Dageville un pré qu'elle
possédait sur les bords du Nohain et qui était estimé
10,000 fr.
En face le collège et le presbytère se trouve la prison
encastrée dans les restes du château. Cosne, situation
stratégique, fut fortifié et confié à la garde des barons
de Donzy, chargés de défendre la position contre les
Normands qui suivaient les rives de la Loire. Plus
tard, il fut occupé par les comtes de Nevers. Ce qu'il
en reste offre les caractères du xiii® siècle ; ils consis-
tent en quelques pans de murs assez élevés et trois
tours. Les anciennes fortifications ont laissé encore
quelques restes informes sur différents points de la
ville.
En continuant à pénétrer dans la ville, on arrive à
ce qui subsiste de Notre-Dame-de-Galles iCapella
Nostre Domine de Galles, ainsi qu'elle est nommée
dans un règlement donné à la collégiale Saint-Lau-
rent, par Ferry Cassinel, évoque d'Auxerre), monu-
ment gothique remarquable et situé dans l'enceinte de
la ville, dit un vieil auteur. Elle fut fondée par Wala,
évoque d'Auxerre, de 873 à 879 ; elle fut remaniée et
embellie à la fin du xi® siècle, et enfin fut restaurée,
dans sa magnificence définitive en 1490, par l'évoque
Jean Baillet.
Auprès de cette chapelle, l'évéque Humbaut, qui
vivait à la fin du xi® siècle, fit bâtir une maison épis-
copale que son successeur, Hugues de Noyers, trans-
- 180 -
•
forma en véritable palais. Mais bien longtemps aupa-
ravant, les évoques possédaient une résidence ; alors,
en effet, que Cosne ne subsistait encore qu'à Tétat
embryonnaire, en 850, Héribalde, trente-cinquième
évoque d' Auxerre, donna aux chanoines de sa cathé-
drale, pour la dépense de leurs vêtements, les quarante
maisons qui entouraient la maison de plaisance épis-
copale, Condidam villam super JLuvium Ligeris sitam,
avec les terrains a voisinants. En ce qui touche le
palais épiscopal, faut-il en voir les restes dans l'im-
portant édifice dont on voit les élégantes fenêtres du
xiii^ siècle, tout près de Notre-Dame-de -Galles ? Ce
n'est qu'une conjecture, mais elle est fort vraisemblable.
Le quartier, qui répond de tous points à la description
sommaire de Gillet, offre encore quelques maisons
anciennes, sur lesquelles l'œil se repose avec complai-
sance.
Je terminerai, en ce qui concerne Cosne, par la nomen-
clature des revenus que les évoques y possédaient ;
elle est peu connue, puisqu'elle est reléguée dans les
annexes d'un vieil ouvrage, lui-môme assez peu
répandu, et n'a jamais été traduite ; il ma paru bon
d'en donner aussi le texte original, tant pour donner un
échantillon du latin du temps et du lieu, que pour
fournir au lecteur la possibilité de suppléer à l'insuf-
fisance ou à l'inexactitude de la traduction.
F
- 181 —
Etat du revenu de Véoéché d*Auxerre vers l'an 1290,
tiré d'un volume de ce tems-là, conservé dans les
archives de Véoéché (1).
Prœpositura circa cix lib.
EmenâsB PrsepositurdB in
quibus Dominas habet
medietatem circa x lib.
Tallia de rivo ad placitum
circa vj lib et x sol,
Tallia ad placitum de ripa-
ria xiij libras xiij sol.
et vj den.
Tallia abonnata viij. lib et
xviij sol.
Magnus census viij lib.
Census Rungefer v sol.
Census Fervelli m i 1 i t i s
xxvj. sol.
Census chambellanarum iv
sol. et vj den.
Census 6{e PaisselieresxiJ s.
et vij den.
Prévôté , environ 109
livres. -
Sur le prix des Prévôtés
dont la moitié revient
au seigneur évoque ,
environ 10 livres.
Taille de la rivière, i ta
volonté de l'évéque,
environ 6 liv. et 4 sol.
Id. 13 liv. 13 sols et
6 deniers.
Taille fixe 8 liv. et 18 s.
Gros cens viij liv.
Cens Rungefer 5 sol (2).
Cens du chevalier Fré-
veau.
Cens pour les charges de
chambellans 4 s. et 6d.
Cens de Paisselières, 17
sols et 7 deniers.
(i) Mémoires concernant VHUtoire eccléiiastique et civile éTAuxerre,
par 11. Vabhé Lebœvf, chanoine et sous-chantre de l'église cathédrale de la
même ville, de TÂcadémie des inscriptions et belles-lettres, 3 vol. in-4*.
— A Paris, chez Durand, libraire, rue Saint-Jacques ; à Saint-Landry,
et au Griffon. M DGC XLUI.
(2) Renaud Rongefer, firère de Gibaud baron de Saint- Verain ; le fils
de ce Rongefer, également appelé Renaud, et cousin de Hugues baron
de Saint- Verain, fut la souche des seigneurs de Sain^Pierre-du-Mout et
d'Asnois ; ils firent aux abbayes de belles donations.
— 482 -
Census de Villa-Catuli xv
lib. et X sol.
Stallagium sive Burgesia
i sol.
In crastinum Nativitatis
Domini panis et vinum
xl sol.
Gallindô venditaB circa x sol.
Forestagium xj sol.
VinsB de Conada ix sol.
Pratum subtus stagnum
xl sol.
Pratade hastis xl sol.
Portus Conadaô vlij liv. et
X sol.
Portus Auberici, circa Ixx
lib.
Furnus Conadse ix sol.
Furnus de Foro xx sol.
Carnificeria xv lib.
Sergenteria boisseli, circa
xl sol.
Décima vini de Conada,
circa i lib.
Molendina de Pree xviij
sext. fromenti.
Item XXX sext. mouturae.
Molendinum Domini Epis-
copi quod tenent Tem-
plari, j. mod. avenae ad
mensuram de Conada, et
debent conducere in
horreo Domini Episcopi.
Cens de Villechaud 15 1 .
et 10 s.
Droit de place ou de ré-
sidence 1 s.
Pain et vin pour le len-
demain de la Nativité
40 s.
Sur la vente des poules
environ 10 s.
Fores tage 11 sol.
Vignes de Cosne 9 s.
Pré sous l'étang 10 s.
Pré des hastes 40 s.
Port de Cosne 8 liv.
10 s.
Port Aubery environ
70 liv.
Four de Cosne, 9 sol.
Four du marché 20 s.
Boucherie 15 1.
Offices des mesureurs pu-
blics environ 4 s.
Dîme du vin de Cosne,
environ 1 1.
Moulins de Pree, 18 sep-
tiers de froment.
Id . 30 septiers de mouture .
Moulin du Seigneur Eve-
que occupé par les
Templiers ; un boisseau
d'avoine à la mesure
de Cosne, rendu dans
le grenier de l'Evêque.
— 183 —
Grangia de portu Auberici
j. mod. silig. et j. mod.
avense ad cumulum.
Molendina de Petra in qui-
bus Dominus Episcopus
habet medietatem, valent
vij sext. f rumen ti et di-
mid. frumenti, et sext. dr
dimid. mouturaB.
DecimsB et tertise Villaô-Ca-
tuli et ConaddB circa xxii j
mod. ij mod. frumenti
videlicetxmod. et dimid.
silig. X mod. et dimid.
tam ordei quam avense.
Coustumse natalis Domini, j
mod. avensB ad cumul.
Item coustumse grangia-
rum juxta stagnum xiij
sext. avenaô.
Apud Villam-Catuli sunt
xviij arpenta vinearum
qu8d valent cum décima
circa xx lib. redditus.
Pratorum circa iij arpent.
Item ij arpenta ad astes,
unum stagnum, garanna,
Nemus juxta garannam
quod vocatur It Foilleus,
quod vendi potest de sex
annis in sex annos, et
Grange du port Aubry
1 mesure de seigle et
1 mesure d'avoine.
Moulins de Pierre dont
la moitié appartient au
Seigneur Evoque ; ils
valent 7septiers 1/2 de
froment et 10 septiers
1/2 de mouture.
Les dîmes et les tierces
de Villechaud et de
Cosne, environ 22 me-
sures de froment, c.-à-
d. 10 mesures 1/2 et 10
septiers 1/2 tant d'orge
que d'avoine.
Redevance pour Noôl de
l'Evoque, 1 muid d'a-
voine comble.
Id. redevances des gran-
ges près de l'étang 13
septiers d'avoine.
Prés de Villechaud il y a
18 arpents de vignes
qui valent avec la dî-
me environ 20 livres
de revenu.
Environ 3 arpents de
prés. Id. 2 arpents aux
hastes, un étang, une
garenne.
Un bois près delà garenne,
appelé li Foilleus ; la
coupe peut se faire de
six en six ans et rap-
— 484 —
valet quando venditur
circa Ix lib.
Nemus juxta stagnum eo-
demmodo vendi potest,
et valet circa xxx lib.
In novitate Episcopi debent
homines de Villa-Catuli
i lib. Domino Episcopo
pro quodam palefrido.
porte environ 60 livres.
Un bois près de l'étang,
aménagé de la même
façon; valeur environ
30 livres.
A l'intronisation de l'E-
voque, les hommes de
Villechaud doivent une
livre au Seigneur Evê-
que pour un palefroi.
DEUXIÈME PARTIE
Villemoison. — Saint-Père. — Saint-Laurent-rAbbaye.
La matinée du premier jour avait été consacrée à la
visite pédestre de Cosne ; l'après-midi, nous montions
en voiture, nous suivions la verdoyante vallée du
Nohain et mettions pied à terre à la commanderie de
Villemoison, où le propriétaire actuel nous avait
devancés pour nous en faire les honneurs, ce qui a
augmenté considérablement le charme d'une prome-
nade déjà si attrayante.
Une commanderie était l'ensemble des domaines
d'un ordre religieux ou militaire administrés par un
religieux ou un chevalier de l'ordre appelé comman-
deur. Il y avait des commanderies et des comman-
deurs dans les ordres des chevaliers de l'Hôpital-
de-Saint-Jean-de-Jérusalem , des chevaliers Teuto-
niques, du Temple, de Saint-Lazare, de la Trinité, de
Saint-Antoine, dans la congrégation des chanoines
— 185 —
réguliers des Prémontrés. C'est au xii« siècle que se
sont constituées les plus anciennes commanderies des
hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem et de l'ordre
des Templiers, et c'est à cette époque qu'il faut attri-
buer la chapelle de Villemoison (1).
Dans la circonscription actuelle du diocèse de
Nevers, il y avait six commanderies : 1® aux Hospi-
taliers, Bou, Feuilloux, Tourny; 2^ aux Templiers,
Biches, Champallement et Villemoison.
La seule partie conservée des b&timents primitifs à
Villemoison est l'abside de la chapelle du xii* siècle ;
à la voûte, une peinture représente le Christ bénis-
sant dans une gloire elliptique ; l'ensemble et le genre
d'ornementation rappellent la fresque de Sainte-Julitte
qui représente le même sujet. On serait tenté d'ex-
primer le désir que les exigences de l'exploitation
du domaine et les aménagements de la ferme per-
missent de veiller à la conservation de ce respectable
(1) Une obligeante communication de M. de Flamare me met sous les
yeux un important traTail publié par M. à. Trudon des Ormes dans la
Revue de VOrient latin et intitulé : « Liste des maisons et de quelques
dignitaires de Tordre du Temple en Syrie, en Chypre et en France, d'après
les pièces du procès ». En raison de la rareté des renseignements connus
sur la commanderie des enrirons de Cosne, il y a intérêt à reproduire la
notice qui la concerne.
Villemoison» — Maison du Temple ayant chapelle, sise dans le
diocèse d'Auxerre (villa Moron, Tilla Muoçonis), et dont le Diction-
naire topographique de la Nièvre indique le pi^écepteur ou commandeur
en 1244, frère Gervais.
Le procès nous fournit les noms de deux successeurs de Gervais, dont
run, Gautier Goniier, sergent, est dit avoir reçu en la maison vers 1281.
Le dernier maître fut le chevalier du Temple, frère Guillaume de Lus
(de LuTs) qui, de 1303 à 1307, procéda à diverses admissions dans Tordre,
en la chapelle de Villemoison, le chapelain étant alors frère Etienne « de
Santo Questo » ; la dernière de ces réceptions aurait eu lieu au mois de
juillet 1307.
Dans le même travail, Champallement et Biches ont une mention à la
suite de celle de Villemoison.
- 186 —
vestige. On pourrait alors y joindre un fragment d'une
statue de sainte de la fin du xvi« siècle, qui se trouve
dans le hangar, avant la chapelle.
A signaler également une belle grange du xvr siècle.
Mais le joyau de Villemoison, c'est le logis du
commandeur, construit en 1535 ; avec ses fenêtres à
meneaux surmontées de lucarnes bizarrement orne-
mentées, avec son profil élégant et vieillot qui se
détache dans une verdure exubérante, elle offre le
plus charmant coup d'œil. Puis, quand on a gravi
son escalier presque branlant et qu'on a franchi la
porte, une surprise^ de caractère très délicat, vous
attend : l'intérieur se compose de plusieurs pièces
entièrement garnies de tentures aux couleurs cha-
toyantes et disposées dans un art très moderne et avec
un goût exquis ; le contraste est saisissant, mais il
n'est pas heurté; on dirait d'un nid dans les ruines.
Rien ne manque à l'hospitalité qui nous est offerte, ni
les intelligents propos, ni même un vin dont les tons
ambrés et l'arôme feraient penser qu'il provient de
quelque domaine méditerranéen des anciens proprié-
taires.
Au sortir de cette délicieuse étape, et en quelques
minutes, nous arrivons à la paroisse, autrefois Nuzy,
nom qui a été remplacé par le vocable de l'église
paroissiale, Saint-Pierre-du-Trépas, à cause des nom-
breuses sépultures que renferme l'église ; aujourd'hui,
c'est la commune de Saint-Père.
La paroisse existait avant le xip siècle; l'église
primitive a complètement disparu et a été remplacée,
fin du xv« siècle, par l'église actuelle, dont l'aspect, si
gracieux, est, au premier abord, déconcertant ; elle a
bien, en effet, les proportions restreintes que justifie
l'exiguïté de la population, mais elle apparaît avec une
distinction de silhouette et une richesse d*ornementa-
- 187 -
tion qui ne se rencontrent pas communément dans une
église de village. La surprise cesse dès que, s'étant
approché, on remarque les croix de Malte gravées sur
les murs et les armes sculptées sur la façade ; on voit
que les paroissiens de Villemoison ont passé par là.
Pendant que nous en sommes encore à la façade, citons
un trait de cette liberté qu'on se donnait volontiers
autrefois de faire servir l'ornementatioa des lieux
saints à ses fantaisies allégoriques ou satyriques. Au
portail figure un chien rongeant un os, ce qui ne
s'explique guère, sinon pour afficher la détresse du
curé, dont presque tous les revenus avaient été dis-
traits par l'évêque d'Auxerre, Guillaume de Seignelay,
au profit du chapitre de Cosne qu'il venait de
fonder.
L'intérieur offre d'intéressantes particularités ; l'une
des plus remarquables et les plus dignes d'intéresser
notre Société consiste en une pierre tumulaire du
xvi* siècle qui forme le degré de l'autel de la chapelle
latérale nord ; nous dûmes enlever le tapis de pied qui
la recouvre pour l'examiner. Elle représente trois
hommes d'armes revêtus de l'armure du temps, les
mains jointes, les casques et les gantelets à terre à
côté d'eux, agenouillés, l'un derrière l'autre, devant
l'Enfant-Jésus emmaillotté. M. de Flamare a observé,
ce qui avait échappé à V Album du Nivernais et même
à M. de Soultrait, que deux autres fragments de
pierre représentent trois dames agenouillées, les mains
jointes, l'une derrière l'autre, dans le sens opposé à
celui des hommes d'armes, et destinées, selon toute
évidence, à leur faire pendant. Est-il admissible que
cette pièce importante continue à servir de marche-
pied jusqu'à complet effacement? Et puisque.nous en
sommes à verser nos griefs dans le sein de la Société
nivernaise, pourquoi n'exprimerions-nous pas l'éton-
- 188 —
nement que l'église de Saint-Père ne soit pas classée
parmi les monuments historiques ?
Puisqu'il ne nous reste pour ainsi dire plus que le
souvenir de Notre-Dame-de-Galles que nous savons
avoir été si belle, donnons un coup d'œil sur les beaux
vitraux qui en proviennent et qui ont été replacés ici
au petit bonheur : ainsi voilà saint Martin, dont le
buste se trouve dans l'abside, tandis que le pauvre
auquel il offre la moitié de son manteau est hors de
portée de sa libéralité, dans la fenêtre du côté nord.
Les convenances les plus élémentaires ne demande-
raient-elles pas qu'il fût remédié à cette inconcevable
incurie ?
Il convient également de noter l'élégant tableau du
xvi« siècle peint sur pierre contre le pilier de la der-
nière travée, séparant la nef du collatéral unique qui
se trouve du côté nord. Le sujet représenté n'est pas
une Adoration des Bergers, mais des Mages ; comme
dans toutes les peintures de l'époque représentant ce
sujet, on aperçoit les bergers dans le fond , au second
plan, mais ils ne sont pas en adoration. Cette légère
rectification est due à l'œil impeccable de M. de
Flamare.
Dans un site pittoresque, dont l'agrément est rendu
plus sensible par le paysage relativement ingrat que
le voyageur doit parcourir pour se rendre de Saint-
Père à Saint-Laurent, se dressent les vestiges impor-
tants qui subsistent de l'ancienne abbaye.
Ce fut d'abord un monastère fondé, vers 550, par
Wulfin, prince de sang royal, en un lieu près d'un
long mar%is, et qui fut appelé pour cela Longorotense
monasterium, appellation à laquelle fut joint le mot
albatorum, parce que les religieux qui l'occupaient
— 189 -
étaient vêtus de blanc et qu'il fallait le différencier
d'un autre monastère fondé dans les mômes condi-
tions dans le Berry et dont les moines étaient vêtus
de noir.
Ce monastère fut appelé plus tard Saint-Laurent
des-Aubats, Saint-Laurent-l'Abbaye , et monastère
des saints Laurent et Hilaire, parce que les chanoines
de Saint -Hilaire de Poitiers, y avaient des droits
ainsi qu'en témoigne cette mention de la coutume du
comté et bailliage d'Auxerre : « Les doyen et cha-
pitre de Saint-Hilaire-le-Grand , de Poitiers , sei-
gneurs de la terre et chàtellenie à Longretz ». Ce
serait le fondateur Wulfin qui leur en aurait fait don.
Au XI® siècle, Robert de Nevers, évêque d'Auxerre
(1070-1084), érigea le monastère en abbaye et le remit
aux chanoines réguliers de Saint- Augustin qui, depuis,
entr'autres dons, reçurent de l'évêque de Nevers
(Guy) l'église de Saints-Loup-et-Gildard qui, par la
suite des temps, ne conserve plus que son second
vocable, car ce qui nous est resté de la vie de saint
Loup est bien peu de choses et tient plutôt à la
légende. L'évêque de Nevers, par cette donation, avait
pour but de rendre Saint -Gildard à sa destination
première, car, par suite des vicissitudes de ces temps
troublés par les guerres et les changements de pro-
priété et les spoliations qui en étaient la suite, Saint-
Gildard n'était plus qu'une paroisse et il redevint
monastère lorsque quelques-uns des moines de Saint-
Laurent vinrent en prendre possession. L'abbé de
Saint-Laurent obtint, en 1147, du pape Eugène III
une bulle confirmative dans laquelle se trouvent men-
tionnées , outre Saint-Loup et Saint-Gildard , les
églises d'Urzy, de Saint-Martin-d'Heuille et d'Aubi-
gny-le-Chétif.
Saint-Laurent fut le thé&tre de la lutte entre Pierre
— 490 -
de Courtenay et Hervé baron de Donzy, pour la
possession du comté de Gien : Pierre de Courtenay
n'avait pas le droit pour lui, et ses alliés, les Cotte-
reaux, qui venaient précisément d'exercer leurs dépré-
dations sur l'abbaye de Saint-Laurent, n'étaient pas
faits pour rendre sa cause plus recommandable. Il fut
battu et même tomba au pouvoir d'Hervé. L'église fut
entièrement ruinée (1199), ce dont saint Etienne et
saint Laurent se vengèrent dans la même année et le
propre jour de l'Invention du corps de saint Etienne,
ainsi que le rapporte naïvement un vieux manuscrit
cité par D. Viole : « Anno 1099, in festo inventionis
corporis B. protomartyris Stephani, contritus est
exercitus Pétri, comitis Nivernensis, cum omnibus
baronibus et Coterellis; factum est apud abbatiam
B, Laurentii ab Herveo, domino Donziaci, beatissi-
mis Stephano atque Laurentio ipsum adjuvantibus,
cujus omnino ecclesiam detvuxerant ».
Après les Cottereaux, les Armagnacs, qui, dans
leurs guerres avec les Bourguignons, s'établirent à
Saint-Laurent et enlevèrent les objets précieux qui
excitaient leurs convoitises : « En l'an 1411, dit encore
D. Viole, lorsque la guerre était plus échauffée entre
les ducs d'Orléans et de Bourgogne, la môme abbaye
de Saint-Laurent, bien que fermée et environnée de
bonnes murailles, fut surprise par Jean de Cabelonne
(Jean de Chalon), frère du comte de Tonnerre, capi-
taine du château de Saint- Verain-des-Bois pour le duc
d'Orléans, ainsi que les religieux, qui chantaient la
grand'messe, lequel pilla tous les vaisseaux sacrez d'or
et d'argent, châsses, reliquaires, calices, livres, cou-
verts d'argent, grand nombre de riches ornements, et
généralement tous les meubles du monastère et des
habitants du bourg qui s'y étaient réfugiés. Et non
content de cela^ il emmena l'abbé et ses religieux et
- 191 —
six-vingts desdits habitants, liés et garottés, au châ-
teau de Saint- Verain, dans l'espérance d'en tirer une
grosse rançon ».
Au XVI* siècle, ce fut encore pis et, en 1567, les
hérétiques calvinistes achèvent l'œuvre de destruction
sans que les abbés com mandataires aient même fait le
nécessaire pour loger les religieux, réduits à habiter
pour la plupart chez les habitants. Pendant longtemps,
la discipline y avait été gardée avec une rigueur parti-
culière, mais elle se relâcha insensiblement, ce qui
motiva l'intervention de l'évêque d'Auxerre et du
Parlement. Des difficultés s'élevèrent aussi avec le
chapitre de la cathédrale de Nevers, où Saint-Gildard,
dépendance de Saint-Laurent, avait deux prébendes.
Une transaction termina le procès. Saint-Gildard fut
remis en toute propriété au chapitre de Saint-Cyr, qui
abandonna en retour son droit de nomination aux
cures de Saint-Trohé, d'Apremont et d' Avril-sur-
Loire.
La fin de l'abbaye Saint-Laureût fut sans gloire ;
aujourd'hui encore, ceux môme qui en habitent les
constructions les mieux conservées professent â son
endroit la plus complète indifférence; interrogez-les
sur ce qu'ils savent de l'histoire du monastère, même
pour l'époque la plus rapprochée de nous, demandez-
leur certains détails sur les parties les moins acces-
sibles de leur habitation , ils vous répondront :
« A quoi bon? Ce qui est passé est passé; qu'y
ferons-nous? Il n'y a qu'à tirer le meilleur parti
possible du présent ». Mais nous, qu'un penchant
•naturel attache fidèlement à notre devise Revert i-
mini ad antiquitatem , nous nous étonnons que l'on
puisse rester insensible au milieu de ces témoins si
impressionnants du passé. Voici le portail en saillie,
formé de quatre archivoltes cintrées, décorées de
tètes de clous en creux, de besants, de grecques, retom-
bant sur un entablement autrefois soutenu par des
colonnes qui ont été enlevées ; par compensation on y
a accolé de misérables constructions ; la corniche au-
dessus est garnie de modillons à petites volutes ; à
droite et à gauche, se trouvent des baies cintrées,
encadrées par des cordons de tôtes de clous, qui éclai-
raient les bas-côtés ; une troisième baie s'ouvrait dans
le haut du pignon.
Le clocher central avait chacune de ses huit faces
percée de deux baies légèrement ogivales, festonnées
de huit lobes, comme à La Charité, sous une achivolte
décorée, conformément à un motif de décoration per-
sistant, de tête de clous en creux et soutenue par des
colonnettes d'un travail soigné. La façade permet
encore de juger de cette disposition.
L'intérieur de l'église paroissiale actuelle n'a gardé
de l'église abbatiale que le transept, avec travée du
chœur et une chapelle du xiii* siècle. C'est du reste à
cette époque que les arcs en plein cintre ont été ren-
forcés d'arcs ogivaux. L'ensemble des bâtiments
conventuels formait un parallélogramme dont l'église
occupait le côté sud, la demeure de l'abbé étant à Touest,
la grange au nord, et les autres dépendances à l'est. Le
cloître occupait le centre, c'est aujourd'hui le jardin du
presbytère ; on y remarque une série très complète de
corbeaux qui indiquent la disposition du cloître. Au-
dessus, de petites ouvertures que les gens du pays,
malgré leur indifférence systématique au sujet de la
destination des différentes parties des bâtiments, disent
avoir été celles de l'infirmerie ; nous inclinons à croire
que c'étaient les cellules des moines, et qu'à l'extrémité
devait se trouver une salle d'où les malades pouvaient
suivre la messe. Le logis abbatial du xvi« siècle, mais
Saint-Pèr*-let>CDSne
Commandtrie dg Villsmoison
— 103 -
fortement remanié, est remarquable ainsi que la grange
avec ses fenêtres gothiques.
L'aspect de ces beaux vestiges, dont aucune précau-
tion, môme commandée par l'intérêt, n'entrave la
destruction quotidienne, inspire une sorte de mélancolie
que favorisent les ombres approchantes du soir. C'est
le moment de rentrer au logis et de se ragaillardir par
des conversations d'où', décidément, toute tristesse est
bannie. Irons-nous, après cela, jeter la pierre aux
habitants de Saint-Laurent ?
TROISIÈME PARTIE
Cours. — Saint-Loup. — Saint- Verain.
Le lendemain, dès le matin, mais non toutefois sans
avoir fait une visite complémentaire à Saint-Jacques,
on se met en route pour la deuxième journée de
l'excursion, qui sera beaucoup moins chargée que la
première.
Quatre kilomètres et nous voilà à Cours-les-Cosne.
L'église devait être considérable avant d'avoir été en
partie détruite par les huguenots ; ce qu'il en reste,
tout en ayant belle allure, offre l'aspect toujours
pénible de quelque chose de tronqué. Les voûtes, fort
élevées, possèdent des clés sculptées, dont l'une porte
la date de 1531, celle de l'achèvement de l'église. Dans
le chœur se trouve une statue d'une extrême élégance
représentant saint Jean TEvangéliste ; c'est un beau
spécimen du commencement du xvi* siècle. L'église
renferme également un fragment d'une sculpture sur
bois du XV® siècle qui, dans son intégrité, représen-
T. IX, 3* série. 13
- 194 -
tait la mort de la Vierge. Nous avons été assez
heureux pour en prendre une photographie qui permet
d'en apprécier Tintérôt, car c'est un morceau de choix ;
le dessin et l'exécution sont tout à fait remarquables.
Dans la cour du presbytère, un puits mérite d'ôtre
visité ; dans sa forme conique trapue et avec son abri
en tuiles, il a beaucoup de caractère.
Une courte distance nous sépare de Saint-Loup ; la
situation pittoresque de ce bourg est rappelée dans
deux des noms qu'il a portés naguère, Sanctus Lupus
in nemoribus et Sanctus Lupus juxta rupes; le cime-
tière en particulier, en amphithéâtre derrière l'église,
dont il est séparé par la route, occupe un site qui attire
et retient le regard.
L'église a été reconstruite à la fin du xv® siècle, sauf
le chevet, qui est resté du xui* ; au milieu se dresse
une petite flèche en ardoise.
Nous y retrouvons, comme à Saint-Père et à Cours,
un seul bas-côté du côté de l'Evangile, et les voûtes
ont des arêtes sous-faitières ; les membrures retom-
bent sur des consoles, dont plusieurs sont curieuses.
De Saint-Loup, nous gravissons, au hasard des sen-
tiers ou de la route, la colline au sommet de laquelle
se détache, bien campé sur l'horizon et heureusement
encadré de verdure, un petit château qui mérite d'ôtre
vu de près, et dont l'aspect mi-seigneurial mi-bour-
geois est des plus agréables; c'était la maison de
campagne des abbés de Roches.
Notre-Dame-de-Roches, paroisse de Myennes, fut
fondée par les barons de Donzy et les seigneurs de
Saint- Verain sous Hugues de Montaigu, évoque
d'Auxerre. Après une existence mêlée de vicissitudes,
au premier rang desquelles il faut noter les dépréda-
tions des protestants qui forcèrent les moines à se
retirer â Cosne de 1567 à 1578, l'abbaye s'éteignit à la
— 195 —
Révolution, n'ayant plus que deux ou trois religieux,
de trente qu'elle avait comptés.
La route, à partir de Saint-Loup et de son châtelet,
est agréable à parcourir : elle est légèrement acci-
dentée et noyée dans une abondante verdure qui rap-
pelle un peu le bocage vendéen et où apparaissent, de
plus en plus nombreux , les arbres à cidre , avant-
coureurs de la Puisaye. Tout à coup, non loin de soi.
Ton aperçoit une tour dont la masse revôche occupe
une énorme place dans le paysage, plutôt coquet et
souriant, et plus près encore, à droite de la route, de
larges pans de murailles apparaissent à travers la ver-
dure qui a envahi leur gigantesque et bizarre ossature ;
im instant, on perd de vue les ruines qui bientôt repa-
raissent, véritablement formidables cette fois ; ce sont
des murailles effondrées, des aiguilles de pierres qui
se dressent tragiquement vers le ciel, des avalanches
de moellons écroulés d'un bloc sans se désagréger et
qui ont revêtu des formes fantastiques, c'est surtout
le donjon dominateiu* et qui a conservé comme un air
de défi. Le spectacle est saisissant ; il est étrange qu'il
soit si peu connu, môme des Nivernais ; combien de
voyages lointains et coûteux n'offrent pas le môme
intérêt.
C'est que Saint- Verain fut une baronnie dont on
peut mesurer l'importance en songeant qu'elle devint
le siège d'une châtellenie dont le ressort s'étendait
sur le territoire qui forme le canton de Saint-Amand,
la partie nord du canton de Cosne et la partie nord-
ouest du canton de Donzy, ainsi que sur plusieurs
paroisses des départements du Loiret et de l'Yonne ;
cent quatre fiefs en relevaient.
Saint- Verain trouve son origine dans un prieuré
qui dut lui-môme la sienne à l'établissement de
moines institués pour garder les reliques de saint
-" 196 -
Verain, évoque de Cavaillon, transportées dans le
Donziois au xiv siècle ; nous nous retrouvons d'accord
en cela avec le style de l'église.
Le saint dont on déposa les reliques en ce lieu
n'avait pas été, de son vivant, sans contact avec le
pays où devaient séjourner ses restes ; il s'était ren-
contré avec notre saint Arigle au Concile de Mâcon
en 585, et en 589, à Poitiers, au monastère de Sainte-
Radegonde , à l'occasion des troubles suscités par
Chrodielde, fille du roi Caribert.
Aussi bien, les reliques du saint évoque n'auraient
pu être placées en un lieu où elles fussent entourées
de plus de vénération ; de nombreux pèlerinages s'y
établirent parmi lesquels nous pouvons citer Pouilly,
La Charité, Neuvy, Cosne et Entrains. Mais entre
tous les dévots à saint Verain, Nevers tient la pre-
mière place ; la ville s'était mise officiellement sous sa
protection et il faut croire que le pacte conclu fut
tenu fidèlement de part et d'autre, car il tint long-
temps. En 1584, nous voyons une procession de
Saint-Cyr de Nevers à Sain t-Sil vain, hors la porte de
la Barre, pour de là aller à Saint- Verain en pèleri-
nage, prier Dieu par l'intercession de ce saint, qu'il
lui plaise apaiser son ire et faire cesser la peste de
laquelle cette ville avait été et était misérablement
affligée depuis deux ans et demi.
En 1499, nous relevons un compte de 47 livres tour-
nois à Lucas Lyonnet, marchand et ouvrier de cire,
pour sept-vingt et une livres de cire par lui mises en
chandelle « de l'enceinte et circuite de la ville « sur
quatre roues (1), pour les vœux faits par la ville à
(i) Les quatre cierges de longueur du circuit de la ville, pesaient cha-
cun 35 livres 1/4 ; ils étaient enroulés, comme un cordeau, sur une roue
ou cercle large avec rebord, et présentaient environ la grosseur de la
bougie de poche connae actuellement sous le nom de queue de rat.
— 197 —
M9' St. -Sébastien de Montbeugny, à la vraye croix
de Bourbon-rArchambault, à M9' Saint- Verin-des-
Boys et M9' Saint-Anthoine-lez-Nevers, afin qu'ils
fussent intercesseurs envers Notre-Seigneur Jésus-
Christ pour la cessation de la peste.
En dehors de ces pèlerinages, qui avaient lieu aux
moments de détresse; là ville de Nevers donnait un
témoignage de sa constante dévotion par la fondation
d'une messe mensuelle, et nous trouvons, dans les
comptes de la ville pour l'année 1613, quittance de
messire Jean Garnet, prètre-curé de Saint- Verain, de
la somme de 10 livres tournois pour la messe qu'il
célèbre, depuis un an, chaque mois, à l'intention des
habitants de Nevers ; à la quittance est joint le certi-
ficat, en date du 16 mai, des officiers de monseigneur,
en sa baronnie de Saint- Verain, attestant que véné-
rable et discrète personne messire J. Garnet a célébré,
chacun mercredi de chacun mois, depuis un an, la messe
en la chapelle dudit Saint-Verain, sise hors la ville.
Cette pieuse coutume fut religieusement observée,
car, en 1742, la ville délivre au sieur Brière, curé de
Saint- Verain-les-Cosne, 270 livres pour vingt -sept
années échues à la fin décembre 1741 de la rente à
lui due pour les messes célébrées en son église par
suite du vœu de la ville.
De plus, la chapelle située dans l'enceinte du château
était entretenue, au moins en partie^ aux frais de
Nevers qui donnait, en 1598, à Marceaul Vacherin
6 écus pour vitres aux fenêtres de mons. saint Verain,
audit lieu de Saint-Verain. Parmi les autres dépenses
d'aménagement et entretien dont nous trouvons la
trace dans les comptes de la ville, nous en relevons une
d'importance : 30 livres tournois, en 1627, à un maître
charpentier de Saint-Verain pour réparations à la
chapelle.
— 198 —
Les reliques de saint Verain, objet d'un culte si
touchant, furent profanées en 1793, mais elles furent
recueillies par de pieux fidèles et, longtemps après,
Mff* Dufôtre les reconnut avec le luxe de précautions
usitées en pareil cas et en constata la parfaite authen-
ticité.
Notons, pour être complet, que le corps de saint
Verain, déposé à l'origine comme nous l'avons indi-
qué, avait été transporté, au xni® siècle, à Gergeau-
sur-Loire, probablement à cause des guerres qui déso-
laient continuellement le pays ; mais une portion
considérable en avait été conservée.
Les ruines de Saint- Verain offrent tous les genres
d'intérêt : le simple touriste, en quête de pittoresque
inédit, en remportera une impression inoubliable;
l'archéologue y peut étudier, dans l'application des
meilleures règles, le type achevé des châteaux-forts du
moyen ftge.
Au sommet d'un mamelon, le donjon dresse son
énorme masse. Les murs, très épais, sont percés, dans
leur profondeur, de conduits que le Congrès archéolo-
gique de France, réuni à Nevers en 1851, a reconnus
pour des communications acoustiques et qui ne
seraient, d'après M. de Soultrait, que des moules de
chaînages en bois. Cinq tours défendaient le donjon.
A l'abri et au pied du donjon et de ses défenses, se
trouvait le château proprement dit, c'est-à-dire l'habi-
tation du baron et la chapelle, construite en 1576 et
rebâtie en 1608 par les échevins de Nevers en exécu-
tion d'un vœu ; elle n'a disparu entièrement qu'au
commencement du xix® siècle. C'était, en dehors du
— 199 -
donjon, la première enceinte que défendaient de nom-
breuses tours.
La deuxième enceinte comprenait les dépendances
du manoir féodal ; le dernier vestige qui en ait subsisté
est la maison de justice du xin® siècle, dont l'inté-
rieur, qui n'était pas dénué d'intérêt, pouvait encore
être visité en 1876, d'après V Annuaire de V Yonne,
qui a publié un important et intéressant article de
M. Charles Blanche.
Enfin la ville, avec laquelle on communiquait par
une porte qui a grande allure, ainsi qu'on peut encore
en juger par la photographie que nous avons réussi à
prendre. L'enceinte était flanquée de quinze tours et
percée de trois portes. Les murs de cette troisième
enceinte sont les mieux conservés, bien qu'ils aient
servi abondamment à la construction des maisons du
village. La maçonnerie, composée d'un blocage de
silex noyé dans le mortier, est d'une telle solidité
qu'elle ne se désagrège pas ; de temps à autre, sous
l'eiSort du temps ou sous la main de l'homme, des
pans s'effondrent tout d'une pièce, et les déchirures
qui en résultent affectent des formes bizarres et décon-
certantes ; on dirait parfois du proûl tourmeuté de
certaines montagnes.
De môme que les vestiges imposants de Saint-
Verain nous donnent une des images les plus complètes
que l'on puisse trouver actuellement, en France, d'une
fortQresse féodale, de môme l'histoire de ses seigneurs
fait revivre la vie du moyen âge dans ce qu'elle a de
plus caractéristique. Il ne peut s'agir d'étude histo-
rique dans ce simple récit d'une promenade d'explo-
ration ; mais voyez cette scène du début du xiv« siècle :
Le baron Erard, assisté du comte de Sancerre,
Dreux de Mello, Miles de Noyers, sénéchal de
Champagne et de Brie, défait le puissant Oudard, sire
— 200 -
de Montai gu, cadet de la maison capétienne des anciens
ducs de Bourgogne, secouru par le Dauphin d'Au-
vergne, les trois frères de la seigneurie de Vienne et
Béraud de Mercœur, qui tombe entre ses mains. Mais
les fumées du triomphe ne se sont pas dissipées que
les redoutables murailles, qui dédaignent les assauts
furieux des hommes d'armes, s'ouvrent devant la verge
fleurdelysée des sergents royaux que Philippe-le-Bel
a dépêchés auprès des seigneurs assez osés pour régler
leurs différents sans l'agrément du roi, et les vain-
queurs vont à leur tour en captivité. Par là, se mar-
quent les progrès du pouvoir royal, jadis si précaire,
et la décadence de la puissance féodale, qui eut cepen-
dant quelques revanches passagères, lorsque, par
exemple, en 1315, une ordonnance a octroya à tout
noble homme les armes et les guerres quand il lui
plairait ». Comme les choses changent d'aspect, selon
le point de vue sous lequel on les envisage ! Notre
instinct démocratique nous porte à applaudir aux pro-
grès de la puissance royale, car les petits souffraient
terriblement des luttes entre les grands, et c'est pour
la protection des gens paisibles et des cultivateurs que
le grand roi saint Louis avait publié son édit de 1257
sur les guerres privées.
Nous ne pouvons songer à ce règne de saint Louis
sans nous rappeler ce que ces temps, si calomniés par
l'ignorance ou la mauvaise foi, eurent de glorieux et
de fécond ; ils marquèrent, pour les habitants de Saint-
Verain, un événement heureux et bien digne d'être
noté : En 1359^ Hugues de Saint- Verain et Isabeau,
sa femme, d'accord avec l'évêque d'Auxerre, déclarent
« quitter à perpétuité la mainmorte et tel droit qu'ils
pouvaient avoir sur les bourgeois, manants et habi-
tants de Saint-Verain-les-Boys, en quelques lieux
qu'ils fussent, pour raison de ladite mainmorte..* » Ce
- 201 -
fut la charte des habitants de Saint- Verain et l'origine
de leurs franchises.
C'était l'époque des croisades, et aucune pièce histo-
rique ne relate, que nous sachions, la participation de
Saint- Verain ; mais les noms de Jéricho, Bethléem,
Jérusalem, Nazareth qu'ont retenus des fermes ou des
hameaux, ne permet pas de penser que les ancêtres
des habitants de ces contrées soient restés indifférents
& la croisade prôchée par saint Bernard au temps de
Gibaud, l'un des plus illustres seigneurs de Saint-
Verain, homonyme de celui qui, cent ans plus tôt,
fonda la formidable forteresse.
On ne songera sans doute pas à s'étonner que les
seigneurs de Saint- Verain n'aient pas toujours fait de
leur puissance un usage digne d'être approuvé. En
1411, ainsi que nous l'avons vu précédemment, Jean
de Châlon, capitaine du château de Saint- Verain pour
le duc d'Orléans, détruisit l'abbaye de Saint-Laurent
et emmena prisonniers les religieux et les habitants,
ce qui ne lui porta pas bonheur, non plus d'ailleurs
qu a Pierre de Courtenay et à ses Cottereaux, car
c( environ ce temps-là, dit D. Viole, le château de
Saint- Verain, qui était l'une des plus fortes places de
Bourgogne, fut démoli en sorte qu'il ne subsiste plus
aujourd'hui que par ses ruines qui donnent témoignage
de ce qu'il a été autrefois ».
Ce furent les guerres de religion qui portèrent le
dernier coup â Saint- Verain ; en 1576, une armée de
Suisses et d'Allemands, la prétendue Réforme pactisa
toujours avec les étrangers , s'empara de la place
moitié par force, moitié par artifice, et massacra la
garnison avec les habitants de la ville qui s'y étaient
réfugiés. Ce fut la fin, et Saint-Verain ne joua plus
depuis aucun rôle; au xv« siècle-, la baronnie avait
disparu , absorbée par le comté de Nevers ; au
— 202 -
XVI* siècle, la ville bourgeoise était anéantie ""par la
guerre civile. Il ne resta plus que la chapelle et l'église
avec les reliques qui attirèrent longtemps encore la
population. C'est l'idée religieuse qui avait présidé i
la fondation de Saint-Verain ; c'est elle qui la sou-
tint jusqu'au bout. Eternelle leçon éternellement
méconnue I
L'église, du style roman de transition, offre plu-
sieurs des caractères de l'architecture cistercienne,
sans doute à cause du voisinage de Roches, filiation
de Clteaux. Au temps où M. de Soûl trait en a fait la
description dans son classique Répertoire archéolo-
gique, la fenêtre centrale du chevet était bouchée ;
elle a été depuis réouverte et garnie d'un vitrail du
xup siècle, retrouvé en démolissant la maçonnerie qui
remplissait la baie. Pourquoi ce commencement de
restauration n'a-t-il pas été continué ? le presbytère
lui-môme est inhabitable, ce qui prive la paroisse
d'un curé... Situation déplorable i tous égards.
C'est à Saint- Verain que se fit la dislocation de la
caravane qui n'était, du reste, pas nombreuse, puis-
qu'elle ne comptait que six personnes. Un plus grand
nombre d'excursionnistes étaient inscrits, mais des
empêchements, des plus sérieux, étaient survenus à
la dernière heure. Si tout autre historiographe avait
été chargé de la relation, il n'aurait pas eu de peine &
démontrer à quel point les absents ont eu tort.
Albert MARON.
— 203-
Le travail qui précède était complètement terminé
lorsque M. l'abbé Camus, vicaire à Saint-Jacques de
Cosne, à l'obligeance duquel nous devions déjà d'utiles
renseignements, nous fit parvenir de nouveaux docu-
ments dont nous avons tiré ce qui suit :
CHAPELLE SAINT-FIRMIN
Il y avait, à côté du pont Saint- Agnan, à Cosne,
vis-à-vis l'Hôtel-Dieu, une chapelle dont il ne reste
depuis longtemps aucun vestige et qui a môme com-
plètement disparu de la mémoire des hommes ; il
appartient à l'archéologue et il lui plaît de réparer de
tels oublis.
Aussi bien, deux siècles et demi se sont écoulés
depuis la destruction accidentelle de cet oratoire :
« Le 23 février 1658, lit-on dans les registres de la
paroisse, la rivière du Noin (remarquons cette ortho-
graphe qui donne bien la prononciation usuelle), qui
passe entre la ville et le faubourg Saint-Agnan de
cette ville de Cosne, fut si violente et furieuse qu'elle
abattit le pont, emporta la maison de Talbon, de
Garnier, de M. Vaillant, de Mlle Guy on, des Trois-
Rois, et plusieurs autres avec tous les meubles qui
étaient dans lesdites maisons, de plus elle abattit et
engloutit la chapelle Saint-Firmin, la moitié de l'Hôtel-
Dieu, et fit une grande brèche à la chaussée qui est
entre ladite rivière de Noin et celle de la Loire, et
plusieurs autres ravages qui montent pour le moins à
la somme de 150»000 livres ».
Le curé de cette époque, M. Tolleron, ajoute en
marge cette curieuse mention : « Pour comble de mal-
heur, l'année suivante (1659), le premier jour d'août,
un méchant garnement du nom de Duplay , suppôt des
partisans Maltoutiers et Gabeloux, vint encore dans
- 204 —
cette yiUe^ envoyé par ces ennemis du peuple et de
TËtat, et il ruina entièrement la ville et ses habitants,
sans sujet et sans cause ». Cela ne donne pas une haute
idée de la façon dont l'impôt se levait à Cosne à cette
époque ; il serait curieux de connaître des détails sur
Texpédition de <x ce mauvais garnement » .
Quelque trente ans plus tard, la chapelle, quoique
détruite, était encore présente, du moins par quelques
vestiges, aux yeux des habitants, et la cent quaran-
tième reconnaissance du terrier de Cosne, composée
en 1683, fait mention d'une maison située proche le
pont du faubourg Saint-Agnan, par le devant du
grand chemin de Paris à Lyon, d'autre part à la rivière
du Nohain, passant sous ladite maison, d'autre à une
ruelle de la chapelle Saint-Firmin.
Mais cinquante ans plus tard, la pauvre chapelle ne
vit plus qu'à l'état de souvenir déjà bien effacé ; le
11 mars 1739, les officiers du bailliage de Cosne firent
sous le bon plaisir de Monseigneur, un bail au sieur
François Gandré, contrôleur des actes, d'un terrain,
dépendant d'une petite maison située vis-à-vis de
THôtel-Dieu de Cosne, derrière l'endroit où était autre-
fois la chapelle de Saint-Firmin.
Depuis, c'est la nuit noire de l'oubli total : M. Le-
bœuf qui, dans son Histoire ecclésiastique et civile
d'Auxerre, publiée en 1743, n'a omis aucune des églises
et chapelles de Cosne, ne parle pas de celle de Saint-
Firmin. Il faut du reste penser que cet oratoire n'avait
jamais été très important, car un sieur Duplessis qui,
dans son testament du 15 août 1504, avait été fort exact
à faire des legs à chacune des églises de Cosne, et
même à quelques-unes des environs, ne fait aucune
mention de celle de Saint-Firmin. L'exiguité de la
chapelle a du reste seule permis qu'elle fût engloutie
par une rivière telle que le Nohain ; en tout cas, il
■
I
/
— 205 —
était grand temps, ce nous semble, d'interrompre
la prescription de Toubli qui paraissait en bonne voie
de s'acquérir.
CHAPELLE NOTRE-DAME-DE-GALLES
M. Lebœuf, auteur de l'ouvrage plusieurs fois cité
précédemment, conteste l'antiquité et l'origine géné-
ralement admises de ce sanctuaire ; il se fonde sur ce
qu'à l'époque où il écrivait, c'est-à-dire vers le milieu
du xvni'^ siècle, il n'y avait rien dans l'édiSce qui
remontât à plus de deux cent cinquante ans. Il n'en est
pas moins vrai que cette chapelle existait antérieure-
ment à l'évèque Humbault, puisqu'il est dit que ce
prélat l'orna et l'enrichit. Un autre évêque d'Auxerre,
F. Cassinel, porta en 1385 un règlement qui disposait
que toute la cire offerte dans la chapelle de Notre-
Dame-de-Galles appartiendrait au chantre de la collé-
giale de Cosne.
La date la plus lointaine qu'admettrait M. Lebœuf
sarait celle de l'épiscopat de Jean Baillet (1477-1513),
car il signale les armoiries de cet évoque en plusieurs
endroits de la chapelle, savoir au-dessus du grand
portail et à plusieurs vitraux ; l'édifice est effective-
ment du style de cette époque, mais ce pourrait être
la date de la restauration ou de la réédification. En
tout cas, la chapelle, dont l'existence antérieure est
démontrée, comme nous venons de le voir, eût été
située ailleurs, ce qui n'est guère probable, car on n'en
a jamais relevé les traces et il n'en est parlé nulle
part.
Un certain nombre de chapelains étaient attachés à
ce sanctuaire ; le testament précité du noble homme
Duplessis accorda un écu d'or à cinq d'entre eux :
I
i
— 206 —
mesures Martin Roux» Vincent Pailieron, Louis
Caillot; Jacques Cotaud et Jacques Belin.
La dévotion à Notre-Dame-de-Galles semble avoir
été assez suivie^ car, malgré la pénurie de documents
conservés à Cosne, nous voyons encore Jacques Bailly,
marchand en ladite ville, léguer, par testament en
date du 27 octobre 1699, à la fabrique de Cosne, en
considération de ce qu'il sera inhumé en la chapelle
de Notre-Dame-de-Galles, le bien à lui appartenant,
sis au lieu de Parigny, paroisse d'AUigny, consistant
en b&timents, demeure, cours, jardins, chenevières,
terres labourables et non laboiu'ables, prés et p&tures,
le tout ainsi que le dit bien se poursuit et comporte
à la charge par les procureurs fabriciens de l'église
Saint-Jacques de faire dire annuellement et à perpé-
tuité une messe basse de Requiem dans la chapelle de
Notre-Dame-de-Galles. Le môme testateur ordonne
qu'il sera placé dans la chapelle une tombe sur laquelle
seront inscrits son nom, le jour de son décès, son &ge
et ladite fondation. Il veut aussi qu'il soit placé, vis-à-
vis de sa tombe, une épitaphe sur laquelle seront
inscrits en lettres d'or ladite fondation et son testa-
ment. Ses volontés furent fidèlement exécutées et,
dans les derniers temps, alors que la chapelle était
profanée et tombée à l'usage d'écurie, on pouvait
encore lire l'inscription, bien qu'elle eût été grattée et
endommagée.
La chapelle de Notre-Dame-de-Galles était, en effet,
devenue l'écurie de l'hôtel du Grand-Cerf ; plusieurs
démarches furent faites pour la sauver en la mettant
sous la sauvegarde soit de l'Etat, soit de la commune ;
deux préfets donnèrent môme les meilleures assu-
rances ; mais la lenteur des formalités administratives
et l'indifférence du conseil municipal x^q permirent
— 207 —
pas d'aboutir. En 1897, la façade de la chapelle fut
démolie pour cause d'alignement.
Les beaux vitraux des verrières de Tabside, qui
représentaient la généalogie de Notre-Seigneur Jésus-
Christ, se dispersèrent chez quelques amateurs.
L'église de Saint-Père acquit, on ne sait comment,
quelques pièces qui furent mises en place avec le soin
et l'intelligence que nous avons vus.
LE PALAIS ÉPISCOPAL
Il parait que l'emplacement où se trouvait le palais
épiscopal b&ti par l'évoque Humbault, à la fin du
XI* siècle, a été l'objet de vives discussions locales ; il
ne parait cependant y avoir aucun doute à cet égard ; un
dénombrement fait au xvn» siècle mentionne « l'an-
cienne maison épiscopale oU est contenu Vauditoire »
et différents autres textes plus anciens, où se trouvent
des références topographiques, confirment cette indica-
tion suffisamment catégorique d'ailleurs par elle-même.
Le palais épiscopal devint tour à tour couvent,
palais de justice, et hôtel de ville jusqu'à la construc-
tion de la mairie actuelle.
L'HOTEL-DIEU
L'origine de cette maison, située sur la paroisse
Saint-Agnan, ne nous est pas connue ; nous savons
seulement que l'Hôtel-Dieu existait déjà au début du
XVI» siècle, puisqu'on 1504, Claude Duplessis lui laissait
par testament diverses libéralités ; il y existait une cha-
pelle que le pieux donateur n'eut garde d'oublier.
Les Sœurs d« la Charité de Nevers ont commencé
à desservir l'Hôtel-Dieu de Cosne en 1782, et sœur
Prazède Bernard fut leur première supérieure. La
— 208 —
maison avait alors un peu plus de 1,300 livres de
revenus placés en rentes sur TEtatet administrés, sous
le titre de Dot des Pauvres^ par les échevins, les deux
curés et quelques notables.
Ainsi que cela se pratiquait couramment sous Tan-
cien régime, à l'assistance publique était jointe Tins-
truction; dans plusieurs documents des premières
années du xviii« siècle, il est question de subventions
municipales à l'école des filles établie à THôtel-Dieu.
LA MALADRERIE DE COSNE OU HERMITAGE
Il est possible, mais non pas certain, que ce soit de la
chapelle de la maladrerie de Cosne qu'il est question
dans un accord, de l'année 1313, entre Hervé de Donzy^
seigneur de Gien, et l'évèque d' Auxerre, mais elle exis-
tait sûrement au xiv* siècle, car elle est nommée dans
impouillé du diocèse d' Auxerre, rédigé suivant les tra-
ditions et usages du xv* siècle, ainsi qu'en fait foi la
copie écrite en l'an 1535 : In leprosaria Conadœ
est quœdam capellania cujus collatio pleno jure per-
tinet ad Dominum episcopum, nec revocabilis ad
nutum. Ce qui n'empêcha pas le duc de Nivernais»
en l'année 1675, de comprendre, dans l'énumération
des droits généraux dépendant de son ch&tel de Cosne,
la collation et entière disposition de la chapelle de
Saint-Lazare, ^ ancienne fondation de nos seigneurs
les Ducs et Comtes de Nevers » .
Cette léproserie, encore occupée en 1504 par des
ladres, objet des inépuisables libéralités testamentaires
de Claude Duplessis (une rue de Cosne porte-t-elle
au moins son nom?), fut réunie à THôtel-Dieu à
une époque indéterminée. Les biens qui en dépen-
daient n'étaient pas très considérables, si l'on en juge
par certains baux du xvnv^ siècle sans grand intérêt.
-. 209 -
LES BÉNÉDICTINES DE COSNE
En Tannée 1649, Pierre de Broc, évoque d'Auxerre,
ayant fait revenir les bénédictines d'Auxerre de
Charentenet , leur maison de campagne , où elles
s'étaient retirées depuis les guerres de la Ligue, les
engagea à prendre la réforme du Val-de-Grâce , en
môme temps qu'elles rentraient dans leur monas-
tère de Saint- Julien qui venait d'être rétabli à neuf.
Une des religieuses qui avait le plus contribué alors
à ladite réforme établit peu de temps après, sous la
môme règle, une communauté au faubourg Saint-
Agnan de Cosne, sous les auspices du prélat. Nicolas
Colbert, qui occupa le siège épiscopal d'Auxerre de
1670 à 1676, fit fermer par de hautes murailles le
monastère des bénédictines créé en 1665.
En 1722, il y avait huit religieuses : dames Fran-
çoise de Blutteau, prieure perpétuelle; Madeleine
Billacois , sous - prieure ; Marie Lefèvre, Claudine
Guérin, Marie de Jouvart, Elisabeth Renaud, Fran-
çoise Saujet et Marguerite Maillard. Etaient prieures
en 1678^ dame Marie de la Barre et, en 1738, dame
Marguerite Dargouges de Grateau.
Les bénédictines de Cosne embrassèrent les idées
jansénistes, sous l'influence de leur directeur spiri-
tuel, M. Rigault, curé de Saint-Père, qui professait
ces doctrines, ainsi qu'un bon nombre des prêtres du
diocèse; malgré la défense formelle de l'évêque qui
leur avait interdit de recevoir M. Rigault, les béné-
dictines s'obstinèrent dans leur erreur et ne parais-
sent pas môme^ dans leur désobéissance, avoir gardé
les formes ; elles crurent, sans doute, de leur hon-
neur de rester fidèles à leur directeur, sujet à ce que
T. TL^ a* série. 14
les jansénistes , dangereux novateurs dans TEglise,
appelaient la persécution.
A la Révolution, le couvent des bénédictines subit
le sort commun des biens nationaux et fut longtemps
occupé par un pensionnat ; un moulin sur la rivière
de Nohain en dépendait.
Tels sont les renseignements qui nous ont été
fournis depuis le jour où la partie principale de ce
travail a été soumise à la Société Nioernaise ; ils
intéresseront particulièrement les habitants de Cosne,
mais ils ne sont pas dépourvus d'un intérêt plus
général et d'ailleurs plus l'histoire locale sera connue
dans ses détails , plus nous arriverons à connaître et
surtout à comprendre l'histoire provinciale et géné-
rale. A. M-
>■ t>—
- 211 -
U TAILLE ET LA CAPITATION
DANS LA
PAROISSE DE CHAMPVERT EN 1779
Au nombre des impôts qui, de l'époque féodale à
la Révolution, pesèrent lourdement sur le peuple,
figurent la taille et la capitation.
Nous dirons un mot de chacune de ces redevances
avant d'aborder l'examen d'un Rôle dressé, en 1779,
par les collecteurs de la paroisse de Champ ver t.
Taille. — La taille, établie par Charles VII, fut,
à l'origine, uniquement affectée à l'organisation des
troupes permanentes ; mais cet impôt, ayant ensuite
changé de destination, fut remplacé, en 1549, par une
redevance spéciale à l'entretien de l'armée : le taillon,
ou annexe de la taille.
La taille, ou impôt foncier, pouvait être réelle^
personnelle ou mixte. Dans le premier cas, on la per-
cevait sur les meubles et les immeubles ; en second
lieu, elle était due par les industriels, commerçants et
artisans, en raison de leur travail ; enfin, elle frappait
simultanément les terres et les revenus.
De plus, elle était arbitraire puisque la somme à
payer — dépendant du bon plaisir du roi et n'étant
pas toujours calculée sur le revenu ou la valeur des
biens — pouvait varier d'une année à Tautre.
Enfin, contrairement à toute justice^ les nobles,
le clergé et les magistrats qui avaient acheté leurs
charges, étaient exempts de cet impôt, fixé chaque
année par le roi, ses conseillers ou ses ministres, puis
réparti entre les provinces (1).
Dans celles-ci, le rôle était dressé par les Etats ; et,
dans les pays d'Election, par les intendants. Puis,
les collecteurs, ordinairement choisis par les habitants
assemblés (2), taxaient chaque individu selon ses
moyens présumés et percevaient ensuite l'argent (3).
Mais cette répartition n'ayant point de base fixe,
intendants et collecteurs pouvaient soulager ou charger
qui bon leur semblait (4).
La besogne de ces receveurs improvisés était
d'ailleurs compliquée et très délicate ; et, bien que
l'instruction, le prestige ou l'indépendance leur fissent
généralement défaut, ils étaient responsables du mon-
tant total du rôle qui leur était remis (5).
Il fallait donc que toutes les sommes qui y figuraient
fussent entièrement acquittées ; aussi le poids de cet
impôt — établi d'après le nombre des feux — retom-
(1) Gela s'appelait « délivrer le brevet ».
(2) Si TAssemblée n'en désignait point, ils étaient nommés d'office par
les intendants.
(3) Les collecteurs s'assemblaient généralement au cabaret afin de
décider entre eux le chiffre à fixer pour chaque habitant ; mais ils res-
taient souvent plusieurs mois sans se mettre d'accord. Quand le recouvrement
était décidé, ils sortaient tous ensemble pour procéder à la levée de l'impôt,
et cela, afin d'éviter les injures et les coups. Il leur arrivait même, en
parcourant les rues de se rencontrer avec les collecteurs de l'année pré-
cédente, qui n'avaient point encore achevé leur recouvrement, tellement
leur passage soulevait d'imprécations et de cris de la part des paysans.
(4) Cette latitude fut la cause d'injustices regrettables ; on voyait, en
effet, des paroisses riches, possédées ou protégées par de hauts fonc-
tionnaires ou de grands seigneurs, moins frappées que certaines commu-
nautés pauvres, dépourvues d'influences.
(5) Au milieu du xvii« siècle, les collecteurs de certaines paroisses
avaient pour rôle un bdton carré de deux doigts de large, long de
deux aunes, sur lequel ils faisaient des crans au couteau pour indiquer
)es sommes dues et les paiements effectués.
— 213 —
bait-il lourdement sur les cultivateurs indépendants
et les petits artisans.
Cela explique pourquoi certains taillables cher-
chaient à se faire croire plus pauvres qu'ils ne Tétaient
réellement, simulant la misère pour payer moins ou
versant des acomptes dérisoires (1).
Et, s'il arrivait que des paysans paient mal ou pas
du tout et que les collecteurs refusent de parfaire le
montant de leur rôle, on emprisonnait ces derniers
sans pitié (2).
« C'est ainsi, disait avec raison Turgot^ qu'on rédui-
sait successivement à la misère toutes les familles
aisées d'un village ».
Capitation. — Quant à la capiiation, ou cote
personnelle, elle devait être calculée sur le revenu de
chacun ; mais le clergé s'en fit exempter en versant une
somme égale à la contribution de six années.
De leur côté, les nobles obtinrent que leur part de
cet impôt serait déterminée par l'intendant ; celui-ci
les taxait donc d'oflBce ou plutôt, par politesse, il
acceptait l'évaluation faite par les seigneurs eux-mêmes,
lesquels, cela se conçoit, se taxaient modérément.
(1) Quand l'intendant trouvait trop lente à son gré la rentrée des impôts,
il envoyait dans la paroisse une escouade d'huissiers et de sergents ; mais
comme souvent on payait la course des uns et qu'on faisait boire les
autres, ils repartaient sans avoir inquiété personne. 11 en était quelque-
fois de même à plusieurs reprises, ce qui constituait pour la paroisse une
certaine dépense. Â la fin cependant , Tintendant se fâchait ; alors les
huissiers retournaient au village, saisissant tous les bestiaux sans s'occuper
qui avait ou n'avait piis payé, les habitants étant solidaires entre eux.
Quand la vente des animaux ne suffisait pas, on enlevait les meubles des
malheureux, malgré leurs lamentations ; on décrochait même les portes et
les volets de leurs cabanes, démolissant celles-ci au besoin pour en
vendre les briques et les poutres.
(2) C'était encore aux frais des habitants que les huissiers faisaient
mettre en prison les collecteurs, qui n'en sortaient que malades et ruinés
pour faire place à d'autres Tannée suivante.
- 214 -
C'est ainsi que cette redevance fut versée presque
exclusivement par le peuple, sous le nom de capitation
iaillable (1).
Voyons maintenant comment, dix ans avant la Ré-
volution, la taille et la capitation se répartissaient entre
les habitants de Champvert.
Le rôle que nous allons examiner fut dressé le
18 mars 1779 (2). Des trente-deux feuillets rectangu-
laires, cotés et paraphés, qui le composaient jadis, les
douze premiers ont disparu complètement avec la
moitié de la couverture (3) ; les dix feuillets suivants
sont à demi rongés par Thumidité et la dent des rats ;
le reste est à peu près intact.
Le montant de la taille est porté au verso, et le
chiffre de la capitation au recto de chaque feuillet. Ces
deux mots se répètent en haut et dans la marge de
chaque page correspondante où on a également inscrit
l'argent versé.
Le total des sommes à percevoir est fait en livres et
en sols au bas de chaque page et sans report. Les noms
des taillables ont été biffés après le paiement intégral,
certains d'entre eux s'étant acquittés en trois fois.
Les parties restées intactes des feuilles 12 à 19, in-
diquent que les taillables étaient groupés par villages,
et ceux-ci, inscrits au hasard, sans ordre alphabétique.
Dans cette énumération, on rencontre en sous-titre :
Im Machine; ce lieu, alors de peu d'importance, dé-
pendait de la» paroisse de Champvert.
(1) A. Hambaud, Histoire de la civilisation française.
(2) Nous en devons la communication à Tobligeance de M. Louis Hoblin,
des Nolats, qui Tavait découvert dans les intéressantes archives de feu son
père, lequel fut longtemps adjoint de la commune de Champvert.
(3) Cette couverture était un acte de bordelage sur parchemin dressé au
XVI* sièdci et relatif à des héritages situés à Champvert.
- 215 -
Les (( biens venants » (1), qui s'appliquent à cinq tailla-
blés, sont au feuillet 32 ; leur montant s'élève à 11 livres
16 sols pour la taille, et à 12 livres 19 sols pour la
capitation.
C'est à la suite de ces totaux que se trouvent ces
deux mentions :
« Exempt : M. le Curé.
» La paroisse est composée de cent quatre-vingt-
dix-huit cottes ou feux ».
Puis on lit cette formule, également répétée à la page
suivante, avec la variante du mot capitation : « Fait,
calculé et arresté le présent roUe de taille, qui est
conforme à la commission, en présence des collecteurs
qui ont déclarés ne sçavoir signer de ce enquis (2).
A Decize, ce 18 mars 1779 » — Signé, Decray, avec
paraphe, et au-dessous le mot : Scribe.
Vient enfin le visa de l'élu préposé à la vérification
du rôle, ce qu'il constate simplement pour la capitation
par ces mots : « Vérifié le 29 mars 1779 )), suivis de sa
signature, tandis qu'au bas du feuillet 32 — le dernier
du rôle de la taille — il inscrit cette longue mention :
(( Vu, calculé, cotté, paraphé, le présent roUe trouvé
conforme en la minute et monter aux sommes portées
par la commission, dont nous permettons la levée, à
l'effet de quoy le déclarons exécutoire contre les y dé-
nommés, non obstant opposition ou appellation quel-
conque et sans y préjudicier, après néanmoins publica-
tion faite diceluy a lissue delà messe ou vespre de
(1) Il s'agit évidemment des habitants les derniers venus dans la paroisse
pour s'y fixer.
(2) En présence de cette déclaration, on est tenté de se demander
comment ces collecteurs illettrés pouvaient percevoir les sommeis portées
au rôle et les inscrire en marge où il est facile de constater des écritures
différentes, ce qui laisserait supposer que plusieurs d'entre ces collecteurs
eurent le rôle entre mains.
— 216 -
paroisse, du jour de dimanche ou feiste. Fait par nous,
conseiller du roy eslu, à Nevers, le 29 mars 1779. » —
Signé : Ferrand de la Forest, avec paraphe sembla-
ble à celui qui accompagne la cote de chacun des
feuillets du rôle.
A cet examen de la disposition matérielle du registre,
il convient d'ajouter celui, non moins intéressant, des
documents qu'il renferme, ces derniers pouvant servir
non seulement à l'histoire de Champvert et de La Ma-
chine, mais encore de terme de comparaison pour
l'assiette de la taille et de la capitation dans d'autres
paroisses.
Ce rôle indique que le second impôt était plus élevé
que le premier. On y rencontre, en outre, un certain
nombre de noms, qui sont ceux de familles habitant
encore actuellement Champvert ou La Machine. L'in-
dication du domicile, de la profession exercée et des
biens dont ils jouissaient alors, présente aussi son uti-
lité au point de vue de l'histoire locale.
De ce rôle, nous avons donc extrait les notes qui
nous ont paru les plus intéressantes :
Taille. Capitation.
Le n* JoUivot, manœuvre de
la thuillerie de Riéjot ; lad. thuil-
1er ie appartenant à M. de Ver-
neuil (1), de laquelle dépendent
S boisselées (2) de terre, jardin,
chenevière . .• 8^ 8^ 16"
Le n^ Brelin, laboureur au
domaine de Villecray 39^ 15» 43M0»
(1) M. de Manmigny, seigneur de Venieuil.
(2) La boisselée de Decize était alors de 6 ares 384 et le boisseau de
1 décalitre 361. (Gillet, Armuaire de Tan X.)
~ 217 ~
Le n^ Bourdin, jouissant du
moulin à M. de Verneuil, où il y
a un petit jardin et une chêne-
vière 351 391 17»
Claude Gelé, marteleur à la
forge du Ruau Gaillard (1) et
colecteur; lad. forge à M. de
Verneuil 8^ 8^ 16^
Jehan Mathé et consorts, logés
dans les chambres de lad. forge. .30" 22*
Claude Boulizon, laboureur au
domaine du Port 45^ 2» 49^
Berger, pontonnier, jouissant
du port, avec une petite maison
et jardin appartenant à M. Mey-
nis 71 4* 71 18»
La v^ Antoine Ciron, en mai-
son de loyer appartenant à
M. Meynis 2^ 4» 2^ 8»
Le s^ Maheux, propriétaire à
Roueterre (2), possède une mai-
son et un grand jardin 21^ 8» 23^ 11"
Le n^ Joly, laboureur au
domaine de Roueterre 55^ 4' 60M6»
Le n* André, laboureur à
Corcelles ; led. domaine apparte-
nant à M, Legaingneulx , a
2 charrues, emblave par an
18 razellées (3) de terre et re-
(1) Le Rio-GaUlard, actuellement dépôt de houille des minet de La
Machine.
(2) Aujourd'hui Rouëtard, non loin de Decize.
(3) La razeUée devait être une mesure locale dont la superficie nous est
encore inconnue, malgré les recherches auxquelles nous nous sommes
livré. — Trévoux, dans son Dictionnaire, dit que la raze est une espèce
de grand hoineau ; on n'en saurait conclure cependant que la razeUée,
- 218 —
cueille 6 charoits de foin 60^ 10» 6ff 8«
Germain Guay, laboureur à la
Fougère, ledit domaine au sieur
Dougny, a 2 charrues, emblave
15 razellées de terre par an et (d
recueille 8 charoits de foin A8^ 1» 53^ 6"
Jean Auboy, meunier du mou-
lin de la Fougère 921 2» 1011 7»
François Fouillât, manœuvre,
en maison de loyer appartenant
au s' Robinet, où il y a 1 jardin
et 1 chenevière gi 10» 2i 14»
Joseph Bourgeois, fermier du
domaine de Marcy, tant pour sa
cotte personnelle (62i 14») que
comme la hoisselée, désigne Tespace de terre qu'on peut ensemencer
avec un boisseau. — Du Gange rapporte que razelltim indique la môme
mesure que razeria, razière (terme encore usité dans le Nord de la
France), mais ne domie aucune indication de grandeur. — Littré et
Maurice de La Châtre sont muets, dans leurs Dictionnaires, sur le mot
razellée. — L'Encyclopédie du xw^ siècle, après avoir dit a que la quan-
tité de semence que pouvait recevoir le sol servait souvent de base à son
appréciation », sgoute : « Â Dunkerque, la razière vaut 159 1. 12, el à
Saint-Omer, 431 1. 73 ». il9- vol., p. 90.)
La couverture en parchemin du présent rôle de taille nous a fourni
quelques indications. — C'est une reconnaissance de bordelage du
xvi« siècle concernant des héritages sis à Champvert. Le mot razellée
y figure plusieurs fois, alternant, — comme dans le rôle, — avec celui
de boisselée ; et on y lit que la redevance bordelière se composait d'une
certaine somme d'argent et d'un « reizcaul de froment •. — Ce dernier
terme devait donc correspondre à l'ensemencement d'une rezellée de
terre, comme le boisseau concordait avec la boisselée. — On a émis
devant nous cette idée que la razellée ou rezellée pouvait équivaloir à
la demi-éoisselée, et, conséquemment, le reizeaul au demi-boisseau, «-
L'acte de bordelage précité, où il est fait mention de % de 4 et même de
4 rezcllées 1/2, semble indiquer qu'il n'y a, comme étendue, aucun
rapport exact entre les mesures de boisselée et de razellée, la grandeur
de cette dernière restant jusqu'ici indéterminée.
(1) Au-dessous de cet article figure, à la capitation, une signature très
grossière : Martin, qui est évidemment celle d'un coUeeteur.
-- 219 —
pour son droit de ferme (5^ 16'),
faisant en tout 68^ 10- 75^ 8»
(Ledit domaine, appartenant
au s' Robinet, a 2 charrues, em-
blave par an 16 razellées de terre
et recueille 8 charoits de foin.)
Paul Lioup, laboureur au do-
maine Grosjean, appartenant au
s' Robinet, a 2 charrues, emblave
par an 20 razellées de terre et v
recueille 8 ch. de foin 60^ 19» Q& 16*
Le n^ Dragne, meunier à
Varioux, ledit moulin apparte-
nant aux héritiers Souiller, où il
n'y a point de terre 11^ 9» 12M2»
Le n* Pannetier, laboureur
aux Pages, ledit domaine appar-
tenant à M. Davrilly (1), a
1 charrue, emblave 10 raz. de
t. et recueille 6 ch. de foin! .... 20^ 16» 29^ 9"
Le sr Rigny , régisseur à Roche,
ne possède rien dans la paroisse . 12^ 13^ 4'
Le n^ Garillarid, laboureur à
Roche, led. d**® appartenant à
M. de Roche 70^ 4» 77116»
Le n^ Charier, laboureur aux
Andrés, led. d°® appartenant à
M. de Roche, a 2 charrues, em-
blave 20 raz. de terre par an et
recueille 8 ch. de foin 56H2» 62^ 6»
(1) Avrilly, commune de Charrin, ancienne seigneurie voisine des
Pages, commune de ChampYert.
— 220 -
Le n^ Bossut, laboureur à
Vauvrille, led. d^ appartenant à
M. de Roche, a 2 charrues, em-
blave par an 18 raz. de t. et
recueille 8 ch. de foin 44^ 8» 48^ 17»
LA MACHINE
Estienne Desforges, manœuvre
et propriétaire 5^ 5^ 10»
Jean Barbette, en maison de
loyer 15» 16»
Claude Tiraux, prop'®, possède
une petite maison 8» 8»
Louis Poullinyer, prop"^®, pos-
sède 1 m°°, 2 razellées de terre et
recueille 1 charoit de foin 13^ 14^
,La v^® de Jean Desniaux,
prop^«, possède 1 petite maison
et 1 jardin 1^ 1^ 2»
Esme Barbette, manœuvre et
prop", possède 1 petite maison
avec jardin et chenevière 1^ 1^ 2»
Le n^ Jean Desniaux possède
une petite maison 2^ 2» 2^ 6»
Jean Henry, prop™, possède
1 maison et 6 b. de terre 6^ 10» 7^ 2»
Claude Gauteron, prop™, pos-
sède 1 maison avec jardin, che-
nevière et 2 b. de terre 2^ 2^ 4"
Louis Roquelle, maréchal et
prop", possède 1 maison, un
jardin et 4 b. de terre 6^ & 2"
1
— 2ai -
•
François Maillot, manœuvre
et prop^®, possède 1 petite maison 1^ 1^ 2*
Le n^ Machecourt, garde, en
maison de loyer à M. le Duc .... 1^ 1^ 2^
Léonard Bonnet, garde, en
maison de loyer à M. le Duc (1). 1^ 1^ 2*
Pierre Bornay, pauvre, en
maison de loyer 4" 5*
Nicolas Dubuisson, manœuvre
et prop'® , possède 1 petite maison . 6" ?•
La v^® Guichard, propriétaire,
possède une petite maison 1M5" 1^ 13«
CHAMPVERT
Le sieur Guérin, comme fer-
mier de la terre de Riéjot 15^ Itf 11*
Le s' Texier, fermier du
domaine Miraux 4^ 4^ 8»
Le s' Edmond Mouzat, fermier
du d*** Grosjean 6^ 6^ 12*
Germain Gautron, fermier de
Cherancy (2) 1* 10» 1^ 13«
Michel Delaud, fermier du
domaine Destampes (3) 1^ 10« 1^ 13«
Jean Godemard, fermier du
d»« Picard li 1^ 2«
Pierre Gauteron. fermier du
bien de Noél Gauteron, en Bornay 2^ 2^ 4»
(1) Le dac de Nivernais possédait, en effet, outre une maison près de
Téglise de Champvert, de belles forêts entre La Machine et Champvert.
(2) Aujourd'hui Charancy.
(3} Domaine de la famille d'EstampeSy devenu par corruption I9
domaine des Temples.
— 222 —
BIENS VENANTS
Le n^ Boulizoû, louager, en
m^° de loyer 1^ 1^ 2»
Colas Richard, manœuvre, en
m"^ de loyer 1^ 1^ 2»
Jean Ninlias, propriétaire, en
maison deloyer 10* lO»
Jean Auboy, fermier du d°® de
M- de Mareschet (1) 6^ 6^ 13»
Le n* Gendre, charron, en
m^"» de loyer à M. Dougny 3^ 6» 3^ 12«
Exempt :
M. le Curé.
Ainsi se termine Ténumération des personnes qui
figurent au rôle que nous avons dépouillé.
Gaston Gauthier.
(1) Aujourd'hui le domaine du Ëourgf.
-223-
lE STATUETTE DE U DEESSE EFOM
PRÈS NEVERS
Dans la première quinzaine de mai, ayant entendu
parler de la découverte récente de quelques débris
antiques dans une carrière de pierre de la commune
d'Urzy , nous nous sommes rendus sur les lieux, plusieurs
de mes confrères de la Société Nivernaise (1) et moi.
Nous rencontrâmes la carrière sur la droite, et, tout
contre la route de Guérigny, à 11 kilomètres au nord
de Nevers et à 500 mètres au-delà du hameau du Greûx,
au lieu dit la Boulaise (n* 316, section B, du cadastre
d'Urzy). Cette carrière entame, sur plus de 10 mètres
de hauteur la falaise jurassique, qui limite à Test la
vallée où coule paresseusement la Nièvre. Elle appar-
tient à notre sympathique confrère, M. Edmond Hugon,
et est exploitée par M. Emile Morlon, aubergiste au
Greux, qui nous a fait visiter, avec une grande complai-
sance, l'emplacement et les, produits de ses recherches.
Celles-ci ont été faites dans un puits comblé, dé-
couvert au nord de la carrière ; en raison de la hauteur
de la nappe aquifère, M. Morlon n'a pu le déblayer
alors que sur 7 mètres environ ; mais ce travail a suffi
pour lui permettre de recueillir, en mélange avec des
pierres et quelques restes de foyers, les débris anti-
ques qu'il nous montra, et dont les caractères gallo-
romains nous frappèrent à première vue: tuiles à
(1) MM. le chanoine Sery, Paul Meunier et Albert Maron,
- 224 -
rebords, goulots de petites amphores typiques, tessons
minces et durs de vases funéraires, très bien cuits,
à couverte noire métallique, morceaux d'enduits de
murs en stuc, avec peinture claire coupée de raies
rouges et vertes, etc. (1).
Ces restes vulgaires, rencontrés très fréquemment
dans le Nivernais, n'ont qu'une importance documen-
taire ; mais ils étaient en compagnie d'un autre objet
antique qui mérite de fixer notre attention, et dont il
nous reste à parler : c'est une statuette de pierre grossière
et fort mutilée, mais pas assez pour qu'on n'y recon-
naisse encore nettement une femme drapée, assise sur
un cheval. Tel qu'il Subsiste, ce morceau mesure envi-
ron 0^ 33 de longueur et autant de hauteur, en y
comprenant un petit pilier de consolidation qui reliait
le ventre du cheval à un socle plat, dont on a retrouvé,
après coup et séparément, la moitié antérieure sur
(i) Ce puits a été foré sur un mètre environ de diamètre, et certainement
au prix de grands efforts, à coups de pic, dont les traces sont demeurées
partout apparentes dans les puissantes et dures assises rocheuses, avec des
bossages réservés tans doute pour permettre la descente le long des parois ;
il ne semble pas avoir eu de revêtement, qui, du reste, eût été sans utilité.
Récemment, un habitant d'Urzy a dit qu'un puits avait été ouvert dans
cette carrière, il y a cinquante ans, dans le but de procurer aux ouvriers
de l'eau plus à portée que celle de la rivière, pourtant peu éloignée, et que
ce devait être le puits récemment remis au jour.
n nous est impossible de donner ici une opinion personnelle ferme, vu
Tabsence de caractères suffisants, pour assigner une date au forage de ce
dernier.
Nous préférons donc ne pas autrement discuter la question, qui n*a ici
qu'un intérêt bien secondaire; pourtant, nous ferons simplement remarquer,
que pour la destination spéciale qui a été indiquée, l'emplacement du puits
semble assez mal choisi ; on se demande, en outre, si l'importance du travail
était en rapport avec les modestes services à en attendre ; et puis, comment
expliquer les motife de sa suppression, à une époque récente, et son comble^
ment avec des matériaux, surtout la présence, parmi eux, de charbons et
d'objets anciens, dont on n*a signalé aucune autre trace dans le voisinage?
STATUETTE ANTIQUE
représentant la déesse " EPO N A "
trou vf'e sa Sreux, C%*d 'OrMj(Kivr»j m i$08.
— 225 —
laquelle les sabots de devant de la monture sont
restés adhérents.
Le personnage n'a plus sa tôte, qui était rapportée
et fixée par un tenon dans une cavité cylindrique bien
visible au haut du tronc. Quant à l'animal, il est privé
tout à la fois de sa tête, de sa queue et de ses jambes.
Je fus frappé immédiatement de l'analogie que pré-
sente ce petit monument avec d'autres déjà signalés^
qu'on semble d'accord, aujourd'hui, pour regarder
comme représentant Epona, l'antique déesse protec-
trice des écuries, dont les Romains auraient emprunté
le culte aux Gaulois, chez lesquels il était fort répandu.
Le vêtement de l'écuyère est supérieurement tout
plissé transversalement; au contraire sa longue jupe
descend en petits plis verticaux, réguliers et raides,
jusqu'aux pieds, dont les deux bouts seuls émergent :
ceux-ci sont appuyés sur ime traverse horizontale ou
tablette, comme en portent, — surtout comme en
portaient autrefois, — retenues par deux courroies,
des selles de femme disposées en siège.
La main gauche, la seule demeurée entière, tient
une boule ovoïde sur laquelle deux traits en croix sont
nettement et assez profondément incisés, détail que
nous n'avons pas encore observé, sur les autres figures
d'Epona, qui portent d'ordinaire des boules lisses, des
fruits, des espèces de bourses, des couronnes, cornes
d'abondance, patères, œnochoés ou autres vases, etc.
Autre détail particulier sur lequel j'insiste encore
plus spécialement : la cavalière est assise du côté
gauche de sa monture, tandis que les autres représen-
tations connues de la déesse, tout au plus à une ou
deux exceptions près, sont toutes assises à droite (1).
(1) Plusieurs de ces représentations ne nous sont connues que par des
gravures, et on sait que souvent, par suite d'inattention du graveur, les
positions sont inversées et les écuyères peuvent être figurées dans une
position symétrique à leur véritable.
T. IZ; 3* série. 15
^
- 226 -
La crinière du cheval est indiquée par des traits
obliques dirigés presque parallèlement à l'encolure.
Cet exemplaire, comme du reste la presque totalité
de ses similaires en pierre, est d'un travail naïf et
barbare ; notamment les plis de la draperie sont d'une
raideur toute géométrique et rien n'y fait deviner les
formes recouvertes, ni sentir un mouvement comme
dans les œuvres que l'art a plus ou moins inspirées.
Malgré ses imperfections et son état de regrettable
mutilation, cette petite sculpture n'en est pas moins
fort intéressante, car ses pareilles sont encore rares,
surtout celles en plein relief, et cantonnées dans cer-
taines régions qui toutes ont été occupées par la race
celtique.
La Nièvre, malgré la richesse de ses gisements
gallo-romains, comme ceux de Saint-Révérien et
d'EntrainS; qui ont fourni nombre de statuettes, n'en a
pas encore livré de ce modèle.
Pourtant, il faut le dire, Epona n'était déjà pas une
étrangère pour le Nivernais, car cette dernière localité
d'Entrains a fourni, en 1896, deux intéressantes ins-
criptions romaines dédiées à notre déesse (1).
La Nièvre, en outre, confine au groupe de dépar-
tements qui ont fourni le plus de souvenirs d'Epona et
qui forment une vaste région occupant tout l'est et le
nord -est de la France, pour se continuer en Allemagne,
surtout dans les provinces rhénanes, région qu'on peut
considérer comme celle où son culte était le plus
répandu.
Il y a quelques années, on s'était encore fort peu occupé
(1) Elles ont été décrites dans nos ByMeHns par M. Sarriau, en 1897
(tome XVII, p. 145 et suiv.)
On ne connaît guère que 25 inscriptions ainsi dédiées et la France, les
deux d'Entrains comprises, ne figure dans cette liste que pour moins
d*un tiers (je n'en connais que 8}.
^>^
— 227 —
de cette question d'Epona et on ne connaissait guère
qu'une dizaine de ses représentations : aujourd'hui,
depuis que M. Salomon Reinach a pris cette étude en
mains (1), environ plus de 45 sont relevées rien que
pour la France et plus de 25 pour l'étranger (plus de
20 pour la seule Allemagne de la région du Rhin), ce
qui fait un total de plus de 70.
Sur ce nombre, il y a environ 25 bas-reliefs en
pierre contre moins de 5 pleins reliefs comme le
nôtre, plus 30 statuettes en terre cuite et une
dizaine en bronze (2).
Pour continuer le relevé statistique, ajoutons que
jusqu'ici 19 départements français en ont fourni ; en
tête vient V Allier {7 exemplaires), puis l'ancien dépar-
tement de la Moselle (6), la Côte-d'Or et Saône-et^
Loire (chacun 5), les Vosges (5).
Chacun des suivants n'en ont donné qu'un exem-
plaire jusqu'ici : Ain, Aube (?), Charente, Eure,
Eure-et-Loir, Finistère, Gironde, Isère, Jura, Marne,
Haute-Marne, Meurthe, Vienne, Yonne.
Les 13 départements soulignés, qui sont contigus et
groupés de façon à former presque toute la région
nord orientale de la France, ont fourni à eux seuls plus
des 7/8 des monuments qui nous occupent : les six autres
sont disséminés au centre ou à l'ouest, entre la Seine
et la Garonne ; le Midi n'en a pas encore livré.
L'annexion de la Nièvre au grand groupe de l'Est,
qui va de Grenoble et Clermont à Metz, porte à 14 le
(1) BBOue archéologique, 1895, 1, p. 163-309 et p. 327 ; 1896, II, p. 187-
200 et 1899. I, p. ©1-70.
(2) L'énidit conservateur du muaée de Saint-Germain nous écrit i
l'instant qa*on lui a signalé depuis ses publications plus de dix autres
statuettes et bas-reliefs d'Epona, notamment un monument très important
découvert en Mésie, qui porte une inscription grecque ; il a lé projet dç
les publier d'ici peu.
f
-228 -
nombre des départements français de ce groupe qui se
continue en Allemagne.
Pour en revenir à notre exemplaire et pour nous
résumer, il présente les particularités suivantes :
1® L'écuyère y est assise à gauche, comme les ama-
zones modernes (tout au plus deux autres cas signalés ?)
2° C'est une statue de pierre, fait fort rare égale-
ment, la plupart des autres monuments en pierre
étant des bas-reliefs, et les matières de la presque
totalité des statues sont la terre cuite, plus rarement
le bronze.
3« La planchette servant de point d'appui pour les
pieds, a été rarement observée aussi.
A^ La boule à croix incisée est un attribut que je n'ai
pas encore relevé ailleurs.
Maintenant, faisons des vœux pour que le puits,
après déblaiement complet, nous fournisse en son fond
d'autres vérités, comme c'est le devoir de tout puits
comme il faut, et nous restitue aussi quelques-uns des
trop nombreux morceaux manquant à notre Epona :
son intérêt scientifique n'en augmentera peut-être pas,
mais elle pourra, du moins, alors se présenter plus
convenablement, nous n'osons dire devant ses admira-
teurs (car ces compléments ne sauraient lui refaire une
virginité artistique), mais tout au moins devant ses
curieux, et figurer plus décemment dans notre musée
lapidaire, qui lui tend les bras.
J. DE SAINT- VENANT.
Juin 1901.
- 229 -
LES PLUS ANCIENNES CHARTES
DU NIVERNAIS
JUSQU'AU X» SIÈCLE
Après les chroniques, qui sont les premières sources
des origines de notre histoire, viennent les chartes et
diplômes, qu'on découvre dans nos contrées aussitôt
que la société française commence à se fixer sur le sol.
Nous examinerons ici ces anciens documents, non
pour les étudier au point de vue paléographique, mais
simplement pour rappeler et réunir les faits histo-
riques relatés dans ces diplômes, les possessions, les
noms de localités, les seigneurs donateurs.
Ils sont, pour la majeure partie, imprimés dans le
Gallia Chrtstiana, les Historiens de France, les autres
recueils des savants Bénédictins et les histoires do
provinces.
Quelques-uns, restés encore inédits, ont été copiés
dans la collection Moreau, déposée à la Bibliothèque
nationale.
Moreau, historiographe du Roi, fut chargé de la
garde du Cabinet des Chartes, vaste conception de
M. de Paulmy, mise à exécution en 1759, dans le but
de réunir tous les documents relatifs aux origines de
l'histoire de France. Il fallait pour cela consulter les
innombrables chartriers disséminés dans toutes les
provinces, dans les archives publiques ou particulières.
Lambert de Barive copia les chartriers de Cluny et
— 230 —
dom Villevieille s'attacha principalement aux divers
dépôts du Nivernais.
Ces recherches, de beaucoup postérieures à celles
des Bénédictins de Saint-Maur, qui avaient déjà
fourni tant de documents, ont apporté un notable
contingent de pièces nouvelles, qui sont en grande
partie conservées dans la collection Moreau et classées
par ordre de dates en confondant toutes les provinces.
Les documents ni ver nais sont tous de la même
main^ sans indication de sources, cartulaires ou
archives. Il m'a été impossible de découvrir l'auteur
de ces copies. M. Delisle ni les autres bibliothécaires
n'ont pu me citer un nom.
Il est néanmoins hors de doute que ces copies ont
été faites officiellement, comme toutes les autres, et
qu'elles présentent les caractères d'une authenticité
suffisante .
A ces époques obscures et reculées, les documents
concernent toujours des églises et des couvents, qui
résumaient presque uniquement la vie d'alors ; à
titre exceptionnel l'intervention des seigneurs en fait
aussi l'objet de notions précieuses pour l'histoire
civile.
Aucun de nos documents ne remonte avant le
IX® siècle.
Le plus ancien date d'octobre 817 et concerne les
environs de Sauvigny. L'évêque saint Jérôme y avait
érigé un oratoire dédié à saint Etienne. Deux seigneurs,
Rodrado et sa femme Ildelinde, déjà donateurs de
nombreux: biens, avaient donné quelques avantages au
chapelain chargé de le desservir. Jérôme était mort on
816 et, en souvenir de sa pieuse fondation, trois
seigneurs de l'endroit, Antidius, Ogdilon et Bernoicus,
s'entendent pour compléter l'œuvre du saint évoque.
Ils donnent à l'oratoire de Sauvigny leurs biens,
— 231 —
consistant en terres^ forêts et autres champs cultivés,
réservant pour Tun d'eux, Bernoicus, un champ et des
clôtures en bois (macerias, maizières), le tout situé
dans le pagus de Nevers, au territoire de Marigny, au
lieu inconnu actuellement appelé alors Leobnago, mais
évidemment placé sur les bords de la Loire, près
d'Imphy.
A titre de précaution, presque toujours mentionnée
dans les donations d'église, le recteur ou bénéficiaire
s'interdisait de distraire la moindre parcelle des biens
donnés et les héritiers des donateurs s'engageaient à
ne jamais les reprendre.
Les noms de ces premiers donateurs méritent d'être
sauvés de l'oubli ; ils reparaissent seuls, au bas de
l'acte, avec une assez longue liste de témoins pris
parmi les serfs de l'endroit, sans intervention de
l'évêque Jonas ou d'autre personnage important (1).
Plusieurs diplômes qui suivent sont dus à l'empe-
reur Charles le Chauve, cherchant par de nombreuses
donations à témoigner sa reconnaissance et sa joie au
pays où il avait remporté la victoire.
Louis le Pieux, mort en 840, avait laissé son empire
en proie aux plus terribles dissensions. Ses trois fils,
Lothaire, Louis le Germanique et Charles le Chauve,
se faisaient une guerre acharnée. Leurs armées se
rencontrèrent le 25 juin 841, dans un endroit appelé
Fontenay ou Fôntanet, non encore bien déterminé, et
qui se trouve certainement entre Donzy et Auxerre,
par conséquent dans nos parages.
Les chroniques disent qu'il y eut cent cinquante
mille hommes de chaque côté, et que chaque adver-
saire perdit quarante mille hommes.
Les guerres de César dans les Gaules surprennent
(1) Gallia ChrUL, t. XU, col. 297, Inslrumenla.
- 232 —
par le nombre des combattants. Celles des Carlovin-
giens semblent presque aussi importantes, et l'on se
demande comment des régions, dépeuplées par l'ab-
sence de culture et les fréquents pillages, pouvaient
fournir de tels contingents aux arinées.
Les deux frères Charles et Louis, victorieux de
Lothaire, restent longtemps dans le pays, continuant
ime lutte que leur union rendait redoutable, mais qui
ruinait les habitants. Six mois après la bataille de
Fontenay, en janvier 841-42, Charles le Chauve
accorde à l'évoque de Nevers, Eriman, la confirmation
des biens de son église et, selon le style des chartes de
cette époque, il fait des allusions aux troubles et aux
malheurs qui ont accablé aussi bien l'église que les
autres habitants, car, dans de si graves épreuves, on
ne peut séparer les uns des autres.
L'église de Nevers, lit-on dans le diplôme de 842,
avait été bouleversée par les événements publics, ses
biens étaient détruits, ses serviteurs disparus, ses
clercs privés de ressources, ses chartes pillées, brûlées
ou dispersées, en sorte que tous les éléments de son
existence faisaient défaut. Dans des circonstances
analogues, Charlemagne, Louis le Pieux et Pépin,
avaient accordé aux évoques Jérôme et Jonas (800 à
829) la confirmation des biens de l'église de Nevers,
et Eriman, qui tenait à en assurer la conservation,
venait demander ce qui avait déjà été renouvelé à
chaque règne.
Charles le Chauve, en vertu de l'autorité de cet
acte, constate la vraie possession de tous les biens
obtenus par l'église de Nevers, soit ceux restitués à
saint Jérôme^ soit acquis par lui, ainsi que ceux possédés
actuellement et qui lui viendront par les pieuses lar-
gesses des fidèles.
Ce diplôme, rendu à Bourges, est le plus ancien des
— 233 -
privilèges de l'église de Nevers, renouvelant ceux de
saint Jérôme et de Jonas qui n'existent plus ; il com-
prend la généralité des biens sans aucun détail sur les
hommes et les localités de la province.
Peu de temps après, Charles le Chauve reparaît avec
son frère Louis dans les environs de Strasbourg, où
leurs armées prononcent le fameux serment raconté
dans les chroniques.
Dans un second diplôme, daté de 843 et assez sem-
blable au précédent, Charles le Chauve rappelle les
ruines de l'église de Nevers en choses et en hommes
{rébus et mancipiis) provenant du fait des guerres et
des nombreuses batailles qui eurent lieu dans la ville
de Nevers. Il reconnaît avoir lui-même profondément
opprimé cette localité en luttant contre ses ennemis et
les infidèles et en déployant toutes les forces guerrières
de son royaume.
Les soldats de la région nous ayant prêté secours
contl-e nos ennemis, dit-il dans son diplôme, et bravé
la mort avec nous, nous désirons qu'aucun d'eux ne
soit dépossédé de ses biens à moins qu'il n'ait encouru
une peine criminelle. Nous confirmons également à
nouveau les biens anciens et présents de l'église de
Nevers, ainsi que nos pères l'avaient fait, afin qu'ils
restent en droit sous son pouvoir.
De plus, nous accordons de notre autorité royale que
tous les biens enlevés à l'église et tenus actuellement
par nos vassaux, seront conservés par eux leur vie
durant, en rémunération de leurs services et avec le
consentement de l'évêque, pour revenir ensuite à
l'église après leur mort. A l'exception, toutefois, de ce
que le comte de la province {cornes ejusdem potes-
tatis) doit posséder.
Ainsi est établie par ce texte l'existence du premier
seigneur, administrateur de la province et représen-
tant du Roi, le comte, seigneur placé dans une posi-
tion supérieure à tous les autres et comportant une
autorité équivalente à celle de l'évèque, puisqu'il est
autorisé à garder les possessions prises sur le domaine
de Téglise.
Ces administrateurs, désignés sous le nom de
comtes amovibles paraissent dès le ix^ siècle et reste-
ront pendant près de cent ans avec leurs fonctions
temporaires.
Les autres seigneurs, vassaux du Roi, autorisés à
garder leur vie durant les biens saisis sur l'église
ont formé sans doute l'origine des barons vassaux de
l'évoque qui lui devaient foi et hommage et le por-
taient à son entrée, les barons de Druy, Poiseux,
Cours-les-Barres et Givry (1).
En 849, l'évoque Eriman revient encore sur la pré-
cédente prospérité de l'église de Nevers et les nom-
breux pillages dont elle fut victime dans les guerres
des fils de Charlemagne. Plusieurs biens avaient été
rendus à saint Jérôme, mais ni lui ni son successeur
Jonas ne s'étaient occupés du chapitre de l'église.
Eriman attribue aux quarante chanoines des biens
(villas) situés à Parigny, Germigny, Sauvigny, Ve-
ninges (Viringium),, Guérigny, avec leurs dépen-
dances.
Cette charte de 849 mentionne beaucoup de localités
dont les noms ont totalement disparu et qu'il sera
impossible d'identifier (2). Elle cite également un-
comte Hildrade, cornes Hildradus, sur lequel on ne
sait rien autre chose.
L'évèque Eriman, ne se bornant pas à améliorer la
(1) Gallia Chrisiiana, pièce U et III.
(2) En Morvan (in agra Morvin) une église dédiée à Saint-Sauveur,
Montilius, Lions, callidus fons, coloria, arcua. Pour Saint-Martin, Ârtado,
Orbado, Bordenago.
— 235 —
situation des chanoines de Saint-Cyr, établit plu-
sieurs couvents : celui de Saint-Martin de Nevers,
composé de seize chanoines et doté de plusieurs béné-
fices ; celui de Saint-Aignan, occupé par des moines à
Aubigny en Berry ; celui de Saint-Genest de Nevers,
où il installe des femmes.
Ces établissements et les biens dont ils vivaient sont
une indication de la richesse du pays ; ils ne devaient
être attribués en aucun cas à un bénéfice laïque, mais
ils n'en constituaient pas moins des ressources et un
état de choses satisfaisant.
A côté des couvents, il fait des fondations chari-
tables en créant à Nevers deux hôpitaux près de la
ville, l'un pour recevoir les pauvres, l'autre pour les
hommes nobles de passage (undique conjluentes), les
deux établissements entretenus aux frais de l'église et
sur ses bénéfices.
Eriman, en pasteur très zélé, ne négligeait aucune
occasion de consolider les possessions de son église,
aussi bien les villas et autres terres rapportant un
revenu direct que les monastères dépendant de son
siège épiscopal. En 850, se trouvant auprès de Charles
le Chauve qui attaquait Paris, il obtint une nouvelle
charte générale de confirmation pour les choses appar-
tenant actuellement à son église. On n'y voit l'inter-
vention d'aucun seigneur ni pour l'autorisation , ni
comme simple témoin. L'évoque était alors la seule
autorité vraiment locale ayant prépondérance dans la
région (1).
Au Concile de Soissons, en 853, Eriman, atteint
par l'âge et les maladies, demande à être relevé de
ses fonctions ; il est convenu qu'il restera avec
fi) Gall. Chrisl.y pièces IV et V.
— 236 -
Venilon, archevêque de Sens, jusqu'au rétablissement
de sa santé .
Revenu à l'évôché de Nevers^ il mourut en 860. .
Il y a trois textes du privilège de Magny où se
trouvent consignées les donations faites par Charles
le Chauve vers 859. Là encore, on trouvera diverses
indications sur Tétat du pays.
Il y avait à Magny un pèlerinage important en
l'honneur des saints confesseurs Vincent et Nazaire.
Adelard, prêtre rempli de zèle et de dévouement, avait
pu conserver les précieuses reliques des saints expo-
sées dans la crypte de l'église. Des anciennes splen-
deurs de cette station tout avait disparu dans les
guerres qui avaient ravagé le pays. Il s'agissait de
remonter cette localité si vénérée. Charles le Chauve,
assisté de l'évêque de Nevers, Abbon , se rend à
Magny et y signe un privilège où il restitue à Adelard
les avantages qu'il possédait auparavant. Le sanc-
tuaire et tout ce qui en dépend relèvera de l'église de
Nevers et sera placé directement sous la protection
royale. Ni comte, ni juge, ni toute autre personne ne
pourront exiger un cens, des parées ou quelque impôt
que ce soit. Comme seul tribut, le bénéficiaire devra
donner à Nevers une livre de cire à la fête de Saint-
Cyr, patron du diocèse. Le Roi ajoute qu'il accorde
ces biens à Adelard et à ses successeurs, en l'honneur
de saint Vincent et de ses reliques auxquelles il doit
le succès de ses armes et la pacification du pays et
qu'il pourra toujours de son vivant choisir celui qui
devra lui succéder.
Cette donation royale faite en 859 fut ratifiée quel-
ques années après en 867 dans une réunion synodale
de tous les évêques de la région. Les conditions prin-
cipales y sont renouvelées ; la propriété d'Adelard, qui
devra rester perpétuellement aux prêtres de Magny,
- 237 -
est située à Lurcy (1), et consiste en divers manses
garnis de maisons, jardins et vignes, où il peut se
faire moyennement cent cinquante muids de vin.
Belle et ancienne origine pour l'église et le bourg
de Magny^ gracieusement situés sur la grande route
de Paris, mais bien déchu de sa vieille célébrité reli*
gieuse
A Tavénement de Louis II le Bègue, Tévéque Abbon
joint le Roi à Troyes et obtient de lui une confirma-
tion générale des biens de l'église de Nevers et en
particulier de la donation de Magny , récemment
obtenue de Charles le Chauve.
On a soin de citer comme objets de donation, les
choses et les serfs, res et mancipia, précaution bien
naturelle qui permettait de mettre les biens en valeur
en leur assurant les bras nécessaires à la culture.
Cette mention presque toujours portée dans les
chartes, témoigne de l'esprit pratique et précis des
hommes d'alors qui, par leur persévérance, sont par-
venus à peupler et à cultiver nos campagnes.
Abbon assure donc à son église des terres et des
habitants pour les exploiter. Ces biens étaient situés
un peu partout, selon le hasard des donations. Le
diplôme de 878, pour les délimiter dans une certaine
mesure, nomme les pagi d'Auxerre, Autun, Nevers
et Avallon où vraisemblablement ils se trouvaient (2).
En 878, dans une charte relative à Saint-Germain-
d'Auxerre, on cite le comte Conrad et sa femme
(1) La désignation ne laisse aacun doate (in pago Nlv. in agro
magniacense, in villa Lursiaco), c'est l'ancienne paroisse de Luicy-sur-
Abron aujourd'hui réunie à Toury-sur-Abron. LMnatallation si ancienne
de cette colonie vinicole au milieu du ix* siècle mérite d'autant plus
d'êlre signalée qu'elle a été omise dans le Dictionnaire lopogt aphique,
{G'ill. GktUL, pièce IX.)
^2) 0 ///. ChrisL, pièce X).
-238-
Vadaldre, ainsi que les comtés d'Auxerre et de Ton-
nerre. Ce Conrad étendait certainement son pouvoir
sur le Nivernais comme on l'a vu dans la suite (1).
En citant l'église de Nevers, on dit « constructa in
honore S. Cyrici martyris ». La construction de Saint-
Jérôme doût il s'agit remontait environ à l'an 800.
Celle d'Abbon devait être la môme.
On dit encore pagi et non comtés ; les comtés n'ont
pas gardé les délimitations romaines des pagi, mais
à cette époque on désignait alternativement l'un par
l'autre. Les évôchés paraissent avoir adopté les
mômes limites que les pagi.
En 880, l'église de Tannay est rendue à Adalgaire,
évoque d'Autun. Ce bien {villa Taniacum) avait été
ravi comme tant d'autres à l'évôché, à la suite des
guerres, il faisait alors partie du comté d' A vallon et
fut définitivement rendu à l'évôché d'Autun. Cette
donation faite par le roi Carloman, à la demande de
Richard, comte d'Autun, est datée de Nérondes,
pagus de Bourges (2).
Carloman rend aussi à l'église d'Orléans une série
d'endroits qui lui avaient été enlevés par incurie ou
par violence (3).
En 881, le môme évoque Abbon obtient de Car-
loman la restitution de Cours-les-Barres, Curtim,
situé dans le pagus de Ne vers, vicairie de Lagny ,
latiniacense, sur le fleuve de Loire, consistant en
30 manses. Jadis possession de l'église, ces biens lui
avaient été enlevés à l'occasion des guerres. Carloman
consulte le conseil des grands {cum proceribus et pri-'
(1) DOM BouQUKT, Historiens dti France, t. IX, p. 350.
(2) HùL de France, t. IX, p. 418.
(3) Caltesia et Pauliacam in pago Bituricensi, Germiniacam et villam
que vocatur Marsiacus in pago NivemeDsi. {Hisl. de France, t IX, p. 419).
- 239 -
moribus palatii nostri) et approuve cette restitution,
en mémoire de lui et de ses ancêtres, en autorisant de
la destiner aux pauvres, aux gages des clercs ou aux
salaires des serviteurs de l'église (1).
(Curtim inpago Nevernense, in vtcaria latiniacense
super Jluvium Ltgeris, pièce xi, col. 307). Il s'agit
évidemment de Cours-les-Barres. La proximité du
fleuve ne saurait être appliquée à Cours-sous-Ma-
gny, situé plus haut entre Loire et Allier. Le texte du
Gallta 1770, porte Latiniacense, celui de Dom Bou-
quet 1757, antérieur de treize ans, (Hist. de France,
t. IX, p. 419), porte évidemment, par erreur d'im-
pression, Patiniacense, On ne saurait admettre
cette forme pour la localité appelée Patinges (Cher).
M. Longnon, dans sa Topographie des Gaules, en
vient à considérer la circonscription administrative
du comté de Nevers, appelée la vicairie de Lagny,
comme ayant subi un de ces changements de noms
assez fréquents dans l'ancienne Gaule, et propose de
lui substituer un nom de saint. Les localités appelées
Saint-Germain-sur-l'Aubois ou Saint-Léger-le-Petit
répondraient tout à fait aux questions de proximité
et de voisinage de la Loire indiquées dans l'acte de 881.
L'attribution du mot Curtim à Cours-les-Barres et
l'indication pour cet endroit d'une vicairie du comté de
Nevers peuvent être considérées comme la mention la
plus ancienne relative à cette partie de territoire
située sur la rive gauche de la Loire, aujourd'hui dans
le Cher, ayant toujours fait partie du Nivernais.
Au Dictionnaire topographique^ notre vicairie,
située aujourd'hui dans le Cher, est appliquée par
erreur à une localité dite Latigny, commune de Saint-
Père, près Cosne. Mfl' Crosnier, dans le Tableau de
(1) Gali. Chrùt., l. XII, pièce XL
- 240 -
V Histoire du Nivernais, y porte par erreur Cours-
sous*Magny.
Deux diplômes de 885 et 886 concernent la disposi-
tion et l'organisation d'un monastère de femmes dédié
à la sainte Vierge et au Sauveur, fondé à Cusset,
en Auvergne, diocèse de Clermont, par l'abbaye Saint-
Martin-de-Nevers. (In Cuciaco qui est in Arvernensi
comitatu). L'évèque de Ne vers, Eumène, avait présidé
à cette fondation, il était convenu qu'il nommerait
l'abbesse de concert avec les dames du couvent et à
la condition formelle de la prendre parmi elles. Afin
de leur reconnaître comme supérieur Tévôquede Nevers
et de ne pas penser à s'affranchir de sa suprématie, il
fut constitué en sa faveur un cens d'une livre d'argent
payable à la fête de Saint-Martin en novembre (1).
Le diplôme de Charles le Gros, de 886, expose la
demande simultanée du comte et de l'évèque de
Nevers et, dans les préliminaires de son récit, touche
à divers points d'histoire qui corroborent les chro-
niques.
Dans le cours du ix® siècle, il y a eu deux Bernard
que les historiens ont confondus. L'un, comte de Poi-
tiers, marquis de Gothie et de Septimanie, l'autre,
comte d'Auvergne, d'Autun et de Nevers, époux
d'Hermengarde, né en 840 mort en 886, qui eut un fils
du nom de Guillaume. Ce deuxième Bernard, dit
Plantevelue, se distingua dans les guerres contre Boson,
duc de Provence ; il est parlé de lui en termes très
louangeurs dans le cartulaire de Brioude (2). Baluze
et VArt de vérifier les dates (3) le séparent complète-
(1) GaU. Christ., t XII, pièces XII et XUI. Hist. de France, X, p. 347.
Mabillon, de re dipL, p. 654, pour la deuxième pièce. IIaluze, HUt. de
la m. d*Auv., t. II, p. 3.
(2) Baluze, HisL de la m. d'Auv.» t. Il, p. 3.
(3; T. U, p. 350.
- 241 -
ment du comte de Poitiers que Mo' Crosnier fait
comte de Ne vers.
En dernier lieu> Bernard Plantevelue assistait au
siège de Vienne, soutenu pendant deux ans par la
femme de Boson, avec la valeur d'une héroïne et Tha-
bileté du commandant le plus expérimenté, puis vers
août 886, il fut tué dans une autre batailldcontre Boson.
Notre diplôme vient confirmer en tous points ces
faits de la vie de Bernard qui vraisemblablement
joignait à ses nombreuses possessions le comté de
Nevers ; Guillaume déclare lui-môme être son fils, le
Roi le considère comme son fidèle soutien dans toutes
ses guerres, la date du diplôme, 886, est celle de la
mort de Bernard et de Tavénement de Guillaume, les
donations de ce genre marquaient presque toujours les
débuts de l'administration des seigneurs et le Roi ne
pouvait rien refuser au fils du fidèle guerrier qui venait
de mourir pour sa cause.
Le comte Guillaume, dit Charles le Gros, en abor-
dant Notre Majesté nous a supplié que pour le souvenir
inviolable et la fidélité de Bernard, son père, pour
la mémoire de notre nom et pour le salut de son &me,
nous consentions à mettre à la disposition de l'évoque
de Nevers Eumène, l'abbaye d'Iseure (Isodro), au comté
d'Autun et le couvent de Saint-Révérien, au comté de
Nevers. D'après l'avis de nos conseillers, nous rap-
pelant avec quel courage et dévouement le glorieux
comte et marquis Bernard s'est opposé contre nos
ennemis, traîtres et destructeurs de notre royaume,
principalement Boson et ses suivants, et qu'il est mort
en combattant vaillamment contre ces infidèles, nous
avons trouvé juste de consentir à la demande de son
fils Guillaume (1).
(1) Gallia ChrUt., XII, col. dlO, pièce XIV. — Hist. de France, tX,
p. 549.
T. IX, 3* série. 19
-.242 —
Guillaume fut surnommé le pieux. Cette première
charte signale la sainteté de sa vie, ses libéralités sont
exposées dans Baluze (1). Les localités très éloi-
gnées l'une de l'autre sont prises dans deux apanages
différents, déjà appelés comtés, nom administratif de
la circonscription. Iseure, près Moulins, comté d'Autun,
Saînt-Révérien, comté de Nevers, couvent dépendant
de Cluny .
Ce Guillaume devint premier comte héréditaire
d'Auvergne, marquis de Gothie et duc d'Aquitaine.
Le diplôme de Charles le Gros, de 887, pour les
biens du diocèse, contient beaucoup de noms de lieux
et, dans l'absence des actes antérieurs, peut être consi-
déré comme la plus ancienne confirmation. L'évéque
Eumène l'obtint de l'empereur pendant qu'il combat-
tait avec lui sous les murs de Paris contre les Nor-
mands.
Parmi les abbayes de la ville, on cite : Saint-Martin,
hors des murs ; Saint-Trohé, Saint-Arigle, Saint-Sau-
veur, Saint-Gildard et Saint-Loup, Saint-Genest et
Notre-Dame, où sont les moniales ; Saint-Didier, près
la porte ; puis dans les environs Saint - Franchy
(S. Francoveus), près Saint-Saulge ; Saint- Vincent-
de-Magny, Cours, au delà de la Loire : Cusset, dio-
cèse de Clermont, abbaye bâtie par l'évéque Eumène ;
risle-sur- Allier (insula Galli), près Mars, abbaye
donnée à Eumène par le comte Richard ; l'abbaye de
Glandon (?), Saint-Péreuse-en-Morvan, Saint-Parize,
entre Loire et Allier .
Plusieurs endroits appelés malli, où l'évoque comme
suzerain du lieu, rendait les jugements à date fixe,
ordinairement quatre fois par an, sur la place publi-
(ij HUL de la m, d^Auv.^ t I, p. 4.
— 243 -
que ou sous le porche des églises, Imphy, Urzy, Gué-
rigny, Marzy, Prémery.
Le cloître des chanoines, à Nevers, et divers champs
autour de la ville, des alleux communs accordés au
chapitre d'après d'anciennes conventions, à Saint-
Parize, Cours-les-Barres, Guérigny, Germigny, Sau-
vigny et Veninges.
D'autres localités non encore identifiées appelées :
Dagoniaco, Marsisiaco, Diguntio, A rtado et de bene'
ficio in promntia.
Enfin, des bénéfices non exactement désignés et
situés dans les comtés de M&con, Chalon, Autun,
Auxerre, Berry et Auvergne (1).
La première année de son épiscopat, 894, Tévèque
Francon fait avec un seigneur du M&connais une
convention dite jorecarra ou prestaria, c'est-à-dire,
d'après Ducange, un accord entre religieux et laïques.
L'acte prend la forme d'un diplôme revêtu de la
signature du roi Eudes, l'évéque et le seigneur étant &
la suite du Roi. La date de lieu manque.
L'évéque donne à Roccon, Garna, sa femme, Raoul
et Teudrade, ses enfants, pour leur vivant, plusieurs
manses situés dans le comté de M&con, appartenant à
Saint-Cyr, Saint-Martin et Saint-Genest. Les pre-
neurs paieront un cens annuel de 10 sols. Les biens
reviendront après leur mort à l'église avec toutes leurs
améliorations.
Deux autres pièces de l'évoque Francon. datées de
897 et 903, concernent Mars, Challuy et Gimouille.
L'église Saint- Symphorien, de Mars, avait été
donnée par un seigneur nommé Trutbald et occupée
par le chanoine Teutdgrimmus. Sur la demande de ce
(i) Gallia Christ., t. XII, pièce XV. * HUU de France, IX, p. 358. -^
Mabillon, ann. Benéd., lU, p. 687,
- 244 -
dernier, Tévêque lui donne une lie dans le fleuve
d'Allier et un pré, pour le cens de 10 sols.
L'église de Cballuy, appartenant à rarchidiacre,
reçoit également, en augmentation de revenu, des
dîmes à Sermoise et à Saint-Laurent de Gimouille,
une villa à Suilly, et le terrain sur lequel est bâtie
l'église de Challuy.
Le diplôme de Charles le Simple, daté de Soissons,
919, mentionne l'origine de Cosne, alors simple villa
sur les bords de la Loire avec chapelle dédiée à saint
Augustin. Le comte Séguin demande au Roi l'autori-
sation de la donner à son fidèle guerrier, Eptin, et &
sa femme, Grimelde. A la suite des villa et chapelle,
l'acte cite les dépendances rurales ordinaires et les
serfs qui l'habitaient (que sunt appendices ad mllam
Coniacum ex comitatu nivernensi).
En 935, une charte datée de Nevers contient la
donation d'un manse avec vigne à Parzy, en faveur
du chapitre de Saint-Cyr. Les donateurs sont des
chanoines, Jérôme, Isembard, Gui et Eumène. Ils agis-
sent entièrement seuls et leur acte, par exception,
n'est approuvé ni par l'évoque ni par aucun autre
personnage.
Le roi Raoul, à Auxerre, en 935, approuve par
diplôme royal la donation de biens domaniaux par le
comte Geoffroi à l'évoque de Nevers Tedelgrin, consa-
crant ainsi, pour l'avantage des populations, la bonne
entente entre les deux pouvoirs ecclésiastique et laïque.
Ces localités sont Amazy, Billy, monasteriolum, dans
le pagus d'Autun; Brinon, Grenois et Chevroches,
dans le pagus de Nevers.
Ce comte Geoffroi a pu être chargé de l'administra-
tion du Nivernais d'environ 925 à 940. Il s'agit certai-
nement de Geoffroi dit Papabos, nommé par le roi
Raoul, en 927, vicomte héréditaire de Bourges, à la
— 245 —
place de Guillaume II> dernier comte de Bourges de
la première série. Il y avait eu entre Guillaume et
Raoul des difficultés en Berri et en Bourgogne, à la
suite desquelles le Roi plaça définitivement le Berri
sous ladministration royale (1).
Quant à Geoffroi, notre charte de Brinon le qualifie
comte en 935, à Auxerre. L'année suivante, dans une
donation à Tabbaye de Cluny, datée de Ne vers 936,
8 avril, il comparait avec son épouse Ava et mentionne
la mémoire de son seigneur Guillaume (pro anima
quoque seniorts met Wilelmi) et parmi les signataires
de Nevers figure Eptin (2).
Ces coïncidences permettent d'identifier ce person-
nage de Geoffroi, vicomte de Bourges et comte de
Nevers.
R. DE LESPINASSE.
(i) ArL de véri/Ur les dates, II, p. 405.
(2) BnuEL; Cari, de Cluny^ I, n« 446.
1
— 246 -
ABBAYE
DES RELIGIEUSES BÉNÉDICTINES
DE
NOTRE-DAME-DE-NEVERS
Le plan de la ville d8 Nevers, dressé en 1759 et
conservé au Musée céramique, peut donner une idée
de la grandeur et de l'importance de labbaye Notre-
Dame : en effet, maisons, églises, cours, jardins, qui
en dépendent, couvrent im vaste espace entre les rues
du Croux, de Saint-Gtenest, de Saint-Révérien et la
dernière enceinte des remparts, en dehors de laquelle
sont môme restées quelques parcelles du couvent pri-
mitif.
Peu de détails subsistent sur cet ancien monastère
qui se trouve ainsi environné, à nos yeux, comme
d'une clôture mystérieuse ; d'autre part, chaque jour
voit disparaître quelqu'un des faibles vestiges échappés
à la destruction, en môme temps que s'effacent les
souvenirs qui en fixaient la destination ; c'est ce qui
m'a décidé à entreprendre une esquisse historique et
descriptive de l'abbaye Notre-Dame Le lecteur admi-
rera peut-être, comme je l'ai fait moi-môme, à quel
point l'histoire de l'abbaye se confond avec celle de
la ville de Nevers et môme celle de la province de
Nivernais; de telle sorte que cette étude offrira le
double intérêt de nous fournir d'utiles éclaircisse-
ments sur le passé de notre pays et de satisfaire notre
I>
2 O
3 >
S: 3
- 247 —
légitime curiosité sur les faits et gestes d'une Com-
munauté qui vécut derrière les murs de son cloître.
Le précis sommaire de la fondation du couvent et
les notices des abbesses feront la matière du premier
chapitre ;
Le second sera consacré au personnel, en dehors de
l'abbesse ;
Et le troisième ^ux constructions et dépendances.
Enfin, le récit d'une procession à l'abbaye conclura
le tout et sera comme le résumé et la synthèse dqs
mille détails épars dans les différentes parties de cette
étude.
CHAPITRE PREMIER
Saint Colomban, moine d'Irlande, né vers le milieu
du vi« siècle, vint deux fois à Nevers ; à son premier
voyage, en 600, il fonda le monastère de Saint-Etienne
pour des religieuses soumises à la règle qu'il avait
instituée. En France, beaucoup de monastères lui
doivent leur origine.
L'exemple du saint religieux et l'édification qui
s'exhalait de ces asiles de vertu et de prière étaient
un encouragement aux hommes de Dieu de fonder de
nouveaux couvents et aux âmes pieuses de se grouper
pour se sanctifier en commun. Aussi Théodulphe
Babolène, abbé de Saint-Maur-les-Fossés, fondateur
de trois monastères dans le Berry, fut-il sollicité par
Rauracus, évoque de Nevers, de doter sa ville épisco-
pale d'un second couvent de filles.
Les auteurs sont d'accord pour en fixer la fonda-
tion à l'an 624.
Le monastère de Saint-Etienne était au-devant de
la ville, en dehors des remparts.
■ u ,.
- 248 —
Celui de Notre-Dame, situé à Topposô, touchait au
pied de la muraille d'enceinte .
Tous les deux obéissaient à la môme règle : « Item-
que aliud Christi virginum juxta Nivernense oppidum
sub e&dem régula, nempe Columbani, construxit (1) r>.
Le choix de l'emplacement du monastère de Notre-
Dame fut déterminé par un événement qui rendait ce
lieu digne de respect et de vénération. Cette terre
avait bu le sang du premier saint connu dans le
Nivernais et personne ne songeait à révoquer en doute
l'authenticité de cette croyance profondément enra-
cinée dans les esprits et dans les cœurs : « En 374,
pendant la persécution d'Aurélien, suivant une pieuse
tradition conservée jusqu'à nos jours, dit Parmentier.
saint Révérien fut martyrisé en cet endroit (2) ». Dans
Tancien enclos de l'abbaye, le nom du saint donné à
une source, à une tour et à une rue voisines, a cer-r
tainement pour but de localiser et de préciser le ber-
ceau de nos origines religieuses, c Le lieu môme »
où le saint reçut la palme du martyre « était renfermé
dans une chapelle » qui existait du temps de Parmen-
tier, dans le jardin de l'abbaye (3). Cet édicule, vu
ses petites dimensions, n'est pas indiqué sur le plan
de 1759 ; mais il figure sur un ancien pastel (4) qui
représente une vue du vieux Nevers prise un peu au-
devant de l'abattoir actuel.
Tout le monastère est rempli des souvenirs du glo-
rieux martyr : « On y conserve une grande pierre
carrée sur laquelle saint Révérien eut, dit-on, la tête
tranchée (5) ».
(1) JoNAS, In viti8 abhatum Columbani et Eustasii, lib. X. p. 297.
(2) Parmentier, Archives de la ville de Nevers,, t I«% p. 383.
(3) Parmentier, p. 383.
(4) Au Mutée de la Porte-da-Groaz.
^) Parmentier, p. 883.
- 240 ^
« En Tannée 1719, continue Parmentier, une figure
de pierre en relief , après avoir été longtemps à la
porte de l'église, a été placée au-dedans où on la voit
encore. Elle a environ six pieds de hauteur. Tout le
corps parait enveloppé d'une manière de manteau qui
descend jusqu'aux pieds. La tête repose sur un
coussin; les deux mains sont rapprochées l'une de
l'autre et; jointes au-dessus de l'estomac. Le corps est
sous une épée inclinée de la gauche à la droite. A
chaque côté de la tête, il y a un ange qui semble
l'encenser. La position de cette pierre, du xiv* siècle,
était certainement couchée » .
Notre archiviste et historien nivernais réfute l'opi-
nion que ce personnage fût un comte de Nevers,
attendu qu'aucun comte n'a été enterré à l'abbaye...
Il penche à croire que cette représentation était plutôt
celle d'un saint : les anges avec leurs encensoirs rap-
pellent la sainteté du personnage ; l'épée , l'instru-
ment de son supplice, et il en conclut que rien n'em-
pêche d'attribuer à saint Révérien tous ces points de
rapport (1).
Tel est aussi le sentiment de M»' Crosnier (2).
La possession des reliques du saint martyr, le corps
presque entier, était le trésor le plus précieux de
l'abbaye. Le Père Artus du Moûtier, récollet, dans sa
notice de Saint-Révérien à laqqelle le Père Ribadé-
neyra fait des emprunts, mentionne deux reliquaires où
sont contenues les reliques du saint martyr : « Les
dames de Nevers, religieuses de l'ordre de Saint-
Benoit, ont dans leur abbaye le chef de Saint-Révé-
rien presque en entier dans une châsse d'argent^ et
(1) Cependant, je dois dire qae la présence des deux anges tenant des
encensoirs ne semble qa'une espèce de lieu commun que Ton retrouve sur
un grand nombr» de tombes des xiv* et xv" siècles.
(3) Congrégations religieuses de femmes du diocèse de Nevers, p.'iQ.
— 250 -
dans un6 caisse de bois est conservé la pldpart de son
corps (1) ».
Le Martyrologe d'Usuard fixe le martyre de Sain t-
Révérien in territorio Nioernensi (2). Le culte du
saint était public au vni*^ siècle ; le prieuré de son nom.
en Nivernais, existait dans le ix*.
Néanmoins, le lieu du martyre reste im point d'his*
toire qui n'est pas définitivement tranché, faute de
documents positifs anciens. Autun et même le bourg
de Saint-Révérien dans la Nièvre prétendent avoir été
le théâtre de la mort du saint martyr.
La légende de saint Révérien, au supplément niver-
nais du Bréviaire, conforme aux traditions locales,
rapporte que Révérien, évoque, Paul, prêtre, et
leurs compagnons, au nombre de dix, quittèrent
Autun, se dirigèrent vers le pays situé au couchant,
c'est-à-dire le pays nivernais, pour y répandre la divine
parole. Il fut saisi avec ses frères d'apostolat par les
soldats d'Aurélien qui, après la défaite de Tétricus à
Chàlons, se dirigeaient sur Autun, et essayèrent inuti-
lement de le faire sacrifier aux faux dieux ; ne pouvant
triompher de sa constance, ils lui tranchèrent la tête
ainsi qu'à ses compagnons (3).
Comment le nouveau monastère, sans défense, en
dehors de la ville, traverserait-il cette époque de
troubles, d'invasions et de guerres civiles, qui vien-
draient l'assaillir à si peu de distance de son berceau ?
Nous ne devinons que trop le triste sort qui lui était
réservé : la ruine, le pillage et peut-être l'incendie.
Au viii® siècle, les Sarrasins surtout se signalèrent
par le saccage et la dévastation du pays avoisinant
Nevers.
(1) RiBADÉNEYRA, Vie des Scùnts^ !•' juin.
(2) Patrologie de Migne, Martyrologe cTC/tuorci, tome U, page 112.
(3) Supplément nivernais au Bréviaire, 1*' juin.
I
Toutefois^ le couvent fut relevé après un certain
temps.
Ce fut révoque Hériman qui, après l'avoir recons-
truit au moins en partie, <c le regarnit de moniales ; il
leur rendit en môme temps tous les biens dont le
couvent jouissait jadis et leur accorda le privilège de
choisir elles-mèaMMi leurs supérieures, à la charge de
les faire confiimûr par Tévéque, et que s'il ne se trou-
vait pas parmi elles de sujets capables, elles s'adresse-
raient à lui et qu'il y pourvoirait (1) ».
Non content de relever le monastère Saint-Genès
ou abbaye Notre-Dame, il fondait deux hôpitaux près
de la ville et comblait de ses bienfaits et de ses lar-
gesses l'abbaye des religieux, de Saint-Martin, où il
exprimait le désir d'ôtre inhumé.
Mais, en réalité, ses restes furent déposés dans
l'église de l'abbaye Notre-Dame dont il était le second
fondateur. « Son corps repose dans la chapelle de saint
Jean l'Evangéliste, où l'on voit encore, dit Parmen-
tier, son tombeau élevé sur quatre petits piliers ou
appuis de pierre. La voûte (caveau) sur laquelle il
était ayant été détruite en 1689, on l'ouvrit par curio-
sité ; les ossements enveloppés d une étoffe de soie,
tirant sur le bleu, furent trouvés blancs comme neige.
Les Bénédictines en tirèrent quelques-uns ; le tombeau
a été mal rejoint (2) ».
Plus tard, deux évoques bienfaiteurs eurent leur
sépulture dans l'église de l'abbaye : Natran devant
l'autel de Notre-Dame (3), et Geoffroy devant l'autel
Saint-Pierre (4).
(1) Charte de Tëvéque Hériman citée par Parmentier, 3S6.
(2) Paruentier, 886.
(3) Ihid., 387.
(4) Ibid., 389.
-r 252 -
Vers 870, le corps de saint Genoul, déposé à Saint-
Pierre-le-Moûtier, dans le temps que les Normands
désolaient le royaume, fut reporté à Ëstrées par les
soins de l'abbé Aéric. L'auteur anonyme de la vie du
saint dit que, au passage des précieuses reliques à
Nevers, les religieuses de Tabbaye et les chanoines
demandèrent une des côtes et que. Tayaut partagée,
le sang coula des deux parties coupées.
Les Religieuses, qui possédaient une terre d'une
certaine importance à SardoUes, pensaient que saint
Genoul leur en avait fait don; mais M9' Crosnier
explique la chose autrement et d'une façon très ration-
nelle : les moines d'Estrées, ruinés, se réfugient dans
le Nivernais et viennent à Saint-Pierre-le-Moûtier ; on
peut supposer que leur détresse leur procure quelques
donations, entre autres la terre de SardoUes. Or, dans
les chartes du moyen &ge, on trouve souvent cette
formule : a Je donne à Saint-Hugues, à Saint-Benoit,
au lieu de dire aux religieux de Saint-Hugues, de
Saint-Benoit. Les religieux de Saint-Genoul, pour
témoigner leur reconnaissance aux Bénédictines de
Nevers dont ils avaient reçu une généreuse hospitalité,
leur laissèrent la relique mentionnée, et, en outre,
prétendaient les bonnes sœurs, la tôte de saint Genoul.
Pour les religieux d'Estrées, rentrant dans leur
monastère, la lointaine propriété de SardoUes en
Nivernais ne pouvait être qu'une charge ; ils l'aban-
donnèrent à l'abbaye Notre-Dame, et ainsi les reli-
gieuses bénédictines la tenaient en réalité de saint
Genoul, c'est-à-dire des religieux de Saint-Genoul (1) ».
L'évèque Eumène fit confirmer les biens de l'abbaye
par un diplôme de Charles-le-Gros en date du 18 dé-
cembre 888 (2).
(1) Mr Crosnier, Congrégations religieuses de femmesy page 11.
(2) Parmentibr, 387.
— 253^
En 1121, Tévèque Frwnond reconstruit tout le
monastère (1) et Cotignon dit qu'il en dédia l'église (2).
Vers 1130, le môme évoque réunit à l'abbaye Notre-
Dame plusieurs communautés religieuses disséminées
à Saint-Genest, Saint-Laurent et Saint-Arigle, et au
lieu de Saint-Arigle le Gallia Christiana dit SainU
Trohé; Michel Cotignon donne les noms des quatre
églises (3).
En 1180, Etienne, comte de Sancerre, certifie par
une charte scellée de son sceau que Florence de Cour-
celle donne à l'église Notre-Dame de Nevers sa vigne
de Saint-Satur, dite de Pont-Dom.
En 1229, le comte Gui et la comtesse Mahaut de
Courtenay donnent à l'abbaye le droit de prendre
chaque jour, pour le chauffage, une voiture de bois
vif et mort de la charge de deux chevaux, à condition
qu'on ferait à l'église Notre-Dame leur anniversaire et
celui du feu comte Hervé (4).
La plus jolie charte du fonds des Archives de la
Nièvre est une petite pièce d'octobre 1229, malheu-
reusement dépourvue de son sceau : c'est une sentence
arbitrale de Raoul Berchard, seigneur de la Brouille
(deBrullia), sur une contestation relative au bois de
Fours et Magny entre l'abbesse de Notre-Dame de
Nevers et Hugues de Verrières, écuyer.
II fut déclaré que l'abbesse aurait le tiers de ce bois
dans tout ce qu'il pourrait fournir, pour le b&timent,
le chauffage ou tout autre besoin ; qu'elle conduirait
les marchandises dans ses maisons de Nevers ou par-
tout ailleurs, mais qu'elle ne vendrait rien sans l'auto-
risation des seigneurs des deux autres parts. Hugues
(i) GiLLETi Annuaire de Van X,
(2) MiCHBL GoTiONON, CoUdoQue des KvSqttes^ p. 53.
(^ Ibid.
(4) PARMEMnER, dS9.
- Îi54 —
de Verrières choisira un serviteur fidèle^ lequel, sur
serment, assignera à Tabbesse la part qui lui re-
viendra (1).
m *
Il ne reste aucun document cownnaat les supé-
rieures du monastère primitif.
Le GcUUa Christiana donne une liste qu'il ne garantit
pas complète pour le commencement au moins.
Les douze premières abbesses sont inscrites sans
date et leur ordre de classement n'est autre que celui
fixé par le nécrologe du monastère ou calendrier sur
lequel leur décès était simplement inscrit au quantième
du mois où il s'était produit.
I. GuiBURGis, de bonne mémoire, le IV avant les
ides de février (le 10).
II. NiTERiA, la veille des ides de févriei (12 février).
III. Ambniardis, le XV des calendes de mars (15 fé-
vrier).
. IV. Frédésindis, appelée du monastère de Saint-
Pierre de Reims au gouvernement de Tabbaye de
Nevers, est décédée le XIV des calendes de mars
(16 février).
V. Jeanne P® de Pesques, le IX des calendes de
mars (21 février).
VI. Adeline, aux nones de mars (7 mars).
VII. Odelinb^ le VIII des ides de mars (8 mars).
VIII. GIBELINE; même date.
(i) J'avaÎB prié If. de Lespinaase, préaident de notre Société nivemaiae,
de chercher 8*il ne trouverait pas dans ses cartons qaelques chartes
inédites sur l'abbaye. Il a en l'amabilité de me fournir Tanalyse de plus
de trente pièces provenant des Archives de la Nièvre ou de U Bibliothèque
nationale. Qu'il me permette de lui renouveler ici Texpreasion de toute
ma gratitude -, la petite charte qui vient d'être citée (kit partie de la
çpUection.
IX. SiBiLLE, le IV des calendes de mai (28 avril).
X. Aelis la Chaudronne, la veille des calendes de
juin (31 mai).
XI. Marie P* de CharençoiSi même date.
XII. Philippine Sorina, le V des calendes de décem-
bre (27 novembre).
Toutes ces abbesses^ d'après le Gallia Christiana,
sont antérieures à Tan 1300. Ensuite nous arrivons à
celles dont l'administration est à date fixe .
XIII. Hersendb gouvernait le monastère en 1233 ; il
en est fait mention au nécrologe le X des calendes de
mai (22 avril) (1).
Les quatre chapelains de Notre-Dame de Nevers
ont acheté, le 21 mars 1237, à Guillaume de la Seeste
et Isabelle, sa femme, pour 47 sols de forts nivernais,
un cens annuel de 3 sols établi sur des vignes situées
à Maler, Priez, Lagrange, Boneyti, Lachenau, loca-
lités de la paroisse de Pougues que les vendeurs décla-
rent tenir en franc-alleu. L'acte est passé devant
M« Pierre, oflScial de Nevers (2).
XIV. Béatrix de la Collangelle fut bénie par
Robert, évéque de Nevers ; les chroniques du monas-
tère parlent d'elle en 1246. En 1250, elle fit quelques
échanges avec le chapitre d'Autun (3). En 1251, fonda-
tion de la chapelle de Sainte-Catherine dans l'église
de Saint-Genès, par Simon de Bernay, chapelain de
Notre-Dame, qui donnait en dot deux pièces de vigne
aux Fondreaux, la vigne de la Pointe en Montapin, et
un champ sur Brundicias, près le champ de l'hôpital
(1) GaUia Chrittiana, Notices des abbeases. Ces notices se composent
en moyenne de sept à hait lignes, je n'en indiquerai plus la source. Je
ferai seulement les renvois nécessaires pour les autres détails qui pro*
viennent d'ailleurs.
(1) Arch. de la Nièvre.
(3) /d.
-256 —
Saint-Didier/ et la moitié de la dlme de Séjan. de la
paroisse de Saint-Jean de Lichy. La collation de la
chapelle appartiendra à Tabbesse; trois ou quatre
messes des morts y seront dites par semaine, mais hors
le temps de la messe paroissiale. Le chapelain prê-
tera serment entre les mains du curé de Saint-Genès
d'acquitter fidèlement cette charge et il aura pour lui
la moitié des offrandes. L'évêque Robert Cornu, qui
confirma la donation en y apposant son sceau, contribua
lui-môme à la fondation en abandonnant aux titulaires
de la chapelle certaines places désignées en l'acte sous
la redevance de SO sous, payables par moitié à Tabbesse
et l'autre moitié au couvent (1).
Dans Tannée 1253, l'abbesse et les religieuses achè-
tent une maison sise à Nevers, rue du Ch&teau, pour
4 livres parisis et 30 sols nivernais dont le produit était
destiné au service des anniversaires (3).
Des chartes de 1524 de cette abbesse portaient son
sceau avec l'inscription : Sigillum Beatricis abbatissœ
B, Mariœ Nivernensis.
Cette môme année, Hugues de Meauce et Isabelle
de Sully, sa femme, accordèrent à Tabbaye Notre-
Dame 1 amortissement des bordelages que le monas-
tère possédait dans leur seigneurie, et la justice à eux
spécialement réservée. C'est le premier exemple
d'amortissement accordé dans cette province par des
seigneurs particuliers. Cet Hugues de Meauce mérite
quelque attention : il accompagna saint Louis à sa
première croisade ; fait prisonnier, il eut les yeux
crevés par les Sarrasins a parce qu'il était homme de
sorte de qui ils pouvaient avoir du déplaisir à l'ave-
nir (3) ». Il était un descendant de Philippe de Meauce..
(1) D'après Pannentier, Arch. de la ville de Nev., t I«% p. 8Sd-390.
{% Archivés de la Nièvre.
rS) Parmemtier, Arch. de la ville de Nev,, t. l", p. 390.
— 257 —
en 1000^ qui vécut cent quarante ans et trois jours, et
de Robert, surnommé Baisse-Porte, fils de Philippe, .
qui avait sept pieds de haut. Le roi saint Louis paya
sa rançon, le ramena et lui fit beaucoup de bien et en
particulier lui fit b&tir la maison de Rochefort ou
château de Meauce (1).
M. Adrien Bonvallet, dans sa notice sur Saincaize-
Meauce (2), donne d'intéressants détails sur le domaine
de Meauce appartenant autrefois aux religieuses de
Notre-Dame; on l'appelait autrefois l'Abbaye ou le
Domaine de Saint-Denis. « Différents titres, dit-il,
nous donnent la certitude que les religieuses avaient
des biens en cet endroit et nous ont fait supposer que
l'origine pourrait bien remonter à l'année 1254, date de
la donation à l'abbaye par Hugues de Meauce et
Isabelle v.
On retrouve la môme Béatrix en 1262.
XV. Une autre Béatrix, dite « la Chaudronne »,
appartenait à la noble famille de la Fer té-Chaudron,
paroisse de Chantenay. Elle reçut la crosse abbatiale
en 1266,
Une jolie petite charte, datée du 14 août 1266,
témoigne de la régularité des comptes du couvent.
L'abbesse Béatrix déclare qu'elle doit à son cher fils
en Jésus-Christ, Geoffroy de Verneuil, prêtre de leur
église, la forte somme {sic) de 40 livres pour fourniture de
vin vendu et livré. Elle promet de payer dans un mois
sur simple demande de Geoffroy ou de son mandataire.
— Au bas de cette reconnaissance sont portées la men-
tion dû sceau et les formules ordinaires (3).
A Coulanges-les-Nevers, les religieuses de Notre-
(1) D'après Parmentier, Arch, de la ville de Nev,, t. U, p. 293.
(2) Bulletin de la Société Nivemaise, p. 341, 2* vol., 4* série.
(3) Archivée de Neven, Pièce communiquée par M. de LespinasBe.
T. IX, 3* série. 17
-258-
Dame possédaient la quatrième partie d'un cens assis sur
le Bois-Dieu et commun avec plusieurs laïques. Nous
le savons par une charte de mars 1267, qui relate la
vente de la part de Pierre Traxin, de Nevers, l'un des
copartageants (1).
Béatrix mourut le IV des nones de mars (13 mars).
XVI. Agnès de Saint-Gigon. Il en est fait men-
tion en 1369, le mercredi avant l'Annonciation, 1370
(19 mars), dans un acte portant sentence en sa faveur
contre Guy de Sury , chevalier, relativement à 10 quar-
teaux de froment ou d'orge qui lui étaient dûs. Le
nécrologe indique sa mort au VIII des ides de novembre
(6 novembre) (3).
En octobre 1370, une maison, située à Nevers, près
la porte de Ninchat, est achetée par Jehan du Puy , prêtre
bénéficié de Téglise Saint-Genès, à charge d'acquitter
chaque année aux moniales de Notre-Dame un cens de
trois oboles (3) .
XVII. Reine, abbesse de Notre-Dame de Nevers,
avait une sœur du nom d'Elisabeth, prieure du
Montet (4). En 1373, il est fait mention de Reine dans
une charte de donation au prieur de Saint-Ouen. Le
mardi après les octaves de la Purification de la
B. V. Marie de l'année 1377 (15 février 1378),
nous voyons reparaître Geoffroy de Verneuil muni
de pouvoirs pour faire élire une abbesse ; voici
la charte qui l'investit de son mandat : a Viris vene-
rabilibus et discretis Symoni decano et capitule
ecclesie Nivernensis, Aremburgis monasterii B. Marie
Nivemensis, humilis priorissa totiusque ejusdem loci
(i) ArcJdves de Nevers, Pièce communiquée par M. de Lespinasse.
(2) Id.
(?) Id.
(4) Et non • de ^foril6U) • comme on lit au Gàllia Chrittiana. — Voir
ObUuaire.
— 259 -
conventus, salutem et orationès in Domino J. Ch» ;
universitati vestre, tenorepresentium^intimamus quod
nos petitionem eligendi et providendi nobis et monas-
terio nostro vacanti de abbatissa, per discretum virum
Gaufridum de Vernolio, curatum ecclesie S** Genesii
Nivern., procuratorem vobis super hoc specialiter des-
tinatum ex parte nostra et nomine nostro, vobis factam
die Jovis ante festum b** Vincentii, ratificavimus et
adhuc ratificamus de licentia nobis concessa, vobis
gratias humiliter referendo ; in cujus robore, quia
sigillum proprium non habemus, sigillum curie vene-
rabilis viri archidiac.Niv., sede vacante, unacum...(l)
presentibus litteris rogavimus apponi et nos officialis,
archidiaconus Niv. et curatus predicti, ad preces
priorissœ et conventus predictorum sigilla nostra
eisdem presentibus duximus apponenda ». (Malheu-
reusement ce double sceau a disparu) (3).
En 1281, le siège abbatial était (encore ou de nou-
veau) vacant ; car dans un acte de manumission, c'est
la prieure qui est en nom avec le couvent, sans qu'il
soit question de l'abbesse.
XVIII. Alis ou Aalipdis paraît la môme année 1281.
On comprend qu'il était difficile qu'une religieuse pût
s'occuper de la régie des biens du monastère épars sur
différents points de la province et occasionnant parfois
des contestations et des procès. Alis voulut remédier
à ces inconvénients en nommant un mandataire ad
hoc ; elle confia ce soin à un nommé Hubert dit Rave-
neau, « lui donnant procuration à l'effet de traiter
toutes les affaires de son couvent, soit au palais, soit
ailleurs, tant en défendant qu'en demandant (3) ».
(1) Le sens indique clairement que les mots à suppléer sont : SigiUo
curoH iSt' Genesii.
(2) Charte des Archives départementales.
(3) Inventaire de Vabbé de MaroUes, p. 51»
— 260 -
L abbesse « Alypde » afferma, en 1290, sur le terri-
toire d'Oulon, des champarts, terres et prés, moyen-
nant trente quarteaux de grain moitié froment, moitié
avoine, livrables à la Purification de la sainte Vierge,
rendus conduits à Ne vers aux frais du preneur, Phi-
lippe d'Oulon. Ce dernier s'engageait en même temps
à surveiller les droits et revenus divers appartenant à
l'abbaye dans la paroisse d'Oulon (1),
En 1290, on voit la vente, par Hugonin Jobert et
Margaronne, son épouse, paroissiens de Saint-Genès,
à Guillaume Bocquin, prêtre, pour 4 livres tournois,
d'une pièce de vigne sise au Montet, tenant à la vigne
de labbesse de Notre-Dame de Nevers (2).
En 1293, elle traita avec Robert, comte de Cler-
mont, dauphin d'Auvergne, tant en son nom qu'au
nom d'Isabelle, prieure de Marseigne, dépendance
du monastère de Nevers. On ne dit pas en quoi consis-
tait cet arrangement.
25 juin 1293, les moniales, abbesse et couvent de
Notre-Dame de Nevers donnent à cens à Regnaud dit
Potaz, de Plagny, et Bonne, son épouse, de Sermoise,
un pré situé dans la prairie de Raray, ayant appartenu
à feu Geoffroy de Vemeuil, prêtre, à tenir de leur
vivant seulement, pour une pension annuelle de
19 sols, payables à la Saint- André apôtre, réservé au
service des anniversaires (3).
En 1297, le chapitre de Nevers acheta d'Alix Trous-
sebois un clos de vigne situé près des vignes de l'ab-
besse et du couvent de Notre-Dame, à Conflans et &
Cuffy (4).
En 1299, l'abbesse fit une transaction avec Louis !•'
• (1) Archives de la Nièvre.
i2) Td.
(3) M.
[i) Bibliothèque nationale, 2296, n" 45.
— 261 —
de Flandre, comte de Nevers, relativement à la justice
et ik la juridiction temporelle de Plagny. Le comte
reconnut qu'elles appartenaient à Tabbesse (1).
En 1305, un chanoine, Lucas de Brachessat, demeu-
rant dans une maison à lui, située paroisse Saint-
Genès, fait la demande à M"'* Tabbesse de lui céder
une grange appartenant au couvent. Plusieurs cha-
noines de Saint-Cyr avaient en ville des celliers à vin
et des granges, où ils logeaient les blés et avoines
livrés par leurs tenanciers de la campagne. Le cha-
noine de Brachessat rendait-il quelques services au
couvent? En tout cas, l'abbesse et le couvent de Notre-
Dame lui accordent cette grange sa vie durant, à la
condition qu'il l'entretiendra en bon état et la rendra
i sa mort avec toutes les modifications faites par lui.
Acte fut passé de cette convention devant l'official de
Ne vers (2).
En 1309, devant Jean de Moulins, archidiacre de
Decize, et Jean de Villecot, clerc tonsuré, Jean de
Chaumoy, paroissien de Mornay-sur-AUier, vend à
Mathilde des Bordes, prieure de Coustiers, diocèse de
Nevers, pour 45 sols, une pièce de terre contigué audit
prieuré (3).
XIX. Isabelle de Valsecrète (Vosgré, commune
de Dun-sur-Grandry), est portée en 1310, l'année môme
de sa mort que le nécrologe fixe au X des calendes de
mai (22 avril).
1317. On pense que le martyrologe du couvent est
de cette année et Parmentier ajoute que les archives
de l'abbaye étaient nombreuses et bien conservées (4).
(1) Inventaire de Vabbé de MarolleSf p. 74.
(2) Archives de la Nièvre.
(B) Jd.
(4) Parmentibr, Archives de la ville de Nevers, t. î*% p. 381.
— 262 —
XX. EloIse de La Tournelle parait dans une charte
de 1318.
«
Un acte du 20 mars, mardi après Lœtare, 1319-20,
règle un différend avec le chapitre de Saint-Cyr ;
Tabbesse et le couvent des moniales de Notre-Dame
de Nevers avaient vendu un pré à un bourgeois de la
ville, Guillaume Jocelin ; ce pré dépendait de la cen-
sive du chapitre, et le doyen^ en qualité de seigneur
censier, s'oppose à la vente et retient le pré pour le
prix convenu, usant en cela du droit que lui donnait
de toute antiquité la coutume de Nevers . Guillaume y
consent et déclare abandonner les droits et la pro-
priété du pré.
Nous n'avons pas l'acte de vente donnant le prix et
le nom du pré, mais seulement la rétrocession (1)
passée devant l'official et son clerc juré, Jean de
Segoules .
L'abbesse EloIse, en 1320, reconnaît qu'elle et son
couvent et ses dépendances sont à la garde spéciale du
comte de Nevers. L'acte est passé en la chambre de
ladite EloIse de La Tournelle, en présence d'un grand
nombre de chevaliers, parmi lesquels Pierre de La
Tournelle, abbé de Saint-Martin, et Hugues et Gode-
froy de La Tournelle, ses frères (2).
Des lettres de cette abbesse, datées de 1324, décla-
rent que Philippe, jadis roi de France, avait donné à
Miles d'Amort, prêtre, pour la chapelle de Chaligny,
dépendant de ladite abbesse, une chasuble et pare-
ment d'autel en drap d'or, avec certains autres orne-
ments, lesquels elle veut et entend demeurer à perpé-
tuité en ladite chapelle pour l'usage d'icelle (3).
(1) Bibliothèqae nationale, lat. 2502, n* 51.
(2) Inventaire de MarolleSt p. 93.
(3) Id., p. 58.
-263 -
L'année suivante, elle entra en contestation avec
Hérard de Thianges, seigneur de Rosemond, relative-
ment à la justice de certains domaines.
Le 8 février 1328, André Garin, du port de Givry,
vend à Arnould Galien, de Magny, paroisse de Marzy,
pour 8 livres 10 sols, une ouche contiguô à la vigne de
l'abbesse de Notre-Dame, à la charge d'une obole de
cens à payer à ladite abbesse, à Marzy, à la fête de la
Purification (1).
L'abbesse Eloïse mourut en 1331, le XIII des calen-
des de mai (19 avril).
XXI. Jeanne II d'Arablay (2), était, dit-on, proche
parente du cardinal d'Arrablay . On n'a aucun détail
sur cette religieuse qui vivait encore en 1337. C'est
elle dont il est question dans la curieuse pièce qui suit :
« L'an du Seigneur 1337, le mercredi fête de Saint-
Eloy d'été...
» En présence du notaire public et des témoins sous-
signés, religieux homme, Frère Guillaume de Decize,
sous-prieur des Frères Prêcheurs, accompagné de Jean
Grossi, clerc, citoyen de Nevers, s'est transporté
auprès de l'abbesse du monastère de la Bienheureuse
Marie de Nevers... »
Ils l'ont trouvée dans une chambre basse de son
abbaye.
Le sous-prieur lui a exposé que lui conjointement
avec ses Frères et ledit Jean Grossi ont fait l'échange
d'une maison, appartenant auxdits Frères, située à
Nevers. près du marché au blé, contre la maison
dudit Jean, située à Nevers, au-dessous du monastère
des Frères-Prêcheurs, et soumise à la censive de
l'abbesse.
(1) Archives de la Nièvre.
(2) Arrablay (Loiret), prés Gien.
— 264 -.
En conséquence de ce, Jean Grossi offrit à Tabbesse
de se dévêtir de sa maison susénoncée pour que ladite
abbesse, comme seigneuresse par son droit de cen-
sive, en investît les Frères-Prècheurs.
A son tour, Frère Guillaume, en son nom et au nom
de ses Frères, requit ladite dame abbesse de lui accor-
der l'investiture, et se montra disposé à reconnaître
la censive de ladite dame abbesse sur la maison dési-
gnée et à en payer et remettre la taxe dans la main
de la dame abbesse, en lui offrant 4 deniers qu'il
tenait en sa main.
L'abbessene les voulut pas recevoir et accomplir
les formalités que de droit et de coutume locale elle
était tenue selon la nature dudit cens, contre la remise
à la dame abbesse par le Frère Guillaume de l'acte de
mutation en bonne et due forme.
Ladite dame abbesse répondit à Frère Guillaume
qu'elle entendait bien ce qu'il lui disait, qu'elle en par-
lerait à son Conseil et que sous peu elle lui rendrait
réponse.
Le jeudi suivant (le lendemain), Frère Guillaume
se rendit de nouveau, en compagnie de Jean Grossi,
auprès de M™« l 'abbesse pour avoir sa réponse ; il la
trouva dans sa chambre haute avec plusieurs de ses
religieuses, et bien qu'il fût entré dans cette chambre,
elles ne permirent pas d'y entrer aux témoins nommés
et amenés par le Frère Guillaume ; mais ils se tinrent
près de la porte et purent entendre la requête adressée
derechef à M°*® l'abbesse par Frère Guillaume. Elle
ne voulut pas l'entendre et se retira le plus vite qu'il
lui fut possible dans une autre chambre, dont elle
ferma la porte à clé, sans faire aucune réponse au Frère.
..." (( Sur toutes ces tentatives. Frère Guillaume
demanda qu'il lui fût donné un acte public par moi,
notaire soussigné.
-265 —
» J'en ai rédigé le détail publiquement à Nevers dans
les lieux susdits, le mercredi en présence de Guillaume
Barbier de La Tartre, Perreault Pillaul et plusieurs
autres témoins pour ce convoqués..., et le jeudi en
présence, devant la porte de la chambre haute, de
Jean Grossi, Minot Grolier, Jean, gendre de Perrin
Barbier, et plusieurs autres.
» Et moi, Huet de Monte Barro (Montbar), clerc,
notaire apostolique, ai été également présent avec les
personnes nommées en premier lieu, à l'exception des
personnes qui, le second jour, n'étaient pas dans la
chambre haute.
» A ce présent acte public que j'ai fait rédiger, j'ai
apposé mon seing accoutumé en témoignage des faits
susénoncés ».
Le seing manuel du notaire représente une mons-
trance (Saint-Sacrement ou reliquaire de même
forme), composée de douze lobes en cintre brisé, ter-
minés alternativement par des croix et des boules;
dans les 1, 3, 5, 7 desquels on lit H. D. M. B. {Huetus
de Monte de Barro). Au centre un écu parti au
l«'de... plein, au2^ bandé de... et de... de six pièces (1).
Une courte explication n'est pas superflue :
M"® labbesse, bien que extraordinaire que parût sa
conduite dans la circonstance, ne doit pas être regar-
dée pourtant comme tombée en enfance et agissant en
personne démente. A cette époque, les seigneurs
étaient si jaloux de leurs droits et mettaient tant de
soin à ne pas les perdre que les faits de ce genre ne
sont pas rares ; ils s'esquivaient par tous les moyens en
leur pouvoir pour conserver leurs investitures et
refuser des rachats de cens ou autres tributs. —
Néanmoins la déclaration notariée était suivie de son
(1) Archives de la Nièvre, H. 369, pièce L
— aoo —
effet. Dans le cas présent, la dette de la censive de
Jean Grossi était transportée légalement aux Frères-
Prôcheurs en vertu d'une signification subséquente à
adresser à M'b* Tabbesse qui, cette fois, était bien
obligée d'entendre ce qu'on lui disait et d'y acquiescer.
' Le nécrologe porte sa mort au VIII des calendes
d'octobre (24 septembre).
XXII. Marguerite de Fontenay était, en 1342,
prieure de Marseigne; ce fut en 1345 qu'elle devint
abbesse de Ne vers.
En 1346, Agnës^ femme serve des religieuses de
Notre-Dame, obtient l'amortissement d'un droit de
cens qui leur était dû sur une maison sise rue de la
Tartre (1).
L'abbesse Marguerite eut un démêlé, en 1347, avec
Guillaume de Thianges, seigneur d'Uxeloup^ au sujet
de la justice d'une dépendance de son couvent.
On la retrouve en 1360. Sa mort est indiquée dans
le martyrologe au III des calendes de juillet (29 juin).
XXIII. Marguerite II de Ternant occupait le siège
abbatial en 1364.
Sire Mathieu Coder, prêtre, demeurant à Nevers,
teste entre les mains de Perreau Camuzat, juré, le jour
de la Saint-Clément (23 nov.) 1369. Il considérait
l'autel des morts fondé dans l'église Notre-Dame
comme trop peu doté et il lègue à Hugues Lamoleur,
vicaire de cet autel, ainsi qu'à ses successeurs, une
maison lui appartenant, située rue Saint-Genès, conti-
gtie aux deux maisons des moniales, abbesse et couvent
de Notre-Dame-de-Nevers, occupées l'une par Jean
Ëdeneau et l'autre par Jean de Luzy, à la condition
qu'il sera célébré audit autel des morts ime messe
chaque mois à perpétuité pour l'àme dudit Mathieu (2).
(1) Archives de la Nièvre.
(3) Bibliothèque nationale, lat. 9190, n* S9.
- 267 -
1387-88, !•' mars, dimanche Oculi met, Jeanne de
Pesque, moniale de Notre-Dame de Nevers, et prieure
de Saint-Aignan, fait un contrat de bordelage à Jean
Calais, du Gravier, consistant en deux tennements
situés prope anianum (1), pour un quarteau d'avoine et
5 sols pendant les huit premières années et ensuite le
double, payable à la Saint-André. Il devra bâtir à ses
frais une maison et l'entretenir en bon état. L'acte
fut passé devant Jean de Moulins, archidiacre, garde
de la prévôté de Decize, et son clerc, Jean de
Villecot (2).
En 1393, Tabbesse de Notre-Dame était informée
d'un legs de 110 sols tournois, donné à son église,
pour le service des anniversaires, par le testament de
la mère de Michel Boyau. Le testament, selon
l'usage, fut reçu par l'ofRcial et transcrit par lui.
Babelle, l'héritière, chargée de l'exécution du legs
s'entend, en 1398, avec l'official pour le versement des
fonds (3).
Un grand nombre d'actes font mention de cette
abbesse depuis le commencement de son administra-
tion jusqu'en 1395, époque où elle mourut, la veille
de Saint-Thomas apôtre (20 décembre) . Les auteurs
du Gallia Christiana pensent qu elle s'était démise
de ses fonctions ou bien avait plusieurs prénoms
qu'elle prenait indistinctement comme permettent de
le penser les actes de 1388, où son nom se lit Câlina,
Caliva, Calma.
Depuis 1389, jusque bien avant dans le xv** siècle,
le droit de péage par terre, appartenant à la ville, est
chargé d'une redevance annuelle de 5 sols qui se par-
Ci) Sans doute Prope Sanctum Anianum.
(3) Bibliothèque nationale, lat. 9190, n« 33.
(^ Archives de la Nièvre.
— 368 -
tageait par moitié entre la prieure et le chantre de
l'église (1).
XXIV. Jeanne III de Brayb était prieure de la
communauté quand elle fut élue abbesse. Son élection
fut confirmée le XIV des calendes de février (19 jan-
vier) 1395. François, camérier du Saint-Siège, lui fit
remise des Annates. Jeanne de Braye sanctionna la
transaction passée entre la prieure de Marseigne et la
dame de Jaligny.
En 1400, les échevins firent combler le fossé de la
fontaine Saint-Loup que Tabbesse avait fait faire au
préjudice des habitants (2).
En 1402, & la requête de l'abbesse de Notre-Dame,
Symon Crosnay, sergent royal, se transporte à Imphy,
A rhôtel de Huguenin Gordon pour le sommer de com-
paraître devant le lieutenant du bourg de Saint-
Etienne, afin de s'expliquer sur une somme de 7 livres
tournois due par Robert de La Garde, jadis seigneur
d'Imphy, et dont ses hoirs étaient responsables, pour
le payement de laquelle somme on allait saisir les
revenus de la terre (3).
Le 9 mai 1404, les religieuses de Notre-Dame assis-
tèrent au service de Philippe-le-Hardi, duc de Bour-
gogne, qui fut célébré à Saint-Cyr, et il leur fut payé
80 sous (4).
1404. Dans le catalogue des abbesses de Notre-
Dame-de-la-Pommeraye, diocèse de Sens, on trouve
entre les années 1404 et 1440 une Isabelle de Castro
(de Château), tirée du monastère de Notre-Dame de
Ne vers (5).
(1) Parmentier, Archives de la ville de Nevers, t. I«% p. 391.
(2) Parmentier, t. l'% p 3d2.
(3) Archives de la Nièvre.
(4) Parmkntier, Archives de la ville de Nevers^ t. I«% p. 393.
\b) Gallia Christiana^ XKlly colonne 191, liste des abbesses de La Pom-
meraye.
1406. Jeanne de Bray, humble abbessa de Notre-*
Dame et son couvent, dans Tintérôt de leur prieuré
d'Àpilly (commime de Druy), au nom de la prieure,
donne, à titre de bordelage, à Guillaume Lequin, de
Mortier, et à ses hoirs, une chaume, une terre, trois
boisselées de terre, pour 10 sols tournois et une geline
à payer à la prieure d'Apilly pour la Saint-André. —
L'acte est passé par Tabbesse en son chapitre (1).
Le 28 août 1409, aux Jours tenus au bourg de Saint-
Etienne deNevers par Philibert de Veauce, lieute-
nant de Jean de Merlo, seigneur de Saint-Parize-le-
Chàtel, chambellan du roi et bailli de Saint-Pierre-le-
Moûtier, on prononce la main-levée d'une saisie faite
par Guillaume de Luthenay, prévôt de Saint-Pierre,
sur une maison à Augy, près Coustiers, au profit de
dame Gibaude des Barres, prieure de Coustiers (2).
XXIV. Les auteurs du Gallia Chrîstiana disent que
l'abbesse Jeanne de Braye mourut le XV des calendes
de mai 1427 (13 avril) ; ils nomment Jeanne de Pesques
dans les abbesses antérieures au xiv® siècle. (Voir la
liste des abbesses suivant le rang du nécrologe.)
Mais cette Jeanne de Pesques, inscrite la cinquième
parmi celles dont la date est incertaine, s'intercale ici ;
dès lors, elle devient la vingt-quatrième par rang
d'ordre, et toutes Iqs abbesses précédentes remontent
d'une imité jusqu'au vide qu'elle laisse dans la nomen-
clature.
A la date du 1«' mars 1387-88, nous avons déjà vu
Jeanne de Pesques, moniale de Notre-Dame et prieure
de Saint-Aignan. Longtemps après, c'est-à-dire vingt-
six ans plus tard, elle est abbesse de Notre-Dame. En
cette qualité, le 29 septembre 1414, elle préside à la
(i) Archives de la Nièvre.
-270-
tète de son chapitre réuni au son de la cloche à la ma-
nière accoutumée, pour régler une affaire d'intérêt
concernant les quatre curés de Saint-Genès. — C'est
un bail à bordelage de terrain à vigne et de maison,
appelés le Champ-de-Gévry, situés paroisse de Cou-
langes-les-Nevers, accordé à Hugues Michot et Agnès,
sa femme^ pour eux et leurs successeurs, moyennant la
somme annuelle de 20 sols et une geline aux diverses
conditions portées dans l'autre acte, celui-ci n'étant
que l'approbation et confirmation nécessaire du cou-
vent.
Par le style de la pièce, nous jugeons ce qu'était
l'autorité abbatiale.
Le texte est en français et débute par ces mots :
« A tous ceux qui ces présentes lettres verront,
Jehanne de Pesques, humble abbesse... »
A la fin, il ne comparait aucune autorité laïque ou
ecclésiastique, et l'acte se termine par la formule ordi-
naire : « En tesmoing de ce, nous avons mis nostre
scel, duquel nous usons par commun, à ces présentes
lettres faites et données en nostre dict chapitre... (1). »
En 1415, les Bénédictines se rendent « en proces-
sion » aux obsèques de nosseigneurs les duc « de
Berbant » et Philippe de Bourgogne, comte de Nevers,
en l'église Saint-Cyr. Vingt-cinq sous, sont payés à la
sacristine et aux marguilliers de l'abbaye, pour avoir
fait sonner les cloches pendant la cérémonie et vingt
sous aux Dames pour leur présence (2).
XXV. Marguerite III de Lugny succéda en 1428 à
Jeanne de Pesques et non à Jeanne de Braye. La cour
de justice du monastère de Notre-Dame était sans doute
en réparations, car en 1430, l'abbé de MaroUes fait
•
(i) Bibl. ni«, lat. n« 33*
(2) Parhentier, Archiv. de la vUle de Nevers, tom. I«% page 998.
mention de lettres de reconnaissance, établissant que
la Cour des comptes de Nevers avait été prêtée aux
abbesse et couvent de Notre-Dame de Nevers, pour
trois ans seulement. Marguerite de Lugny supplia Gui
de Jaucourt et Odard de Lespinasse, seigneurs de
Champallement, écuyers, conseillers et chambellans du
duc de Bourgogne, d'obtenir pour ladite abbesse et son
couvent Tautorisation de faire tenir encore leur justice
au même lieu (1).
Une charte du 22 janvier 1450, donnée par Marguerite
de Lugny, abbesse de Notre-Dame de Nevers, contient
la nomination de Perronnette de Messiac comme prieure
de Coustiers, à la suite de la vacance produite par le
décès de Thomasse Garclaude, dernière prieure. Elle
est investie de tous les droits et possessions du prieuré
sur la prestation du serment, exigé en pareil cas, et
Tabbesse ordonne à tous de lui obéir désormais pour les
affaires du couvent (2).
Marguerite de Lugny fait Tannée suivante (15 nov,
1451) un échange de terres appartenant à Catherine
de Digoine, fille de Pierre de Digoine, écuyer, et de
feu Jeanne de Grantchamp. Pierre donnait toute une
série de parcelles de champs et prés avec justice haute^
basse et moyenne, et Tabbesse, en retour, donnait un
bordelage de 30 sols tournois, un boisseau de froment
et une geline, dû par Guiot Dureaul, paroissien de
« Saint-Hoing », avec la justice des terres sur lesquelles
le bordelage était assis (3).
Colas Jussault, était chapelain, en 1452, de la cha-
pelle de Saint-Jean TEvangéliste, dans Téglise Notre-
Dame. Le bail à bordelage d une maison, située rue
Saint-Genôs, en face Téglise Notre-Dame, à Pierre
(1) Inventaire de Fabbé de MaroUtt, page 59.
(â; Archiv. de la Nièvre.
(3) Id.
^ 272 -
Bègue, tisserand, et à Thomasse, sa femme, en fait
mention par acte du 9 octobre de la môme année (1).
Marguerite mourut en 1466, le V des ides de mars
(le 11). Les auteurs du Gallia font observer qu'on
trouve son nom inscrit au nécrologe à quatre dates
différentes. Elle aurait pu établir plusieurs fondations
pour le repos de son &me. Quoiqu'il en soit, elle aurait
administré le monastère pendant trente-huit ans.
Les mêmes auteurs, font mention d'une Pétronille
de Beauvoir de Chatelux (2), qui aurait été abbesse
de Notre-Dame en 1468, et qui serait morte au monas-
tère de Saint-Julien d'Auxerre, en 1486. Cependant,
ils ne la font pas entrer dans la série des abbesses de
Ne ver s.
XX VL Catherine de Boutillat avait été élevée
dans le monastère de Notre-Dame de Consolation ou de
Reconfort, de l'ordre des Citeaux; elle en fut tirée
pour occuper le siège abbatial de Notre-Dame de
Ne vers en 1466. Elle ne pouvait changer d'ordre et
d'habit sans le consentement de l'abbé de Citeaux.
Humbert, qui occupait cette charge, donna son adhésion
la veille des calendes d'avril 1467 (31 mars 1468).
En février 1470-71, Robinet de Maisangarbe achète
de Antoine Porrat, tous deux demeurant à Ne vers,
des terrains longeant la Loire au Bec-d' Allier, tedus
en bordelage de l'abbaye Notre-Dame (3).
(A suivre}. A. SERY,
Chanoine.
(1) Arch. de la Nièvre.
(3) 11 s'agit de Pétrouille ou Perrette de Beauvoir Ghastellax, fille de
Claude, maréchal de France, et de Marie de Savoisy, sa troisième femme.
Le GaUia CkruHana dit qu'elle fut d'abord abbesse de Sainte-Marie de
Revers, en 1468, puis élue abbesse de Grisenon en 1476; enfin abbesse, en
même temps que de Grisenon, de Saint-Julien, au moins dès 1486; décédée
dans l'abbaye de Grisenon le 16 août 150S. {Gallia Christianoj XII, col. 426.
^ Chanoine Frappier, Histoire de Vabbaye de Saint-Julien d'Atucerre,
p. 76. Fuit etiam iimul abbatissa S, JuUani autissiodareMii).
(3) Ârch. de la Nièvre.
- 273 —
En Tannée 1473, Catherine eut de grandes diflScultés
avec Pierre de Fontenay, évoque de Nevers, au sujet
d'une procession qu'elle avait faite.
L'aflEaire fut portée devant le bailly de Saint-Pierre-
le-Moûtier, qui se rendit à Nevers, pour faire une
enquête à ce sujet. Le résultat établit que ces dames
étaient en droit de faire publier leurs processions ordi-
naires et extraordinaires par le préconiseur de la ville,
et de les conduire au Montot et à Saint-Antoine. Les
quatre curés de Saint-Genès y assistaient, ainsi que les
chapelains et autres officiers de Tabbaye. Les auteurs
du Gallia Christiana, assurent que Tévôque fut obligé
de reconnaître les droits de Tabbesse et de ses reli-
gieuses.
— (( En 1476, dans le temps que la ville faisait faire
le boulevard de Crouô, la môme abbesse, sous prétexte
que cet ouvrage lui causait du préjudice, fit planter de
grands pallis (pieux) devant la porte dudit boulevard,
et, si près, que les charrettes ne pouvaient plus y passer.
Les échevins firent constater ce trouble par un procès-
verbal du 28 mars. On plaida un peu, et l'intérêt public
mit les religieuses à la raison.
— » Deux ans plus tard, en 1478, un incendie général,
détruisit les lieux réguliers ; un homme périt dans les
flammes. L'abbesse fut obligée d'aller loger chez son
receveur. Elle fit refaire le cloître et une partie des
bâtiments. Mme Françoise d'Albret, comtesse de
Nevers, fit la dépense de la boiserie du réfectoire et du
vitrage, où Ton mit ses armoiries (1). »
— En 1478, eut lieu un singulier procès entre nos
religieuses et Antoine Le Tort, écuyer, seigneur de
Menaton (aujourd'hui Mono ton), dans la paroisse de
Druy.
(1) Parmentier, Arch. de Nevers, lom. !•% page 393.
T. IX, $• série. 18
— 274 —
Le Tort prétendait y posséder toute justice, haute,
moyenne et basse, le droit d'avoir gibet de bois pour
y faire exécuter les malfaiteurs, de le réparer dans son
premier et ancien état, de prendre toutes amendes et
confiscations.
Cependant, les religieuses et Tristan de Grantchamp
avaient fait dresser un autre gibet à deux piliers, ce
qui troublait ce dernier dans sa possession, et ce dont
il avait adressé une plainte au bailly de Saint-Pierre-
le-Moûtier.
Les religieuses, à leur tour, prétendent qu'elles
« sont dames et seigneuresses, ensemble de la justice
haulte. moyenne et basse d'icelle, et mesmement du
gibect de bois à deux pilliers, pour faire faire, par leurs
officiers et juges, attacher et exécuter tous malfaicteurs
quant le cas le requert ».
Les religieuses avaient pour procureur maître Jehan
Tenon; Tristan de Grantchamp était représenté par
Jehan Delamarche. Pour obvier à tous débats, les parties
se mirent d'accord, et convinrent que chacun serait
seigneur sur ses terres, prés, bordelages, etc., ainsi que
sur les hommes subjets et demeurant en iceulx. Le
gibet sera « un et comung » ; chacun aura ses sergents
et officiers, et aura droit à la justice ou aux amendes
qui lui reviendront.
Ce jugement, fort simple d'ailleurs, fut rendu à
Saint-Pierre le 13 juillet 1462, et confirmé à Ne vers le
14 décembre 1478.
— Une charte du 17 mars 1479 (mercredi après Oculi),
montre l'abbesse Catherine Boutillat dans l'exercice de
son droit de patronage pour la chapellenie ou vicairie
de Sainte-Marie-Madeleine, près Oulon. Lorsqu'il y
avait vacance, l'abbesse de Nevers avait la collation,
provision, institution et toute disposition à son gré, en
vertu de sa dignité abbatiale. Un prêtre, maître ès-arts.
— 275 —
Jean Forand, en avait joui par procuration de Symon
Povreaul, clerc, dernier bénéficiaire, et l'avait résignée
entre les mains de Tabbesse, pour faire échange avec
Jean Povreaul, également clerc, contre la chapellenie
de Soury, paroisse de Champvoux. — Ce Jean, fils de
Pierre Povreaul, bourgeois de Nevers, devait être
parent tiu précédent bénéficiaire ; en tous cas, présen-
tant aux yeux de Tabbesse les garanties désirables pour
entrer en possession des droits attachés à la chapellenie,
il en fut solennellement investi.
— A cette époque déjà avancée dans le Moyen- Age,
l'abbesse instrumente encore elle-même : « Katherina
Boutillata, humilis abbatissa monasterii B. M. de
Nivernis... Salutem in Domino ». Toutefois, l'acte,
en latin, est passé devant un notaire, nommé Billard,
dont la présence est signalée et qui appose sa signa-
ture, ainsi que le sceau de l'abbesse, pour assurer la
validité de l'acte.
— L'évêque Pierre de Fontenay, voulait faire la visite
du monastère ; l'abbesse résista et maintint énergi-
quement le privilège d'exemption de l'abbaye ; l'ex-
communication, lancée pour refus de visite, fut déclarée
nulle.
— 1497. Le prieuré de Coustiers fut l'objet d'une série
d'échanges de terrains entre dame Antoinette Bonne,
prieure, et plusieurs voisins, sans doute pour conve-
nance de jouissance, par acte passé sous le sceau de la
prévôté de Sancoins, le 18 octobre 1497 (1).
— Les auteurs ne sont pas d'accord sur l'époque de la
mort de Catherine de Boutillat : le nécrologe de la
maison la porte au VIII des calendes de mars {22 février)
1502; ailleurs, on indique son décès au VIII des
calendes de juin 1488 (25 mai).
(1) Toute cette suite de pièces provient du fonds des Archives de h
Nièvre.
— 27b -
Dans tous les cas, si on admet la date du nécrologe,
il faut penser que cette abbesse se serait démise de sa
charge quelques années avant sa mort, car la suivante
se trouve comme abbesse dans un acte de 1499.
XXVII. Jeanne IV Le Bourgoing (1), quoique
nommée depuis deux ans, ne prit possession que le
6 septembre 1501.
— La maison de Meauce, appartenant à l'abbaye, est
mentionnée dans une pièce du 3 décembre 1507, relative
à la vente de plusieurs terres par Guillaume Gendrier
à Guiot Coucrat, d'Aspremont. Ces terres sont chargées
de cinq deniers tournois et d'un boisseau d'avoine dûs
chacun an « à nos dames les abbesses et couvent de Notre-
Dame de Nevers, au lieu de leur maison de Meaulce (2)»,
— 1513. Regnault Thoret, charpentier, se rend avec ses
gens, à la forôt des Fours (commune de Cessy-les-
Bois), appartenant à madame l'abbesse de Nevers,
pour y abattre quinze pieds d'arbres à faire des solives,
tant pour les cintres du pont de Loire que pour
« atayer l'ologe qui est en danger de cbeoir (3) ».
— L'abbesse Le Bourgoing soutint avec énergie les
droits de son monastère contre l'évoque de Nevers.
Elle institua dans sa communauté la f été de la Présen-
tation de la Sainte- Vierge en 1510, et en 1517 celle
de la Visitation et de la Compassion. Comme on le
voit, ces religieuses s'attribuaient des pouvoirs bien
étendus. Elle fonda, en 1517, avec son frère, Philippe
Le Bourgoing, chanoine de Nevers, etc., l'autel de
Notre-Dame-de-Pitié dans l'église de l'abbaye. L'acte
de fondation sera reproduit intégralement, vu l'impor-
tance des détails qu'il contient sur d'anciens usages et
le personnel du monastère :
(1) Le sceau de cette abbesse est repixxluit à la fin du chapitre premier ;
il provient des Archives de la Nièvre.
12) Archives de la Nièvre.
(B) Archives communales de la ville de Nevers, GC, 88.
— 277 -
« A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Pierre
Baudereul , bourgeois de Saint-Pierre-le-Moustier et
garde du roy, notre sire en la prevosté dudit lieu,
salut, scavoir faisons que par devant Michel Bour-
bonnat, notaire du roy, nostre sire... noble dame
madame Jehanne Le Bourgoing, abbesse de Notre-
Dame, noble vén. et dise, personne maistre Philippe
Le Bourgoing, licencié es lois, chanoine de Nevers et
d'Auxerre , curé de Saint-Jacques- la -Boucherie de
Paris, et seigneur temporel de Maulevrier, et damoi-
selle Charlotte Le Bourgoing, frère et sœur, lesquels
et chacun d'eulx, meus de dévocion, et afl5n que le
divin service soit chacun jour continué et augmenté
audict monastère Notre-Dame de Nevers et qu'il plaise
à Notre-Seigneur et à sa glorieuse Mère avoir pitié
de leurs pauvres âmes et de leur père et mère et aussi
de faire bonne mémoire madame Katherine Boutillat,
leur tante , en son vivant abbesse dudict monastère,
laquelle à chacun d'eulx a fait plusieurs biens en
général et en particulier et autres leurs parents et
amy s, et affin que audict monastère la glorieuse Vierge,
patron d'icelluy monastère , soit chacun jour ample-
ment servie; pour ces causes... de leur plein ^ gré:.,
ont cogneu et confessé et par ces présentes cognoisi-
sent et confessent avoir perpétuellement fondé et ins-
titué la feste et solennité Nostre-Dame-de-Pitié qui
se célébrera chacun an par les religieuses... les quatre
curés , diacre , sous-diacre et autres officiers dudit
monastère en la manière que s'ensuict. C'est à scavoir:
la veille de laditte feste, vespres solennelles ; le jour
matines, grant messe , procession avant icelle grant
messe et vespres, ensemble les aultres heures, come
prime, tierce, sexte, nonne et compiles, le tout solennel
comme on a coustume la veille du jour de la Nativité
d'icelle glorieuse vierge Marie^ fondé audict menas-
- 278 —
tère; en laquelle procession seront tenus tous les curés,
diacre et sous-diacre, vicaires de mors et autres offi-
ciers assister. Auxquels sera distribué par le recep-
veur, le service faict et accompli, à scavoir à chacune
religieuse beniste et professe et à chacun des quatre
curés et officiers, la somme de deux sols six deniers
tournoys ; à chacune écoUière novice vingt deniers et
à la prieuse chantre , aux procuraresse et recepveur
dudict couvent à chacun vingt deniers ; et oultre leur
dict distribut, à la saçreste (sacristine) pour son can-
délabre et luminaire qu'elle sera tenue faire à ses
dépens, cinq sols tournoys oultre son distribut ordi-
naire; au diacre et sous-diacre douze deniers, pour
parer et déparer le grant aultel des reliques ; au maril-
lier pour sonner les cloches... et fournir tous sonneurs
adce nécessaires, cinq sols oultre son dis tribut ordi-
naire; et pour faire et accomplir les chouses dessus
ont réaniment baillé, ceddé et perpétuellement trans-
pourté à icelle madame labbesse et ses religieuses...
la somme de soixante-cinq livres tournoys en douzains,
laquelle somme icelles religieuses avoient prise en
leur coffre et trésor pour lachast de quatre livres tour-
noys et un boisseau froment qu'elles ont acquis de
noble homme Jehan de la Perrière et ses personniers,
escuyer, seigneur de Chuffort. Laquelle somme de
quatre livres tournoys et ung boisseau de froment,
mesure dudit Nevers, sera et demourra perpétuellement
aux religieuses au prouffit de ceste présente fondation
et par ces présentes, les maistre Philippe Le Bour-
going et damoiselle Charlotte Le Bourgoing ont dès à
présent aussi baillé, ceddé et perpétuellement trans-
porté auxdictes religieuses... trente-cinq sols tournoys
et une geline de bourdelaige qu'ils ont acquis de
George Renche, dit Pinchard, et que icelluy George
Renche est tenu payer perpétuellement, par chacun
— 279 —
an, auxdits maistre Philippe et sa dicte sœur et sur
certains héritaiges déclairés es lettres sur ce faictes et
receues par messire Jehan Perrot, à la faculté toute-
fois de pouvoir racheter lesdicts trente-cinq sols et
geline...; lesdictes religieuses seront tenues employer
l'argent, qu'elles en recepvrontetquijviendrontdesdicts
rachatz, en aultre héritaige au prouffit d'icelle fonda-
tion et non d'aultre. Dame Gabrielle Pitoyse, grand
prieuse; Roberte du Chaillo, chantre; Katerine Talon,
sous-prieuse ; Perronnette Breschard, sous-chantre ;
Katerine Terrière , prieuse du Montot ; Marguerite
Terrie, pensionnaire du prioré de Marcaigne, dépen-
dant dudict monastère ; Isabeau Franc , Loyse de
Torcy, Jehanne de Chasteaulx, Huguete du Pontot,
prieuse d'Appilly ; Françoise Botillat , secreste ;
Jehanne Babute , prieuse de Lichy ; Marié" de la
Platière , Jehanne Pitoyse , Susanne de la Cour ,
Jehanne de Rosnay , Anne Sellière et Jehanne du
Pré, toutes religieuses et professes faisant et repré-
sentant la plus grande et saine partie du couvent
dudict monastère adce présentes et capitulairement
en leur chappitre en la manière accoutumée et pour
ce au son de la cloche... promettent chacun an audict
jour faire célébrer ledict service Faict et donné à
Nevers, le premier jour de feuburier 1517. Tesmoings
Messire Jehan Perrot, curé d'OUon, et Jean Massi-
gnors, presbtres, demeurant audict Nevers (1). »
1523. Rapport de M« Jean Rondeau,- commis à rece-
voir les deniers de l'aide de la subvention que le roy a
fait demander aux évêque, chapitre et clergé du dio-
cèse de Nevers, pour la tuition de son royaume... La
part de contribution de l'abbaye est de 2.104 livres,
10 sols, 6 deniers (2).
|i) Arch. préfecture, H. 364, n" 5.
(2) Id.
— 2H) —
— 1531. Echange d'héritages situés à Nevers, au champ
de La Motte, entre Guillaume Le Tort, écuyer, sei-
gneur du Marais, et Jean Dumarest et sa femme Jeanne
Des Granges, sous la charge de 50 sols tournois et une
geline de bordelage aux religieuses de Notre-Dame (1).
Jeanne Le Bourgoing mourut au mois de septem-
bre 1533.
XXVIIL Jeanne V d'Albret était fille de Jean
d'Albret, comte de Dreux et de Rethel, et sœur de
Jacques d'Albret, évêque de Nevers. Elle fit profession
au monastère de Charenton, diocèse de Bourges, et
entrait dans sa vingt-neuvième année, quand elle fut
nommée abbesse de Nevers. Elle obtint ses bulles du
pape Clément VII, en 1533, mais elle ne prit posses-
sion que Tannée suivante ; car en cette même année,
Françoise Boutillac, prieure, conféra l'office de la
sacristie, le siège étant vacant.
L'abbaye de Nevers avait besoin de réforme. Jeanne
d'Albret était l'abbesse sainte et courageuse, capable
de commencer et d'entreprendre une œuvre si néces-
saire. L'église de Saint-Genès a été tout à la fois
paroissiale et monacale, ce qui ne devait pas ôtre sans
inconvénient pour une communauté de femmes. Cepen-
dant le monastère avait à part la chapelle de l'abbesse,
qui devait servir à la communauté pour les offices
ordinaires, mais qui semble ôtre devenue alors église
abbatiale. En dehors du chapelain du couvent, quatre
prêtres étaient simultanément curés de Saint-Genès ;
pour diminuer les conflits aussi bien que pour alléger
les charges des religieuses, l'évoque, frère de l'abbesse,
réduisit à deux les curés de Saint-Genès.
C'était une réforme sérieuse que se proposaient, d'un
(t) Archives de la préfecture.
— 281 —
commun accord, le pieux évêque et la courageuse
abbesse :
En 1535, 5 février, nous voyons Tévéque de Nevers
appeler les Pères réformateurs de Fontevrault pour
avoir leur conseil et avis, afin de mettre en vigueur
lesdits statuts, lus et approuvés au chapitre de ladite
abbaye, en présence de la mère abbesse et des reli-
gieuses , lesquelles les avaient acceptés ; lesdites
religieuses se dédirent ensuite de cette acceptation.
Sur quoi nouvelle ordonnance, et pour cela furent
appelés M. le grand prieur de Cluny et de La Charité
et dom Christophe Coquille, docteur en théologie, les-
quels établirent la réformation, qui fut homologuée
devant Olivier Millet, écuyer, conseiller du roi,
lieutenant-général au bailliage de Saint-Pierre-le-
Moûtier (1).
1535. Commission donnée par Jacques d'Albret,
évêque de Nevers, aux abbés de Saint-Sulpice de
Bourges et de Chezal-Benoit, pour réformer le monas-
tère des filles de Notre-Dame de Nevers (2). Cette
dernière tentative eut plus de succès.
Toutefois ce n'est qu'en 1540 que l'abbaye fut défi-
nitivement unie à la congrégation de Chezal-Benoit (3).
Les abbayes dépendant de Chezal-Benoit étaient
exemptes de la nomination royale ; ce qui leur assurait
des supérieurs réguliers et non de commende. Ces
privilèges, reconnus par lettres du 19 mai 1517, véri-
fiées au grand conseil, le 15 février 1518, furent encore
confirmés par lettres du 15 novembre 1601.
La congrégation de Chezal-Benoit avait un bréviaire
particulier imprimé ; en 1513 fut publié son missel et
(i.) Inventaire de Vabbé de Marolles^ pages 428 et 429.
(V Id., page 81.
(3) M0' Crosnier, Congrég, reUg, de femmes^ page 23.
- 282 —
en 1534 son diurnal (1). Dès lors, ces différents livres
furent en usage à Tabbaye de Nevers.
— Le 5 février 1541, lin immeuble situé hors des murs
de Nevers, paroisse de Saint-Sauveur, est acheté par
la veuve Steuf de Luxembourg, seigneur des Trappes,
à des marchands de Nevers, Jean et Guillaume Brosse,
pour 27 livres tournois. Cet enclos était chargé d'un
bordelage annuel de 20 sols et une géhne au profit de
l'abbaye de Notre-Dame (2).
— 1546. Compte des dépenses de la ville, pour le service
à l'abbaye, de feu Mgr le dauphin François, fils du roi
François I" :
(( A Philibert Conté, menuisier, 7 livres 10 sols
tournois, pour une chapelle ardente mise sur le corps
dudit feu seigneur, en l'église du monastère Notre-
Dame.
» Cent cierges, chacun du poids d'un quarteron, sont
mis dessus ladite chapelle que Philibert Dupleix,
peintre, met en noir (3) » .
Le Gallia Christiana clôt la notice de Jeanne
d'Albret, en disant « qu'elle gouverna très saintement
le monastère de Notre-Dame, jusqu'à l'année 1560, où,
d'après un acte, on voit qu'elle était toujours à la tête
de la communauté ».
XXIX. Marie II d'Albret se démit, en 1561, en
faveur de la suivante abbesse. li est à remarquer
qu'elle porte ordinairement, dans les actes, le nom de
Françoise ; sa mort arriva en 1563, le 28 décembre (4).
A partir de 1553 à 1564, les dates et les noms, d'après
(1) Catherinot, Annales typographiques de Bourges, pages 2 et 3,
année 1683.
(2) Ârch. de la Nièvre.
(3) Ârch. communaJes, CG 121.
(4) Crollia Christiana,
- 283 -
les actes authentiques, ne concordent pas avec le
Gallia ; une autre remarque sera faite à la suite du
dernier acte de Tannée 1564.
— Acte de présentation par Tabbesse à la cure de
Fleury-sur-Loire.
(( Françoise d'Alebret, humble abbesse de Notre-
Dame de Nevers, faict scavoir à Révérend Père et
seigneur en Jésus-Christ, Jacques Spifame, évesque de
Nevers, que l'esglise paroissiale de Saint-Julien de
Fleury, dont la présentation lui appartient en raison
de ladite abbaye, mais la collation, la provision ou toute
autre disposition appartient à Monseigneur en raison
de la dignité épiscopale, étant vacante par la mort de
Philibert PoUogne, elle a cru bon lui présenter Garnier
Guillin et prie sa Révérende Paternité vouloir lui
conférer ladite cure (1) ».
— « Le 21 août 1553, révérende dame Françoise
d'Alebret, abbesse de Notre-Dame de Nevers, préten-
dait avoir des bordelages sur les limites de la terre et
seigneurie de Dornes et Saint-Parize-en-Viry pour
un héritage appelé la Grande place ». Plusieurs person-
nages parurent dans cet arrangement amiable : Flo-
rimond, écuyer, seigneur de Dornes et Saint-Parize,
conseiller secrétaire du roy et contrôleur de l'ordinaire
de France ; maître Liénard Baulderon, licencié es lois,
juge et garde de la prévôté de Saint -Pierre ; messire
Sébastien Guyot, prêtre, chanoine de Dornes (2).
— 26 avril 1564. Révérende dame Françoise d'Al-
bret, abbesse de l'abbaye Notre-Dame de Nevers,
Gabrielle Le Tort, Charlotte Galoppe, Loyse de
Rivière, Catherine Olivier, Marie de Roffignac...
toutes religieuses en ladite abbaye, assemblées en la
maison de SardoUes, où elles se sont retirées par le
(1) Ârch. de la Nièvre.
(2) W.,
— 284 -
danger de peste de présent régnant en la ville de
Nevers; attendu que la maison, en laquelle est décédé
feu messire Ymbert Lepère, assise en la rue Saint-
Genys, est de leur directe bordelière, ce que vauldrait
icelle maison appartient par droit de réversion à
icelles religieuses ; Jacques Lepère, frère et héritier
dudit feu messire, prétendant d'aultrepart lui être
dû par les religieuses certaine quantité de bled, vin et
argent, tant à cause de l'office de « marillier » que le
défunt exerçait en l'église Notre-Dame que aultrement ;
les parties ont convenu entre elles ce qui s'en suit :
Jacques Lepère a remis et délaisse auxdites religieuses
tout le bled, vin et autres choses auxquelles elles pour-
raient être tenues aud. défunt, et moyennant encore
deux écus d'or soleil, que led. Lepère promet et sera
tenu de payer auxd. religieuses, à leur simple requeste,
icelles religieuses ont remis et quitté, remettent et
quittent audit Lepère tout le droit appartenant sur
lad. maison (1).
— 1«' octobre 1564. Nouvel acte fait à Sardolles.
Honorable homme et sage messire Jacques Bolacre,
licencié es droits, procureur général du Nivernois,
délirant récompenser révérente dame, dame Françoise
d'Alebret, abbesse de l'abbaye et monastère du dévost
couvent réformé de Notre-Dame de Nevers, de l'ordre
de saint Benoit, de plusieurs bienfaits que les prédé-
cesseurs dudit Bolacre et lui, ont reçus de lad. dame et
aussi afin que le service divin, accoustumé être célébré
en ladite abbaye, soit entretenu et que aux prières
publiques et particulières, qui se font en lad. église
ledit Bolacre y soit compris et^ pour le soustènement
de lad. abbaye, constitue à lad. dame d'Alebret, à sa
vie, et en faveur d'elle seulement, la somme de
fi) Minutes Taillandier.
— 285 -
250 livres t. de pension sur tous et chacun de ses biens,
de lui Bolacre (1).
D'après ces quatre pièces citées, qui sont en
contradiction avec le Gàllia Christr'ana, il faudrait
admettre que Marie II d'Albret serait la même que
Françoise d'Alebret et qu'elle aurait commencé de
gouverner le monastère en 1553, au lieu de 1560, et
et qu'elle mourut, non en 1563, mais au moins après
le mois d'octobre 1564.
Voici le résumé de quelques autres pièces :
— A Coulonges, prèsCercy, le couvent de Notre-Dame
de Nevers avait « entre aultres beaux droits » la
redevance annuelle de douze quartaux de seigle dûs
par le prieur de Notre-Dame de Coulonges, à la Tous-
saint « sur le plus beau et cler revenu dudit prieuré ».
Dans les années 1553 et 1566, le prieur ne «'acquittant
pas, l'abbesse fut dans l'obligation de le contraindre
par l'entremise de François du Pontot, chevalier, et du
bailli du Nivernois (2).
— L'abbaye avait une rente de bordelage à Sainte-
Solange en Berry. Un acte du 26 mars 1555-56, passé
devant François de Lospital, lieutenant au bailliage de
Bourges, constate, à cause de la fondation et dotation
de leur église, que les religieuses et abbesse de Nevers
ont droit de prendre chacun an, selon la coutume du
pays et duché de Nivernois, à chacune fôte de la
Nativité de Notre-Dame, un demi cars de chanvre et
une moitié de géline, sur une pièce de vigne assise au
vignoble de Sainte-Solange (3).
— 10 mai 1556. Jean Debyot, de la paroisse de
Gimouille, au village des Noues, commune de Sain-
caize, vend une vigne à Etienne Babise, du village
(1) Minutes Taillandier.
(2) Arch. de la Nièvre.
(3) Id,
— 286 —
des Forges, paroisse de Sauvigny-les-Chanoines, avec
la charge et condition de rendre « deux boisseaux et
demy froment mesure de Ne vers, et une geline de
bourdelage dû, chacun an, aux vénérables religieuses,
abbesse et couvent Nostre-Dame de Ne vers, au prou-
fit de la prieure du Montot, à la Saint -Martin
d'hiver (1) ».
— Aux alarmes de la peste, que les religieuses cher-
chèrent à éviter, en se réfugiant dans leur propriété
de Sardolles, succédèrent, pendant une dizaine d'an-
nées les transes perpétuelles des bandes huguenotes
qui menaçaient la ville. Aussi, dans plusieurs de ses
séances, le conseil des échevins prend-il des mesures
de précaution et de défense :
29 mars 1562. « Nous prions Monsieur de Chas-
tillon de faire démolir l'église Saint-Gildal..., le mou-
lin de Ninchat et l'appentis proche des murs de la
ville... comme étant périssables pour cette ville ».
12 novembre 1567. « Le moulin de Madame
l'Abbesse, nommé Ninchat, sera rasé, et sera récom-
pensée ladite Abbesse au moins mal que possible ».
2 février 1568. « On fera abattre le moulin de
Nynchat, assis près les murailles de cette ville, appar-
tenant aux religieuses, abbesse et couvent de Notre-
Dame, et autres édifices nuisant à la défense de la
ville, sauf à donner récompense, après les troubles
passés (2) »,
XXX. Au sujet de labbesse Françoise de
FoNTENAY, au moius pour les premières années de
son administration, il y a désaccord entre Le Gallia et
Parmentier. Le Gallia prétend qu'elle fut solennel-
lement bénie le XIV des calendes de décembre 1554
(1) Archives de la Nièvre.
(2) Délibérations du conseil des échevins.
— 287 -
(18 novembre), et notre chroniqueur nivernais reporte
cette cérémonie au 18 mars 1568. C'est en cette même
année qu'elle obtint de l'évêque Giles Spifame la
réunion des deux cures de Saint-Genès sous l'admi-
nistration d'un seul curé (1).
— En 1572, le 14 janvier, un arrangement a lieu entre
le couvent, représenté par dame Françoise de Fon-
tenay, abbesse du « couvent réformé de Notre-Dame
de Nevers » , dames Jehanne Dunryage , Charlotte
du Pontot, Anne Vinet dicte de Tours, Claude de
Lange, toutes religieuses « dudict monastaire et les
senieures en icelluy ))..., et Jean Des trappes, contrô-
leur des deniers communs de la ville de Nevers.
Les religieuses avaient fait à Jean Destrappes un
bail à bordelage de plusieurs héritages situés à Saint-
Baudière, près Marzy, pour 60 sols et une géline,
provenant de Jean Giraut, décédé sans hoirs. Il y avait,
en plus, une rente de quatre boisseaux de froment,
due aux quatre curés de Saint-Genest, laquelle rente
Destrappes contestait, comme non portée dans son
bail. D'où procès et grands frais pour les deux par-
ties, qui conclurent à l'amiable un autre arrangement.
Les religieuses cèdent à Destrappes et à sa femme,
Catherine Pernin, veuve auparavant de ' Jean de Sau-
lieu, un bordelage de 60 sols et une géline, assis à
Saint-Baudière ; un autre, de 5 sols et une géline, à
Chaluzy ; un autre, de 45 sols et une oie grasse, sur
une maison sise à Nevers, rue de la Parcheminerie ;
un autre, de 45 sols et une géline, sur une autre
maison, rue de la Coutellerie, occupée par feu Antoine
Pinot , armurier ; les religieuses faisant complet
abandon de ces redevances et constituant Des trappes
comme vrai seigneur et maître, comme en sa propre
chose loyalement acquise.
(1) Parmentier, Archives de Nevers, t. !•', p. 394.
— 288 —
En contre échange et récompense, Destrappes cède
à Tabbesse et a au profâct de la crosse du menas-
taire » : 1® sept livres tournois et une géline dûs par
Louis Chappuz, marchand à Nevers, sur une maison,
jardin, terres et prés ; 2® 15 sols tournois par le môme,
sur une vigne, située aux Montapins ; 3° 20 sols dus
par Nicolas Durant, sur des terres sises à Pinay, près
Parigny -les- Vaux .
L'acte contient d'autres conditions de minime
importance et reste muet sur la redevance aux quatre
curés de Saint-Genest (1).
— Suit un autre litige, cette fois avec un chanoine.
La charte du bailli de Saint-Pierre en signale seule-
ment la cause, mais nous n'en connaissons pas Tissue.
Le 10 novembre 1581, Sébastien Frenillot, cha-
noine de Nevers, se plaint de ce que en Tannée 1574
l'abbesse de Notre-Dame , Françoise de Fontenay,
(( Tauroit, soubs beau langage et promesse, attiré à
son service, pour faire sa recepte et vacquer à ses
affaires ». Il expose que lui, simple et peu expert, il
s'est lancé dans des livraisons de grains importantes
et qu'on a abusé de son inexpérience. En fin de
compte, il s'est engagé à la somme de six cent quatre-
vingt-une livres, qu'il réclame à l'abbesse (2).
— En 1601 , Madelaine de La Rivière, femme de
Hubert de La Rivière , s'engage à une pension
annuelle de 20 écus, envers l'abbaye Notre-Dame, pour
chacune de ses deux filles, Marie et Louise de La
Rivière, qui ont fait profession cette même année (3).
Françoise de Fontenay parvint à un âge avancé et
se vit dans la nécessité de demander une coadju-
(i) Archives de la Nièvre.
(2) Id.
(3) Inventaire de MaroUes^ p. 760.
J
— 289 —
trice, ce qui lui fut accordé. Elle mourut le 21 août
1607 (1).
XXXI. Claudine de Gamaches, fille de Georges de Ga-
* mâches, seigneur de Jussy et de Quinquempoix, vicomte
de Rémon, baron de ChâteaumeîUant, et d'Anne des
Guerres, fut placée dès l'âge de sept ans, dans le mo-
nastère de Notre-Dame de Nevers. Cette enfant, qui
avait sucé la piété avec le lait, fit de rapides progrès
dans la vertu. Etant parvenue à l'âge fixé par les saints
Canons, elle fit sa profession religieuse, et du consen-
tement unanime des sœurs, qui avaient su apprécier
son mérite, elle fut immédiatement instituée prieure .
Elle continua par son humilité, sa piété et sa régula-
rité, d'être le modèle du monastère, et les sœurs l'en-
touraient d'estime et d'affection. Ce fut elle que
Françoise de Fontenay demanda pour coadjutrice.
L'acte fut signé en 1591, par Henri IV, qui était alors
au siège de Chartres. Jusqu'en 1606, Claudine refusa de
prendre le titre d'abbesse, car n'ayant pas encore
trente ans, elle n'avait pas voulu solliciter ses bulles
en cour de Rome ; elle les obtint de Paul V, aux
calendes de février 1606, et désira attendre la mort
de Françoise, pour se faire bénir. Ce fut Eustache du
Lys qui la bénit solennellement, le IX des calendes
d'octobre.
Une telle abbesse ne pouvait manquer de veiller à
l'observation des saintes règles de la discipline, et
d'exercer, sur les points défectueux, une sérieuse
réforme dans sa communauté. La clôture fut l'objet
principal de sa sollicitude : elle fit placer des grilles
aux parloirs, répara les murs du monastère; elle
renouvela le mobilier de l'église, sollicita et obtint des
(1) Au chapitre second, son extrait mortuaire est reproduit, à cause des
noms de religieuses qui sont citées^
T. TZ, 9* série. 19
-«0 -
i moines de Sainte-Colombe, au diocèse de Sens, des
reliques de saint Loup. Par ses exemples, plus que
par ses paroles, elle portait ses sœurs à la piété la plus
solide ; en secret, elle se livrait aux austérités et aux
exercices de la pénitence. Sous son administration,
a la congrégation de Chezai -Benoit, ayant été unie
à la réforme de Saint-Maur, par arrêt du Conseil du
2 mai 1636, Tabbaye de Notre-Dame suivit son chef
d ordre (1) ».
Après avoir gouverné son monastère pendant trente-
six ans, avec zèle et sagesse, elle mourut en odeur de
sainteté, la veille des ides (12) de novembre 1642 Les
sœurs avaient recueilli avec» soin les actes d'une vie
si bien remplie; malheureusement le manuscrit ne
nous est pas parvenu (2) ; nous y perdons des leçons
d'édification en même temps que de précieux rensei-
gnements d'histoire.
— 20 avril i62ï. Note du Roy. A esté présente noble
révérente dame Madame Claude de Gamaches, abbesse,
laquelle tant pour elle que pour la communauté, baille
et délaisse par ces présentes, à tiltre d'accense pour
cinq années continuelles et consécutives, commençant
au jour et feste de Nativité de sainct Jehan-Baptiste
prochain, à hon^ homme Nicolas Bataille, marchand,
demeurant en la ville de Desize, présent, stipulant et
acceptant la dicte accense la dix me de bled de Mar-
co nx, sise en la paroisse de Champ ver, appartenant
aux Dames religieuses, abbesse et couvent Nostre-
Dame de Nevers... tout ainsy que les précédents dix-
meurs en ont cy devant joy à tiltre d accense.... Soubz
Taccense de la quantité de 20 quartaux de bled,
mesure de Verneuil, par tiers froment, seigle et aveime
(i) Archives de Nevers, t. £•% p. 801.
(2) D'après Mv Crosnier, Congrég^Ham n/Ugimmmde fmifne$tp. 84,
— 291 -
et encore 2 quartaux de froment, huict aulnes de
thoile, le tout pour chacun an, de bon bled de dixme
raisonnable et bien vanné que le dict Bataille a promis
et s'est obligé payer, par chacun an, auxdictes
Dames ou à leur recepveur... au lieu du port de
Champver ou aultre port plus commode du costé de
la ville de Desize, à chacun jour de sainct Martin
d'y ver...
A Nevers, au parlouer de ladicte abbaye, après
midy, le 21* JQur d'Apvril 1621; présents: Jean
Durand, laboureur, demeurant à Sardolles, et M'® Jean
Durand, recepveur de ladicte abbaye, demeurant à
Nevers ; led. Durand, laboureur, a déclaré ne scavoir
signer ; oultre ce, unq sol pour chacun quartaul pour
les droitz du recepveur.
Ont signé : C. de Gamaghes, Bataille, Durand,
et Pelle, notaire. (1).
— 3 jutn 1624. Marché entre madame la prieure
Ozanne de Bonny (au nom de Madame l'abbesse), et
Léonard de Marizy, jardinier, qui devra, « pendant un
an continuel et consécutif, faire et nettoyer bien et
bonnement tous les jardins qui sont dans Tenclos, y
compris le vergier et la vigne, de la contenue d'envi-
ron 4 hommes . . . Devra item ayder à porter le bled
de lad. abbaye, lorsqu'il en viendra aux greniers
d'icelle, aussi accomoder et embûcher tout le bois à
chauffer, porter les graisses et fumiers aux jardins,
moyennant la somme de 24 livres et 4 quartauts bled
moitié froment et seigle. Lad. dame prieure devra
nourrir led. de Marizi et les ouvriers qui seront avec
luy pour luy ayder à faire les jardins et vignes seuUe-
(1) Minutes PeUé.
— 29a —
ment ; comme aussy il sera nourry lorsqu'il aydera i
porter les bleds et bois (1). »
1624. Prieuré de Marseigne. — Je ne puis me
borner à citer la date et le titre de la pièce concernant
ce prieuré, qui a été mentionné tant de fois parmi les
maisons dépendant de Tabbaye Notre-Dame ; il s'agit
d'une visite, dont il fut l'objet, entourée de circons-
tances et de détails qui ont tour à tour leur côté
drolatique et fort intéressant. Elle n'avait pas été
annoncée et la prieure se trouve absente ; le serviteur,
devant l'appareil d'un religieux accompagné d'un
avocat, de deux notaires royaux, voudrait voir tous ces
personnages à cent lieues, a peur de se compromettre
en laissant visiter la maison, refuse de parler et,
ensuite, fait des réponses qui seront de tout point
contredites par le curé de Marseigne, chapelain du
prieuré. De tout cela, il résulte un compte rendu de
visite un peu décousu et sans ordre, mais qui ne
laisse pas que d'être complet. Je reproduis donc in
extenso les trois procès- verbaux qui furent rédigés en
cette occasion :
« Le lundy, 22* jour du mois de juillet 1624, au
lieu du prioré de Marseigne-les-Jalligni (2), diocèse
de Clermont, nous frère Jacques Aubert, presbtre et
religieux profès de l'abbaye de Saint- Vincent du
Mans, ordre réformé de Chezault-Benoist, commissaire
députté par révérende dame Claude de Gamaches,
abbesse du dévost couvent réformé de Notre-Dame de
Nevers, ordre dud. couvent, dont nous sommes à
présent Père confesseur, et en vertu de la commis-
sion du 19* jour du présent moys de juillet et an
(1) Minutes Pelle.
(2) Marseigne, en Bourbonnais, diocèse de Clermont, en Télection de
Moulins; on y compte 22 feux. {Dictionnaire géographique^ d*Ezpilly,
1722).
— 293 —
susdict, signée de Gamaches, abbesse, Durand, Poisson
et Brisson, notaire royale comme secrétaire de lad.
abbaye ; où estant arrivez environ les troys à quatre
heures de Taprès-midy, en présence du not® royal au
bailliage et siège présidial de Saint-Pierre le-Mous-
tier, soubz^ez^ ^t (j^g témoingts cy-après nommez.
Avons trouvé aud. prioré de Marseigne-les-Jalligni,
ung jeune homme, âgé d'environ 25 ans, auquel avons
faict demander quel il estoit et enquis de son nom ; a
dict estre serviteur domestique de ceste maison, soubz
dame sœur Perronne de La Guiche, religieuse et
prieure du présent prioré de Marseigne et aulcune-
ment ne nous a voulu dire son nom, quoique interpellé
à plusieurs fois, et nous a dict que lad. dame Perronne
de La Guiche est à présent en Bourgongne, en la maison
du S' de Chitain, son frère, et déclarant, en outre,
qu'il n'y a aultres religieuses demeurant en ce lieu
depuis la feste Nativité sainct Jehan-Baptiste dernier,
et qu'il ne se faict aucun service en l'église du prioré,
que faict un presbtre qui célèbre la messe quelques fois
et toutesfois ne demeure pas en ce lieu, mais au lieu
de Boussier^ distant de ce lieu d'une lieue.
» Ce faict avec led. serviteur, nous nous sommes
transportez au dedans de l'esglise dud. prioré et, pour ce
faire, passez par le cloistre ; et estant dans lad. esglise,
avons veu le grand aultel assez honnestement orné de
parements et nappes et ung tabernacle à mettre le corps
de Dieu, lequel toutesfois n'avons ouvert, pour n'avoir
la clef. Comme aussy avons veu deux aultels auxcostez
du grand aultel en assez bon estât et parez d'honnestes
ornements, et quant à la voulte couvrant le grand
aultel, elle est crevassée, fendue et entre ouverte,
menassant ruyne ; et quant à deux petites voultes,
estant à l'entrée du chœur de lad. esglise, avons veu
qu'elles ont esté puis naguères refaictes à neuf et ne
— 294 —
sont encore les saintres ostés ; et quant à la nef de lad.
esglise, il n'y a aucune charpenterye ni couverture ; et
à l'esgard de la charpenterye et couverture estant sur
lesd. aultels, avons recogneu qu'elle estoit de bonne
nature ; comme aussy avons veu que sur lesd. deux
petites voultes il y a de la charpenterye faicte à neuf,
lattée et à demy couverte d'un cousté. Et d'illec nous
nous sommes transportez au dedans le cloistre dud.
prioré, dont avons trouvé troys des allées d'icelluy
garnies de charpenterye et couverture en thuille, à la
réserve de qque peu d'essaulne ; et quand à l'aultre
allée, avons recongneu estre sans couverture, lad.
charpenterye estant renversée. Et ne sont lesd. allées
du cloistre pavées ni carrelées, sinon en qques endroicts
où il y peut avoir troys cens de carreau.
)) Et vouUans nous transporter au dedans les cham-
bres dud. prioré, avons icelles trouvées fermées, et
nous a raporté led. serviteur avoir esté partye d'icelles
fermées par lad. dame prieure lorsqu'elle s'en est allée ;
et à l'esgard des aultres chambres, présentement
fermées par les servantes. Et ce faict ainsy, nous
sommes entrez dans led. cloistre, pour entrer dans lad.
esglise. Avons veu deux femmes dans une chambre
dud. prioré. Avons néantmoingtz recongneu et veu la
bonne tenue d'icelles chambres, estant en bon estât et
nature, mesme la couverture d'une grange estant au
devant led. cloistre. Enquis led. serviteur es quelles
valleurs estoit le revenu dud. prioré, a dict qu'il ne
scait, pour y avoir trop peu de temps qu'il y demeure.
Dont et de tout ce que dessus avons dressé nostre
présent procès-verbal, en présence de honorable homme
et sage maistre François Moquot, ad»* au bailliage et
pairie de Nivernois, Léonard Saultereault, not'« et
procureur aud. bailliage, demeurant à Nevers, estant
de présent en ce lieu dud. prioré de Marseigne, tes-
— 39B —
moingtz et deux jeunes aultres hommes qui n'ont
voulu dire leur nom ; en présence desquels avons
interpellé lad. dame de la Guiche, prieure dud. prioré,
parlant aud. serviteur, de délivrera lad. dame abbesse
de Nevers le marc d'argent pour le droict de lad. visitte,
ensemble les frais d'icelle, et nous représenter la liève
du revenu dud. prioré et les comptes qui ont esté
rendus ; lequel a dict qu'il ne scait que c'est. Et voul-
ions faire lecture du présent procès-verbal et faire
signer led^ serviteur et lesd. hommes tesmoingtz,
ensemble faire délivrer ce présent, lesd, serviteur et
jeunes hommes se sont retirez ; et au mesme instant
nous avons veu et visitté une grande salle, estant à
Tune des costières dud. cloistre et proche de lad.
esglise, de la longueur de neuf toises ; laquelle salle il
a aparu avoir anciennement servi de réfectouer, et le
dessus de dortouer^ comme il paraist par les entrées
et anciennes marques; laquelle salle est à présent
divisée en deux. En la party e la plus proche de Tesglise,
il y a une crèche à chevaulx et présentement un che-
val attaché ; et Taultre partye aparoist servir d'estable
ft bestiaulx^ pour y avoir quantité de fumier et de
f oing par dessus. Faict, les tesmoingtz présents, en pré-
sence desd. sieurs Moquot et Saultereault auxquels
avons faict signer le présent procès-verbal, avec nous
et avec Fço»s Pellé, n" royal susdict. Par lequel Pelle
avons faict faire une copie de notre pouvoir et des
présentes et icelle attachée à la porte par laquelle on
entre au cloistre.
» AuBERT, Moquot, Saultbreault, Pelle ».
« Et led, jour, environ les 7 heures du soir, au lieu
de Jalligni, au logis de Nostre-Dame, s'est comparu
par devaat nous, commksaire sisisâict, Messire Jehan
- 296 —
Tungnaud, presbtre, lequel nous a dict que, à la nomi-
nation de lad. dame prieure de Marseigne, il a esté
pourveu^ par le g^ vicaire de Clermont, de la cure de
Marseigne drez la feste de Pentecoste dernière, depuis
lequel temps a faict actuelle résidence à une des
chambres dud. prioré de Marseigne, d'aultant que à
présent il n'y a aucune maison presbiteralle, estant
ruynée de long temps et les parochiens si pauvres
qu'ils n'ont moyen de la faire rebastir ; demande acte de
sa présente déclaration, prétendant que celle, faicte par
le serviteur de lad. dame prieure de Marseigne par le
procès-verbal cy-dessus, dont il nous a représenté la
copie qui auroit esté deslaissée à la porte, ne luy pourra
nuyre ni préjudicier, déclarant en oultre qu'il faict le
service divin et célèbre la sainte Messe de deux jours
lung au moins, en l'esglise dud. prioré; mesme il
célèbre les sainctes vespres, les jours de dimanches et
festes de Nostre-Dame et d'apostres ; et à l'esgard des
interpellations faictes à lad. dame prieure, en parlant
aud. serviteur, a dict qu'elle est de présent à Persy
en CharoUois en la maison du s' de Chitain, son frère,
depuis XV jours, l'en advertira pour y pourvoir par
elle, ainsi qu'elle advisera, nous requérant nous vouloir
transporter au prioré, pour faire visitte des chambres
d'icelluy et voir les papiers qu'il nous représentera.
Dont et de tout ce que dessus, avons aud. curé octroyé
acte et déclaré que demain, heure de 5 heures du ma-
tin, nous nous transporterions au prioré pour faire
visitte desd. chambres. Faict en présence desd. Moquot
et Saultereaul, proc' au bailliage et pairie du Niver-
nois, demeurant à Nevers.
» AuBERT, Tungnaud, Saultereault,
Moquot, Pelle ».
« Et le mardy, 23« jour dud. moys de juillet 1624,
— 297 —
nous commissaire soubz'*^, nous sommes transportez
audedans dud. prioré, où estant led. Tungnaud nous
a f aict voir une grande chambre planchée à neuf et une
des salles attenantes et une cuisine, deux aultres
petites chambres ; toutes lesquelles chambres, salles et
cuisine, avons trouvé en bon estât et suflBsamment gar-
nies de meubles.
)) Item nous a dict qu'aud. prioré apartientung molin
à bled, assis proche et au-dessus de Jalligni, sur la
rivière de Besbre, justice dud. prioré, qui s'accense
communément 50 quartes froment et seigle .
)) Item un domaine consistant en bastiment, prés,
terres, pastouraux et bois et buissons, garni de bestial,
déclarant que, depuis 20 ans, lad. dame prieure a faict
planter l'œuvre de 15 hommes de vigne proche le jar-
din. Oultre qu'il y a un pré de 10 chartées de foing,
proche led. prioré, pour la commodité et mesnage de
la maison.
» Item que aud. prioré sont dubz plusieurs articles
de cens, rentes et beaux deniers, debvoirs ; et de faict
nous a représenté deux vielz terriers, receux par Pico-
rin, contenant l'ung 112 feuillets escripts, et Taultre
par Turrier, notaire, 66 feuillets escripts.
» Item, un aultre dud. Picorin, contenant 80 feuillets
escripts et ung aultre, où il y a le disme de Marseigne,
qui se lève en l'estendue de lad. paroisse et justice de
Marseigne, auquel disme elle a la moictié, estant avec
luy curé et le s' Couzin, cons' à Molins.
))Item, a lad. prieure droict de disme es paroisses de
Salligni, CoUanges et les Fougès, paroisse deThionne.
» Oultre ce, a la totalle justice, haulte, moyenne et
basse au dedans l'enclos et pourpris de la paroisse de
Marseigne > cimetière et deux maisons devant lad.
esglise, et encore en la maison du jardinier, et au sur-
plus, en led. disme de Marseigne.
-«8-
)»^ Et a lad. dame la nomination et provision des offi*
ces, ea pergoit les esmoluments. Et peut valoir le
revenu dud. prioré la somme de 400 livres.
» Et en rinstant, nous a led. Tungnaud conduict en
Tesglise dud. prioré, où estant il nous a faict voir dans
le tabernacle, estant sur le grand aultel, ung calice
d'argent, ung reliquaire aussi d'argent, le dessus estant
doré ; item 3 chasubles, l'une de velloux bleuf , l'autre
de damas blanc et laultre de satin noir avec deux
courtibaults (1) d'O^tade (2) noirs, avec marques blan-
ches et une chappe de camellot incarnat ; item 4 aulbes
avec amicts et saintures» un messel neuf à l'usage
romain, selon la réformation du Concilie, et ung autre
à l'usage romain et deux vieux livres de plain cham ;
déclarant en oultre led . Tungnaud que, par le peu de
temps qu'il est en ce lieu, il ne peut déclarer s'il y a
plus grand revenu. Dont et de tout ce que dessus avons
dressé nostre présent procès-verbal de visitte, pour
servir à Madame l'abbesse de Ne vers ce que de raison .
» Faict en présence des susdicts F^*^^ Moquot, ad»* au
bailliage et pairie de Nivernois, et Bernard Saulte-
reault, proc' aud. bailliage, demeurant à Nevers, tes-
moingtz, en présence desquels a esté délaissé copie
des deux procès-verbaux cy-dessus et derniers escripts,
pour luy représenter, et faict signer icelle copie par
Fçois Pelle, no^ royal au bailliage et siège présidial de
Sainct-Pier re-le-Mo us tier .
^) AuBERT^ Tungnaud, Moquot, Saultereault.
Pbllé(3) )►•
Après cette bonne trouvaille de la visite du prtoré,
je m'adressai à M. l'abbé Nicolas, doyen de Jaligny,
(i) Caintibaolty vêtement (l*ëg)iBe< sort« de dslmttique. Cwriiiikb9iduê
(DU Canqe>
(â) Oatade, «orte d'étoffe, estame. Ostada (d0 Gangs).
(S) Minutes Pelle.
- 299 -
en le priant de me renseigner sur l'état actuel de
l'église, du couvent, etc. M. le doyen s'empressa de
satisfaire à mes désirs avec autant d'amabilité que de
compétence ; je résume ses notes.
L'église n'existe plus ; elle a été démolie dans le
courant du siècle dernier. Elle servait à la fois pour
les offices du couvent et de la paroisse de Mar-
seigne.
L'origine du prieuré est très ancienne ; au xiii® siè-
cle, le prieuré de Coulanges en dépendait. En 1293, un
différend s'éleva entre Robert III, comte de Clerraont,
seigneur de Jaligny, et Isabelle, prieure de Marseigne,
au sujet de la justice haute et petite du prieuré, et
des amendes qu'elle devait toucher pour les délits
commis dans la ville de Marseigne. L'affaire s'arrangea
à l'amiable par devant Alix, abbesse de Sainte-Marie
de Ne vers.
L'abbesse de Nevers .était dame de Marseigne à
cause du prieuré, membre de l'abbaye de Nevers.
En 1686, le prieuré valait 800 livres de revenu. Les
domaines voisins, de Trafes et des Ardilliers, en
dépendaient.
Marseigne semble avoir été bâti sur l'emplacement
d'un camp romain, comme donnent lieu de le croire
sa position topographique sur la voie romaine de
Roanne à Clermont, la découverte d'objets d'or et de
bronze et d'un petit moulin à main, en pierre ; non
moins que le nom de Marsinha des anciennes chartes
{Mariis signa, périphrase pour désigner un camp). A
l'opposition de la Renommée^ l'importance de la ville
de Marseigne est allée en décroissant ; en 1569, la
paroisse de Marseigne ne comptait plus que 28 feux.
Dans un temps de peste, à une époque que nous ne
saurions préciser, la vénérable abbesse se retira &
- 300 --
SardoUes, avec la majeure partie de ses religieuses. Là,
à la tête de ses compagnes, elle récitait loffice dans
l'église paroissiale (1).
A simple titre d'étiage de la peste au xvii* siècle,
l'année 1627 est citée comme celle où ses ravages
furent le plus terribles à Nevers(2).
XXXII. Gabrielle Andrault de Maulevrier-
Langeron fut nommée par le roi abbesse de Notre-
Dame le XIV des calendes de novembre (19 octobre)
1642 ; ses bulles sont datées du VI des calendes de
janvier (26 décembre) de la môme année, mais elle ne
prit possession que la veille des nones d'avril 1643(3).
— Des démêlés eurent lieu entre l'évoque Eustache de
Chéry et le couvent. Il en sera question plus en détail
au chapire second.
— L'abbesse Gabrielle réunit dans un beau reliquaire
les nombreuses reliques du couvent, le 12 août 1667.
— En 1663, au refus des Pères de Saint-Maur de
continuer la direction de labbaye Notre-Dame,
Madeleine-Gabrielle Andrault de Langeron, abbesse,
présenta une requête à la voûte de Cluny et se fit unir
à cette congrégation par acte d'Etienne Dubois, secré-
taire, du 27 avril 1668 ; Dom Pierre Dulaurent, grand
prieur, ensuite évêque de Belley, président.
A la suite de cette démarche, qui fut favorablement
accueillie, elle résolut de ne plus s'occuper que de
l'affaire de son salut et elle se démit en faveur de la
suivante. Elle mourut à im âge fort avancé, le 17 mars
1698.
XXXIII. Marie-Louise Andrault de Langeron
devint abbesse de Notre-Dame par la résignation de
(i) Notes manuscrites de l'abbé Trouflaut.
(2) Mff' Crosnier, Tableau chronologique de Vhistoire du Nivernais,
(3) M0r Gro9NI£R, Congrégations religieuses de femmes, p. 24.
— 301 —
Gabrielle, sa parente ; elle obtint de Clément X ses
bulles, datées de la veille des ides de décembre 1670
(12 décembre).
Le 21 novembre 1703, elle se fait associer pour tou-
jours avec sa communauté aux religieuses du Saint-
Sacrement de Paris, pour être en adoration chaque
jour, de deux heures jusqu'à trois heures de l'après-
midi, à l'intention de la première sœur qui doit mou-
rir (1). Elle gouverna le monastère jusqu'en 1704 ; son
épitaphe couvrait une grande dalle du chœur de
Téglise abbatiale. Plusieurs personnes de sa famille y
avaient aussi leur sépulture (2).
XXXIV. Marie-Charlottb de Lévis, fille de
Charles- Antoine de Lévis, comte de Charlus, et de
Marie-Françoise de Paule de Béthisy, fille du marquis
de Mézières, était religieuse du monastère de Saint-
Menoux (dans l'Allier), quand elle fut nommée par
Louis XIV abbesse de Notre-Dame de Nevers, aux
calendes de novembre (1^' novembre) 1704. Au chapitre
second « du Personnel », paragraphe des Religieuses,
son brevet est analysé, et le consentement de la com-
munauté est reproduit en entier. Après avoir reçu ses
bulles, elle prit possession le III des nones de novembre
(3 novembre 1705). Le 24 décembre 1714, Madame
Marie-Charlotte de Lévy (3), abbessede Notre-Dame de
Nevers, se fait associer et sa communauté à la confré-
rie des Agonisants, établie dans l'église Saint-Martin ;
on dira tous les vendredis le Miserere et cinq Pater
et cinq Ave Maria, et on aura soin de faire avertir
(\) Dernier obitaaire de Notre-Dame. Bulletin de la Société Niver^
ntûse, t. XIII, p. 193.
(3 Les épitaphes de la famille de Langeron sont reprodaitai an
troisième chapitre, description de Tégliae abbatiale.
{d) Elle signe toujours M,-^h, de Lévy-CkarluSf abbesse.
— 302 ^
les Pères de Saint-Martin quand une sœur sera à
ragoniO; afin qu'ils fassent les prières des associés (1).
Le 4 juin 1719, elle vériflBie {sic) les reliques de saint
Révérien et de saint Genoux, conservées dans trois
châsses... et ordonne que la fôte de Saint-Révérien se
célébrera solennelle majeure, avec octave, le V^ juin
de chaque année, et la fôte de saint Genoux solennelle
mineure de seconde classe, le 17 janvier de chaque
année (2). Elle mourut à Bourbon-rArchambault, le
10 février 1719, et fut inhumée dans l'abbaye de
Saint-Menoux.
XXXV. Marie-Henriette de Lé vis, sœur de la
précédente, avait fait profession au monastère de
Provins, où elle résidait, quand elle fut nommée, le
16 février 1719, par le roi pour remplacer Marie-
Charlotte ; elle obtint ses bulles le 9 mars suivant. Le
18 mai de la m^me année, elle fut bénie solennelle-
ment par M^ Edouard Bargedé, évêque de Nevers (3),
et le 25 du même mois elle prit possession. Elle mourut
à Paris, le IV des ides de mai (4 mai) 1731, à l'âge de
quarante-quatre ans.
— 1720, 26 septembre. A la grille et au parloir de
l'abbaye, ramboursement de 1,471 livres pour extinc-
tion, rachapt et amortissement de la rante de parcelle
somme constituée par M'® Hector Andrault de Lan-
geron, marquis de Maulevrier, et dame Anne du
Maine, le 7 janvier 1664, en plus de la dette de
dame Gabrielle Andrault de Langeron, leur fille,
(1) Dernier obitaaire de Notre-Dame. Bulletin de ta Société Niver^
nai9ê, t XIU, p. 193.
(S) Dernier obituaire de Notre-Dame. Bulletin de la Société Niver^
naUe, t. XIU, p. 193.
(3) Parmentier dans ion Histoire manuscrite des Evêques de Nevers^
n'admet pas la date du GfaUia, mais porte la bénédiction solennelle au
landi de la Pentecôte, ^ mai.
-908 —
religieuse de lad. abbaye, laquelle somme a été payée
en billets de la Banque royale et monnoie ayant cours,
au nom d'hault et puissant seigneur Messire Jean-
Baptiste-Louis Andrault de Langeron, chevallier,
comte de Chevrières, baron d'Ogé et autres places,
lieutenant-général des armées du roy, et de dame
Elisabeth Le Camus, son épouse, demeurants ordi-
nairement à Montlevrier, paroisse de Nolay en Bour-
gogne (1).
— 1728, 31 mars. Bail par dame F^^^ Ollîvier,
prieure, pour l'absence de dame dame Marie-Henriette
de Levy Charlus, abbesse, pour 9 années, à Messire
Gaspard Despaillards, prestre, curé de Luthenay, de
la part des dixmes de bled des dames religieuses dans
la paroisse de Lutheaay, moyennant la somme de
13 livres 10 sols par chacun an (2) .
— 20 may. Bail idem, pour 6 années, à Messire Michel
Maillot, archiprôtre et curé de S^Benin et S^Christo-
phe d'Azy, du dixmede bleds appelé Cherault, moyen-
nant 5 quartaux de froment par an et le sol par
quartau pour le receveur (3).
— 17 juin. Bail idem, pour 3 années, à Jean L^er,
charpentier, dem* à Beeumont-sur-SardoUes, du dixme
de bleds en l'étendue de lad. paroisse, moyennant
18 quartaux froment par an et le sol par quartau
pour le receveur. Est intervenu Michel-Jean de
Meung, ch' sr de la Ferté, Beaumont et autres lieux,
demeurant en son château de la Cave, qui se porte
caution pour led. Léger {4).
— 26 juin. Bail par dame Fço"«« Ollivier, pour et au
nom de dame dame Marie-Henriette de Levy Cfaarlui,
(1) Minâtes Pierre Rondeau.
(2) Minutes Frebtult.
(3) Idem.
(4) Idem.
V
— 304 —
pour le temps de 4 années, à Hervé La Ramée, labou-
reur au bourg d'Imphy, du droit de dixme de bleds
desd. dames, moyennant 14 quartaux froment et'le sol
par quartau pour le receveur (1).
1730, 1" juillet. Aux sieurs Louis Reux, tixeran,
Jean Hué, vigneron, et Maurice Briady, blastier,
demeurants au bourg de CuJBEy, a été adjugé à l'issue
des vespres de Cuffy, le 29 juin dernier, pour un an
seuUement, le dixme de la paroisse de Beaulne-les-
Cuflfy, moyennant la somme de 62 liv. 5 sols, dont ils
payeront 30 liv. au s' curé du Veuillin, qui fait la
desserte de Beaulne, et le surplus à l'abbaye Notre-
Dame (2).
XXX VL N. Le Maistre fut nommée par le roi
abbessedeNevers, le Vil des calendes d'août (26 juillet)
1731. C'est le seul renseignement que nous donnent
les auteurs du Gallta Christiana sur cette abbesse,
dont ils ignoraient le prénom.
Parmentier, qui écrivait ses chroniques sur Nevers
peu d'années après la mort de cette abbesse, ne cite que
son nom et ajoute ce simple détail que, de son temps,
l'abbaye était réduite à 13 religieuses, tandis qu'à la fin
du xvi« siècle, on comptait jusqu'à 80 professes ; plus
loin, au deuxième chapitre, « du Personnel de l'abbaye »,
paragraphe des Religieuses, nous verrons que ces deux
chijBres ne sont pas exacts. Elles étaient plus de 13 reli-
gieuses du temps de l'abbesse Le Maistre et beaucoup
moins de 80 professes à la fin du xvp siècle.
1731, 6 octobre. Marie-Marguerite Le Maistre
n'avait pas encore reçu ses bulles, car à cette date,
sœur Françoise OUivier, prieure, demeurant à l'abbaye
« dont le siège est vacant par le déceds de Madame de
(i; Minutes Frebault.
(2) Idem.
— 305 —
Lévy-Charlus », vend à Aray (Are) Pernet, voiturier
par eau, demeurant à Nevers, la coupe et superficie
de deux cantons du bois Railly, dépendant de la terre
et seigneurie de SardoUes, l'un appelé le bois du Boula
et l'autre le bois du Brouille, moyennant la somme de
372 livres.
Ont signé : S' Olivier, prieure ; s' Pérude, s' Brisson,
s' DUGUÉ, s' DE SeLINES — TlXIER,
Frébault, notaires (1).
13 décembre. Sœur Olivier, prieure, le siège vacant
par le déceds de Mad" de Lévy, abbesse, baille à titre
de ferme pour 3 années venant à 6, à Jean et Pierre
Cliquet frères, meuniers à Asnan, le terrier d'Asnan,
consistant en cens et droits de livrages ou champarts,
moyennant la somme de 17 livres par an (2).
— 1732, 21 juin. Dame Madame Marie-Marguerite Le
Maistre, abbesse de l'abbaye royale de Notre-Dame,
baille à titre de ferme pour 3 années, à Pierre et Jean
Decourt frères, laboureurs et communs personniers,
demeurants ensemble au lieu de Chevigny, justice
desd. dames, les dixmes de bleds du territoire et jus-
tice de Chevigny et es environs, y compris les novalles
apartenant auxd. dames, à cause de l'ordre de Cluny,
moyennant 39 quartaux de bled, 2 tiers froment et
l'autre tiers moitié orge et avoine chacun an (3).
21 juin, Mad' l'abbesse baille à titre de ferme pour
3 années à Louis Porche, vigneron, dem* à Nevers,
les dixmes de bleds de la paroisse de Gimouille,
compris les novalles, moyennant 6 quartaux de bled
moitié seigle et froment par an (4).
(1> Minutes Frebault.
(2) /ci.
(3) Id.
(4) Jd.
T» IX, 9* série, ^
— 306 -
6 juillet. Madame Tabbesse baille pour 6 années A
Jacques Bernard, Pierre Guinot et Jean Carré, jar-
diniers au faubourg de Mouesse, le dixme de bled de
laparoissse de Chaluzy, moyennant 12 quartaux de
bled moitié froment et moitié seigle (1).
3 décembre. Marie-Marguerite Le Maistre, humble
abbesse de l'abbaye de Notre-Dame de Nevers, à notre
cher en J.-C. Pierre Bureau, clerc de ce diocèse,
salut. Comme la chapelle de S'« Marie-Magdelaine...
est de notre nomination et collation de plein droit,
comme de notre dignité abbatiale, laditte chapelle
étant venue à vaquer par la mort de M'« Claude de
Malville..., nous étant assurée de votre capacité,
bonne vie et religion, nous vous avons nommé et
conféré laditte chapelle..., avec tous ses droits, fruits
et revenus.
Donné à la grille de notre abbaye en présence du
notaire royal, secrétaire de notre abbaye, en présence
de M" Philibert Bigarné, prestre, sacristain de l'église
de Nevers, et du sieur Claude Olivier, marchand.
S' Le Maistre, abbesse ; Bureau, Bigarné,
Ollivier, Frebault, notaire (2).
li décembre, avant midy... Je, notaire royal, secré-
taire de l'abbaye, en présence des témoins ci-après
nommés, me suis transporté à la chapelle de S^'-Mag-
delaine, où estant avec ledit sieur Bureau, assisté de
M® Bigarné, prestre..., je l'ai mis en possession réelle
actuelle et corporelle de la chapelle, par la libre entrée
en lad. église Notre-Dame, prise d'eau bénite, prière
à Dieu devant l'autel de la chapelle, baiser de l'autel,
son des cloches et exibition des lettres de provision et
(1) Minutes Frebault.
(2) Id.
- 307 -
par les autres cérémonies en tel cas requises et accour
tumées ; à laquelle prise de possession lue et publiée à
haute et intelligible voix par moi, not* royal.. . en pré-
sence du s' Claude Olivier, m^^ dud. s^ Bigarné,
M'^ Pierre Barbier, receveur de l'abbaye, et autres
personnes, ont signé :
P. Bureau, Bigarné, Ollivjbr, Darnoux,
Bai^bier, Frebaux-t (l).
— 1733, 8 avril. Dame Mad* Marie-Marguerite Le
Maistre, abbesse, a requis Frebault, not'®, de recevoir
en dépôt up acte capitulaire fait entre elle et ses reli-
gieuseSf du 4 de ce mois, signé de lad. dame et des
dames Olivier, Pérude, Dugué, Brisson, de Sélines,
de Montrenaud, du Vidal, de Cpurcelles et de Durât.
Signé : S' Lb Maistre, abbesse ; Frebault.
Voici la copie de 1 acte annexé :
Ce jourd'huy 4°*'^ avril 1733, après midy, les dames
abbesse et religieuses... de Notre-Dame de Nevers,
assemblées en chapitre... où il a été exposé par
Mad« Le Maistre, abbesse, que s"^ Marguerite de Bèze
de Vaisvre, prieure cy devant du prieuré de N.-Dame
de Marseigne-les-Jaligni, membre dépendant de lad.
abbaye, seroit décédée le 1*' de ce mois, après une
attaque d'apoplexie et inhumée ensuite le jour suivant
en présence de toute la communauté, et que led.
prieuré étoit de sa collation de plein droit par sa
dignité abbatiale, et qu'avant la mort de lad. de Bèze
de Vaisvre, de son consentement verbal, elle auroit
donné requeste au Roy pour le supplier tant de sa part
que de celle de toute la communauté à ce que led.
(1) Minutes Frebault.
- 308 —
prieuré de Marseigne fût réuni, après la mort de lad.
de Bèze de Vaisvre, au profit de lad. communauté,
comme les autres prieurés membres de mesme, de
lad. abbaye l'avoient estes en 1534, par arrest de la
Cour de Parlement tenant les grands jours à Moulins,
sur laquelle requeste seroit intervenu arrest, le
28 février dernier, le Roy étant en son Conseil qui a
ordonné que lad. requeste seroit communiquée à lad.
de Bèze de Vaisvre, prieure dud. Marseigne, pour y
répondre juridiquement, qui par son accident n'a esté
en estât de donner par écrit son consentement ; les-
quelles religieuses assemblées, après avoir pris com-
munication dud. arrest du Conseil du 28 février
dernier, consentent toutes d'une voix que le tiltre
dud. prieuré de Marseigne demeure entièrement
éteint et supprimé et que tous les droits, fruits et
revenus en dépendans, soient réunis à la manse com-
mune et conventuelle, aux charges du service accous-
tumé, continuant à supplier très humblement Sa
Majesté à accorder la grâce qui lui est demandée,
approuvant par ce présent acte et aflSrmant véritables
les raisons contenues dans la requeste, sur laquelle est
intervenu led. arrest appuyé de ses pièces justificatives,
consentant en outre que la présente délibération serve
à Madame notre Abbesse ou à ses agens, de procura-
tion pour poursuivre auprès de Sa Majesté lad.
réunion, et qu'elle soit déposée chez un notaire royal
pour en délivrer toutes les expéditions nécessaires à
lad. dame Abbesse pour luy valoir ce que de raison.
S' Le Maistre, abbesse ; s' Olivier, prieure ;
s' Marie Pérude, s'f Dugué, s' Brisson,
s' Pérude, s' de Selines, s' de Montre-
NAULT, s' DU Vidal, s' de Courcelles,
s' DE Durât (1).
(i) Minutes Frebault
- 309 -•
6 juin . Bail . . . pour 6 années venant à 9, à sieur Jacques
Vyau de Baudreuille, étudS dem' à S*-Pierre-le-
Moûtier, du dixme de bled en la paroisse de S*-Babille,
appelé dixme de Buy et Verrière, moyennant la
somme de 40 livres par an (1).
16 juin. Bail à ferme pour 9 années, à M'" Claude
Dubois, procureur au bailliage et siège présidial de
S*-Pierre-le-Moûtier, du revenu des terriers des sei-
gneuries de Buy et Verrière, et Coutière... consistant
lesd. terriers en cens, rentes, bordelages et corvées,
moyennant 100 liv. par an (2).
24 octobre. Vente de coupes de bois à Etienne Cor-
nillon, m<* voiturier par eau àNevers, et Robert Duret,
m^ et meunier du moulin de SardoUes desd. dames.
Coupe consistant en quatre quantons de bois taillys,
l'un appelé le Gros-Bois de SardoUes, le 2« la Queue-
de-Vaux, le 3® les Cornes-de-Druy, et le 4« les Gfi^^-
Mouilles — et un autre quanton de 4 à 5 arpens appelé
la Fontaine-Bernard, en la paroisse de Trois- Vesvres,
moyennant 1.000 livres (3).
25 novembre. Par devant Jacques Frebault, not'*
royal, assisté de son confrère, qui se sont transportés
à l'abbaye, fut présente sœur Magdelaine de Bèze de
Vaivre, fille de defifunct M'® Jacques de Bèze, ss^ de
Vaivre, et de dame Jeanne Marchand Dugué, autorisée
par M'« Joseph de Bèze, éc'., s»?' de la Belouze, cons»^'
du Roy, controUeur en la Chambre des Comptes et
Cour des aydes de DoUe, demeurant en cette ville,
son curateur — laquelle s' Magdelaine de Bèze de
Vaivre, ayant fait son noviciat, a requis être reçue
professe, ce qui lui fut accordé. Ce fait, ont comparus
M'« Claude de Bèze de Vaivre, docteur en théologie,
(1) Minutes Frebault.
(2) Id.
(3) Id.
- 310 —
chanoine de NeVers, y demS prôvost du chèipitre de
Tannay, M'** Jacques de Bèze, s»?' du Gué, mousque-
taire de la garde du Roy, et M' F^^^ FHogenne de
Bèze de S*-Didier, lesd. sieurs derniers nommés
émancipez d'&ge, néanmoins à cause de )eur minorité
autorisés par led. sieur de la Belouze; lesquels pour
éviter que leur dite sœur Magdelaine ne soit à charge
à lad. abbaye, pour hayder et subvenir & ses besoins...
lui créent et constituent une pension viagère de
âOO liv. par an.
S' Olivier, prieure, de Bèze de la Belouze,
S' Marie t^érude, de Bèze de Vaivre,
S' Brisson, Ch''' de Bèze,
S' de Bèze de Vaivre, de Bèze de Saint-Didier.
S' Le Maistre, abbesse ; Frebault (1).
26 novembre. S' Magdelaine de Bèze de Vaivre,
étant proche la grande grille de fert qui sépare les
dames religieuses des séculiers, se présente à Madame
l'abbesse pour faire profession ; à haute et intelligible
voix elle prononce les mots de lad. profession : « In
nomîhè b. M J.-C. Amen, L'an de N.-S. 1733, le
26nov% je, sœur Magdelaine de Bèze de Vaivre, native
de la paroisse de S^-Léger-de-Tannay, dîocèze de
Nevers, âgée de 20 ans, promets ma stabilité et
conversion de mes mœurs et obéissance selon la règle
de s* Benoist, devant Dieu et tous les saints desquels
les reliques sont dans ce monastère, fondé en l'honneur
de la très glorieuse Vierge Marie, au diocèze de Nevers,
en présence de lad. dame abbesse, sous la congrégation
àe Clùny à laquelle lad abbaye est agrégée et de Dom
Charles Verniér, prestre religieux de l'ordre de Cluny,
officiant en lad. esglise et confesseur ordinaire des
(1) Minutes Frebault.
- 311 —
dames, en foy de quoy j'ay fait écrire cette demande
que j'ay signée de ma main ». Lequel écrit lad. s' Mag-
delaine a remis es mains de lad. dame abbesse. Après
quoy le Veni Creator a été chanté, ensuitte les prières
accoutumées, et a été baillé par lad. dame abbesse
l'habit de religieuse professe à lad. s' de Vaivre. Et ont
été fait en outre touttes les autres cérémonies en pareil
cas requises ; et en signe d'amitié et confraternité en
N.-S., a été lad. sœur de Vaivre baisée tant par lad.
dame abbesse que par les autres religieuses assistantes
à lad. profession, après quoy a été mise sous le drap
de mort pendant le parachèvement de la grande messe
en la présence de tous les assistants.
S' Le Maistre, abbesse, de Bèze de Vaivre,
S' de Bèze de Vaivre, Ch«' de Bèze,
De Bèze de la Belouze, de Bèze de S*-Didier,
De Bèze, de Bèze du Cholet,
Marchant, Sallonnier d'Avrilly,
Vyau de Baudreuille, de Bèze de la Belouze,
De Bèze, Rapine de S**-Marie,
De Faye, de Bèze, '
S' Olivier, prieure, s' Marie Pérude,
S' Brisson, s' Pérude,
S' de Bèze de Vaivre, Dom Vernier,
Jaubert, Frebault, notaires (1).
— 1734 27 avril. ... Fut présente dame Mad® Marie-
Marg*® Le Maistre, abbesse... laquelle baille et délaisse
à titre de ferme pour 6 années :
A Claude Tors, vigneron, et Claude Balat, lab',
dem* à Neuvy-le-Barrois,
Les ,dixmes de bleds, vin et {charnage que lesd.
(1) Minutes Frebault
— 312 ^
abbesse et religieuses ont droit de lever en lad. paroisse
tant de leur chef que à cause de leur prieuré de Cou-
tière, que comme estants aux droits du s' Gentil, curé
dud. Neuvy qui a opté sa portion congrue ;
Compris aud. bail la grange destinée à lever les
dixmes et foins ; compris aussy les prés de lad. cure
sujets à abandon et la vigne joignant le jardin de la
cure. A laquelle grange lesd. dames feront les répara-
tions nécessaires...
Demeurant réservé auxd. dames leur domaine de
Coutière, terrier, et le terrier de lad. cure.
Ledit bail moyennant 370 liv. par an, sur lesquels
300 liv. seront payées, à la décharge desd. dames,
300 livres pour la portion congrue du sieur curé, et les
autres 70 liv. seront payées auxd. dames ou leurs rece-
veurs, à la S'-Martin d'hiver (1).
30 avril. ...Dame Mad® Marie-Marg*® Le Maistre,
tant en son nom qu'au nom des religieuses de l'abbaye. . .
baille à titre de ferme pour 9 années :
A F^'^ Suard, vigneron à Vauzelles,
Un pré situé au lieu de Vauzelle, de 4 à 5 charrettes
de foin, moyennant 15 liv. par an payables au jour de
S^-Martin d'hiver (2).
11 may. Dame Mad® Marie- Marg*« Le Maistre,
baille à titre de ferme :
A M" Philibert JoUy de la Vernelle, prestre, prieur
et curé de Saligny en Bourbonnois,
Les dixmes que lad. dame abbesse a droit de lever
en la paroisse de Saligny, accense du prioré de Mar-
seigne, comme membre indépendant, consistant en
sept portions et demye, moyennant 90 liv. par an,
(1) Minutes Frebault.
— 313 —
payables auxd. dames ou leur préposé à Marseigne,
pour la feste de S*-Martin d'hiver (1).
11 may. ... Dame Mad* Marie-Marg*» Le Maistre,
abbesse, baille pour 9 années le tiers du dixme de la
paroisse d'Uxeloup (une partie appartient au curé de
S*-Genest et une autre au curé d'Uxeloup):
A M" Etienne Sionnest, prestre, curé de la paroisse
d'Uxeloup, moyennant 5 quartaux de froment et 9 de
seigle, payables à la feste de S*-Martin d'hiver.
19 septembre. Dame Mad^ Marie-Marg*® Le Maistre
et dame Fç^'^e Olivier, prieure ; Claude Brisson, Marie
Pérude et Claude Bouzitat de Selines, religieuses
anciennes et sénieures, baillent et délaissent à titre de
bail emphitéotique pour 29 années :
Aux sieurs Pierre-AUexix et Ambroise Louvrier
frères, maistres de forges, natifs de Franche-Comté :
Le fourneau de Sardolle, étang, pavillon, bastimens
à loger les ouvriers du fourneau, écurie, grange et
appartenances dud. fourneau et bastimens, les champs
des Crais et des Hastes, scitués près led. fourneau et
bastimens, la faculté de faire tirer des mines dans les
bois et héritages desd. dames, s'il s'y en trouve, et les
castinières et perrières qui sont auxd. lieux, appar-
tenant auxd. dames ; pour jouir et user du tout à la
manière accoutumée comme ont fait les précédents fer-
miers. Les réparations nécessaires seront faittes sur
un devis dressé par un archictecte choisi par lesd.
dames (2) ; lesd. dames permettent que les preneurs
faissent couper, dans les bois dépendans de leurs terres
de Sardolles et Trois- Vevre, les bois qui se trouveront
propres pour les réparations... jouiront les preneurs
du droit de pesche et pourront chasser par eux mesmes
(1) Minâtes Frebaalt.
(2) U s'âère i 6.660 Uyres.
^ 314 -
6t leurs commis dans Testandue des justices de Sardolle,
Trois- Vevre et le Port-des-Bois. Si les preneurs trou-
vent, dans les dépendances des choses affermées, un lieu
convenable à faire de nouveaux édifices, ils le pourront
à leurs frais, sans augmentation de ferme et à la charge
par eux de laisser lesd. édifices, à l'expiration de leur
feripe. Pour ce, ils pourront prendre des bois des
dames et dans les conditions cy dessus. Les preneurs
auront le droit de pacage pour les bœufs et chevaux
d'harnois et équipages dans les bois taillys, après
néanmoins qu'ils seront hors de garde et deffences .
Moyennant le prix de 500 liv. par an (1).
19 septembre. ...Dame Mad* Marie-Marg'« Le Mais-
tre et les anciennes religieuses et sénieures, capitulai-
rement assemblées a^u son de la cloche au parloir et
grille de lad. abbaye pour traitter de l'affaire qui suit,
tant pour elles que pour les autres religieuses, ont
vendu, ceddé et délaissé par ces présentes :
A sieurs Pierre Allexix et Ambroise Louvrier frères. . .
La coupe et superficie des tous les bois taillys desd.
dames, dépendant de leurs terres et seigneuries de
SardoUe et Trois- Vèvre... en tout 971 arpents, moyen- '
nant 18.400 livres (2).
8 septembre. ... Madame l'abbesse et anciennes reli-
gieuses et sénieures baillent à titre de bail emphitéo-
tique, pour le temps et espace de 29 années :
A Robert Duret, meunier, dem^ en la paroisse de
SardoUes,
Un moulin à bled à une roue, au-dessous de l'église,
aisances et appartenances avec le bied, chaussée, eau,
cours d'eau, prés, terres en dépendans.
(1) Minutes Frebaolt.
(2) Id.
Moyennant la quantité de 18 quartaux de bled fro-
ment, mesure de Nevers, par chacun an, bon bled de
rente et moison bien vanné, étape, non fraudé ny
vicié, rendu conduit par les preneurs sur les greniers
de la maison seigneuriale desd. dames en la paroisse
de SardoUes, le jour et feste des Trespasses (1).
13 novembre. Cejourd'hui, à quatre heures de rele-
vée, a comparu sieur Pierre Barbier, receveur des
dames abbesse et religieuses, lequel nous a dit qu'en
l'année 1715, que le sieur Desprez, cy -devant curé de
S*-Genest> opta pour la portion congrue et remit quel-
ques anciens terriers à madame de Lévy, lors abbesse,
concernant lad. cure de S*-Genest qui ne sont plus
d'aucune utilité auxd. dames, attendu que le sieur
Hierosme de Paris a opté les revenus de sa cure, les-
quels terriers sont restés es mains de nous Frebault,
notaire desd. dames... AflFin que led. sieur de Paris ne
puisse rien imputter auxd. dames, elles lui ont déclaré
par exploit d'huissier qu'elles consentaient que remise
lui fust faitte des terriers et pièces à elles remises par
led. sieur Desprez. Led. sieur de Paris a répondu que
mal à propos il est assigné pour recevoir les tiltres de
la cure de S*-Genest en l'étude dud. Frebault, parce
que led. Frebault (comme notaire de l'abbaye) est
par tye intéressée... De Paris.
... Sy led. sieur curé a quelques prétentions et
actions à former contre nous Frebault, cela ne regarde
en aucune manière lesd. dames qui soutiennent qu'au
moyen de leurs ofiEres et du refus d'acceptation du
sieur curé, elles sont en reigle et font toutes les protes-
tations contraires à celles dud. curé.
Barbier, receveur.
BouRT, Frebault (2).
(1) Minutes Frebault.
- 316 -
— 1736, 13 avril. ... Dame Madame Marie-Marguerite
Le Maistre, abbesse de l'abbaye Notre-Dame... baille
et délaisse, à titre de ferme et abonnement pour la vie
curiale du sieur preneur, M'« Gilbert Bruslaut, prestre,
curé d'OuUon, le grand dixme d'Oullon appartenant
aux dames de l'abbaye... moyennant le prix et somme
de 120 livres argent et 15 boisseaux de poix verts,
mesure de cette ville, par chacun an ; le tout payable
et rendu en lad abbaye à chacun jour de la feste de
S^-Martin d'hiver... Tant que led. sieur curé sera
titulaire de lad. cure d'Oullon, est convenu que les
droits cazuels du terrier, lots, ventes et reversions
seront partagés par moitié entre lesd. dames et led.
sieur Bruslaut.
Signé : S' Le Maistre, abbesse ; Bruslault, Jau-
BERT, FrEBAULT (1).
— 1737, 30 avril. ... Dame Madame Marie-Marg*« Le
Maistre, abbesse de Notre-Dame, et M'® Louis Perreney
de Grosbois, supérieur de l'Oratoire de Nevers, et
en cette qualité doyen né du chapitre de Frasnay,
M'« Charles-Adrien Le Forestier, prestre de l'Oratoire,
chanoine dud. Frasnay, baillent et délaissent à titre
déforme pour 9 années, sy tant est que le sieur Phi-
libert Million, prestre, curé de la paroisse de Parigny-
les-Vaux, soit titulaire ou que son successeur accepte
la portion congrue, lesd. 9 années commencées au jour
de S*-Martin d'hiver dernier,
A M" Louis Custode, m^ manufacturier de fayance,
et sieur Julien Sionest, bourgeois de cette ville,
La vigne dépendante de lad. cure de Parigny, de
47 œuvres environ ; une petite ouche dans laquelle il
y a un puis, à la charge de laisser le passage libre pour
(1) Minutes Frabaolt.
— 347 -
aller au puis et à la grange ; plus une petite ouche
d'une boisselée près Tesglise ; plus deux pièces de
prés... contenant ensemble environ cinq chartées de
foin.
Lesquels preneurs auront la jouissance du pressoir
et des cuves appartenant à lad. cure de Parigny. Et
seront les réparations à faire aud. pressoir et cuves
aussy bien qu'à la vigne, faittes par les bailleurs et à
leur diligence. Lesquelles sont à la charge dud. sieur
Millien, curé, suivant qu'elles sont constatées par
procès-verbal.
Moyennant la somme de 180 livres, payables par
moitié à Madame l'abbesse et aux sieurs prestres de
l'Oratoire...
Ont signé : S' Le Maistrf, abbesse; L.
Perreney de Grosbois, C. Le Forestier,
Louis Custode, Sionest, Jaubert, Fre-
BAULT (1).
7 juillet. DameMad® Marie-Marg*® LeMaistre baille
pour la présente année seullement :
A Jean Leblanc, vigneron, dem* au faubourg de la
Chaussée, la récolte de la dixme appartenant à l'abbaye
en la justice des dames appellée Lhospitot, en la paroisse
de Gimouille,
Moyennant 30 liv. payables à la S*-Martin d'hiver(2).
— 14 juillet. Procuration. — Sœur Fç^îse-Uenriette
Bonnet du Vidal, sénieure prieure de S*-Caprus delà
Brouille-Noire, religieuse professe de Notre-Dame, a
cy devant résigné son prioré à dame Catherine de la
Coste, entre les mains de N. S. P. le Pape, sous la
condition d'une pension de 300 livres ; ce que le S.-P.
(1) Minutes Frebault.
(2) Id.
— 348 -
a accordé et aprouvé sous la condition que la somme
deSOOliy. n'excéderoit pas la moitié du revenu du
prioré. Lad. s' de la Coste, ayant pris en main Tobco-
nomat dud. prioré, déclare que la moitié du revenu
peut s'évalluer à la somme de 230 à 330 livres. — La
sœur du Vidal consent à la réduction de sa pension à
la somme de 220 à 230 livres annuelles.
S' DuviDAL, GoussoT, Frebault (1).
— 1738 11 juin. Bail de la dixme de Parigny, par
Madame l'abbesse et les Pères de l'Oratoire, pour
6 années,
A Louis Ternant et Jean Prémillon, vignerons,
dem*' à Par igny-les- Vaux.
C'est à scavoir la dixme... que le s' Millin, curé dud.
Parigny avait coutume de lever dans l'étendue de la
paroisse comme curé, môme la dixme de Bizy^
Neuve (2), La More et le quart de Pinay, desquels
dixmes il a fait abandon de partage à lad. dame
abbesse et auxd. sieurs de l'Oratoire pour la portion
congrue en leur qualité de coseigneurs décimateurs...
moyennant le prix de 230 liv., moitié à lad. abbesse,
et l'autre moitié aud. sieurs prêtres de l'Oratoire (3).
21 juillet. Bail des dixmes de Niou, en la paroisse
de Rosiers annexée à celle de Magny , pour trois années,
A Louis Pascaud, manœuvre, dem^ au village de
Noulot, paroisse de Magny.
Les limites de la dixmerie sont détaillées tout au long
et comprenpent « toutes les granges, ipaisons et
domaines sur Niou, tant des La Baze, Roy, Bontemps,
du s' de Saulieu, des Marigots, Gourn^uU ditGayous,
(1) Minutes Frebault.
(2) Neurre^ lieu détruit près de Parigny-les-Vaux. DifitUmnaire (<)po-
graphique de la Nièvre, de Soultrait.
(S) Minutes Frebault
- 31» -
Durets, Jourdin, Rouinot dit de la Croix, Pierre Breton,
Guyon, des Noyers et Sarreaii, et ce tant de ce qui est
des paroisses de Magny, Rouzier que S^-Caize, moyen-
nant 15 quartaux de bled, scavoir 15 boisseaux fro-
ment, 15 seigle, 15 orge, 15 avoine, rendus conduits
sur les greniers de lad. abbaye à chacun jour etfestede
S*-Martin d'hiver, — ensemble le sol par quartau qui
est 15 sols par an payables le même jour de Saint-
Martin (1).
26 août. Vente par Mad* Tabbesse,
A M" J«-B« Gascoing, ch^ seigneur de Lavault et
Trangy, cons' du Roy, président lieut* général au
bailliage de S*-Pierre-le-Moustier, gentilhomme ser-
vant ord« du Roy, chevalier des ordres royaux, mili-
taires et hospitalliers de N.-Dame de Mont-Carmel
et de S^-Lazare de Hiérusalem, demeurant en son
hostel de S*-Pierre-le-Moustier,
De la coupe et superficie d'un quanton de bois taillys
scitué près le village de Mussy, par® de Parigny-les-
Vaux, apellé Bois-de-la- Faye, de 44 arpens, 33perches.
Moyennant la somme de 22 liv. par arpent, reve-
nant à 968 liv. (2).
— 1739, 18 juin. Bail par Mad® l'abbesse pour 3 années,
A Charles Fonferrier, vigneron, dem* en la paroisse
S*-Laurent,
De la dixme de Message, paroisse Challuy, qui est
un quart au seigneur de Sermoise, MM. les religieux
de S*-Etienne et les religieux de S*-Sauveur,
Moyennant 2 quartaux et 2 boisseaux de bled,
moitié froment et seigle, rendus conduits sur les gre-
niers de l'abbaye à chacun jour de S*-Martin d'hiver (3).
(1) Minutes Frebault.
-320 -
— 1742, 16 avril. M'^ François Fautras, notaire royal
en cette ville, et dame Marie-Mag(delaine de Villars,
son épouse, font à leur fille Marie Fautras, novice à
l'abbaye, une pension viagère de 50 livres à payer en
deux termes égaux, de six mois en six mois, le pre-
mier terme commençant au jour qu'elle prononcera
ses vœux de religion (1).
— 1744, 27 août. Madame l'abbesse baille à ferme
pour un an à M'® Louis Batailler, curé de Fougues, le
dixme que les dames religieuses ont le droit de lever
dans le gros dixme de Fougues, moyennant la quan-
tité de 12 quartaux de bled, scavoir 3 quartaux fro-
ment, 3 quartaux seigle, 3 quartaux orge et 3 quartaux
avoine, à rendre conduits sur les greniers desdites
dames, le jour de S'-Martin d'hiver prochain (2).
— 1749, 13 mars. Mme l'abbesse baille à ferme, pour
9 années, à sieur François Chevrier, marchand, demeu-
rant au bourg de Mornay, le dixme établi dans les
limites de la paroisse et consistant en bled, vin et
charnage, moyennant 30 livres par chacun an (3).
— 1751,3 mars. Madame l'abbesse baille à ferme, pour
9 ans, à M'* Gabriel Farent, agent des affaires de
M*"*» Anne-Achille de Mun de la Ferté, demeurant en
la paroisse de Beauraont-sur-Sardolles, le dixme de la
paroisse de Beaumont, moyennant 18 quartaux de
bled froment, livrables chacun an au lieu du Fort-
des-Bois, au jour et fôte de S*-Martin d'hiver (4).
4 mars. Madame l'abbesse baille à ferme, pour
9 années, à M" Anne-François Geoffroy, curé de la
(1) Minutes Batailler.
(2) Id.
(3) Minutes Goussot.
(4) Minutes Batailler.
(5; M.
- 321 -
paroisse du Nolay, le dixme de bled appelé dixme
d'Orbeq (Orbec), moyennant 60 livres par an (1).
— 1752, 13 mai. Madame l'abbesse délaisse à titre
d'accense, pour 9 années, à M" Joseph Perraudin,
curé des paroisses de Druy et Marnay, le dixme de
bled que les religieuses ont droit de lever, à cause de
leur prieuré d'Apilly en lad. paroisse de Marnay,
annexe de Druy, au village dud. Apilly et es envi-
rons, moyennant le prix et somme de 24 livres par
chacun an (2).
— 1757, 20 juin. Bail pour 3 ans, venant à 6 et 9,
à Nicolas Regnault, laboureur en la paroisse de
Verneuil, maître et chef de sa communauté... qui
promet de lever les dixmes, les engranger, battre et
vanner. Madame Tabbesse lui délaissera le cinquième
de tous les grains, ensemble toutes les revannes et
pailles. Le preneur promet conduire le reste et le
livrer au port d'Aron ou de Chanvert et d'avertir
Mme l'abbesse ou ses préposés, de lui rendre du tout
bon compte, tant en gerbes qu'en grains, en son hon-
neur et conscience et payer aussi le sol par quartau,
pour le droit du receveur (3).
— 1765, 5 août. Dame Mad« Marie-Marguerite Le
Maistre, abbesse, baille à titre de ferme, pour 9 années,
au sieur Henry-Clément-Eléonore Lebrun, marchand,
demeurant en la paroisse de Marseigne, le revenu du
prieuré de Notre-Dame de Marseigne et toutes ses
consistances et dépendances et du membre de Cou-
langes-sur-Loire du diocèse d'Autun, et le dixme de
Paray, pour ce qui en appartient à Mad* dame abbesse,
(1) Minutes Batailler.
(2) W.
(3) Minâtes Ch. Bourgoing.
T. IX, 3* série. 21
— 322 -^
situé aussi dans le diocèse d'Autun, moyenaant le prix
et somme de 1.050 livres, scavoir :
Pour le prieuré de Marseigne 862 liv.
Pour le membre de Coulanges 88
Pour le dixme de Paray, paroisse de Saligny. 100
Le Maistre, abbesse ; Lebrun, Rondeau,
Batailler (1).
XXXVII. Marie-Claire de Saillans naquit &
Verbigny (Haute-Marne), de Pierre de Saillans et de
Marguerite de Beuvry, le 7 août 1737. Elle reçut la
crosse le 7 août 1769.
— 1769, 22 octobre. En présence et en compagnie du
notaire royal soussigné et des témoins cy-après nom-
més, M. Claude-François Bougarel, intendant et
receveur de dame Madame Susanne-Françoise de
Saillans, abbesse, et fondé de la procuration géné-
ralle de lad. dame... s'est transporté au chasteau
seigneurial de la terre et comté de Druy, appartenant
à Louis-François de Paul de Soudeilles, marquis dud.
lieu, comte de Druy, seigneur de Lientray, Marcillac,
Lagane, de Bazané, Mingot et autres lieux, et dame
Dame Jeanne-Geneviève de Coste de Champron, mar-
quise de Soudeilles et comtesse de Druy, au devant de
la principalle porte et entrée dud. chasteau ; où estant
led. sieur Bougarel, ayant frappé à la porte, seroit
venu le sieur François Barault de la Motte, agent
des affaires des mesd. seigneur et dame, auquel led.
sieur Bougarel auroit demandé sy lesd. seigneur et
dame y estoient, ou autres personnes ayant charge de
recevoir les vassaux à foy et hommage; à quoy led.
sieur de La Motte a répondu que lesd. seigneur et
dame y estoient ; et estant survenus, led. sieur Bou-
(1) Minutes Batailler.
— 323 —
garel, en devoir de vassal, sans bottes, espée ny
espérons, teste nûe et un genouil en terre a dit auxd.
seigneur et dame que, pour et au nom de lad. dame
abbesse, il leur faisoit foy et hommage du fief appar-
tenant à mad. Dame abbesse, à cause de son prieuré
d'Apilly, pour tout ce qui est mouvant de lad. terre de
Druy et relevant en plain fief, foy et hommage
d'icelle ; à laquelle foy et hommage lesd. seigneur et
dame, comte et comtesse de Druy ont reçu led. Bou-
garel pour lad. dame, à la charge par lad. dame de
donner son dénombrement dans le temps de la cou-
tume.
Ont signé : Soudeilles, Champeron de Soudeilles,
BouGAREL, Perraudin, archip'^^, curé
de Druy, et Joly, m** manufacturier
defayance àNevers, témoins; Lamotte,
Batailler, notaire (1).
— 1770, 31 juillet. M»"» François-Claude Bougarel, inten-
dant desaffaires des dames abbesse et religieuses. . . baille
à titre d'accense pour 6 années venant à 9, à M^® Antoine
Herbuté, prestre curé de la paroisse de S*-Benin-
d'Azy, la dixme de bled appelée Cherault, en la
paroisse d'Azy et es environs, moyennant 5 quartaux
froment par chacun an à rendre conduits sur les gre-
niers de l'abbaye au jour et feste de S^-Martin d'hiver.
Bougarel, Herbuté, curé d'Azy ; Picquet,
bourgeois de S^-Pierre-le-Moûtier, témoin ;
Bidault, curé de Cigogne, témoin; Ba-
tailler (8).
(i) Minutes Batailler.
(2) Id,
— 324 —
— 1771, 15 septembre. Dame Madame Marie-Claire
de Saillans, abbesse.. .> baille à ferme pour 3 années
venant à 6, à François Goimbault, jardinier au fau-
bourg de Mouêsse :
Une pièce de terre labourable, où il y avait autrefois
des b&timents dépendants du prieuré du Montot^ et
située près la chapelle dud. Montot, de 5 quartellées
environ, tenant au territoire de lad. chapelle, qui était
autrefois une paroisse...
Plus ime pièce de pré, en la prairie de la Baratte,
contenant ime charretée de foin ou environ ;
Plus un autre pré situé au finage du Montot, conte-
nant environ quatre charretées de foin, et appelé le
pré du Brignon ;
Plus ime pièce de pré, en la prairie de Nièvre,
d'une demi-charretée de foin environ ;
Plus un pré en la prairie de Fontenotte, contenant
une charretée de foin environ ;
Moyennant le prix et somme de 20 livres par chacun
an.
Ont signé : S' Saillans, abbesse ; de La
Tour de La Pommeraye, Batailler (1).
— 1772, 18 janvier. Dame Madame Marie-Claire de
Saillans, abbesse,... sur la représentation à elle faite
par François RoUet, propriétaire, demeurant aud. lieu
d'Appilly, paroisse de Druy, qu'il lui appartient une
pièce de terre et autres héritages, situés aud. lieu
d'Appilly, justice desd. dames religieuses, et portés
dans différentes charges de lad. abbaye, à cause de
leur prieuré d'Apilly et que la superficie en appartient
aud. RoUet, qui, après avoir fouillé lesd. héritages à
lui appartenants, croit que dans le fond d'iceux héri-
(1) Minutes Batailler.
— 325 —
tages il peut y avoir du sable propre à faire f ayence ;
pourquoy led. RoUet, ne pouvant détérieurer lesd.
héritages sans le consentement de lad. dame, il Ta
priée et requise de vouloir bien lui permettre de faire
des fouilles... C'est à scavoir de tirer du sable dans la
montagne d'Appilly, à l'exclusion de tous autres, led.
bail fait sous la rente foncière et non rachetable de
24 livres par chacun an.
Par les mômes présentes, lad. dame abbesse délivre
à titre de bordelage, suivant la coutume du Nivernois,
c'est à scavoir un terrain vain et vague, où sont actuel-
lement les débris de la chapelle d'Apilly, appartenant
aux dames religieuses, de la contenue d'environ
12 boisselées ; sous l'annuel et perpétuel bordelage de
10 sols et ime poule à la Saint-Martin d'hiver. Et pour
le droit d'entrée du présent bail, lad. dame en a
composé avec led. Rollet à la somme de 30 livres,
laquelle somme led. Rollet a promis de payer à lad.
dame le jour de Saint-Martin d'hiver prochain.
Signé : S' Saillans, abbesse ; Rollet, de
La Tour de La Pommeraye, Batailler,
notaire (1).
— 1783, 24 avril. Minutes Haly, notaire à Nevers. Foi
et hommage du fief simple de NifiEond, paroisse
d'Urzy, consistant en pré, terres et bois, faite (sic)
par les Révérends Pères Carmes de Nevers aux dames
abbesse et religieuses de Notre-Dame (2).
Si les débuts de l'administration de labbesse de
Saillans furent assez calmes et paisibles, sur la fin, les
épreuves les plus amères, les plus terribles angoisses,
les déchirements les plus cruels lui étaient réservés.
(1) Minutes Batailler.
(2) Registre du contrôle de Nevers, aux Archives de la Nièvre.
— 326 —
Quel martyre pour cette sainte femme d'être témoin
de l'expulsion et de la dispersion de sa famille reli-
gieuse et ensuite de la profanation et de la vente de son
cher couvent 1
Elle resta à Nevers et y termina ses jours au mois
de décembre 1806, en son domicile, rue du Charnier (1),
près de l'église Saint-Etienne.
Voici la copie de son acte de sépulture :
« Ce jourd'hui, 23 décembre 1806, madame Marie-
Claire de Saillans, ex-abbesse de Nevers, décédée
hier, âgée de soixante-neuf ans, a été inhumée en
présence de MM. Claude-Philibert Groult et Henri-
Gabriel de Montrichard, vicaires généraux du diocèse,
et de MM. les ecclésiastiques (et notables) soussignés ».
Ont signé : l'abbé de Montrichard, Groult, vicaire
général ; Morizot , AUoury, chanoine ; Bruandet ,
prêtre ; Rondeau, ancien curé de Saint-Trohé ; Martin,
vicaire de Saint-Etienne; Pinet des Ecots père,
Martin, Garilland, Syrot, curé de Saint-Etienne (2).
Ses obsèques solennelles furent un éclatant témoi-
gnage rendu à sa mémoire. Les deux vicaires généraux
résidant à Nevers, l'évôché étant alors rattaché à celui
d'Autun. présidèrent la cérémonie, au milieu d'un
nombreux concours de clergé et de fidèles de toute la
ville. La foule qui emplissait les nefs saluait avec un
égal respect la dépouille mortelle de l'ancienne
abbesse de Notre-Dame et les vénérables prêtres vic-
times et survivants de la Révolution, et, à ce double
spectacle, dans les esprits se déroulait, se mêlant aux
prières, toute une suite de souvenirs tragiques dont la
frayeur était à peine calmée.
(4) Extrait mortuaire des actes civils de la mairie de Nevers.
(2) Extrait des actes religieux de la paroisse Saint-Etienne.
- :i27 —
§ !•'. — PRIEURÉS DE BÉNÉDICTINS ET BÉNÉFICES
ECCLÉSIASTIQUES DÉPENDANTS DE l'ABBAYE NOTRE-
DAME.
PRIEURÉS
Dans les actes concernant les abbesses, nous avons
rencontré le nom de plusieurs prieurés dépendant de
l'abbaye Notre Dame; il faut y ajouter celui de
Beffes, non encore cité. En voici la nomenclature
réunie :
Prieuré d'Appilly, commune deDruy, prèsDecize;
— de Beffes, dans le Berry ;
— de Coustiers, dans Je Berry ;
— de Marseigne, dans le Bourbonnais ;
— du Montot, commune de Saint-Eloy, près
Nevers ;
— de Lichy, aux Amognes.
BÉNÉFICES ECCLÉSIASTIQUES
L'ancien pouillé des bénéfices de l'insigne église de
Nevers porte à la collation ou présentation de madame
l'abbesse un certain nombre de vicairies, chapelles et
cures, qui sont ;
A la collation :
Les vicairies de Saint-Fiacre, de Sainte-Madeleine,
de Sainte-Catherine, à l'église Saint-Genès, et l'autel
du Saint-Sépulcre, dans la môme église, ainsi que le^
fonctions de diacre et de sous-diacre du monastère.;
— 328 —
A la présentation :
Les chapelles de Chaligny (1) et de Montigny-aux-
Amognes ;
Les quatre cures de Saînt-Genès ;
La cure de Beaune, dans le Berry ;
— de Beffes, dans le Berry ;
— de Chaluzy,
— de Dun-sur-Grandry,
— de Fleury-sur-Loire,
— de Lichy,
— de Marnay, commune de Druy, près
Decize ;
— de Monceaux-sur-Azy,
— du Montot et du prieuré,
— d'Omery, dans le Berry ;
— d'Oulon,
— de Parigny-sur-SardoUes,
— de Plain-Pois, paroisse d'Aunay ;
— de SardoUes,
— de Trois- Vôvres,
— de Verneuil.
§ II. — TEMPOREL DE L'ABBAYE
L'abbaye possédait de nombreuses propriétés,
consistant en seigneuries, maisons, moulins, terres,
prés, vignes, bois, dîmes, champarts, directes, cen-
sives et rentes, dont le dénombrement suivi serait
assez difficile ; mais les nombreuses chartes, repro-
(1) Â la place de l'étang de Chaligny, commune de Chevenon, s'élevait
cette chapelle dédiée à sainte Geneviève. (De Soultratt, DictUmnaire
topographique de la I^ièuré),
— 329 -
duites en la présente étude, donnent une idée suffisante
des biens et revenus du couvent, qui étaient épars dans
un rayon assez étendu.
Par suite des donations successives, la gestion du
temporel nécessita la nomination d'un receveur spé-
cial, dès l'abbesse Alis (1281;, qui établit pour man-
dataire Hubert^ dit Raveneau.
Les principales propriétés de Tabbaye, avec droits
seigneuriaux, étaient sur Sardolles, Plagny , Chavigny,
près Germigny-sur-Loire ; Parigny-les-Vaux, Moussy,
Meauce, Druy, près Decize... (1).
Pour l'exercice des droits de seigneurie, il fallut
aussi établir une cour de justice, qui existait dès avant
l'abbesse de Lugny (3). Jusqu'à la Révolution, nous
voyons la justice rendue, au nom de l'abbesse, sur les
terres où ce privilège lui appartenait ; ainsi, i l'année
1775^ les archives municipales nous en donnent un
exemple :
« Renvoi devant Mesdames les Abbesse, prieure et
religieuses de l'abbaye royale de Nevers, Dames hautes,
moyennes et basses de la justice de ladite abbaye i
Nevers, Plagny et autres lieux, en qualité de juges du
lieu, d'un nommé Gilbert fiordet, accusé de vol dans
un cabaret de Plagny ; ledit individu arrêté le 11 juin,
jour de l'assemblée de La Fermeté, alors qu'il revenait
de la paroisse de Prie, où il avait voulu vendre une
tasse d'argent, n'ayant du reste aucun passeport, et
(1) Singularité de droits seigneuriaux : les possesseurs du fief de Ver-
neuil étaient seigneurs du chœur de l'église et l'abbesse était dame du
clocher. (De Soultrait, Statistique du départenierU de la Nièvre, canton
de Decize).
(3) Se reporter à la notice de cette abbease, en 1428.
— 330-
après avoir été mis dans les prisons des Dames de La
Fermeté, jusqu'à la fin de l'assemblée, ayant été
conduit dans les prisons de Nevers (1) n.
§111. — IMPORTANCE DU RÔLE ET DE l'iNFLUENCE
DE l'aBBESSE
Madame Tabbesse, dans son couvent, est pour la
communauté des religieuses une mère bien-aimée ; une
supérieure vénérée pour les pensionnaires ; une maî-
tresse entourée de respect et de dévouement de la
part des personnes séculières de la maison : officiers,
employés, serviteurs ; une autorité spirituelle qui
embrasse en dehors de Tabbaye plusieurs prieurés,
petits groupes de la famille bénédictine de Nevers ; un
personnage ayant droit de collation ou de présentation
à un certain nombre de bénéfices ecclésiastiques cités
plus haut ;
Dans la ville, une providence des pauvres ; un per-
sonnage comptant entre les principaux par ses rela-
tions et son influence sur la multitude de gens de
commerce et de métiers qu'elle emploie ;
Dans la province, une riche propriétaire, une puis-
sante dame marchant de pair avec la noblesse, une
vassale et suzeraine à la fois pour ses terres seigneu-
riales, une quasi princesse avec une administration de
receveur, de cour de justice, d'employés...
Faut-il, après cela, s'étonner du rôle important de
l'abbesse de Notre-Dame et de la place qu'elle occupe
dans Thistoire du Nivernais ?
(1) Archiv. comm. de Nevers, FF, 25.
— 331 -
§ IV. — DU CHOIX DE l'aBBESSE ET DES INSIGNES
DE SA DIGNITÉ
Le deuxième chapitre de la Règle de saint Benoît,
intitulé : Quel dott être Vabbé ? indique l'ensemble
des qualités requises : bonté, fermeté, doctrine,
discernement des caractères dans « celui ou celle qui,
pour être digne de présider, doit constamment se
souvenir comme on l'appelle : a66a, et réaliser par ses
actes son nom de chef (1) ».
Le résumé des faits accomplis pendant l'administra-
tion de chaque abbesse dépose en faveur de l'heureux
choix, issu des suffrages de la communauté et, plus
tard, môme des nominations royales.
Les abbesses bénédictines, outre la crosse, jouis-
saient-elles du privilège de porter l'anneau et la croix
pectorale ?
Le seul portrait d'une abbesse de Nevers, M°^« Claire
de Saillans, signalé par M. l'abbé Boutillier, se trouve
malheureusement égaré (2) ; de sorte que tout rensei-
gnement local fait défaut sur les insignes de l'abbesse
de Nevers, en dehors de la crosse.
Dans d'autres monastères du môme ordre, des
recherches sur le sujet qui nous occupe nous amènent
à croire que l'anneau et la croix pectorale étaient les
insignes ordinaires de la dignité abbatiale.
— Dans le Miroir des Ames religieuses, — Poitiers,
1653, — est représenté le portrait de M"« Charlotte-
Flandrine de Nassau, abbesse de Sainte-Croix de
Poitiers ; elle porte le costume de chœur des simples
(1) Règle de saint Benoît, 2« chapitre.
(2) Abbé Boutillier, la Verrerie de Nevers, p. 103. Ce portrait appar-
tient ou appartenait à M. le docteur Robert Saint-Gyr fils.
— 332 —
religieuses ; de la main droite elle tient la crosse, de
la main gauche un livre ; et à l'index de cette môme
main, on voit Tanneau abbatial. Cependant elle n'a
pas la croix pectorale.
— A l'abbaye de La Ferté-sous-Jouarre, la dernière
abbesse d'avant la Révolution, M"^« de Montmorin de
Saint-Hérem, est représentée en costume de chœur,
avec la crosse et la croix pectorale ; on ne lui voit pas
d'anneau. Sur les portraits, d'autres abbesses figurent
la crosse et la croix ; les mains ne sont pas visibles.
Un anneau d'or délicatement ciselé a été trouvé au
doigt annulaire de la main droite de l'abbesse Louise
de Bourbon, trente-cinquième abbesse, de 1586 à 1593,
lors de Touverture de son tombeau (1).
— Au parloir actuel des Bénédictines de Saint-Lau-
rent de Bourges, il existe deux beaux portraits peints
d'abbesses de l'ancienne abbaye Saint-Laurent ; elles
sont en costume de chœur régulier avec croix pectorale ;
l'une porte la crosse et l'anneau ; l'autre n'a pas de
croix et ses mains ne sont pas apparentes.
— Dans le Recueil des Archevêchés, Evêchés, Abbayes
et Prieurés, par Dom Beaunier, Bénédictin, — Paris,
Mesnier, 1726, — ce savant Bénédictin dit que la
croix pectorale est un des insignes de la dignité abba-
tiale des abbayes bénédictines ; il était bien en situa-
tion pour parler en connaissance de cause. A propos
des abbesses de la Pommeraye (ordre de saint Benoit),
au diocèse de Sens, qui ne portent pas de croix, il a
soin de dire que c'est « contre la coutume des autres
abbayes et par un ejfet d'humilité (2) ».
(1) Détails fournis par Madame TÀbbesse de Joaarrti, dans une lettre du
25 septembre 1900.
(2) Tomell, page 813.
SCEAU ET COHTRZ SCEAU Dr L'ABBESSE JEANNE IV LEBOURCOIHG
Les armes de ta famiUe Le Bourgoing de Folin,
d'aprèsM.de SoaitT&it, Armoriai du Nioernais,BOiit :
« D'argeat à trois tourteaux de gueules. »
II
Le Personnel de l'Abbaye*
On appelle abbaye une réuDion d'hommes ou de
femmes soumis à. une règle religieuse et gouvernés par
un abbé ou une abbesse.
Le second monastère, — après celui détruit de
l'évéque Rauracus, — qui fut celui repeuplé par le pieux
évoque Hériman, — semble avoir réuni dès l'origine
une communauté aussi nombreuse que fervente. Dans
ces siècles de foi, de pieuses personnes vinrent avec
empressement se ranger « sous la direction de la supé-
- 334 —
rieure, qui devait leur montrer tout ce qui est bon,
plus par des actes que par des paroles (1) ».
L'étendue et Timportance des terrains et des
constructions sont une preuve du mouvement qui
poussait les âmes vers ce saint asile.
La règle de saint Benoit est composée d'observances
sévères : l'obéissance, la pénitence, le renoncement ;
mais les personnes qui venaient du milieu du monde et
disaient un irrévocable adieu à ses joies, ses plaisirs
et ses vanités, n'ignoraient pas qu'elles se plongeaient
pour le reste de leurs jours dans la solitude, le silence,
les austérités, l'abnégation de tous les instants.
L'esprit de discipline et de régularité assura pendant
dix siècles la longévité du monp,stère, qui fut brusque-
ment interrompue par la plus terrible des tempêtes, en
dispersant ses membres et les empêchant de se réunir
à nouveau .
Il convient, pour plus de clarté dans la suite de
cette étude, d'établir une division qui nous sera fournie
naturellement par la classification en deux catégories
des personnes dont il nous reste à parler.
Le chapitre premier a été principalement consacré
à Tabbesse, qui est la tête de la communauté ; le cha-
pitre deuxième, dans un premier paragraphe, aura
trait à la communauté proprement dite, ou les reli-
gieuses ; puis les pensionnaires admises dans le couvent
formeront la matière du paragraphe second.
§ I. — LES RELIGIEUSES
Nous savons que la règle du monastère primitif, ou
du vii« siècle, était celle de saint Colomban : « Item-
que aliud Christi virginum juxta Nivernense oppi-
(1) Règle de saint Benoit, chap. II.
— 336 —
dum sub Ciidem régula, nempe Columbanij cons*
truxit (1) ».
Celui que l'évèque Hériman (840-860) repeupla de
moniales, au moment où Tordre bénédictin était si
prospère, dut suivre, dès son relèvement, la règle de
saint Benoit.
Toutefois, malgré la disposition du Concile d'Epaone,
en 517, qui en faisait un précepte, et malgré aussi les
prescriptions formelles de la règle bénédictine, la
clôture n'était pas stricte. Boniface VIII fut le premier
qui, par une constitution, en établit la nécessité; ce
règlement a été renouvelé par le Concile de Trente,
session 25, chapitre 5, et par l'Ordonnance de Blois.
Quoi qu'il en soit, les religieuses de Notre-Dame de
Nevers, en plusieurs circonstances, jusqu'au xv® siècle,
sortaient de leur couvent.
Parmentier cite une charte de l'épiscopat de
Hugues II où, au Synode tenu par l'évèque, assistent
des nobles, l'abbesse et trois de ses religieuses (2) ;
il ajoute : « Elles n'ont été cloîtrées que bien avant
dans le xv» siècle, et elles assistaient, comme faisant
partie du clergé, aux processions générales et tenaient
leur rang aux services funèbres des comtes et com-
tesses (3) D.
Nous rappelons qu'aux années 1404 et 1415, nous
avons signalé la présence de? Bénédictines au service
de Philippe le Hardi et aux obsèques du duc de
Brabant, Philippe de Bourgogne.
En l'année 1473, l'abbesse Catherine de Boutillat
eut des difficultés avec Ma' de Fontenay au sujet d'une
procession qu'elle avait faite. Une enquête du 10 mars,
(1) Jonas, invitis abholuni Columhani et Ettstasiif livre 10, p. 297.
(2) Histoire nianusa^ite des Evêques de Nevers. — Episcopat de
Hugues II.
(3) Jd.
- 386 —
devant le bailli de Saint-Pierre-le-Moûtier, prouve
que les Dames étaient en possession de faire publier
leurs processions ordinaires et extraordinaires par le
préconiseur de la ville, et de les conduire & Saint-
Antoine et au Montot (1).
U Album du Nivernais rapporte, àToccasion des pro-
cessions, d'après une tradition orale, d'une redevance
singulière « Quand Madame TAbbesse, en procession,
passait devant une maison dont on ignore remplace-
ment, les propriétaires ou habitants étaient tenus de
lui oflErir un verre de vin qu'elle buvait sur le lieu (2) ».
Par la suite du temps, il arrive inévitablement que
des dérogations & la règle primitive, des abus s'intro-
duisent môme dans les communautés religieuses ;
l'abbaye Notre-Dame, par cette pente naturelle au
rel&chement, ne fut pas exempte de cette loi fatale.
Aussi labbesse Jeanne d'Albret entreprit un commen-
cement de réforme dans le monastère de Ne vers,
qu'elle unit, en 1540, & la congrégation de Chezal--
Benoit.
Dès le milieu du xv® siècle, d'un mouvement quasi
unanime, « de saintes filles se mirent & réformer les
monastères dont elles avaient le gouvernement en y
faisant revivre le véritable esprit de saint Benoit (3) ».
L'abbesse Claude de Gamaches continua l'œuvre de
réforme commencée au couvent de Nevers. Dans sa
notice, nous avons signalé son zèle pour l'observation
de la clôture. Ses efforts se portèrent aussi sur un
autre point qui souleva des difficultés ; il s'agissait de
revenir au costume bénédictin régulier. « La plupart
des Bénédictines de France avaient pris l'habit des
chanoinesses, comme dans les monastères de Mont-
Ci) Parmentibr, Archives de Nevers, tome !•% p. 393.
(2) Album du Nivernais, tome I**", p. 122.
(3) MiQNE, Ordres religieux, tome I*'', p. 440.
- 337 -
martre, de la Trinité de Caen, de Saintes, et de
plusieurs autres, où elles portaient des robes blanches
de toile très fine et très bien empesée (1) ». La robe
de Fontevrault était blanche également.
A Nevers, tout porte à croire qu'elle était blanche.
De 1644 à 1646, on trouve, au registre des décès de
Tabbaye, trois sépultures de religieuses avec mention
de la couleur blanche de leur costume. Ce détail serait
inexplicable si cette couleur n'eût pas été alors une
exception dans la communauté :
1° Dernier jour de septembre 1644, sœur Jeanne
Regnard, fille blanche de l'abbaye, âgée d'environ
cinquante ans, est enterrée au cloître de ladite abbaye
par les Pères.
2° Le 2 janvier 1646, Claudine Raphatin, sœur
blanche, âgée de quatre-vingt-huit ans, est enterrée
au cloître, devant le chapitre.
3** Le 21 avril 1646, sœur Laurence Maublanct, reli-
gieuse blanche, âgée d'environ cinquante ans, est
enterrée proche la porte qui sort de l'église pour aller
au cloître.
Il ne faut pas croire que, pour réussir dans leurs
entreprises de réforme, les supérieures n'avaient qu'à
manifester leur désir : « Elles rencontraient quelque-
fois de la résistance et étaient obligées de faire des
concessions... Jeanne de Bourbon, abbesse de Jouarre,
y abolit le bréviaire de Fontevrault, en 1614 ; la résis-
tance des religieuses empêcha cette princesse de leur
ôter l'habit blanc et le rochet de Fontevrault, qu'elles
quittèrent enfin sous l'abbesse Jeanne de Lorraine (2) ».
En certains monastères bénédictins, l'habit blanc
restait maintenu (à Fontevrault) ou môme introduit
(1) MiGNE, Ordres religieux, tome I***, p. 440.
(2) W.
T. 3* série. 2â
— 338 -
comme nouveauté. Au monastère de Poitiers, en 1651,
des religieuses se plaignent de leur abbesse, M°*» Diane-
Françoise d'Albret, pourtant, dit Thistorien (1), un
modèle d'humilité et de soumission à la règle ; elles
lui reprochent, entre autres griefs, de ne pas porter
l'habit de son ordre et d'avoir introduit le costume
blanc de Fontevrault,
Le chapitre de Poitiers, le siège épiscopal étant
vacant, rend une ordonnance qui inflige un blâme aux
religieuses plaignantes; mais celles-ci en appellent
d'abus au Parlement.
La question de costume était depuis longtemps un
brandon de discorde, quand, le 19 février 1672, inter-
vient un arrêt du Grand Conseil; le diflEérend fut
ainsi tranché : permission est accordée aux religieuses
qui portent l'habit blanc de le conserver si bon leur
semble ; celles qui feront désormais profession auront
à prendre le vêtement noir, prescrit par la règle béné-
dictine (2).
De ces faits, pris dans diflEérents monastères béné-
dictins à la même époque, au sujet de la réformation
et du retour au costume régulier, je conclus que le
vêtement blanc, après avoir été longtemps en usage &
l'abbaye Notre-Dame, fut changé, mais que certaines
sœurs persistèrent à conserver leur ancien costume,
qui devenait une singularité. Toutefois, cette excep-
tion tolérée s'explique, soit par une concession de
l'abbesse, soit par une sentence, comme il en fut rendu
une à Poitiers, en faveur des religieuses s'obstinant à
conserver leur vêtement, consacré par l'usage d'une
longue tradition.
En 1629, à l'abbaye des chanoines réguliers de
(1) Âbbé Briand, Vie de sainte Radegonde, Poitiers, p. 381.
(2) D'après M. Tabbé Briand, Vie de sainte Radegonde, Poitiers, p. 381.
- 339 -
Saint-Martin de Nevers, la réforme du costume eut
lieu en sens inverse : il leur fut proposé de changer
leur vêtement noir pour le vêtement blanc. Plusieurs
religieux demandèrent à conserver le costume noir
dans lequel ils avaient fait profession, disant que, pour
le reste des statuts, ils s'engageaient à les observer
fidèlement, et que, s'il n'était pas fait droit à leur
requête, ils quitteraient l'abbaye pour les bénéfices
dont ils étaient titulaires et vivraient néanmoins selon
leur règle. On ne voulut pas faire de concession et ils
se retirèrent (1).
Pour en revenir aux Bénédictines, le vêtement régu-
lier, qui fut de nouveau adopté au couvent Notre-Dame
et qui bientôt ne souffrit plus d'exceptions, consiste
en une robe et scapulaire noirs, guimpe blanche et
voile noir par-dessus ; pour le chœur, les religieuses y
ajoutent le vêtement de couleur noire, appelé coule,
avec larges manches (2).
Nous avons constaté plusieurs points de la règle
rétablie. Il faut bien admettre que la réforme fut
complète et les observances reprises dans leur inté-
grité; mais j'avoue que les documents font défaut
pour appuyer ma proposition et retracer le détail de
la vie monastique de l'abbaye Notre-Dame. Notre
curiosité se froisse de cette lacune ; toutefois, nous
essaierons d'y suppléer dans la mesure du possible.
N'est-il pas un vieux proverbe qui dit : « Quand on
n'a pas de feu chez soi, on va en quérir chez le
voisin ». Je suivrai ce bon conseil.
A ime distance de quelques lieues de l'abbaye béné-
dictine de Nevers, existait, à La Ferté-sur-Ixeure ou
La Ferté-aux-Nonnains, un prieuré de la même famille
(1) Minutes du notaire Taillandier , 9 juillet 1629,
(2) MiGME, Ordres religieux, tome I«^ p. 1033.
- 340 -
bénédictine, comptant à peu près un nombre égal de
religieuses, ayant également la direction d'un pen-
sionnat.
J'irai donc frapper à cette porte, pour répondre à des
desiderata de la vie intérieure de l'abbaye de Ne vers,
au moins pour l'époque du xvii« siècle. M. Victor
Queneau, auteur de l'intéressante Notice sur le Prieuré
de La Ferté, reproduit en appendice la série des
procès- verbaux des visites faites à ce prieuré par les
grands-prieurs de Tabbaye de Saint-Martin d'Autun.
J'essaierai d'en tirer profit pour donner un aperçu de
plusieurs points de la règle en usage dans les deux
monastères réformés de Nevers et de La Ferté.
Et d'abord nous y trouvons l'emploi détaillé de la
journée :
a Les religieuses commenceront matines & quatre
heures du matin. Après matines, lecture d'une demi-
heure.
)) Les primes commenceront à sept heures et demie
précises ; après primes, lecture du martyrologe par les
plus jeunes ; puis après, chacune des religieuses dira
sa coulpe, étant prosternée devant la prieure ou la plus
ancienne en son absence, afin qu'elle puisse être
connue de toutes et qu'elle ait crainte d'y retomber.
» Les tierces à neuf heures précises, si mieux elles
n'aiment à travailler aux œuvres manuelles.
» La grand'messe se dira à l'issue desdites tierces ;
puis elles diront sextes et iront dîner, pendant lequel
dîner sera fait lecture de la Vte des Saints ou de
quelques livres sacrés traduits en français ; ensuite
elles rendront grâces à Dieu en l'église ; après quoi
elles diront nones.
» Elles se reposeront une demi-heure et non plus,
et, jusqu'à vespres, elles étudieront, enseigneront ou
se livreront & des œuvres manuelles.
— 341 -
» Les vespres commenceront à trois heures; les-
quelles dites, les religieuses pourront se promener,
ensemble ou séparément, dans Tenclos du prieuré.
» Le souper sera à six heures ; après, elles iront à
Féglise, diront complies, pourront ensuite se récréer
une demi-heure et non plus, réciteront les litanies de
Notre-Dame, feront leur examen de conscience et se
coucheront à huit heures (1) ».
Plusieurs procès-verbaux rappellent l'observation
du silence :
« Les prieure et sous-prieure seront tenues de visiter
les chambres après le coucher, et de prendre garde d©
ne laisser aucune religieuse parler à qui que ce soit,
ce temps passé, notamment aux grilles, que nous
voulons leur être interdites du tout à huit heures du
soir... Le silence s'observera conformément à notre
règle, sans qu'il soit permis d'entrer es chambres les
unes des autres, sans permission (2).
» Les religieuses qui auront besoin de parler dans
leurs cellules ne fermeront point la porte sur elles et
éviteront toutes les partialités et factions secrètes qui
pourraient causer, dans le monastère, la désunion des
esprits et la ruine totale de la charité (3) ».
Le vœu de pauvreté y est aussi rappelé :
« N'auront aucune chose de péculier ou particulier
à elles, mettront tout en commun (4).
» Nous deflendons étroitement à aucime religieuse
de donner ou recevoir quoi que ce puisse être sans une
permission écrite de leur supérieure.
» Les religieuses ne pourront, sans blesser le vœu
de pauvreté, garder de l'argent ou en dépenser pour
(1) Viaite du 15 septembre 1640.
(2) Id.
(3) Visite da 2 jaiUet 1671.
(4) Visite dn 5 juin 1615.
— 342 —
elles-mêmes à leurs volontés, pour leurs nécessités
personnelles ; nous ordonnons que tout ce qu'elles
recevront sera mis entre les mains de la supé-
rieure (1) ».
L'ordre des dignitaires de l'abbaye est ainsi établi :
Madame labbesse, la grande-prieure, la sœur
chantre, la sous-prieure, la sous-chantre, la secreste
(sacristine), d'après l'acte de fondation de la chapelle
de Notre-Dame de Pitié, en 1517 (2).
La liste complète des Bénédictines de Notre-Dame
serait du plus haut intérêt ; nombre de familles niver-
naises seraient heureuses d'y voir figurer leur nom,
comme un titre d'honneur. Quelle tâche laborieuse et
diflBcile ! Aussi mes recherches seront-elles circons-
crites dans les limites du commencement du xvii* siècle
jusqu'au commencement du xviii®.
Liste des Bénédictines du XVII« siècle.
Le 8 janvier 1601, faisaient profession Marie et
Louise de La Rivière, qui avaient pris l'habit en
1594 (3). Leur mère, femme d'Hubert de La Rivière,
s'engage, le 10 juillet suivant, à payer, pour chacune,
20 livres de pension annuelle (4).
Le 14 janvier, Françoise Roy prononçait ses vœux
en présence de dix-neuf religieuses professes. L'acte
notarié^ où nous lirons leur nom, retrace le détail de
cette cérémonie religieuse d'une manière si vivante et
si pleine d'intérêt que sa reproduction intégrale trou-
(1) Visite du 20 juin 1686.
(2) Voir à Tannée 1517, Notice de Fabbe^se Jeanne de Bourgoing,
(3) Archives de la Nièvre. Pièces provenant du château de Chassy en
Morvan.
(4) Inventaire de Marottes^ page 760.
— 343 —
vera grâce et môme gratitude de la part de tout
lecteur :
« Le dimanche, 14« jour de janvier 1601, environ
Ilieure de dix heures du matin, dans Téglise abatiaile
de Nostre-Dame de Nevers, ordre de Sainct Benoist,
au cœur d'icelle église où les religieuses ont accous-
tumé chanter et se tenir durant le divin office, par
devant Révérente Dame Madame Françoise de Fon-
tenay, abesse, assistée de dames
Anthoinette de Serre, Claude de Gamaches (1),
prieure, Gabrielle Damas,
Françoise AflEouard, Henriette Andréas,
Marguerite de Mussy, Françoise Moquot,
Anthoinette Destrapes, Gabrielle Desjours,
Gabrielle du Chastel, Guillemette Gascoing,
Ozanne de Boni, Françoise de Babute,
Roberte de Charry^ Marie de La Rivière,
Jehanne de Lucenay, Louise de La Rivière ,
Gilberte Aulbouer,
toutes religieuses professes, s'est présentée sœur Fran-
çoise Roy, novice de lad. abaye, qui, très humblement,
suplye madicte dame, avecq le gré de toute la congré-
gation, la recepvoir à profession et vœux, et à laquelle
madicte dame a faict plusieurs exhortations, affin
qu'elle eust à bien adviser ad ce qu'elle avoit à faire,
et elle recommander à Dieu. Lad. Dame a faict les
prières accoustumées et lad. Françoise Rqy a persisté
à suplyer et très instamment requis lad. Dame d'icelle
abaye recepvoir à lad. profession; sur quoy, lad.
Dame a requis ses dites religieuses sy elles ont congneu,
par la conversation que lad. Françoise Roy affecte
(i) On s'étonnera qne Claude de Gamaches, coadjutrice de Tabbeise
Françoise de Fontenay, ne soit pas nommée immédiatement après
Fabbesse; cette religieuse, citée comme « un modèle d*unerare humilité »,
ne vient, dans cette pièce, qu'à son rang d'ancienneté de profession.
- 344 —
avec elles, drez et depuis six ans, et plus mesme,
qu'elle a esté receue et pris l'habit de novice et demeuré
avecq elles, que icelle Françoise Roy aye bonne
volonté et affection à ladicte religion, et sy elle est
propre pour porter le faix d'icelle religion ... (1) les-
dictes sœurs ont unanimement raporté ...honneste
femme Jehanne de Corbigny, femme de honorable
homme Martin Roy, licenciées lois, advocat fiscal au
bailliage et pairie de Nivernois, père et mère de lad.
Françoise Roy, et . . . honorable homme Pierre Magnien,
demeurant à ... nobles hommes M"* Gilles Duplessis,
conseiller . . . Hugues et Laurent Thonnelier, marchands
à Nevers ; honorable homme Guillaume Bernard, apo-
ticaire, demeurant à Nevers, tous parents, alliés et
amis de lad. Françoise Roy ; tous lesquels dessusdicts,
mesme lad. Jehanne de Corbigny, mère de lad. Fran-
çoise Roy, en vertu de procuration spécialle dud.
M" Martin Roy, son mary, cy après incérée, après
serment qu'ils ont preste, ont juré et affirmé que lad.
Françoise Roy a 17 ans passés et accomplis, et le
scavent lesd. Martin Roy, comparant par lad. dame
Jehanne de Corbigny, de son chef, parce que lad.
Françoise Roy est leur fille, et quant aux aultres, ont
dict le scavoir par la fréquentation qu'ils ont eue en la
maison dud. Martin Roy, comme ses bons parents et
amis ; et les choses ainsy raportées, après que lad.
Françoise Roy a renoncé à tous droitz paternels et
maternels et tous aultres droitz, quy luy pourroient
échoir par successions, et que lad. Jehanne de Cor-
bigny, en vertu de sa procuration, a promis continuer
le payement des pensionts, par led. Roy, son mary, et
elle, promises & lad. Françoise Roy, par contract du
(i) Les intervalles marqués par des points indiquent des lacunes dans
le manuscrit rongé par Thumidité.
- 345-
24 décembre 1595; lequel contract, en tant que
besoing seroit, ils ont rattifyé et rattifyent par ces
présentes. Lad. Dame (abbesse) a ordonné que lad.
Françoise Roy seroit receue et icelle a receu lad. pro-
fession ; et ce faisant, lad. sœur Françoise Roy a promis
et faict es mains de Mad. Dame les vœux de chasteté,
pauvreté et obédience à la manière accoustumée, et
estant debout, a leu à haulte et intelligible voix les
motz de sa profession, dont la teneur s'ensuict : « In
» nomine Domini Jesu ChristL Amen. Moi, sœur
» Françoise Roy, promets la stabilité et conversion
» de mes mœurs et obédience selon la règle de Mon-
» sieur sainct Benoist, devant Dieu et ses saincts, en
» l'abbaye de Nostre-Dame de Ne vers, faicte et fondée
31 en l'honneur de la glorieuse Vierge Marie, en pré-
)) sence de très révérente Dame Abesse, Madame
» Françoise de Fontenay. En foy de quoy, je signe de
» ma main les jour et an susdicts (1) ». Ce faict^ a
esté chanté Vent Creator, et a icelle Françoise Roy,
en signe d'amitié et fraternité en Jésus-Christ, esté
baizée par lad. Révérente Dame et par toutes les
religieuses de lad. abaye ; et a esté faict tout ce que
dessus, en présence et du consentement de lad. dame
Jehanne de Corbigny, mère de lad. Françoise Roy ;
mesme lad. Françoise Roy a l'authorité qui pour ce
faire luy a esté baillée par lad. dame Jehanne de
Corbigny et laquelle, en vertu de la procuration de
son mary et encore de son chef, l'a authorisée et l'au-
(i) Dans d'autres monastères de Bénédictines, notamment à Fontevrault,
les vosuz se prononçaient en latin : Ego^ soror AN, promitto stabUUct-
teni meam et conversionem morum meorum et obedientiam secundum
regulam Sancti Bénédictin coram Deo et sanctis ejus, in hoc loco
constructo in honore salvatoris mundi sanctœque Genitricis Marm et in
prœsentia lU. cLbboHssœ.
Cette formule la professe la lisait, la signait, puis la déposait sur rautel.
{VoyageM liturgique» en France, par le sieur Mdéon, page 113).
-^ 346 -
thorise, comme aussy en la présence de noble homme
Henri Bolacre, licencié es lois^ lieutenant-général au
bailliage et pairie de Nivernois, bailli des terres et
juridiction temporelle desd. dames, honorable homme
et sage maistre Jacques Moquot, aussy licencié es lois,
advocat aud. bailliage et pairie, procureur fiscal desd.
dames en leurs dictes terres, justice et seigneurie,
noble homme M'* François Dubrocq, seigneur du
Nozet, commissaire ordinaire des guerres, noble Oli-
vier, seigneur d'Arraux, noble seigneur Paul de
Guillemin, escuyer, seigneur de Molle, Estienne Le
Villain, marchand à Nevers, noble Guillaume Rapine,
assesseur au bailliage et pairie de Nivernois, noble
Gui Rapine, seigneur de Boisvert, recepveur des aydes
et tailles en Télection de Nivernois, demeurant à
Nevers, et plusieurs aultres en grande multitude, de
Tautre cousté du treillis de fert, lequel a esté à ceste
fin tenu ouvert pendant lesd. cérémonies et la courtine
retirée de devant iceluy ».
Ont signé : F. de Fontenay, Jeh. de Corbigny,
P. DE Guillemin, seigneur de Molle ; s' Fran-
çoise Roy, L. Thonnelier, Rapine, Bernard,
H. Thonnelier, Le Villain, Magnien, Moquot,
G. Berthelot, Simonin, Rapine, Bolacre (1).
Des signatures sont illisibles et d autres ont disparu
dans la partie du manuscrit rongé par l'humidité.
Le récit détaillé de cette profession est pour notre
sujet du plus haut intérêt : il nous semble assister à la
cérémonie, voir Madame TAbbesse, la crosse à la
main, interroger et exhorter la novice; celle-ci joyeuse
prononcer la formule des vœux ; sa mère en larmes,
ses parents et amis tout émus ; enfin la nouvelle reli-
(i) Minutes PeUé, 14 janvier 16(M.
— 347 -
gieuse recevoir le baiser fraternel de Madame l' Abbesse
et de toute la communauté.
Nous désirions particulièrement connaître les noms
et le nombre des religieuses à cette époque, aussi bien
que la cérémonie religieuse de la profession ; nous
voilà pleinement satisfaits sur ces différents points ;
elles étaient donc alors vingt professes, novices et
converses non comprises.
La plupart des vœux sont conservés aux Archives
de la préfecture ; à laide de quelques autres docu-
ments, j'espère que la liste des religieuses sera
complète, ou à un très petit nombre d'omissions près.
Jusqu'au mois d'août 1607, il ne semble y avoir
qu'une seule nouvelle professe :
Marie du Rut.
C'est r « extrait mortuaire de dame Françoise de
Fontenay, vivante abbesse du couvent et monastère
de Notre-Dame », qui nous fournit son nom :
« Le mardy, 21® jour du mois d'aoust 1607, sur les
huict heures du matin... Dame Madame Claude de
Gamaches, abbesse... convoque la commimauté au son
de la cloche dans le chapitre. Furent présentes reli-
gieuses Dames, Sœurs Anthoinette de Serre, Françoise
Affouard, Marguerite de Mussy dicte du Miage,
Anthoinette Destrappes, Gabrielle du Chastel, Ozanne
de Bonny, Françoise Moquot, Henriette Andréas,
Guiîlemette Gascoing, Gabrielle Desjours, Françoise
de Babutte^ Marie de La Rivière, Françoise Roy et
Marie du Rut, toutes religieuses dudict couvent...
Madame l'Abbesse leur annonce que ledict jour, sur
l'heure de minuict, il avoit pieu à Nostre Seigneur
appeler à sa part de retraict de ce monde défunte
dame Madame Françoise de Fontenay, vivante abbesse
dudict couvent (1) »•
(1) Archives de la préfecture, H, 960, n* 4.
- 348 -
Ici^ un intervalle assez notable de quatre années,
sans aucune profession.
16. . . Anne de Gamaches.
Elle était sœur de Tabbesse Claude de Gamaches.
Georges de Gamaches, né en 1551, de François de
Gamaches et de Philippe du Puy, eut deux fils et trois
filles : Jeanne, qu'il maria ; Claude, abbesse de Notre-
Dame, et Anne, religieuse au même lieu (1).
1611. 17 juillet. Vœux de Louyse Damas.
1613, 38 juillet. Vœux de sœur Anne Rapine , du
diocèse de Nevers.
1616, 7 février. Vœux de Jeanne Desprez, du dio-
cèse de Nevers.
16S0, 9 août. Vœux de Jeanne Del&ge, de la paroisse
de Saint-Côme de Paris.
1622, 22 mai. Vœux de sœur Anne Olivier, de la
paroisse de Saint-Pierre-le-Rond, du diocèse de Sens.
1622, 5 juin. Vœux de sœur Geneviève de Brienne,
de la paroisse de Saint-Pierre-aux-Bœufs, du diocèse
de Paris.
1622, 5 juin. Vœux de sœur Laurence Maublanc, de
la paroisse de Saint-Laurent de Verneuil, du diocèse
de Nevers.
1622, 22 juin. Vœux de sœur Marguerite DoUet, du
diocèse de Nevers.
1631, 18 mai. Vœux de sœur Gabrielle Andrault,
de la paroisse de Saint-Pierre de Langeron, du diocèse
de Nevers.
1635. 18 novembre. Vœux de sœur Claude Sirot, de
la paroisse de Saint-Laurent de Nevers.
(1) Mémoire» de la Société des Antiquaires du Centre (annéas 1886-87),
généalogie des Gamaches.
- 340 -
1638, t (1) Anna Sallonnier est décédée le 22 sep-
tembre (2).
1640, 29 avril. Vœux de sœur Marie Duplès, native
de la paroisse Saint-Martin de Nevers.
1644. f Claude de Paris est décédée le 21 novem-
bre (3).
1646. t Claudine Raphatin est décédée le 27 jan-
vier (4).
1646, 4 février. Vœux de sœur Léonarde des Gentils,
native de a Lamna », paroisse de Saint- Aignan, du
diocèse d'Autun.
1647. t Sœur Françoise de Pontalier, dite de Chas-
tillon, est décédée le 17 mai (5).
1648. t Sœur Georgette de Quoi, alias de Lille, est
décédée le 12 avril (6).
1648. t Madame de Thianges^ religieuse, est décédée
le 14 août (7).
1653, 9 février. Vœux de sœur Marie Corade, de la
paroisse de Saint-Arigle de Nevers .
1653, 28 février. Vœux de sœur Anne Bouzitat, de
la paroisse Saint- Jean de Nevers.
1654. t Marie Bélanger est décédée le 7 janvier (8).
1654, 8 février. Vœux de sœur Jeanne-Françoise des
Crots, du diocèse d'Autun.
1654. t Marie Dubroc est décédée le 12 octobre (9) .
(1) Le signe particulier f précède le nom des religieuses à la date de
lear décès, quand celle de la profession fait défaut.
(2) Dernier obituaire de Notre-Dame, vol. XIII du Bulletin de la Société
rUvemaite, p. 191.
(3) Archives paroissiales, p. 157.
(4) Id.
(5; Id,
(6) Id.
(7) Id.
(8) Dernier obituaire de Notie-Dame.
(9) Id.
— 350 —
1657. t Marthe de Gamaches est décédée le 29 sep-
tembre (1).
1659, 22 novembre. Vœux de Anne Bouzitat.
Son acte de réception est passé devant Simon
Biilaud, notaire royal à Nevers ; elle y est portée
comme fille de Pierre Bouzitat, seigneur du Chasnay,
conseiller du roi et élu en l'élection de Nivernois,
époux de Françoise Gascoing... Avec plusieurs mem-
bres de la famille^ ont signé : Gabrielle de Langeron,
abbesse ; sœur Bolacre, prieure ; sœurs Blanchefort ,
Anne Rapine, J. d'Armes, Seigneur, sœur Anne
Bouzitat (2).
Sœur Bolacre, prieure; sœur Blanchefort, sœur
J. d'Armes, sœur Seigneur ont fait profession à des
dates inconnues.
Sœur Anne Rapine ne doit pas être celle qui a pro-
noncé ses vœux en 1613.
1663. f Françoise Duret est décédée le 15 octobre (3).
1665, 25 octobre. Vœux d'Anne Gousset, de la
paroisse de Saint-Martin de Nevers.
1666, 31 janvier. Vœux de Claude Duchon, de
Neuvy-le-Barrois, du diocèse de Nevers.
1681, 26 octobre. Vœux de Claude Brisson, de la
paroisse Saint-Laurent de Nevers.
1682, 14 septembre. Vœux d'Anne Pérude, de
Nevers.
1688, 28 novembre. Vœux de Françoise Brisson, de
la paroisse Saint-Laurent de Nevers (4).
Un acte important de 1704 contient un nombre
relativement considérable de religieuses dont nous
(1) Dernier obituaire de Notre-Dame.
(2) Minâtes BiUaud.
(3) Dernier obituaire de Notre-Dame.
(4) Archives de la préfectare, série H, n» 350, liasse des professions de
{i^otre-Dame.
— 351 -
voyons le nom pour la première fois et qui, par consé-
quent, ont fait leur profession à une date indéter-
minée. — Cet acte, signé à Versailles par le Roi, le
1®' novembre 1704, est le brevet accordé par Louis XIV
à Marie-Charlotte de Lévy de Charlus, religieuse pro-
fesse de Tabbaye de Saint-Menoux , de Tordre de saint
Benoit, par lequel il lui fait don de l'abbaye de Notre-
Dame de Nevers, qui vaque par le décès de dame
Marie-Louise Andrault de Langeron. La communauté
donna son consentement pour cette réception; ont
signé :
Léonardede Lucenay, prieure; Jeanne Bolacre (1),
Etiennette Brisson, Claire Dupleix, Marie Corade,
Jeanne des Crots d'Uchon, Emée Gascoing de la
Belouze, Catherine Andrault de Maulevrier, Hu-
guette Gousset, Gabrielle de Richecourt, Jeanne
Moquot, Claude des Crots d'Uchon, Marguerite
Sallonnyer de Pouilly, Marie Pérude, Jeanne Duguet,
Marie de Bèjse, Françoise Olivier du Monceaux (2),
Marie Vilaine de Givry, Claude Brisson, Anne
Pérude, Marie-Claude Popillon du Ryau, Margue-
rite de Bèse de Vaivre, Antoinette Litaut, Jeanne
Ruby, Claude Bouzitat, Gabrielle Brisson, Fran-
çoise Gascoing et Radegonde Carpentier de Mâ-
chez (3).
Ces sœurs sont nommées par rang d'ancienneté ; dès
(1) Les noms en italique désignent les sœurs non encore nommées et
dont Tacte de vœux est perdu.
(2) 16S4, !•" février. Création de pension viagère de 80 livres par an^
payable à chacun 15* jour du mois de mars par dame Marie Gascoing,
veuve de Guillaume Olivier, écuyer, seigneur de Monceaux, eu faveur de
dame Françoise Olivier, sa fille, religieuse professe au couvent de Pabbaye
Notre-Dame ; et après le décès de lad. dame Marie Gascoing, sera lad.
dot payée par ses autres enfants ou Iiéritiers^jusqu^au décès de lad. dame
Olivier. (Minutes Taillandier).
(3) Archives de la Nièvre, H, 360, n« 5.
— 352 —
lors, Tépoque approximative de leur profession se
trouve toute indiquée par la place qu'elles occupent
entre d'autres religieuses, dont on connaît la date de
vœux.
Le !•' novembre 1704, la communauté se compose
donc de trente-deux religieuses professes, y compris
la Révérende Mère Abbesse.
Peut-être aurait- on désiré, pour chaque religieuse,
un mot de sa famille et ses armoiries ? — Sauf quatre
ou cinq exceptions, V Armoriai du Nivernais j de
M. de Soultrait, et V Inventaire de l'abbé de Marolles
fournissent la matière de notes intéressantes : les
sources principales sont indiquées au lecteur qui
voudra se donner la peine de faire des recherches
généalogiques.
Les quatre feuilllets qui nous restent du « Dernier
obituaire de l'abbaye Notre-Dame de Nevers (1) »
contiennent aussi des noms de religieuses converses,
de novices et de Pères confesseurs ; nous y relevons
seulement ceux qui appartiennent au xvu^ siècle :
f Anne Grimouard, converse, décédée le 12 jan-
vier 1629.
f Marie CoUin, converse, décédée le 23 décem-
bre 1631.
f Jeanne Renard, converse, décédée le 29 décem-
bre 1631.
f Jeanne Niodot, converse, décédée le 22 décem-
bre 1683.
f Marie Bertier, converse, décédée le 10 octobre 1684.
f Madeleine Bolacre, non encore professe, décédée
le 8 octobre 1641.
(1) Ûernier obituaire de Tabbaye Notre-Daise, p. 191) 3« Tolume,
9* série du Bulletin de la Société nioemaiie.
-- 353 —
f Anne de Fontenay, non encore consacrée à Dieu,
décédée le 6 janvier 1654,
f Le 3 octobre 1664, s'est éteint dans le Seigneur le
R. P. Coudray, religieux profès bénédictin de l'abbaye
Saint- Vincent, delà congrégation de Chezal-Benoît,
qui fut pendant de longues années confesseur de ce
monastère de Sainte-Marie de Ne vers.
f Le 15 octobre 1673, est décédé Père Antoine
Astier, religieux de saint Benoît, confesseur de ce
monastère.
fLe? janvier 1688, est décédé Jean Vellard (?),
confesseur de cette maison.
* •
Nous ne pouvons passer sous silence les difficultés
suscitées à la communauté, à l'occasion d'un Père
bénédictin, confesseur des religieuses.
En temps ordinaire, un ou deux Pères bénédictins
étaient chargés du ministère religieux à l'abbaye.
A un certain moment, contrairement aux anciens
usages, les religieuses eurent recours aux Pères Jaco-
bins, aux Bénédictins de Saint-Etienne, aux Carmes
ou môme à des prêtres séculiers, pour la charge de
confesseur de leur communauté ; ainsi, le 15 décem-
bre 1721, fut inhumé, dans l'église de Saint-Sauveur,
maître Charles Guyot^ prêtre, aumônier des dames de
l'abbaye... (1).
Plusieurs fois, il s'éleva des difficultés entre les curés
de Saint-Genès et les religieux desservant le monas-
tère ; les curés prétendaient que les Pères, dans des
questions mal définies, empiétaient sur les droits
paroissiaux ; l'Official tranchait le cas et tout était dit.
(1} Archives paroissiales, p. 170.
T. IX, 3* série. ^
— 354 -
Mais, en 1643, une parole du Père de Bournon^ Béné-
dictin, fut le point de départ d'une grosse querelle
entre l'évéque, messire Eustache de Chéry, et Tabbaye ;
le Père de Bournon fut vivement malmené.
Voici les faits ; c'est un baptême qui mit le feu aux
poudres : « Un artisan de la ville (Guillaume Thii-
loux, entrepreneur et tailleur de pierre, qui travaillait
pour le couvent), pria Madame l'Abbesse de tenir sur
les fonts le fils ou la fille qui lui naîtrait. Il avait fait
auparavant la même prière à Monseigneur TEvôque,
qui lui avait, dit-il, accordé cette faveur, & la condi-
tion que Madame TAbbesse serait marraine. Cette
sainte fille promet et s'engage. Sur ces entrefaites, le
Père arrive à la grille (au parloir), apprend ce qui se
passe, et en présence de cet artisan : « Peut-être, dit-
il, n'est-ce pas un crime de tenir un enfant, mais
enfin. Madame, les saints décrets vous le défendent ».
Cependant Madame l'Abbesse considéra qu'en révo-
quant sa parole, elle attirerait sur le Père l'indignation
de Monsieur l'Evêque, déjà mal disposé à son égards
et maintint sa promesse.
» Le baptême se fit donc le lendemain, à la grille
de l'église de l'abbaye, portes ouvertes, cloches son-
nantes. Toute la ville y accourt, et prend part à cette
réjouissance, à ce spectacle : mais trois ou quatre
religieuses seulement furent présentes; toutes les
autres firent conscience d'assister à cette cérémonie.
Cela déplut à Monsieur l'Evêque qui sçavait d'ailleurs
la cause de ce scrupule... et il ne put voir sans dépit
que cette éclipse malheureuse eust comme troublé
toute la pompe de ceste f este » .
La disgr&ce du confesseur s'en suivit et, sur des
prétextes, il fut inquiété et mis dans la ftfifion de
l'oflScialité, puis élargi.
L'illustre avocat Patru, alors dans toute sa gloire,
— 355 -
plaida cette affaire devant le Grand Conseil, les âO et
21 juin 1644, « pour les religieuses, abbesse et cou-
vent de Notre-Dame, et pour Dom Jean Bournon, leur
confesseur bénédictin, appelant comme d'abus, contre
Messire Eustache de Chéry , évoque de Nevers et contre
Jacques Laroche et consorts (exécuteurs de la justice
de Messire Eustache de Chéry) ; appel est de la visite
que Monseigneur de Nevers prétend faire dans l'abbaye
Notre-Dame, et la procédure extraordinaire' par lui
faite contre le Père Jean de Bournon... (1) ».
L'abbaye de Notre-Dame de Nevers, par le fait
même qu'elle dépendait de la congrégation de Chezal-
Benolt, puis de Saint-Maur, participait à leur exemp-
tion des ordinaires (ou évoques) : « Toute excommu-
nication, lancée, pour refus de la visite épiscopale,
contre une des maisons affiliées, sera nulle de plein
droit ».
Le maintien d'exemption, pour lequel plaidait
l'avocat Patru, fut reconnu par arrêt du Grand
Conseil (2).
Nous ne saurions dire quelle fut la sentence sur la
demande que a La Roche et de Vaux reçussent la
punition qu'ils méritaient, pour avoir saisi et mis
indûment en prison le Père de Bournon » .
Parmentier, qui rédigeait vers 1770 ses Archives de
la Ville de Nevers, écrit que de son temps les Béné-
dictines n'étaient plus que 13, ayant été plus de
80 professes à la fin du xvi® siècle (3), — Ce chiffre de
80 professes est certainement fort exagéré. Qu'on
veuille bien se reporter à la liste des professes en 1601,
à l'occasion des vœux de Françoise Roy.
(1) Œuwes diverses de M. Patru, 3* édition, Paris 1714, t. m, page 55
et suivantes.
(2) Archives de la viUe de Nevers, t. I"*, p. 304.
(3) Id., p. 385.
- 356 -•
I-A profession de sœur Françoise Roy, reproduite
tn extenso, en tête de la liste des religieuses bénédic-
tines au xvii« siècle, est à la date du 14 janvier 1601,
au commencement de la première année du xvii® siè-
cle ; on vient donc de sortir du siècle précédent. Il
est impossible d'admettre qu*à la fin du X VP siècle
le monastère de Nevers comptait plus de 80 pro-
fesses, alors que 19 seulement signent à Tacte des
vœux de la religieuse qui fait sa profession, le
14 janvier 1601.
Dans le cours du xvii® siècle, le nombre des pro-
fesses varie entre 15 et 30 ; 19, pour la profession de
sœur Françoise Roy, en 1601 : 15, lors du décès de
Tabbesse Françoise de Fontenay, en 1607; dans les der-
nières années du siècle, elles atteignent la trentaine,
en nous basant sur le chiffre de 32 qui, en 1704,
donnent leur consentement écrit à la nomination par
le roi, de labbesse Marie-Charlotte de Lévy de Char-
lus. Dans son plaidoyer, cité plus haut, l'avocat Patru
dit qu'elles sont de 25 à 30 au plus : « Dira-t-on que
rintérôt, que la conduite, la direction d'un monastère
de 25 à 30 filles, presse plus, soit quelque chose de
plus important que la garde, que les besoins de tout
un diocèse qui embrasse tant d'églises, tant de peu-
ple (1) ? ))
Dans le xvni® siècle, il est certain que le nombre des
religieuses déchut d'une manière notable. Elles étaient
28, abbesse non comprise, en 1704. En 1746, elles ne
sont que 12 professes.
Un acte notarié de 1746 ne donne les noms que de
12 religieuses : « Le 19 janvier 1746, par devant les
notaires du roy, résidants en la ville de Nevers...
furent présentes dame Madame Marguerite Lemaistre,
(1) Œuvres diverses de Af. Patru^ 3« édition, 1714, t. lU, p. 55.
- 357 -
abesse de l'abaye royale Nostre-Dame de Nevers,
Dames Claude Bouzitat de Seline, Magdelaine de
Montregnaud, Claude de Bèze de Courcelle, Henriette
Bonnet Duvidal, Magdelaine de Bèze de Vaivre, Anne
Brisson de Gigny, Marie-Lucie de Montmorillon^
Françoise Gaulme de la Velle, Anne Gaudinot de
Saint-Martin, Marguerite de Durât du Ludais, et Marie
Fautras, toutes religieuses de lad. abaye pour
raison de la vente et alliénatiôn qu'elles entendent
faire du terrier, justice et dixme de Buy et Verrières
et généralement de tous les droits utils et honorifiques à
elles appartenant à cause de leur dite seigneurie scituée
en lad. paroisse de Saint-Babil-lès-Saint-Pierre-le-
Moustier... sans en rien réserver, sinon le droit de
fief suivant la coutume de Nivernois. Bail emphitéo ti-
que au nom de Vyau de Baudreuil, advocat à la cour
de Saint-Pierre-le-Moustier, moyennant la rente an-
nuelle de 150 livres (1) ».
Nous passons brusquement à Tannée 1790. La guerre
ouverte est déclarée à la religion ; on est à la veille
d'une persécution qui rappellera celle des premiers
siècles de TEglise ; dans les monastères, qui seront
bientôt vendus ou détruits, se présentent des commis-
saires pour dresser la liste des membres de la commu-
nauté. Pour l'abbaye Notre-Dame, nous trouvons aux
Archives communales (2) « l'état nominatif des ci-
devant abbesse et religieuses de la ci-devant abbaye :
)) Les religieuses de choeur sont au nombre de douze -
)) Marie-Claire de Saillans, abbesse, née à Nevers,
le 7 août 1737 (3) ;
» Jeanne-Lucie de Montmorillon,
(1) Minutes Parmentier, année 1746.
(2) Archives communales de la ville de Nevers, GG, 135.
(9) Nous avons vu ailleurs, par son extrait mortuaire, qu'elle est née
à Verbîgny (Haute-Marne).
- 358 --
> Françoise Gaulme de la Velle,
j) Anne-Angélique Gaudinot,
» Marie Vautras,
» Marguerite Marchand du Gué ;
» Marguerite Portepain, née le 30 octobre 1730, à
Sauvigny ;
» Françoiae-Erneste de Bèze, née le 11 août 1740 ;
» Louise-Barthélémy de Lhopitau,
D Marie-Anne-Jacquette des Champs de Saint-
Léger, née à Pazy, le 8 août 1730 ;
» Madeleine-Françoise de Ruez, née le 4 novem-
bre 1754 ;
» Madeleine -Françoise-Marie-Geneviève de la Seine.
» De plus, il y a 5 religieuses converses ».
Revenons au chiffre de 13 religieuses du temps de
Parmentier ; il semble, d'après le sens de son textes
qu'elles étaient 13, converses comprises, tandis qu'à
la fin du xvm« siècle elles étaient plus de 80 professes.
Comme professes, au xvii' siècle, il ne nous semble pas
qu'elles aient jamais dépassé le chiffre de 30.
§ n. — LES PENSIONNAIRES
Parmentier, dans ses Archives de la Ville de
Nevers, dit que « les religieuses n'avaient pas de
pensionnat (1) )»•
— C'est une erreur ; des faits précis donnent à cette
assertion un démenti formel. Les Bénédictines avaient
des pensionnaires et de deux catégories : des jeunes
filles à instruire, et des personnes d'un âge plus
avancé, qui se retiraient au couvent pour fuir le tracas
du monde et vaquer en paix au soin de leur salut. *
(1) Archives de la ViUe de Nevers^ Parmentier, tome I*% page 895.
- 359 —
D abord, un mot seulement des pensionnaires
retraitées.
c( Le 19 novembre 1692 a été inhumée, dans le lieu
de la sépulture des religieuses, damoiselle Claude-
Françoise Bouzitat, vivante pensionnaire en ladite
abbaye, ladite damoiselle décédée en présence de sa
sœur religieuse dans la môme abbaye (1) ».
Noble damoiselle Reine des Crots de Neufvy, pen-
sionnairey décéda au monastère le 2 septembre 1739,
à l'âge de soixante-quinze ans (2).
Sans nous arrêter davantage au pensionnat de
retraite, nous nous proposons d'entrer en plus de
détails au sujet du pensionnat d'instruction et d'édu-
cation de jeunes filles.
Ce pensionnat existait au moins au commencement
du XVI* siècle. Le premier nom d'élève que nous trou-
vons est celui de... Guy Coquille, né à Decize, le
11 novembre 1523 ; « il apprit à lire chez les Béné-
dictines de Nevers (3) » (cependant non comme pen-
sionnaire, mais externe encore en jupons).
Vers 1572, Claudine de Gamaches, Agée de sept ans,
entrait au pensionnat de l'abbaye (4).
1755. Marie de Vannes, fille unique de Pierre-
(4) Archivée paroisiialei, abbé Boutiluer, page 165. — Oansracte de
oofuentement de la communauté à la nomination de Tabbease M. G. de
Lévy de Charlus en 1704, nous trouvons deux religieuses du nom de
Bouzitat, Anne et Claude; Anne fit profession en 1653, et Claude beau*
coup plus tard, puisqu'elle est désignée comme une des dernières pro-
fesses. La pensionnaire Claude-Frduiçoise Bouzitat (je n*ai pu retrouver le
registre des sépultures de l'abbaye en ce qui la concerne) est sœur de Tune
de ces deux religieuses, laquelle ? i)ës lors, il est difficile de dilie si elle
était pensionnaire retroûtée ou étudiante ; l'indication de son âge, qui
trancherait la question, fait défaut ; mais elle appartenait vraisembla-
blement à la catégorie des pensionnaires de retraite.
(2) Sépultures de l'abbaye Notre-Dame.
(8) Album du Nivemaiêt tome II, page 227.
(4) GaUia Christiana : Catalogue des Âbbeoses, Notice de l'abbesse
C. de Gamaches.
— 360 —
Jacques de Vannes, seigneur de Sermoise, Saint-
Parize, Charnoy et Vauclaix, et de Françoise de Bèze
de La Belouze, était élève au pensionnat de l*abbaye
Notre-Dame ; son père écrivait^ à son sujet, dans une
lettre à M. de Carrelet, président de la Chambre des
comptes :
« Charnoy, le 27 février.
«... Nous VOUS chargerons de faire mention de nous
à cette demoiselle de l'abbaye,, qui a si mal passé son
carnaval. J'espère cet automne lui donner le bal à
Sermoise (1) ».
Elle devint l'épouse de Louis-Marie-Gabriel-César
de ChoiseuU qui fut, peu après son mariage, nommé
ambassadeur près le roi de Sar daigne.
Une pensionnaire étudiante resta au couvent jus-
qu'au moment de son mariage, qui fut célébré à
Tabbaye. Nous lisons dans les actes religieux de la
paroisse Saint-Genès, année 1784, au 17 août, que
« Anne Petit de Saint-Georges, pensionnaire au cou-
vent de l'abbaye Notre-Dame, fille mineure de mes-
sire André-François de Nanteau, conseiller du roi, et
de dame Marie Barbier..., contracta mariage avec
messire Claude-Michel, baron de Nuchèze, chevalier,
seigneur de Sauvage, Planche, Vienne et autres lieux,
et de dame Elisabeth Deschamps..., de la paroisse
Saint-Jean de cette ville, en présence de messire
François de Damas, écuyer, doyen de la cathédrale de
Nevers (2) ».
Quel était le nombre des élèves, le règlement, le
(1) Lettre citée par M. Roubet dans sa Notice hUtoricUe iur Sermoise^
page 328, 11* volume du BuUetin de la Société nivernaise.
(2) Registres paroissiaux de Saint-Genés.
— 361 —
ff
programme des études? Malheureusement, aucun
document local ne peut nous renseigner à cet égard.
Force me sera de recourir aux visites du prieuré de
La Ferté-sur-Yxeure, relatives au pensionnat {!), et
d'en faire l'application à celui de Nevers, et môme de
butiner jusqu'à Bourges, au pensionnat des Bénédic-
tines de Saint-Laurent (2), et peut-être plus loin.
A La Ferté, il n'existait pas de costume uniforme
pour les pensionnaires (3) ; à cet égard, une recom-
mandation particulière, qui vise la simplicité du vête-
ment, donne à entendre que toute liberté était laissée
aux parents de les habiller comme bon leur semblerait,
en évitant la recherche et la frivolité : « Madame la
Supérieure ne souffrira pas que les élèves portent des
fontanges et autres ornements trop mondains (4) ».
Les élèves n'étaient pas soumises au régime sévère
des religieuses : « La cuisine sera maigre pour la
(1) Prieuré de La Ferté-sur-Yxeure ^ par M. Guenot.
(2) Les Bénédictines de Saint'Laureni de Bourges, édit. à Bourges,
1891.
(3) Plusieurs pensionnats de communautés religieuses avaient pour leurs
élèves un costume quasi monacal se rapprochant du costume de l'ordre. —
Dans la Vie de la Révérende Mère Camille de JésuSy Carmélite,
librairie Poussielgue, 1897, nous trouvons de curieux détails sur le costume
des pensionnaires de la Visitation de Paris.
En 1757, Camille de Soyecourt, la future Carmélite, y fut mise en pen-
sion à rage de sept ans ; deux de ses sœurs plus âgées Pavaient précédée
dans cette maison; les pensionnaires portaient les cheveux courts;
Camille les avaient fort beaux. Ce furent ses deux sœurs qui reçurent la
redoutable mission de les couper... Les deux jeunes filles firent tomber en
peu d'instants les boucles tant aimées et les remplacèrent par le bonnet
rond des pensionnaires. L'uniforme consistait en un petit bonnet de
mousseline avec voile semblable ; une robe noire fort simple et une cor-
delière en laine violette, ornée de deux glands, nouée à la ceinture. Ce qui
finissait de donner aux jeunes pensionnaires l'aspect de religieuses en
miniature était la croix d*argent un peu plus petite que celle de Tordre, qui
était suspendue à leur cou. (Pages 17 et 18).
(4) Prieuré de La Ferté, visite du 24 septembre 1689.
Ih,<
- 362 -
oommunauté ; mais elle sera grasse pour les pension-
naires et les malades (1) ».
Elles avaient dans le couvent leur quartier spécial :
« Elles se retireront aux départements qu'elles occu-
paient les années précédentes, sans qu'elles soient
admises dans les lieux réguliers à la compagnie des
religieuses, deSendant i la prieure de recevoir aucune
pensionnaire à moins de cent livres de pulsion par
an (2) ».
« La sous-prieure veillera à ce que les pensionnaires
ne fassent aucun bruit dans les lieux réguliers, qu'au-
cune religieuse ne leur fasse répéter leurs leçons dans
leurs cellules pour ne pas troubler et inquiéter les voi-
sines, que lesdites pensionnaires seront instruites et
nourries dans leurs chambres communes... et que
toutes soient couchées à môme temps que les reli-
gieuses (3) ».
A Nevers, le bâtiment affecté au pensionnat était
l'aile du midi du cloître, tenant du levant au réfectoire
des religieuses et du couchant aux remparts de la
ville ; l'entrée et la façade regardaient les « Grands
Jardins », joignant les b&timents de la communauté et
en même temps placé en dehors de la partie spéciale-
ment réservée aux religieuses, il répond absolument
au vœu « des ordonnances » de La Ferté ; que les
pensionnaires aient « leur département », qu'elles ne
fassent pas de bruit dans c les lieux réguliers » et
qu'elles ne soient pas admises à la compagnie des
religieuses. — De ce fait, la cour de récréation était à
Topposé du cloître, du côté des jardins.
Il est bien rare que dans un récit qui embrasse une
(1) Prieuré de U Forte, visite da 18 décembre 1689.
(2) Prieuré de La Ferté, visite du 15 septembre 1640.
(3) Prieuré de J^ Farté> visite du 18 septembre 1666.
- 363 -
longue période, il ne se rencontre, à une certaine heure,
quelque événement regrettable.
Un fait de ce genre se produisit, qui contrista
profondément les religieuses : une nuit, quatre jeunes
gens de la ville, de bonne famille, firent, en passant
par le cimetière Saint-Genès, escalade de la clôture
pour s'introduire au pensionnat. Sans retard, Madame
TAbbesse, Marie-Louise Andrault de Langeron, remit
sa plainte au présidial de Saint-Pierre-le-Moûtier, le
2 décembre 1698(1).
Il faut dire qu'à ce moment la surveillance des reli-
gieuses s'était relâchée à l'occasion de la dernière
maladie qui emporta l'abbesse Gabrielle Andrault de
Langeron, tante de celle qui lui succéda.
Le tribunal, appréciant cette équipée de jeunes gens,
ne lui reconnut pas, vu les circonstances, une bien
sérieuse gravité ; deux de la bande étaient parents de
religieuses de la communauté^ et les deux pension-
naires complices avaient aussi une parenté très rappro-
chée avec les escaladeurs « qui, en réalité, étaient allés
pour jouer aux cartes (2) ».
Le pensionnat était relativement grand ; il compre-
nait toute l'aile du midi du cloître, avec rez-de-chaussée
et premier étage. Comptait-il vingt, trente élèves ou
plus?
Vu les noms cités de plusieurs pensionnaires, aussi
bien que ceux des religieuses, appartenant pour la
plupart à de grandes familles, il est facile de déduire
que le pensionnat d'éducation de Notre-Dame était
(1) Archives cioUeSj par M. de Flamarb, archiviste de la Nièvre, 1. 1*',
Bp91.
(2) Archives civiles ^ par M. de Flâmare, archiviste de la Nièvre, t. V\
(Décharge des accusations et décrets de Saint-Pierre-le-Moùtier, 17 sep-
tenbre 1700).
- 364 -
destiné aux jeunes filles de la classe noble et distin-
guée de la province du Nivernois.
M'étant adressé, pour divers renseignements, à
Madame la Prieure des Bénédictines de Bourges, je
fus servi à souhait par une réponse précise et détaillée,
au sujet des livres en usage dans leur pensionnat
d'avant la Révolution ; comme celles de Nevers, elles
avaient les deux Œuvres de la Retraite et de l* Edu-
cation des Jeunes Filles, que d'ailleurs les Sœurs
actuelles continuent avec le zèle et la distinction de
leurs pieuses devancières.
D'anciens livres du pensionnat de l'abbaye bénédic-
tine de Saint-Laurent, conservés aux archives de la
maison^ entraient dans le plan d'études adopté ; entre
autres, nous pouvons citer :
Les Etudes convenables aux Demoiselles, compre-
nant la grammaire, la chronologie, la géographie,
l'histoire, la fable héroïque, la fable morale, les règles
de la bienséance et un court traité d'arithmétique...
1761.
L^ Conduite pour bien faire la première Commu-
nion, par l'abbé H. L. P.
Les Instructions pour la première Communion, par
l'abbé Régnauld, 1778.
Le Catéchisme de Montpellier.
— Sur un exemplaire de la Première Communion,
par l'abbé Régnauld, une jeune pensionnaire niver-
naise (de La Charité) a laissé trois inscriptions ; la
première comme un sceau de propriété : « Ce caté-
chisme de la communion appartient à moi, Camille
Butet, 2 mars 1790 » ;
La deuxième, comme trait de son caractère vif et
enjoué : « Je descends en droite ligne du grand Romain
(Camille) dont je porte le nom > ;
La troisième, comme reflet des sentiments de son
— 365 —
&me : « Oh I toi, à qui le hasard fait lire ces mots, ne
m'oublie pas et dis un Requiescat in pace pour moi,
Camille Butet, 2 may 1790 ».
a Camille Butet était de La Charité ; elle y naquit le
22 janvier 1776. La devise des Butet était : « La vertu
mon but est », et leurs armes parlantes (( un artichaut
butté (1) ».
III
Les Constructions.
Après un aperçu sommaire sur l'histoire de l'abbaye,
sur les personnes qui l'habitaient, il nous reste à
essayer d'en décrire le local et les nombreuses cons-
tructions.
Afin de rendre cette description moins monotone et
moins ardue, je supposerai que nous visitons l'abbaye
de compagnie avec le lecteur, et, comme il faut que
l'état des lieux corresponde à une date fixe, nous
admettrons que la visite a lieu en 1789.
Arrivés devant la grande grille de fer qui donne
entrée dans la « cour de l'Abbaye », nous embrassons
d'un coup d'œil cette vaste cour bordée à droite d'une
maison, d'un jardin à la suite, d une construction
indéterminée ; à gauche, d'une chapelle, puis en
retrait de l'église abbatiale surmontée d'un campanile
élancé, et contre laquelle s'appuie une sorte de bas-
côté flanqué, plus près de l'abside, d'une construction
en avancement ; au fond, une ligne de constructions
de hauteurs inégales est percée, à peu près en son
milieu, d'im portail voûté.
(1) HUtoire des BénécRctines de Bourges, p. 308; — à Bourges, 1891,
- 366 -
En entrant, à gauche, c'est la chapelle de saint
Michel^ dont Tabside ronde déborde dans la rue Saint*
Genès; elle est orientée et ajourée d'étroites baies
romanes. Les modillons, assez soignés, représentent
un moine, un lion et différents animaux. En avant du
portail, il existe un escalier de cinq ou six marches.
Le portail, en saillie, est formé de deux archivoltes
très simples, en retrait, retombant sur des colonnettes
à chapiteaux de feuilles d'eau et de palmettes peu
fouillées (1).
Le tympan est surmonté d'une statue du patron de
la chapelle, saint Michel terrassant le dragon ; les yeux
de l'archange sont remplis de plomb (2).
A droite, en face la chapelle, « la maison du portier
se compose, dans le bas, d'une tribale (3), d'une écurie,
cave auHlessous, et au premier étage de deux
chambres à feu et cabinets (4) ».
Le portier jouit aussi du petit a jardin contigu »,
en descendant (5).
Au bas du petit jardin, une construction nous tourne
le dos et a sa face sur le jardin de l'abbesse ; c'est
« l'Orangerie, mesurant 39 pieds sur 18 de large, avec
un cabinet de 15 pieds carrés et cave voûtée par
dessous (6) ».
A gauche, faisant angle droit avec le bas de l'église
abbatiale^ est « le grand parloir, avec deux chambres
à feu et une tribale (7) ».
A droite du portail voûté, « les parloirs avec neuf
petites pièces, au rez-de-chaussée, mesurant 39 pieds
(1) D'après M. de Soultrait. Guide archéologique dans Nevers.
C2) Cette statue fait partie de la collection de M. Massillou Rouget.
(8) Ancien terme local signifiant bûcher ou lieu de débarras.
(4) Arch. de la préf. Ventes nationales n* 30, 22 prairial an IV.
(5) Fait partie de la même vente.
(6) Arch. de la préf. Ventes nat. n* 111, 3 messidor an IV.
(7) Arch. de la préf. Ventes nat n* 396, 23 messidor aB IV.
— 36:; -
superficiels^ non compris le portail ; au-dessus, il y a
quatre chambres à feu et deux cabinets n ; les parloirs
communiquent par a un corridor avec les bâtiments
clostraux (1) ».
Franchissant le portail voûté, nous avons devant
nous des jardins, entre les b&timents du cloître à
droite, et à gauche le logis de Tabbesse.
Au-dessus du portail, regardant les jardins, nous
voyons un écusson surmonté de la crosse, dont le
pied dépasse en dessous de la pointe ; Técu est chargé
de trois barils qui sont les armes psu'lantes de Tab-
besse de Boutillat, à qui est due la reconstruction
de la plus grande partie du- couvent, après un terrible
iacendie arrivé en 1478.
Madame TAbbesse a son logis séparé et en dehors
de la communauté. « Le bâtiment de Tabbesse consiste,
au rès de chaussée, en ime cuisine, et un petit cabinet
et ime tribale voûtée ; au premier, en trois chambres,
compris la salle et deux cabinets, grenier régnant
au-dessus ; en un jardin (au nord) attenant ledit bâti-
ment, de la contenance de sept huitièmes de boisselée,
en un cabinet d'aisance qui joint Torangerie, plus une
cour au devant du bâtiment (au midi) (2) »•
L'appartement désigné sous le nom de salle, je
l'appellerai salon, car c'est la chambre de réception
de Madame TAbbesse qui, pour lors, est Madame
Marie-Claire de Saillans ; lea deux modestes cabinets
sont ses appartements particuliers.
Du côté du midi, un corridor donne entrée au
salon ; du côté du nord, qui regarde le jardin, la pièce
est éclairée de deux fenêtres et d'une porte vitrée à
deux battants, au milieu ; â la porte correspond un
(1) Ârch. de la préf. Ventes nationales a* 174, 8 messidor an IV.
(S) Arch. de la préf, VenI» nat. n* 14i, 5 messidor an lY.
- 368 —
perron avec double escalier à rampe de fer pour
descendre au jardin. On remarque une belle cheminée
en marbre du xvii® siècle. Le parquet en chêne
présente en long et en travers des bandes de carrés
concentriques. Aux murs, quelques gravures de piété
et portraits d'abbesses, parmi lesquels celui de
Madame TAbbesse actuelle (1) . Sur un petit meuble,
au milieu d'objets divers de curiosité, un beau gobelet
en verre porte les armes de Madame TAbbesse, avec
l'inscription « M. C. de Saillans, abbesse de N.-D. de
Nevers » ; c'est un produit de la fabrique de verrerie
de M°»e de Borniol (2).
Du salon, nous admirons, à Tangle nord-ouest du
jardin, la Porte-du-Croux, ce beau spécimen de portes
de défense du moyen &ge ; cette tour contient les
archives du couvent.
Nous revenons, en passant sous le portail voûté
attenant aux parloirs, dans la cour de Tabbaye et nous
remontons dans la direction de l'église.
Un porche voûté d'arête, du xm^ siècle, prolongé à
droite d'une travée im peu plus large et de la môme
époque, précède le portail roman, qui surprend par
son élégance et la richesse de son ornementation.
Dans l'ensemble de ce beau portail latéral, nous
trouvons un style qui semble participer de deux
époques.
La reconstruction complète du monastère par Fro-
mond remonte à l'année 1121 (3). L'église fut dédiée
par ce même évoque à une date non précisée (4).
Le xu« siècle, près de son berceau, a conservé du siècle
(1) Portrait appartenant à M. le docteur Victor Robert Saint-Cyr.
(2) M. Tabbé Boutillier l'a décrit et reproduit en gravure dans sa
Verrerie de Nevers,
(3) GiLLET, Annuaire de iSOS,
(4) GoTiGNON, CaJtaXogue des évêques de Nêvers*
POUTAlt it L'AncUnn» Abha^e?felrt-J)arrit rut St l^*i!tit.
— 369 -
précédent les formes archaïques et raides d'ornements
étoiles^ à tableaux, à zigzag et à damier (1), et déjà il
s'essaye timidement à des contours plus souples et
plus harmonieux, dans le semis des feuilles, qui garnit
les gorges entre les colonnettes, et dans l'ébauche de
deux rangs de crochets des chapiteaux ; la manière de
ces détails fait pressentir le xiii® siècle.
Le portail primitif était protégé par un auvent ; il
était en avant-corps, dont le glacis reposait sur une
corniche étoilée, soutenue par cinq modillons, repré-
sentant en allant de gauche à droite :
Deux serpents dressés et enlacés.
Une tête humaine,
• Un oiseau de proie tenant en ses serres un petit
oiseau,
Une tête de chèvre ou de diable barbu et cornu,
Une tête de femme avec bandeau sur le front.
L'archivolte, en plein cintre, se compose d'une
série de tores de dimensions différentes, séparés les
uns des autres par de petits bandeaux ou des gorges ;
Tébrasement en est très profond ; le tout porte sur
trois colonnettes de chaque côté, surmontées de cha-
piteaux de feuillage un peu à crochets. Les angles des
pilastres entre les colonnettes sont creusés en gorges
décorées de feuilles de chêne. Les bases en sont apla-
ties et reposent sur des pilastres assez élevés. Le
portail est encadré par un tore qui forme une archi-
volte et descend le long des pieds-droits sans solution de
continuité.
Cette porte mesure 1 m. 85 d'ouverture et 2 m. 10 de
■
(1) Madame Moncharmont, propriétaire de remplacement de Téglise
abbatiale, vient de faire don au musée de la Porte-du-Groux de deux
tablettes de pierre qui semblent des entablements de l'église; elles
mesurent chacune environ 40 centimètres sur 12 centimètres et portent
un échiqueté de trois rangs sur quatre coupé de billettes.
T. IX; 3* série. 24
- 370 —
diamètre d'archivolte. Les coloûnettes ont 0 m. 14 de
diamètre.
Le portail donne entrée dans une galerie adossée à
l'église dans toute sa longueur, de la largueur d'une
travée à gauche, et à droite, jusqu'à l'angle terminal
de la nef. La galerie, de 4 mètres de large, a 16 m. 45
de longueur. Ici, nous trouvons le mélange des xn« et
xnr siècles. La partie de la galerie à droite du portail,
a été réduite à trois travées, tandis que dans une
construction précédente du xir siècle, il existait quatre
travées.
Dans l'arcade donnant entrée à l'église abbatiale,
on remarque une imposte décorée de tableaux super-
posés ; à droite, dans l'arcade suivante, les deux
impostes sont ornées d'une série de zigzags en relief.
Dans le pilier de la troisième travée gothique, adossé
à la nef, est adaptée une piscine du xvn* siècle et, à
proximité, dans le mur de refend, existe une autre
piscine présentant les mômes caractères, encastrées
peut-être sans but d'utilité, mais plutôt par motif de
conservation de ces objets
La galerie primitive, du xii* siècle, formait une sorte
de bas-côté de l'église, dont les arceaux furent plus
tard fermés en maçonnerie, sauf celui correspondant
au portail, muni d'une porte à deux battants, pour
entrer à l'église abbatiale.
Cette galerie, se terminant aux deux extrémités à
angle droit, est éclairée, à l'est et à l'ouest, par une
fenêtre à arc brisé ; le mur de la partie occidentale est
percé d'une porte, communiquant avec les bâtiments
clostraui.
De l'autre côté de cette porte de communication
de la galerie, à droite, est le corridor conduisant aux
parloirs.
Quelques pas plus loin, à gauche, s'ouvre la salle
, i?^^
- 37i -
capitulairO; dans laquelle on descend par quatre ou
cinq marches.
. Elle est rectangulaire, — 8 m. sur 14m. 50 en œuvre —
en matériaux de moyen appareil, voûtée de six com-
partiments sur croisées d'ogives ; les branches ou
nervures retombent au centre sur deux colonnes cylin-
driques de 0 m. 30 de diamètre, à chapiteaux de feuillage
au droit des murs, les ogives et doubleaux posent sur
des massifs adossés, formés d'une colonnette accostée
de deux autres plus petites ; aux quatre angles de la
salle, les ogives reposent sur une colonnette simple.
Dans cette construction, les arcs ont trois coupes diffé-
rentes : ogives, doubleaux et arcs de communication
avec le cloître. Ces derniers sont en plein cintre, de
coupe rectangulaire ; un de ces arcs est doublé et le
second, intérieur, repose de chaque côté sur une
colonnette à chapiteaux de feuillage ; dans cet arc, une
porte vitrée, à deux battants, communique avec le
cloître intérieur, les deux autres arcs sont garnis de
fenêtres.
L'ogive, incontestablement du xiii* siècle, a un
profil très particulier : le boudin central n'a pas
d'arête, et cependant les deux tores latéraux sont
réduits à leur plus simple expression, se rapprochant
des moulures du xv® siècle.
Pour les doubleaux, les tores latéraux ont été
conservés, mais dans des proportions restreintes.
La voûte est à environ 6 m. 50 du sol.
Au droit des murs, les voùteîs reposent sur des for-
mer ets de coupe biseautée.
Tout le long des murs, à l'est, au nord et à l'ouest,
sont rangées les stalles de Mesdames les religieuses.
« Au milieu du chapitre » se dresse une croix de
-- 372 -
bois ; voici, à son sujet, la note que Messire Guille-
meau, curé de Saint-Genës, a consignée (1) :
(( L'an mil six cent septante, le deuxième jour du
mois de mars, par la dévotion de Madame, Madame
Gabrielle de Langeron, abbesse, et de sa communauté,
a été posée et bénite une croix de bois, au milieu du
chapitre, de môme hauteur, largeur et épaisseur que
la vraie croix sur laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ
a été attaché au mont du Calvaire.
n Les mesures ont été aportées et prises sur celle
qui est dans la Sainte-Chapelle de Bourbon. Elle est
en terre, de la même hauteur que celle sur laquelle
Nostre-Seigneur Jésus-Christ fust eslevé y rendant
son esprit à son Père.
)) Dans ladite croix, sous trois divers cristaux, est
de la vraie croix envoiiée par des Dames Religieuses
dune partie qu'elles gardent précieusement, la tenantes
de personnes très assurées . Il y a encore de plusieurs
autres reliques aportées des Lieux-Saints, entre
lesquelles sont celles de saint Pontian, martyr, de
saint Révérian, de saint Vincent et de plusieurs autres
saints. Fait à Nevers, les an et jour susdits en pré-
sence de Madame TAbbesse et de notre communauté ».
La porte vitrée, à deux battants, et les deux
fenêtres à la suite donnent sur le cimetière des reli-
gieuses, au milieu des galeries du cloître, formé de
trois corps de bâtiments et, au couchant, du mur des
fortifications.
Nous avons cité, à propos des sœurs blanches, le
nom de la sœur Claudine Raphatin et la désignation
de sa sépulture € au cloître devant le chapitre ». Donc
la tombe de cette sœur est tout près du chapitre, au
bord de l'allée qui longe le cloître de ce côté.
(1) Sur les registres paroissiaux.
— 373 —
L'aile opposée à la salle capitulaire et au dortoir
des religieuses est occupée par le pensionnat des jeunes
filles.
Par delà la salle capitulaire, à 1 ouest, et en pro-
longement, est « une autre galerie d'une seule nef de
trois travées, à lourdes nervures prismatiques du
XV* siècle. On y remarque une vaste cheminée dont le
manteau porte, posé sur une crosse en pal, l'écusson
chargé de trois barils de Tabbesse de Boutillat (1), qui
fit reconstruire la partie de l'abbaye détruite dans
l'incendie mentionné parle Gallia Christiana en 1478.
Tout le premier étage de l'aile du chapitre est
occupé par les cellules ou dortoir ; l'acte de sépulture
de sœur Claude de Paris, décédée le 21 novembre 1644,
âgée d'environ quatre-vingt-deux ans, mentionne
qu'elle a a été enterrée proche la marche qui descend
du dortouée au cœur de l'église (2) ».
La belle salle capitulaire, que nous venons de visiter
et d'admirer, nous laisse sous l'impression d'un religieux
respect. Règle générale, ce local, dans l'ordre béné-
dictin^ occupe une place qu'on s'est rarement permis
de changer : elle est le prolongement de l'église, dans
la même direction, et s'ouvre sur le cloître ; si ce lieu
revôt un caractère religieux et imposant, c'est que là,
chaque jour, se réunissent les membres de la commu-
nauté pour de pieux exercices ou la discussion des
intérêts du monastère.
Au chapitre (disons l'abbesse, puisque la règle est
la môme pour les maisons d*hommes ou de femmes),
l'abbesse donne à ses religieuses les obédiences com-
munes et l'enseignement ; elles y viennent tous les
jours entendre l'annonce des fêtes qui seront célébrées
(1) D'après M. de Soaltrait, Guide archéologique dans Neven,
(2) Actes reUgîenz.
— 374 —
le lendemain. Le martyrologe était suivi de la distri-
bution de l'ouvrage.
L'abbesse lit ensuite un passage de la règle, qu'elle
commente, ou fait une pieuse exhortation sur les fêtes
liturgiques.
Puis, deux fois la semaine, le lundi et le vendredi,
se pratique, à tour de rôle, l'accusation publique des
fautes extérieures qui ont échappé aux religieuses, et
elles reçoivent les avis et une pénitence convenables.
Les sœurs entendent, avant de se séparer, l'annonce
des anniversaires des religieuses et des bienfaiteurs
défunts, et, après le De Profundis, elles se rendent
chacune à leur travail. Un jour viendra où le corps
d'une des religieuses présentes, privé de vie, porté sur
les épaules de ses compagnes, franchira le seuil de cette
salle ; sa dépouille, revêtue de la coule monastique,
entourée des lumières bénites et de la récitation des
psaumes, y attendra le moment de la sépulture.
C'est encore au chapitre que les religieuses se
réunissent pour délibérer sur les intérêts du monas-
tère. Les personnes du siècle y viennent demander
leur admission dans la famille et recevoir l'habit
monastique.
En un mot, c'est le lieu de l'assemblée de la com-
munauté, quand elle doit agir en corps et accomplir
les principaux actes de son existence canonique. Aussi
le considère- t-on comme l'un des lieux réguliers. Le
silence qu'on y observe témoigne du respect que la
communauté se rend à elle-même. Sa disposition et
ses ornements contribuent à en faire ressortir la
dignité (1).
Nous nous rendons ensuite à l'église abbatiale, en
(1) D'après dom Bease, de Tordre de Saint-Benoit : Le Moine béné-
iictin, édité à Ligugé, 1896, pages 117, 118, 119.
— 375 -
remontant par la galerie que nous avons déjà tra-
versée.
L'église est à une seule nef, avec abside à pans
coupés et du xii* siècle, percée de baies étroites à une
certaine hauteur, dont le bas rase la toiture de la
galerie adossée au nord ; elle a 8 mètres de large en
œuvre, comme la salle capitulaire^ et de 20 à 31 mètres
de longueur environ.
L'abside à pans coupés (1) semble étrange au pre-
mier aspect entre les deux absides en hémicycle de
deux monuments religieux presque de la même époque,
l'église Saint-Genès et la chapelle Saint-Michel. Cette
forme d'abside à pans coupés, aux xi* et xn® siècles,
assez rare, offre tout de même des spécimens analo-
gues ; ainsi dans les églises de Garchy (Nièvre) et de
Quenne, dans les environs d'Auxerre.
Dans l'abside, aux côtés du maître-autel, deux beaux
reliquaires se font pendant ; (( ils sont soutenus chacun
sur deux potences de fer attachées en haut d'un
pilier (2) ».
Un de ces reliquaires, le plus ancien, est « une
petite boite en bois » couverte de dorures sombres et
ternes, a renfermant la plupart du corps de saint
Révérien (3) ».
L'autre reliquaire, plus récent, brille de reflets d'or
qui suivent le contour de détails d'architecture, de
rinceaux, de pièces d'armoiries ; il est en forme de
maison, avec ses murs et son toit à double pente, et,
sur le sommet, sont trois pinacles soutenus par des
consoles renversées. La face antérieure de la toiture
est ajourée, entre une bordure de rinceaux, de deux
fenestrages garnis de cristal, pour permettre de voir
(1) Plan de 1759.
(2) Note de rabbé Gaillemeau, caré de Saint-Genès,
- 376 -
les nombreuses reliques qu'il contient. Ce reliquaire
est en bois revêtu d'une pâte dans laquelle est façonnée
la riche ornementation dont nous venons de parler (1).
€ Les « aumaises du cœur » (armoires) contiennent
d'autres précieuses reliques, parmi lesquelles les têtes
de saint Révôrien et de saint Genoul ; mais l'objet le
plus précieux, c'est « une belle statue de la sainte
Vierge, d'argent doré en relief, haute d'environ deux
pieds, enrichie de quantité de pierreries, mais surtout
d'une petite ampoule de cristal pleine du sacré lait (3)
de cette divine Mère de Dieu (3) ».
(1) Voir, pour plus de détails, Tétude de M. l'abbé Boutillier sur le
Reliquaire de Vabbetse de Notre-Dame de Nevers, Madame AndrauU de
Langeron. — Bulletin de la Société nivemaise, 12* volume, p. 453.
(2) Lait de la scdnte Vierge. — A peu de distance de Bethléem, vers le
sud, est la grotte du lait. D'après une tradition locale, la sainte Vierge y
serait venue plusieurs fois pour allaiter son divin EnCant ; une goutte de
son lait, en tombant sur la pierre, lui aurait donné sa couleur blanche et
en même temps le don d'être utile aux nourrices. Quoiqu^il en soit, ce
qui est certain, c'est que toutes les femmes des environs, juives, chré-
tiennes, musulmanes, ont une telle dévotion pour cette grotte qu'il y en a
toujours qui viennent y faire leurs prières. La roche dtns laquelle se
trouve la grotte est une craie extrêmement blanche et friable ; on la réduit
facilement en poudre et on en fait de petits pains qu^on envoie dans tout
le pajs ; les étrangers en emportent chez eux comme objet de dévotion
ou de curiosité. C'est une coutume qui date de fort loin : « Il ne faut pas
s'émerveiller, disait Surius, que les pèlerins de ce temps distribuent avec
grande révérence des pierreftes et pièces de terre, qu'ils apportent des
lieux saints de la Palestine, veu que c'est une ancienne dévotion des chré-
tiens, comme témoignent saint Augustin et saint Grégoire, évêque de Tours,
disant qu'en mêlant ces pierrettes ou terres avec de l'eau on en souloit faire
des tablettes qu'on portoit et envoyoit par tout le monde, pour la guérison
des malades ». Ici, les nourrices, qui ont perdu leur lait, en prennent dans
les aliments ; j'ignore Teffet d'un tel remède, mais on y a recours si fré-
quemment que la grotte, qui était petite dans son origine, est déjà fort
grande et s'agrandit encore chaque jour. On a recueilli aussi quelquefois
une substance liquide, qui suintait des rochers par les temps humides, et
à laquelle on a donné le nom de lait de Marie^ au lieu du lait de la grotte
de Marie ou lait de montagne. R est probable que la plupart des fioles^
sinon toutes^ que Von montre comme renfermant du lait de la sainte
Vierge^ ne contiennent en réalité que du lait de cette grotte» Qit* MisuN,
Les Lieux Saints y t. UI, pages 31, 32, 33).
(3) Note de Tabbé Guillemeaa, curé de Saint-Genês.
— 377 -
Dans « la Relation de ce qui s'est passé de plus
considérable en la ville de Nevers pour la canonisation
de saint François de Sales, imprimée à Nevers par
Pierre Harly, imprimeur du Roy, en 1668 », — dont
un exemplaire existe au monastère de la Visitation de
Nevers, — les religieuses Visitandines adressent leurs
remerciements à Madame de Langer on, très digne
abbesse de Notre-Dame, de leur avoir donné plusieurs
ornements de prix et de leur avoir confié, pour porter
en procession, cette image de la Vierge, « pièce qui lui
est aussi chère qu'elle est en soy considérable » .
Dans la chapelle de saint Jean-Baptiste, se trouve
le tombeau de Tévêque Hériman, dont nous avons
parlé dans le premier chapitre.
Il y a aussi les autels de sainte Madeleine, de
sainte Barbe, de saint Pierre, de saint Luc (1).
A côté de la porte, par où nous sommes entrés, « une
pierre carrée est celle sur laquelle saint Révérien eut,
dit-on, la tête tranchée (2) ».
De l'autre côté, en face, est dressée le long du mur
et « haute de six pieds » la représentation de saint
Révérien, martyr; elle est décrite au chapitre premier.
Presque toutes les dalles sont couvertes d'inscrip-
tions, dont plusieurs sont devenues illisibles.
En dedans du chœur et devant la grille du côté
droit, c'est l'épitaphe de i'abbesse Claude de Ga-
maches (3).
Proche la porte du chœur, du côté qui va au cloître,
celle de sœur Françoise de Pontalier, dite de Chas-
tillon, décédée le 18 mai 1647 (4).
Dans le chœur celle de « Madame Marie-Louise de
(1) Abbé BouTiLLiER, Archives paroimales,
(2) Parmemtier, Archives de la ViUe de Nevers,
(?) Abbé BounLUEB, Archives paroissiales, p. 156, 157.
• (4) W.
- 378 -
Langeron : Cy gist illustre dame Madame Marie-Louise
Andrault de Langeron, qui fut abbesse trente-trois ans.
Elle mourut le 14 août 1704, âgée de cinquante-sept
ans (1) ».
Elle était la deuxième abbesse de cette grande
famille nivernaise. Aussi, ne nous étonnons pas de
rencontrer plusieurs pierres tumulaires portant fré-
quemment le nom et les armes des Langeron.
Ici, c'est Pierre Andrault de Langeron, mort en
1614;
Là^ Jean Andrault de Langeron, mort en 1617 ;
Plus loin, Claude Faye d'Epoisses, veuve de Phi-
lippe Andrault de Langeron (3).
Dans les actes j^eligieux de la paroisse de Saint-
Genès on trouve la mention d'un certain nombre de
sépultures de personnes attachées à la maison :
Maître Jean Durand, &gé d'environ soixante ans,
ci-devant receveur de Madame TAbbesse, décédé au
logis des receveurs, le 3 août 1640, a été inhumé dans
l'église des Dames ;
De même Philibert Godeau, portier de Madame
l'Abbesse, décédé le 15 avril 1649 ;
André Desforges, portier de Madame l'Abbesse,
décédé le 15 avril 1653 ;
Jean Millin, ci-devant receveur de Madame TAbbesse,
décédé le 4 décembre 1681.
Nous ne pouvons voir que les deux tiers de l'église
environ. La partie du bas, réservée aux religieuses, est
séparée par une grande grille (( de fert » garnie d'une
« courtine » (3) d'étoffe noire. Nous ne pouvons
(1) GdOia ChrisHana.
(3) Uvr Crosmier, CongrégtUiont religieuses de femmes^ p. 25.
(9) Minutes Pelle. Acte de profession de Françoise Roy, 14 janvier lfl01<
— 379 —
apercevoir que le sommet des tuyaux du buffet d'or-
gue (1).
Nous savons que l'église des Dames est de temps en
temps témoin de belles fôtes et de magnifiques céré-
monies. Entre autres, les processions de Saint-Cyr se
rendent à l'église de l'abbaye le mardi de Pâques, pour
la fête de saint Marc^ le mardi de la Pentecôte et le
jour des Rameaux (2). Le 15 juillet, le chapitre vient
aussi en procession à l'église Sainte-Marie de l'abbaye
et une messe basse est dite par un des chanoines de
Saint-Gildard, « pour le Révérendissime Hériman,
évêque de Nevers, et insigne bienfaiteur du monas-
tère, qui mourut au mois de juillet 860 (3) ».
« Le 24 août, fête de saint Barthélémy, la proces-
sion allait à travers l'église et le cloître des Bénédic-
tines, et les chanoines se rendaient au réfectoire où
étaient servis treize gâteaux chauds et du bon vin (4) ».
Tout le clergé, y compris les chantres et les enfants
de chœur, prenaient part à la collation; comme
remerciement, avant de quitter la table, les enfants
de choeur chantaient aux bonnes sœurs leur plus beau
Benedicamus Domino, « Dictis monialibus, post,
dicant pueri : Benedicamus Domino (5) ».
Il s'est fait aussi dans l'église abbatiale des baptê-
mes et des mariages, par un effet de la bonté et de la
condescendance de Madame TAbbesse et de Mesdames
les religieuses pour leur famille, leurs amis et les
serviteurs de la maison.
(1) 8 prairial an IV. Considérant qu'il existait un buflet d'orgue dans
la ci-devant église Saint-Martin, qu'il en existait également un autre dans
la ci-devant église abbatiale des Bénédictines, que tous deux ont été
vendus au profit de la République... mais qu'il en existe un dans la ci-
devant église Saint-Cyr... (Registre des délibérations de la commune).
(2) Archives paroissiales, Boutiluer, p. 145, 146.
(3) Cérémonial de Véglise de Nevers,
(4) Album du Niverrwis, t. I«s p. 110.
(5) Notes manuscrites de Vabbé Trouflaut, ^
— 380 —
13 juillôt 1633. Baptême de Marie de Gramaches —
parrain et marraine Illustrissime et Révérendissime
seigneur Eustache du Lys et Révérende Dame Claude
de Gamaches, abbesse.
1719. Messire François Rapine de «Sainte-Marie,
grand archidiacre et vicaire général, le siège vacant,
a suppléé les cérémonies du baptême à Henri-François
Blaudin devant et auprès de la grille de Tabbaye
Notre-Dame. Marraine dame Madame Henriette de
Lévy-Charlus et parrain Messire Jacques-François
Rapine, seigneur de Sainte-Marie, lieutenant général
au bailliage et pairie de Nevers.
En 1722, un mariage fut bénit & l'église de l'abbaye
en des circonstances exceptionnelles : Jeanne Moreau,
servante à l'abbaye, se mariait en secondes noces avec
Pierre Coulon, et il n'existait pas d'acte authentique
du décès de son premier mari, François L'Eguillon ;
plusieurs personnes affirmèrent, sur la foi du serment,
qu'il était mort à l'Hôtel-Dieu, pendant la famine de
1709 (1).
La même année (15 juin), l'un des conjoints d'un
mariage, célébré à l'abbaye, devait avoir à ce pri-
vilège un titre que nous ignorons : Jean Charité, de la
paroisse de Saint-Genès, fils de feu Michel Charité et
de défunte dame Françoise Poisson, a été uni par
sacrement de mariage avec Marguerite Bigourat. Ont
signé : Jean Charité, Nicolas Charme, Frère Cluzel,
prieur des Jacobins; Lenduranti, soeur Olivier,
prieure de l'abaye, sœur de Maulevrier, sœur de
Chauvigny, sœur Deselines, sacristine (2).
Le 12 juin 1730, Marie-Madeleine Saugy, Agée
d'environ vingt ans, native de Genève... a abjuré le
(1) Actes reUgieyx de Im poroùM SaûU^GeHè»,
«M.
- 381 -
calvinisme par mon ministère. . . j'ai reçu l'abjuration
de ladite Saugy et lui ai donné l'absolution qu'elle
avait encourue par l'hérésie. Le tout passé dans
l'église abbatiale des religieuses Bénédictines de Notre*
Dame de Nevers et inséré dans le registre paroissial
de Saint-Genès, dont je suis titulaire. Ont signé :
Philippe Motret et Jérôme Vignault, clercs tonsurés ;
Louis Thonnelier de Montbort, marchand fayancier ;
René-Denis d'Outremont, peintre en fayance ; sœur
Dauphine Rabuteau, supérieure des sœurs de l'Hôtel-
Dieu; de Paris, curé de Saint-Genès et officiai de
Nevers (1).
En sortant de l'église par la porte opposée à celle
par laquelle nous sommes entrés, nous nous trouvons
dans l'allée qui conduit à l'église Saint-Genès.
A droite de la porte, et attenante à l'église, la cons-
truction « qui avance sur le reste de l'aile, comprend, au
rez-de-chaussée, quatre pièces, dont une avec grande
cheminée, servant de buanderie, et au premier étage
onze pièces, dont deux avec cheminée (2) ».
L'aile ensuite rentre de 5 ou 6 mètres, et nous ren-
controns d'abord « la cuisine avec chambre au-dessus,
petite cour de l'autre côté et puits au milieu (3) ». La
petite cour était anciennement de niveau beaucoup
plus bas ; ce qui est nettement indiqué par une porte à
moulures prismatiques, aux trois quarts enfouie en
terre ; cette porte est celle du réfectoire rebâti après
l'incendie de 1478 ; ses détails d'architecture concordent
bien avec cette époque. Françoise d'Albret avait pris
à sa charge la dépense de la boiserie qui en garnissait
(1) Actei religieux de la paroisse SairU-Genàs»
(9) Archives de la préfecture. Ventes nationales, n* 564, 12 thermidor
an IV.
(3) Id,, n« 506, 6 thermidor an IV.
- 382 -
le pourtour, ainsi que des vitres des fenêtres où étaient
représentées ses armoiries (1).
Après la cuisine, « une grande pièce » est le « réfec-
toire » ; puis il y a (( une antichambre, un réchauffoir
à la suite et deux petits cabinets (2) » .
Un réfectoire bénédictin mérite d'être décrit.
Les anciens réfectoires bénédictins, par leur gran-
deur et leur ornementation, présentaient, en général,
un aspect qui semblait excessif pour une simple salle
à manger ; le repas des moines, quel repas I contrastait
avec la grandeur et la beauté du local. Mais cet exer-
cice, tout matériel qu'il soit, se relève et s'ennoblit de
la dignité des actes conventuels. Les religieux y
observent le môme ordre qu'au chœur et au chapitre
et se tiennent chacun à la place que lui assigne son
entrée en religion. Or, une communauté, toutes les
fois qu'elle se trouve ainsi réunie, se doit à elle-même
un profond respect, et ce sentiment a besoin de se
manifester au dehors p^r la gravité de la tenue exté-
rieure et surtout par la forme et les proportions du
local où elle est assemblée.
Les religieux se distribuent donc avec ordre devant
les tables de chêne. L'abbé occupe une table séparée ;
le prieur et le sous-prieur ont chacun la leur, à sa
droite et à sa gauche.
La Règle a fixé la a pitance » suffisante et néces-
saire : devant chaque religieux, un petit pain, une
mesure de vin, deux plats, un dessert, et c'est tout ;
jamais de viande, sauf pour les infirmes. La plus
grande partie de l'année, il n'y a qu'un seul repas, à
midi, à trois heures ou après vêpres, suivant la saison
(1) Parmentier, Archives de la Ville de Nevers, t. !•', page 393.
(2) Archives de la préfecture. Ventes nationales, n* 505, 6 thermidor
an IV.
— 383 -
liturgique. Durant le temps pascal et les dimanches,
il est fait un premier repas à midi et un second le soir,
mais sans augmenter néanmoins la ration journalière.
Avant de se mettre à table, les religieux, debout
comme au chœur, dans cette salle qui ressemble à une
église, présidés par l'abbé, sous les yeux.du crucifix et
des saints dont les images ornent les murailles, se pré-
parent, par la prière et le chant, à prendre leur nour-
riture corporelle.
Puis, pendant le repas, un religieux, assis dans une
chaire adhérente aux murs de la salle, fait la lecture
de la Vie des Saints.
Le repas se termine, comme il a commencé, par la
prière liturgique (1).
Au réfectoire rebâti par l'abbesse Catherine de
Boutillat, et dont il ne reste que la porte gothique
ornementée de riches moulures et de choux frisés,
revêtu de boiseries et éclairé de fenêtres à panneaux
historiés des armes de Marie d'Albret, a succédé une
vaste salle très simple.
Nous sommes loin des boiseries gothiques et des
fenêtres à panneaux historiés des armes de Françoise
d'Albret. Dans la salle, assez récente, plus longue que
large, enduite de plâtre, des tables forment deux
rangées avec des bancs de chaque cêté ; une chaise
est adossée au mur ; au-dessus, on voit un crucifix
entre deux gravures, représentant lune saint Benoit,
l'autre sainte Scholastique. Le réfectoire de La Fer té
se trouvait dépourvu de ces derniers objets ; aussi
deux procès-verbaux de visite contiennent une ordon-
nance à ce sujet :
(( La prieure garnira son réfectoire d'une honnête
(1) D'après Le Moine bén^ictin, de dom Besse, Ligugé, 1898, et la
Règle de saint Benoit : La N^mrriture,
- 384 -
chaire pour la lectrice et d'un crucifix avec tableaux
de saint Benoît et de sainte Scholastique (1) ».
« Garnir le réfectoire d'une haute chaise pour la
lecture et d'un crucifix avec les tableaux de saint
Benoit et de sainte Scholastique (2) » .
Devant le réfectoire, au levant, est tracé un petit par-
terre qu'un mur sépare de l'allée conduisant à l'église
Saint-Genès (3); entre l'église abbatiale et l'église Saint-
Genès, c'est « le petit jardin » (4), par antithèse aux
« grands jardins », situés entre le cimetière paroissial
de Saint-Genès, le réfectoire, l'aile du pensionnat et
les remparts de la ville (5).
Procession du 'mardi de Pâques 1789 à Tégllse
de Tabbaye Notre^^Dame de Ne vers.
Le 14 avril, mardi de Pâques de Tan de grâce 1789,
le marteau de l'horloge de Saint-Cyr venait de frapper
neuf heures du matin ; presque aussitôt se fait entendre
le grave carillon des quatre cloches de la cathédrale ;
et comme si elles eussent attendu ce signal, les trois
cloches dq l'église Saint-Genès et celle de l'abbaye
Notre-Dame lancent dans les airs leurs joyeuses volées :
elles annonçaient le départ de la procession tradition-
nelle du mardi de Pâques à l'église des Bénédictines.
Tout le détail en était fixé par le Cérémonial de
V Insigne église de Nevers (6), et par le Diurnal de
(1) Visite da 22 jain i638.
0i) Id., 18 septembre 1642.
(3) Plan de 1759.
(4) Archives de la préfecture. Ventes nationales, n* 93| an IV.
(5) Plan de 1759.
(6) Cœremoniàle Itmgnis ecclesUe Nivemensis,
il
— 385 -
1789 (1) qui, en conformité avec les anciens usages,
rappelle ce qui doit être observé pour l'office, à la date
du mardi de Pâques. Par ce dernier livret, nous avons,
en plus, l'avantage de connaître les noms des cha-
noines, des chantres, des enfants de chœur et môme
du suisse qui faisaient partie du cortège de la pro-
cession.
« Mardi de Pâques, â huit heiures et demie, chant
de primes et de tierces (â la cathédrale) ; puis station
à la Basilique de Sainte-Marie de l'abbaye (2).
» Les chanoines portent la soutane rouge (3).
» Le doyen du chapitre est célébrant d'office (4) ».
L'itinéraire consacré est, pour l'aller, la rue de
Loire, le quai de Loire et la rue Saint-Genès.
Du pont et du quai de Loire, on peut jouir dans son
ensemble du spectacle de la procession :
En tôte, le suisse, le grave père Pidoux, ouvre fière-
ment la marche (5) ;
Groupe des enfants de chœur, à la suite delà croix ;
Entre les deux rangs des fidèles, les riches ban-
nières ondulant au souffle de la brise ;
Députations des communautés de la ville ;
Le chœur des chantres au nombre de neuf ;
Enfin, une trentaine de chanoines, c'est-à-dire le
vénérable chapitre, presque au complet, termine le
cortège.
Dès l'entrée de la rue Saint-Genès, chacun admire
la gracieuse tour octogone du clocher qui domine
(i) DiufTicde et obituatium ecclesis Nivemensis pro cuino Domini
MDCCLXXXIX.
(2) JHumcUe fêria tertia pro Poucha.
(3) DiumaUe, a Cum ntbeis vestibus ».
(4) Cœremoniaie,
(5) Cmtos helveticus^ Protcuius Pidaux, Lauzaninuis, 95jumi illO;
il était suisse de la cathédrale depuis dix-neuCans,
T. IX, S* série, 25
I ■
- 386 —
superbement les toits; « sa flèche est couverte de
tuiles émaillées, blanches et bleues », dont l'habile
mélange forme des dessins variés ; c'est ici en plein le
quartier des faïenciers qui ont voulu, par un produit
de leur art, décorer leur église paroissiale ; ce la croix
elle-même et le coq » sont deux belles pièces de
faïence (1).
La procession doit faire une halte à l'église Saint-
Genès. Messire Merle, revêtu du surplis et de l'étole,
avec la croix et les enfants de chœur, l'attendait sur
le seuil de la grande porte, dont le tympan si remar-
quable représente Notre-Seigneur au milieu des
apôtres.
En entrant dans l'église, les chantres entonnent
l'antienne du patron de l'antique sanctuaire : Qui nos
separabit a caritate Christi...
Après le chant de l'antienne, du verset et de l'orai-
son, la procession se remet en marche, traverse le
cimetière de Saint-Genès et une allée, qui aboutit à
une porte latérale de l'église des Religieuses.
En y entrant, les chantres entonnent l'antienne
de circonstance : « Ingressus Angélus ad Mariam
dixit,,, 0
L'abbatiale est parée de ses plus beaux ornements.
L'autel resplendit de fleurs, étincelle de lumières ; sur
les gradins, de chaque côté, un reliquaire contient le
chef de saint Révérien et celui de saint Genoul.
Deux belles châsses dorées sont suspendues au fond
de l'abside.
Sur une crédence chargée de nombreuses reliques
(( une statue de la sainte Vierge, en argent doré,
haute d'environ deux pieds », scintille de pierreries et
ce porte une petite ampoule de cristal pleine du sacré lait
de cette divine Mère de Dieu ».
(1) Archives paroiiiiales^ Abbé Boutillier, p. 171.
— 387 —
La « courtine » de la grille a été tirée et on aperçoit
les religieuses dans leurs stalles. Madame TAÛbesse,
Madame Marie^-CIaire de Saillans, sur un petit trdne,
tient à la main sa crosse d'argent.
Dans cette partie de la clôture, devant les stalles
adossées à la muraille, se pressent de nombreuses
jeunes filles et dames, pensionnaires, parentes ou
amies des religieuses, car la nef ouverte au public est
comble et même a le porche » et « la galerie » qui
conduit à la salle capitulaire.
Le pied foule, à chaque pas, des pierres tumulaires
avec inscriptions modernes^ ou gothiques anciennes ;
les croix sont gravées au trait, ainsi que d'autres
ornements çà et là : tètes de mort avec tibias en sau-
toir, armoiries surmontées de haumes, de couronnes,
de la crosse abbatiale en pal.
Dans le chœur ont pris place les chanoines, chantres
et enfants de chœur de Saint-Cyr, auxquels se sont
joints ceux de Saint-Genès et de l'abbaye.
Messire de Damas, en qualité de doyen du chapitre,
chante la grand'messe.
Une religieuse, habile musicienne, tient « le jeu
d'orgue » qui alterne avec les chantres.
Debout près de l'autel, se tient un religieux béné-
dictin avec sa coule noire aux larges manches ; c'est
un Père de Cluny chargé de la desserte du couvent.
Il vient de faire signe à un des enfants de chœur et,
après lui avoir donné un ordre, il ajoute : « Va, mon
petit Cassiat (1) ».
(1) M. Tabbé Cassiat, longtemps prêtre habitué de la paroisse Saint-
Etienne, mort à un âge avancé, aimait à rappeler ses souvenirs (Venfant
de chœur de Vabbaye^ les gâteries de M^^* rÂ.bbesse et d'autres détails du
monastère ; en 1789, il entrait dans sa treizième année, c Guillaume
Cassiat, né â Nevers, est décédé à l'hospice de Nevers, le 13 juillet 1868,
à rage de quatre-vingt-douze ans »• (Actes publics de la mairie de Nevers).
— 388 -
La collation d'après la messe, offerte jadis au clergé
dans le réfectoire des religieuses est abolie depuis un
certain temps (1).
L'office terminé, la procession sort aussitôt par la
porte latérale, opposée à celle par laquelle elle était
entrée, et, franchissant la porte de la grande grille en
fer, elle reprend le chemin de la cathédrale^ par la rue
de la Tartre, du Doyenné; pendant ce temps, on chante
« les litanies majeures > (2) ou des saints.
Abbé A. SERY,
Chanoine,
(1) Le Diumal de i189, n*en parle pas, tandis qu'il mentionne des
collations encore en usage : après la messe du 5 janvier, à la chapelle
Saint-Sébastien, une collation de gâteaux offerte au clergé; une autre
collation, le 38 juin, au retour de la procession de Saint-Pierre, offerte
par le curé de cette paroisse, consiste en pain, vin et cerises ; le 28 juillet,
la procession de Saint-Gyr se rend i l'église Saint-Victor pour les vêpres,
et après l'office, le prieur, en son logis, sert aux chanoines du pain, du vin
et des cerises.
(2) Cérémonial de Vlntigne égliie de Neven, mardi de Pâques.
ERRATA:
Page 253, ligne 15«. -~ Chaque jour, ajoutez dans le bois de
Faye.
Page 327, ligne l'e. — Prieurés de Bénédictins, lisez de Béné-
dictines.
Page 332, ligne 9». — Sur les portraits, d'autres abbesses lisez
sur les portraits d'autres abbesses^
TABLE DES MATIÈRES
Préambule. ^ Délimitation topographique de TAbbaye N.-D. . . 246
Intérêt de Tétude sur TÂbbaye N.-D. au point de vue de Thistoire du
Nivernais et de l'initiation à la vie religieuse du Monastère. . . 246
Chapitre premier. - Fondation du Monastère en 624 247
Choix de sen emplaœment sur le lieu du martyre de saint Révérien 248
Tradition nivernaise relative au martyre de samt Révérien.. . * . 248
Le Monastère, détruit au vin* siècle, est relevé par l'Évéque Hériman 250
Comment saint Geitoul donna aux Bénédictines la terre de SardoUes 252
Résumé de quelques chartes de 888 à 1229 252
Liste des premières abbesses jusqu'en 1233 254
Notice de chaque abbesse de 12^ jusqu'à la Révolution 255
§ I Prieurés de Bénédictines et bénéfices ecclésiastiques dépendant
derabbaye 327
§ II Temporel de TÂbbaye 329
§ III Importance du rôle et de l'influence de l'Abbesse 330
§ lY Du choix de TAbbesse et des insignes de sa dignité 381
Chapitre ii. — Le personnel de l'Abbaye 333
§ I Les religieuses non cloîtrées à l'origine 334
Réformation du Monastèie 336
Horaire des exercices et détails sur plusieurs points de la Règle.. . 340
Liste des Bénédictines du xvii* siècle 342
Le célèbre Patru plaide pour un Père confesseur des Religieuses.. . 353
g II Les pensionnaires retraitées et étudiantes. ...*.... 358
Chapitre ui. — Les constructions ; chapelle Saint-Michel, 365 ; par-
loirs, 366 ; logis de TAbbesse, 367 ; portail de l'église abbatiale,
368 ; salle capitulaire, 370 ; église abbatiale, 374 ; processions et
cérémonies extraordinaires, 379; suite des appartements, cuisine,
381 ; réfectoire 382
Conclusion récapitulative : procession du mardi de Pâques 1789 à
Téglise abbatiale 384
Errata • 388
•^
— 390 —
DOCUMENTS NIVERNAIS
de la
COLLECTION DUCHESNE
A la Bibliothèque nationale
Pap RENÉ DE LESPINASSE
André Duchesne est un type d'historien comme il y
en eut plusieurs en France au xvir siècle. Né en 1584,
il mourut en 1640, à Tâge de cinquante-six ans, écrasé
par une charrette, en allant de Paris à sa maison de
campagne de Verrière. Il était de la Touraine. Le
cardinal de Richelieu l'appelait son bon voisin et lui
témoignait beaucoup d'estime.
De ses nombreux ouvrages, retenons seulement
ceux qui peuvent intéresser notre province : «Histoire
des ducs de Bourgogne, — de la maison de Châtillon-
sur-Marne, — de Montmorency et Laval, — de la
maison de Vergy, — des comtes d'Albon et Dauphins
de Viennois, — des maisons de Guines, d'Ardres, de
Gand et de Coucy » .
On l'appelait « le père de l'histoire de France »,
titre mérité non seulement par ses publications, mais
encore plus par les immenses recueils qu'il avait
formés et presque tous écrits de sa main (1).
Ces recueils, renfermant des chartes, des chro-
(1) Delisle, Cabinet des Manuêcrits, 1, 333.
— 891 —
niques, des vies de saints, des généalogies, des lettres
de savants et autres documents, formaient une véri-
table bibliothèque de l'histoire de France depuis les
origines jusqu'au xvr siècle.
Nous verrons ce qu'il a emprunté au Nivernais, bien
qu'il n'ait rien écrit sur notre province.
Ses papiers n'ont pas été conservés dans leur inté-
grité. Des portions considérables furent données à
Colbert ; d'autres passèrent chez Baluze, à Saint-
Germain-des-Prés et ailleurs. Le meilleur lot passa à
son fils, François Duchesne, puis à son gendre, Jean
Haudiquer, entre les mains duquel, à la suite d'une
condamnation, les papiers furent saisis et attribués à
la bibliothèque du Roi en 1708. Il y avait cinquante-
neuf volumes et vingt registres. L'administration a
fait à Duchesne l'honneur de conserver sa collection
comme fonds spécial.
Les deux plus longues copies de Duchesne qui nous
concernent sont le « Cartulaire de Saint-Cyr ï>, vingt-
quatre feuillets doubles, et 1' « Inventaire des Titres de
Nevers et Chambre des Comptes », deux cents feuillets,
d'une écritiu-e fine et serrée. C'était un copiste persé-
vérant et infatigable, à l'égal de son ami, notre abbé
de MaroUes, sauf que celui-ci n'y joignait pas Tordre
et le talent de l'écrivain d'histoire.
Le Cartulaire de Saint-Cyr de Nevers, dont l'ori-
ginal n'existe plus depuis longtemps, est représenté
actuellement : 1^ par une sorte d'inventaire du
xvr siècle, manuscrit latin de la Bibliothèque natio-
nale, n" 9207, où se trouvent des cotes de pièces plus
ou moins étendues, des extraits et des copies in extenso
de beaucoup de pièces ; 2^ par des extraits pris sur le
Cartulaire par Baluze et insérés dans le fonds de ce
savant sous le nom bien connu d' a Armoires de
Baluze i^,n^ 74 ; 3^ par quelques extraits ajoutés à la
— 392 -
suite d'un manuscrit appartenant à la bibliothèque de
Lyon.
Il y a environ vingt-cinq ans, lorsque je m'occupais
du Cartulaire de Saint-Cyr, je lai presque exactement
rétabli d'après les copies de ces trois manuscrits et
les indications qu'ils portaient. Il y a lieu d'ajouter
à mes recherches les nombreuses copies de Duchesne,
dont je n'avais pas connaissance. Ce sera un élément
de plus pour assurer la reconstitution définitive du
Cartulaire.
La copie de Duchesne se compose de quatre-vingt-
neuf chartes du ix* au xm* siècle, soit en texte
in extenso, soit simplement indiquées par une cote
plus ou moins étendue ; le tout conforme à l'exem-
plaire du fonds latin n® 9207, ce qui nous permet de
supposer que Duchesne a fait ses copies non sur
l'original du Cartulaire, mais sur l'exemplaire du
xvp siècle.
Néanmoins le texte de Duchesne viendra encore
ajouter son appoint de preuves aux textes eux-mêmes
et aux indications extérieures de numérotage et autres
qu'il a portées.
Un autre document ancien est la chronique latine
intitulée :
Origo et historia brevis comitum Nivernensium,
coll. Duchesne, n» 56, fol . 132, copie en quatre feuillets ;
ce texte a été imprimé dans le Père Labbe (Bibliotheca
manuscriptorum^ 1. 1, p. 399), puis d'après cet ouvrage
dans Dom Bouquet {Historiens de France, t. X, p. 258).
L'auteur de la chronique est, dit-on, Hugues de
Poitiers, moine de Vézelay vers 1160, ou selon d'au-
tres un anonyme vivant sous Louis VII.
Les ouvrages ci-dessus n'indiquent pas de sources,
et nous ignorons l'importance que peut avoir la copie
de Duchesne dans la publication de ce te^te,
-303-
En quelques mots il décrit le ch&teau de Nevers
dépendant de la Bourgogne ; la querelle entre Ratier
et Alicher ; le siège du fameux ch&teau de Maers ou
Metz-le-Comte, repaire de brigands qui fut pris par
Richart le Justicier, régent du royaume. L'évêque
d'Autun, Hildegaire, et son neveu Landry, principaux
héros de ce siège. Landry, en reconnaissance de ses
services, obtint la seigneurie de ce château. Marié à
une princesse d'Anjou, il eut un fils appelé Bodon
de Monts, qui bâtit un château â Monceaux et eut un
fils également appelé Landry qui devint célèbre â son
époque.
A la suite d'une nombreuse réunion de seigneurs
â Nevers, les comtes d'Anjou et de Bourgogne cher-
chaient â attirer Landry auprès d'eux, mais il refusa â
Tun comme â l'autre, désirant être comte de Nevers, ce
& quoi le comte de Bourgogne consentit en lui attri-
buant ce comté â lui et â ses descendants, â la seule
condition de l'hommage.
Landry est considéré comme le premier comte ; son
fils Renaud, marié â la sœur du roi Robert, y joignit
le comté d'Auxerre et fut tué dans une guerre contre
le duc de Bourgogne, laissant sa succession à son fils.
Tels sont les faits racontés dans le style imagé des
chroniques du xii* siècle, avec observations et citations
qui donnent de l'intérêt à ces récits anciens.
La confirmation de Philippe II, en 1186, du monas-
tère de Saint-Etienne, n'a pas d'intérêt comme texte.
C'est un imprimé extrait par Duchesne d'un ancien
ouvrage quelconque et inséré au milieu de ses compi-
lations manuscrites.
On se rappelle les conditions de cet acte : â la
demande de Hugues, abbé de Cluny, le comte Guil-
laume avait déclaré le bourg Saint-Etienne libre de
tout impôt, les habitants ne devant rien au comte ni
-384-
k ses successeurs et restant soumis aux moines de
Saint-Etienne. Ensuite le comte Pierre et Agnès son
épouse prirent avec les moines une nouvelle convention
au sujet du tribut de trois mille sols, dû selon les lois
féodales ; il abandonnait, à titre d'indemnité, le cas
de sa rançon de prisonnier ; quant aux deux autres cas
où il avait droit de percevoir le tribut, son départ
pour la croisade ou le mariage de sa fille, il s'enga-
geait à s'en rapporter à la justice du prieur.
Le Roi intervient pour assurer l'engagement du
comte de Nevers envers l'abbaye de Cluny.
Un acte de 1194 contient l'accord entre le comte
Pierre de Courtenay et les habitants du bourg Saint-
Etienne, d'après lequel il ne pourra réclamer le tribut
de 3.000 sols pour le mariage de sa fille, tant qu'il
n'aura pas acquitté une obligation de 160 livres de
Gènes {octo viginti libras) qu'il avait garantie sur le
tribut ci-dessus.
Pierre de Courtenay et son sénéchal Geoffroy de
Pougues avaient contracté cet emprunt pour la croisade,
et les Génois, prudents, avaient exigé cette garantie (1).
Quelques textes anciens concernent le prieuré de
La Charité, tous connus d'ailleurs, c'est la bulle du
pape Pascal II, du 16 mars 1107, relative à la consécra-
tion de l'église et à la confirmation des possessions du
prieuré en France et en Angleterre.
Puis la charte du comte de Nevers, Guillaume II,
celui qui entra à la Chartreuse en 1147, lequel, assisté
de ses deux fils, Guillaume et Renaud, confirme, en
1143, les divers droits et possessions du prieuré en
Nivernais, entre autres à Bulcy, Pouilly, Charent,
Vôvre, Magny, Satinges et Rochefort. II. y annonce
(1) Coll. Duchesne, n» ^, fol. 146,
— 385 —
son intention de quitter le monde et de faire pénitence
à la Chartreuse.
L'autre charte^ datée de 1164, est l'autorisation par
le comte de Sancerre aux religieux de La Charité
d'établir à leur gré des fortifications autour de la
ville.
Ces trois chartes sont imprimées dans mon Cartu-
laire de La Charité ; la première, inédite d'après le
fonds de Cluni (n^ 176, p. 1) ; la deuxième, déjà
imprimée au Gallia Christiana (t. XII, col. 114 ins-
trumenta); la troisième, imprimée dans Marténe,
Thésaurus anecdotorum, (t. !•', p. 464). Les copies de
la collection Duchesne n'avaient pas encore été men-
tionnées.
La comtesse Mahaut, qui a administré le Nivernais
pendant près d'un demi-siècle, de 1200 à 1841, est
représentée par trois chartes .
L'une, datée d'octobre 1223, pendant son veuvage,
est l'autorisation par Mahaut à son fidèle chevalier,
Erard de Brêne, pour les fortifications de Banyaux
(Bagneux).
Les conditions stipulées sont les règlements féodaux
ordinaires. Le ch&teau est tenu en fief de la comtesse ;
il doit, sur réquisition, le livrer pour résister aux
petites ou grandes guerres ; il en prête serment pour
lui et ses héritiers. A l'expiration de quarante jours,
la comtesse est tenue de le rendre dans le môme état,
sauf la consommation de foin et fourrages.
La copie de Duchesne (n*^ 21, fol. 77) est, croyons-
nous, le seul texte de cette charte.
Une autre, postérieure de quelques années, est de
juin 1228.
Guy, comte de Nevers et Forez, et Mahaut, son
épouse, font avec G., évoque de Langres, l'échange de
la ville de Mussy contre la chapelle de Juilly . En outre.
— 39i —
l'évéque concède la ch&tellenie de Griselles {Grisolia-
rum) et une rente de cent sols à Tonnerre, don du
comte de Ne vers Pierre et Agnès. Il abandonne le
droit de gîte; les gens de Mussy pourront s'en
décharger pour une redevance de cent sols. Quant à la
collation des prébendes de la chapelle de Tonnerre,
pour lesquelles ils étaient en contestation avec l'évoque
de Chalon, ils y renoncent à la condition qu'ils pren-
dront en jSef le château de Griselles. Ces choses étaient
l'héritage de la comtesse Mahaut (1).
Ces chartes ne nous intéressent qu'en raison des
comtes de Nevers, car les localités citées font partie du
comté de Tonnerre.
Banyaux est aujourd'hui Bagneux (Aube), canton
des Riceys, sur les confins du département de l'Yonne,
qui a possédé la forteresse dont il est question.
Quant à l'autre charte de l'évéque de Chalon, il
s'agit de Mussy-l'Evôque, Juilly et surtout Griselles^
autrefois poste très important, composé d'un château*
fort et d'im couvent ; ces localités sont situées dans la
Côte-d'Or, arrondissement de Châtillon-sur-Seine,
canton de Laignes, sur lequel s'étendait le comté de
Tonnerre ; elles avaient été l'objet d'une donation à
l'évéque de Chalon par la comtesse de Tonnerre, en
1018, relative à d'anciens souvenirs rappelant le par-
cours de saint Vincent, auquel faisait allusion la
constitution de ces diocèses.
Hugues Renaud, comte de Tonnerre, était devenu
évéque de Langres en 1065 ; il démissionna ensuite en
faveur de Guillaume I*', comte de Nevers, tout en
(1) Bibliothèque nationale, copie du texte de cette charte, collection
Duchesne, n» 20, folio 963.
La troisième charte est le texte bien connu des franchises municipales
de Nevers accordées par Pierre de Courtenay et reconnues en août 1991
par Mahaut à la suite de son mariage avec Guy de Forez.
— 397 -
se faisant quelques réserves. Les faits cités par cette
charte sont la confirmation de ces événements anté-
rieurs (i).
La copie la plus étendue est celle des Titres et de la
Chambre des Comptes de Nevers qui occupe deux cents
feuillets entiers. (Coll. Duchesne, n® 54, fol. 103 à 302).
L'abbé Michel de MaroUes avait confié son manuscrit
à Duchesne, qui s'était empressé de le copier. Avait-il
l'intention de se servir de cet inventaire dans ses
ouvrages sur les provinces, ou voulait-il faire une
histoire sur le Nivernais ? En tout cas, une copie de
pareille longueur nous montre la persévérance et le
courage de ces pionniers de l'histoire.
Je n'ai pas encore comparé cette copie au texte de
MaroUes faisant partie des cinq cents Colbert ; il sera
bon de s'assurer si elle est contenue dans l'imprimé de
M. de Soûl trait.
Il y a plusieurs séries de notes généalogiques sur
les familles de Prye, Cotignon, etc., notes confuses
où il ne doit y avoir rien à prendre.
L'épitaphe de la comtesse Marie d'Âlbret, dans le
style ampoulé de l'époque, est copié au n© 56,
folio 387 :
Illustrissimœ princtpi*< Mariœ Ab Albret Nivep'
niœ ducis, Retholorum, Druydum, Belfortensiumque
comitis epithaphium.
Cinquante vers latins, commençant par ceux-ci :
lUa ego egregium cunetis mortalibus olim
Exemplar vitm jure futura $um*
Aux n°« 64 et 65, il y a quelques mentions d'évôques
extraites du Bréviaire nivernais, un abrégé en six
feuillets de la Chronique des Evêques et des Comtes,
(1) An de vérifier le$ dcUês^ U, p. 560.
- 998 -
par Henri Le Tort, que j'ai publiée dans notre Bulle-
tin (1), et des extraits des Commentaires, de Guy-
Coquille, sur la Coutume, sans intérêt.
La collection Duchesne contient encore des textes
plus récents du xvi® siècle, les contrats de mariage
d'Engilbert et de François de Clèves, textes évidem-
ments reproduits dans d'autres recueils, mais qu'il
est bon de signaler ici pour les variantes et pour la
conjiaissance complète des sources.
Le contrat de mariage entre Engilbert de Clèves et
Charlotte de Bourbon fut passé le 23 février 1489
(vieux style) devant Abraham Marnac, garde du scel
aux contrats à Cusset. En voici les principales dispo-
sitions :
« Le chancelier de France, Guillaume de Roche-
fort, s'était entendu quelques jours auparavant avec
M0' le duc de Bourbon et les autres parents de la
future, s'engageant au nom du Roi à donner en dot
la somme de trente mille livres tournois, pour une
fois, assignée sur le comté d'Auxerre, ville, châteaux,
forteresses, justice haulte, moyenne et basse, hom-
mages, fiefs, arrière-fiefs, prés, vignes, terres, bois,
buissons, estangs, rivières, garennes, moulins, cens,
rentes, tailles, bourdelages, hommes et femmes
serves, etc., sauf seulement le ressort et souveraineté,
pour en jouir à titre de dot jusqu'à concurrence de
deux mille livres de rente et jusqu'au paiement des
trente mille livres en deniers comptans. Le Roy four-
nirait le surplus de rente s'il y avait lieu. Engilbert et
Charlotte avaient droit de placer tous baillis, capi-
taines, prévôts, receveurs, comme bon leur semblera.
En cas de mort sans enfants la comté revenait au Roi
(1) Tome VU, p. iO.
— 399 —
et les seigneurs ne pouvaient en disposer que pour la
somme de trente mille livres » .
En outre, François de Bourbon, frère de Charlotte,
lui constituait en dot une somme de vingt mille livres,
payable par annuités de deux mille.
Charlotte avait promesse d'un douaire de quatre
mille livres, assis sur les terres d'Engilbert par droit
successif du comte de Nevers, son aïeul ; elle recevait
des joyaux nuptiaux selon son état, avec faculté d'en
disposer à son plaisir.
Les époux étaient « uns et communs ensemble en
tous leurs biens^ meubles et conquetz » ; Charlotte
renonçait à toute succession en faveur de son frère
François, qui l'avait dotée.
Les témoins étaient : nobles hommes Henard de
Bellegarde, écuyer, chambellan du seigneur Angilbert
de Clèves; Jean Tabout, Jean Troussebois, Pierre
Cousins, maître d'hôtel du comte d'Epernon ; Louis
de Hédouville, François de Nery, et Jean Galle, tous
écuyers (1).
Le roi Charles VIII abandonnait ainsi à sa nièce le
comté d'Auxerre. Mécontents de cette transmission
de pouvoir, les habitants envoyèrent à la Cour, alors à
Lyon, une députation ayant pour mission d'obtenir
une expédition de ces lettres et de s'informer si elles
étaient bien homologuées au Parlement. Le comté
d'Auxerre avait été vendu pour 31.000 livres d'or par
Jean de Chalon, en 1370, au Roi de France ; au dire
des habitants d'Auxerre, c'était en violation de ce
traité que le Roi avait cédé de nouveau à un seigneur
le comté qui devait toujours rester à la Couronne.
L'opposition de la ville d'Auxerre fut adressée au
Parlement le 22 août 1490; celle des autres villes
(1) GoU. Duchesne, t. m, fol. 237.
— 400 -
suivirent. L'évèque Jean Baillet fut prié de ne pas
recevoir Engilbert de Clèves à Thommage du comté
d'Auxerre avant la levée de cette opposition.
Ces démarches n'obtinrent aucun résultat. Engilbert
porta le titre de comte d'Auxerre et est qualifié comme
tel dans les registres du Parlement, de 1493 à 1499,
pendant ses contestations avec Jean d'Albret, sire
d'Orval, pour le comté de Nevers (1).
Nous avons l'original de deux jolis billets de Fran-
çois !•' de Clèves, duc de Nevers depuis 1521, un des
meilleurs généraux du roi de France Henri II. Il avait
reçu, en 1552, le commandement d'une armée dirigée
sur les Pays-Bas par la Lorraine. Il s'empara de plu-
sieurs places sur la Meuse fortifiées par les Espagnols,
défendit Metz contre l'armée de Charles-Quint, qui fut
contraint à lever le siège, et combattit à Toul dans
les mêmes conditions, obligeant celui-ci à abandonner
définitivement la contrée.
C'est dans les détails de cette campagne qu'il faut
placer les deux écrits dont nous parlons : François de
Clèves étant à Châlons le 25 août 1552, écrit aux élus
de Troyes :
« Chers et bien amez, nous vous donnons commis-
mission pour lever en vostre eslection jusques au
nombre de deux cens chars, charriots et charrettes
d'artillerye à quoy vous ne fauldrez de satisfaire
incontinent ».
Cinq jours après il renouvelle sa demande; il lui
faut ses voitures le 5 septembre pour le plus tard :
« Gardez-vous bien d'y faire faulte, ajoute-t-il, car
aultrement le service du Roy en pourroyt estre
retardé (2) ».
(1) Art de vérifier les dcUes, H, p. 576.
(2) Original de ces deux lettres. Bibliothèque nationale, collection
Puchesne, vol. 97 M«, fol. 273 et 375.
On savait qu'il fallait exécuter ces ordres sous les
peines les plus sévères.
La copie de Duchesne du contrat de mariage de
François II de Clèves nous a donné l'occasion d'éclaircir
un point douteux de notre histoire nivernaise.
Selon Y Art de vérifier les dates (1), François II fut
marié à Marie de Bourbon d'Etouteville, sans com-
pléter la date. Puis le môme ouvrage ajoute en note :
« Le P. Anselme se contredit en donnant (t. III,
p. 451) pour femme à François II de Clèves Anne de
Bourbon-Montpensier, après lui avoir donné (t. I«',
p. 220) Marie de Bourbon, duchesse d'Etoute ville et
comtesse de Saint-Paul ; il est certain que François IL
mort à vingt-trois ans, ne fut pas marié deux fois ».
Les actes de la vie de ce prince sont, en effet, de fort
courte diu*ée, six ans au plus, en admettant qu'il
pouvait jouer un rôle à partir de seize ans.
François II, né le 31 juillet 1540, duc de Nevers à
la mort de son père en 1562, fut blessé le 26 octobre
au siège de Rouen, et reçut une seconde blessure plus
grave deux mois après, le 19 décembre, à la bataille
de Dreux, d'un coup de pistolet que l&cha par accident
Imbert des Bordes, gentilhomme nivernais des plus
distingués, qui était de sa suite. Le duc mourut des
suites de cette blessure le 10 janvier 1563, à l'âge de
vingt-trois ans, sans enfants. Le duché de Nevers
passa à Jacques, son frère, mort un an après, en 1564,
laissant le duché à sa sœur aînée, Henriette, devenue,
le 4 mars 1566, femme de Louis de Gonzague.
Il y a lieu de rectifier ces mariages, sur lesquels on
s'est trompé.
L'erreur chez les auteurs, malgré tout le soin qu'ils
ont apporté dans l'établissement de leurs filiations, est
(i) T. n, p. 579.
T. IX, 9* série, ^
— 402 -
très explicable avec la multiplicité des mariages, la
brièveté de la vie des seigneurs et la similitude des
noms.
Laissons les ouvrages imprimés et prenons seulement
les actes.
Nous avons un premier traité de mariage ratifié par
lettres royales datées du 2 octobre 1559, Saint-Ger-
main-en-Laye. La copie de ce document existe dans la
Collection Duchesne et en second exemplaire dans les
Manuscrits de Baluze (aujourd'hui ms. fr. 5121,
fol. 60 v^), où il porte la date du 2 octobre 1560.
L'existence de ce traité ne saurait donc être mise en
doute. Voici les principales clauses qu'il contenait :
Marie, &gée de dix-neuf ans, était fille unique de
François de Bourbon, duc d'Etouteville, comte de
Saint-Paul^ sous la tutelle de sa mère.
Il fut convenu que les deux titres de Nevers et
d'Etouteville, ainsi que les armes, seraient portés par
les futurs époux. « Ils seront ims et communs en biens,
meubles et conquests et immeubles à eux eschoir, sauf
ceux acquis auparavant, lesquels resteront propres à
chacun.
» Le duc de Nivernois assurera aux enfants du second
mariage une somme de vingt mille livres à établir sur
les terres de Beaufort, Amplepuis, Thizy et autres
en Beaujolais, en se réservant le droit de vendre les
bois de haute futaie et môme d'assigner ailleurs ladite
somme s'il veut reprendre les terres.
)) En cas de décès de son mari, la future épouse recevra
pour renoncer à la communauté cinquante mille livres
de rentes; elle reprendra tous ses meubles, bagues,
joyaux, vestements et accoustrements, ainsi que ceux
qu'elle aura de sa mère, vaisselle d'argent, autres ustan*
cilles et ornements de maison, tapisseries. Cotil-
lons, etc.
— 403 —
» Elle aura en .douaire une rente de vingt mille livres
avec jouissance d'un chastel ou maison pour sa
demeure^ à la désignation de son époux, et deux mille
écus pour le meubler (1) ».
Marie de Bourbon avait déjà été mariée à Jean de
Bourbon, duc d'Enghien, tué en 1557 à la bataille de
Saint-Quentin. Elle était donc veuve depuis trois ans
quand eut lieu ce projet d'union.
Etablissons d'abord la date au 2 octobre 1560, un an
après la mort de la comtesse Marguerite de Bourbon,
première femme.
Cherchons ensuite quel était le comte de Nevers qui
traitait de son mariage.
Les deux copies de Duchesne et Baluze portant les
dates 1559 et 1560, cette dernière est la seule bonne
et acceptable. Ces deux copies portent aussi en titre,
François II et François second, induisant en erreur
aussi bien le P. Anselme que Y Art de vérifier les dates,
Dans les contrats de mariage les parents des futurs
comparaissent toujours pour assurer les conditions
et les apports de fortune. Or, dans l'acte du 2 octobre
1560, le père du futur, qui était le duc François I®' de
Clèves, ne comparait pas, le futur agit seul pour son
propre compte. Il ne saurait donc être question du
mariage de François II, âgé, en 1560, de vingt ans
seulement, mais d'un second mariage de François I«',
que les historiens ont passé sous silence.
François P' de Clèves était né le 4 octobre 1516,
à Cuffy-sur-Loire ; il avait épousé Marguerite de
Bourbon, deuxième fille du duc de Vendôme, le
19 janvier 1538. La vie de cette princesse est assez
connue et surtout sa mort à La Chapelle-d'Ângillon,
(1) GoU. Duchesne, n* 3, fol. lOQ.
— 404 -
le SO octobre 1559^ ainsi que ses obsèques « en Teglise
des Cordelliers du château de Nevers (1) ».
Le duc François !•' se trouvait donc veuf à qua-
rante-trois ans et se maria en secondes noces à
Marie de Bourbon, jfiUe du duc d'Etouteville, le
2 octobre 1560, veuve elle-même de Jean de Bourbon,
duc d'Enghien, tué en 1557 à la bataille de Saint-
Quentin.
Le P. Anselme ne mentionne pas ce deuxième
mariage, et Y Art de vérifier les dates l'attribue au fils
au lieu du père. Les faits se suivent désormais et
s'accordent parfaitement.
Le !•' septembre 1561 survient un autre contrat de
mariage où comparaissent les personnages suivants :
1^ Louis de Bourbon, duc de Montpensier, et Anne
de Bourbon, sa fille ;
2® François, duc de Nivernois et d'Etouteville, et
François de Clèves, comte d'Eu, etc., fils aîné dudit
duc de Nivernois.
Le contrat est passé en présence du Roi et de la
reine -mère, à Saint - Germain - en - Laye, devant
Antoine du Prat, prévôt de Paris.
Le titre d'Etouteville pris par le duc François !•'
prouve le contrat de l'année précédente, où il était
libellé qu'il réunirait les deux noms ; il indique d'une
façon indubitable que le mariage avait bien été
contracté par lui et non par son fils.
Le duc François I®' meurt le 13 février suivant,
1562 (n. s.), après deux ans de mariage, laissant veuve
Marie de Bourbon, qui se remaria à Léonor d'Orléans,
duc de Longueville.
Le règlement du douaire de cette princesse eut lieu
par acte du 26 août 1566 et par l'entremise de
(1) Manuscrits françaù 5131, fol. 59 v*.
— 405 —
Lodovico de Gonzague et Henriette de Clèves (1).
Il y est dit que son époux mourut <( le 13^ jour de
febvrier mil cinq cens soixante ung » (1562 n. s.) ;
qu'elle avait assigné inutilement François et Jacques
de Clèves, héritiers du duché, et qu'enfin les deux
parties se mettaient d'accord en payant une somme de
63.125 livres, plus un douaire annuel de 7.000 livres
tournois.
François II, devenu duc de Nivernois à la mort de
son père, le 13 février 1562, ne lui survécut qu'une
année, étant mort lui-môme de suites de blessure, le
10 janvier 1563 (n. s.).
Il y eut à partir de ce moment deux douaires de
duchesses de Nevers qui n'étaient pas arrêtés, ces
choses étant toujours très longues à terminer.
En résumé, nous rétablissons la filiation embrouillée
des ducs de Nevers, ainsi qu'il suit :
François I^ de Clèves, né à Cufify le 4 octobre 1516,
marié : 1^ à Marguerite de Bourbon, le 19 janvier
1538, dont il eut cinq enfants ;
2® A Marie de Bourbon d'Etouteville, le 2 octobre
1560, restée veuve sans enfants le 13 février 1561-62.
François II de Clèves, marié le 1^' septembre 1561 à
Anne de Bourbon-Montpensier, restée veuve sang
enfants le 10 janvier 1563.
Elle ne se remaria pas et fut dame d'honneur de la
reine-mère. Nous avons une quittance d'elle, datée du
25 octobre 1567, dont le texte peut offrir de l'in-
térêt (2):
(( Nous, Anne de Bourbon, duchesse douairière de
Nevers, dame en la maison de la Royne, mère du
Roy, confessons avoir eu et reçeu comptant de Pierre
(1) Manuscrits français 4684, fol. 169, où Facte est transcrit in extemo.
(S) Ms. fir. 20996, fol. 49.
— 406 -
de Picquos, conseiller, trésorier et receveur gênerai deg
finances et maison de ladite dame, la somme de quatre
cens livres trnois en testons et douzains, à nous
ordonnée par la Majesté d'icelle dame pour nostre
estât de dame en sadite maison, d'une demye année
finye le dernier jour de décembre mil cinq cens soixante
six dernier passé à raison de VIII cents livres par an,
de laquelle somme de IIII<^ livr. tr. nous nous tenons
pour contente et bien payée, et en avons quicté et
quictons ledit de Picques, trésorier, dessus nommé et
tous autres. En tesmoing de ce nous avons signé la
présente de nostre main et à icelle faict mectre le scel
de noz armes le 25™« jour d'octobre Fan mil cinq cens
soixante-sept.
0 Anne de Bourbon (sceau sur papier) ».
Jacques de Clèves, duc à la mort de son frère,
épouse Diane de la Marck, et la laisse encore veuve
sans enfants le 6 septembre 1564.
— 407 —
CHRONIQUE ET MÉLANGES
Pour l'année 1901
Dans le cours de cette année, les lectures faites à
nos séances n'ont pas manqué d'intérêt. Elles ont été
principalement occupées par les études que poursuit
M. le chanoine Sery, sur les abbayes et couvents de la
ville de Nevers, et tout récemment par les curieuses
investigations de notre nouveau confrère, M. Boyer,
sur la vie municipale à Dampierre-sous-Bouhy pendant
la Révolution.
Ces articles paraîtront dans le Bulletin,
Je vais passer rapidement en revue les diverses
communications et autres faits consignés dans nos
procès-verbaux afin d'en conserver le souvenir, men-
tionner la mémoire et les mérites des sociétaires
décédés, et rappeler les noms de ceux que vous avez
admis.
— A la séance du 31 janvier, M. Jullien fait don à la Société
d'un vase trouvé par lui à roccasion des travaux exécutés
autour de l'église Saint- Etienne, en exprimant le regret de
s'être pris trop tard à surveiller les fouilles.
— Le compte du trésorier pour l'exercice 1900 est soumis à
la séance du 28 février 1901. Le solde en caisse, le produit des
cotisations, les subventions de PEtat et du département se sont
élevés à la somme exceptionnellement importante de 3.575 fr.
Il a été remis à M. Gauthier les 300 fr. de l'Etat pour les
fouilles gallo-romaiaes de Champvert ; la Société lui a alloué
— 408 —
100 fr. ; il a été fait une commande de jetons d'argent de
161 fr. Dans le courant de 1901, la Société a encore contracté
diverses dépenses extraordinaires, mais comme vous le verrez
dans le prochain compte, la situation de ses finances est restée
assez satisfaisante.
— La Société vote une somme de 150 fr. pour l'acquisition
du rétable de Tautel de l'église de Grenois, auparavant à
l'église de Bethléem de CSlamecy, qui fait maintenant partie
de notre musée.
NOTICE SUR L'ABBÉ BOGROS, CURÉ DE MARZY,
DÉCÉDÉ LE 11 FÉVRIER 1901
M. Bogros avait une âme de poète. Le moindre événement
était pour lui l'occasion de charmantes poésies, à la fois pieuses
et élégantes qui, pour la plupart, sont restées manuscrites.
Par hasard j'ai pu lire un apologue : Les deux frères^ et des
sonnets à la Sainte-Vierge, où l'on remarque ces jolis vers :
D est de ces plears sur la terre
Versés dans l'ombre et le mystère,
Et ces pleurs là valent du sang.
Je citerai encore la Lettre à une jeune mère, où éclate à
chaque instant la délicieuse tendresse de son cœur, comme
dans ces vers à propos des jeux du bébé :
11 te reviendra triomphant,
Un peu hâlé, mais frais comme un bouton de rose.
Le visage parfois plein de ces pleurs d'enfant
Qu*nn mot, la moindre chose,
Suffit pour apaiser ;
Ou de sueurs que tu boiras dans un baiser.
Cette poésie a été couronnée par l'Académie des Jeux
floraux en 1899, ainsi que son discours en prose sur c La Part
de Tâme et celle du corps dans l'éducation ».
n a fait paraître deux ouvrages importants : Y Antéchrist,
— 409 —
ia-12 de 382 pages (Saint-Amand, Desienay, 1892), et la
GenèsBy in-8<> de 340 pages (Nevers, Qoix, 1894).
VAntëchriat s'adresse aux « âmes faites pour les hautes
spéculations religieuses ». L'auteur dit, dans son préambule,
que (( pas une page dans l'Evangile et dans les écrits des
apôtres où du commencement à la fin il ne soit fait mention
de cette vérité si consolante pour les uns et si terrifiante pour
les autres d'une seconde venue dans la gloire de notre divin
Sauveur ».
Cet avènement sera immédiatement précédé de l'apparition
de l'Antéchristy dont l'auteur fait l'historique en cinq cha-
pitres : sa personnalité, la préparation de sa venue, son règne,
sa défaite, les conséquences de sa défaite.
L'auteur, se plaçant dans son rôle strict d'historien, ne
tombe pas dans les phrases vagues et les digressions presque
inévitables d'un pareil sujet ; il cite tous les textes anciens,
invoquant l'Antéchrist, y ajoutant des réflexions aussi justes
que sobres et appliquées aux temps modernes. Cette succès*
sion de citations d'auteurs de premier ordre de tous les temps,
depuis l'Ëcriture-Sainte jusqu*à Victor Hugo, se rattachant à
une question aussi féconde, offre une lecture vraiment
instructive et attrayante, ainsi traitée avec esprit, cœur,
science et simplicité, qui sont les qualités maîtresses de
M. Bogros.
On ne saurait analyser un ouvrage d'une conception aussi
élevée.
Terminons par cette pensée consolante : Lorsque l'Antéchrist
est défait et que son rogne a disparu, ce ne sera pas la fin
du monde : « le second avènement de Notre-Seigneur sur la
terre inaugurera une ère de splendeurs nouvelles pour la
terre ».
Dans la Genèse^ M. Bogros étudie l'origine du monde et de
l'homme d'après les divers auteurs qui ont traité delà matière,
les six jours de la création, sur lesquels l'Eglise laisse la
liberté à toutes les opinions (p. 37). Il expose au chapitre
€ Notre Genèse » les données de la science, qui s'accordent
avec la foi, formulant sa conclusion sur cette parole d'Ampère :
€ Ou Moïse avait dans les sciences ^^ç instruction aussi
-410-
profonde qae celle de notre siècle, ou il était inspiré (p. 54) ».
Au chapitre c Leur Cîenëse >>, il réfute les opinions positi-
vistes de Renan, Bûchner, Tyndall, Hoeckel, Darwin, et il
ajoute : c Laissons-les à leurs fanges, laissons-les à leurs
ruines, ces prôneurs d'animalité et de néant ».
Le chapitre € Ego sum qui num » est l'apothéose de la nature
et de son Créateur, les beautés des montagnes, des races
d'animaux, des divers éléments, des races humaines. « Mon
Dieu, s'écrie-t-il, que vous êtes grand, que vos œuvres sont
magnifiques, que vos pensées sont profondes, qu'insensé est
celui qui ne veut pas les comprendre (p. 141) ».
La création de l'homme est traitée dans le chapitre intitulé
€ Dons de l'amour » et contient encore plus d'enthousiasme*
l'homme étant !a merveille, le complément de l'œuvre divine,
et dans c Ange et démon > sont démontrées les influences sur
l'homme des bons anges et des esprits pervers. Là encore, on
admire ces élans de l'âme et ces ardents sentiments de foi qui
jaillissent à chaque ligne.
Le dernier chapitre, c Bonheur perdu », envisage les tristes
conséquences de la vie humaine, c En somme, l'homme est
déchu. Voilà en premier lieu ce que pressent la raison ». Les
souffrances, les maladies, la mort, seront la punition de son
crime, puis après avoir exposé les diverses dégradations de
l'état primitif de l'homme, c sUl ne fût devenu que sauvage!
ajoute-t-il, mais ses péchés actuels creusant, de plus en plus,
l'abîme de sa perversité, il devient de plus en plus mauvais
(p. M7) ».
L'abbé Bogros se montre dans ses ouvrages tel qu'il était
dans la vie privée : pieux et bon prêtre, affectueux et sympa-
thique, d'un jugement sûr et d'opinions arrêtées ; je n'ai qu'un
regret, c'est de l'avoir connu trop tard, près de sa belle église
romane, quand la longue maladie qui l'a enlevé avait déjà
affaibli une partie de ses brillantes facultés. '
— M. de Flamare communique des fragments de TObituaire
de l'abbaye Notre-Dame de Nevers ayant été collés sur des
dossiers administratifs. Ces précieux restes de parchemins
seront soigneusement conservés.
— M. de Saint-Venant présente des fers à cheval d'un type
-411 -
curieux qui lui semblent remonter au xiiP siècle ; des brace-
lets en bronze trouvés à Cizely ; des moules à poterie samienne
provenant de La Guerche et de la collection de feu M. Roubet ;
divers objets romains découverts par M. Mélines, à Saint-
Révérien.
— M. l'abbé Meunier expose Tétymologie du nom de lieu
Chaulgnes, emprunté, selon la coutume romaine, au nom du
propriétaire soumis à l'impôt, villa Cavanni, puis ayant subi
diverses transformations. La même origine, avec le suffixe
iacum^ se retrouve à Chevigny, Chaigny, Chougny ; dans le
Nord, Chaulnes ; dans le Midi, Chavagnac.
— Un passage d'une lettre de M. l'Administrateur de la
fabrique de Sèvres porte que « les faïenciers • de Nevers
seraient des artistes d'ordre inférieur.
M. Massillon Rouvet proteste en donnant cette citation
comme contraire à la tradition admise dans l'art de la faïence.
M. de Toytot ajoute quelques observations dans le même sens.
Cette opinion est purement personnelle et ne concerne nul-
lement l'école de la manufacture de Sèvres.
— Description du rétable de Jean de Bourgogne, occupant un
des côtés de la chapelle Saint-Jean-Baptiste à la cathédrale, par
M. le chanoine Sery.
— M. Paul Meunier donne plusieurs détails sur la curieuse
vie de Jean (^lasimir, roi de Pologne, que plusieurs ont fait à
tort abbé de Saint-Martin de Nevers. Il est mort à Nevers ;
son testament est daté de Nevers, 12 décembre 1632. La bulle
du Pape du 9 mars 1669 ne porte pas Saint-Martin parmi ses
bénéfices ; aucun acte ne l'indique comme abbé ; Jacques de
Vienne reste toujours en possession de l'abbaye.
— A l'occasion des recherches sur Casimir, à Saint-Germain-
des-Prés, M. de Lespinasse recueille les mentions suivantes
sur des Nivernais :
Dom Thomas de Sainte-Marie, alias Rapine, décédé le mardi
25 juin 1652, enterré dans la nef de la grande chapelle de
Notre-Dame, proche la porte du chœur.
De son vrai nom Guillaume Rapine, né à Nevers, et profès
de Corbie à vingt-six ans, le 9 juin 1619. Il fut prieur à Saint-
Quentin et à Saint-Lomer de Blois, de 1628 à 1631. En 1635,
-Ha-
ll servait de secrétaire au visiteur de la province de France ; il
résida à Saint-Germain-des-Prés au moins dès 4645; il y
exerça assez longtemps la charge de sous-prieur; ses infirmité
l'obligeant à démissionner, il fut néanmoins conservé comme
senieur. (Vanel, p. 43;.
Dom Etienne Perreau, de Corbigny, profès de Vendôme, le
46 avril 4663, religieux de Sainte-Colombe de Sens ; venu à
Saint-6ermain-des*Prés pour se faire soigner d'une hydropisie,
y meurt le 40 octobre 4680 (4).
— Dans la séance du 30 mai a lieu le renouvellement triennal
des membres du bureau, qui sont tous réélus.
— Un journal des Vosges, cité par M. le comte de Domger-
main, annonce la découverte, dans la cathédrale de Saint-
Dié, d'un tombeau attribué au fondateur de la ville, décédé à
Cambert, en 679, inhumé à Notre-Dame, puis replacé au
X* siècle dans la cathédrale Saint-Maurice. Il s'agit évidem-
ment de Saint-Dié, évéque de Nevers, dont le souvenir est
resté populaire dans notre pays.
— H. de Lespinasse présente une statuette en bois, de la part
de M. Serrés, inspecteur des enfants assistés. Travail du
xvi« siècle, très fin pour la pose et la chute des étoffes. Elle
se trouvait dans l'ancienne chapelle de Beauregard, paroisse
d'Arleuf, où elle était vénérée sous l'invocation de sainte
Agathe par les nourrices du Morvan, qui l'appelaient commu-
nément sainte Mamelle.
La statuette ne saurait être attribuée à sainte Agathe, ordi-
nairement représentée avec un sein coupé. Néanmoins, le
pieux souvenir des Morvandelles mérite un respectueux
intérêt auquel s'ajoute Texécution artistique de l'objet.
— A la séance du 27 juin, la Compagnie reçoit exceptionnel*
lement M. Mégret, teinturier à Nevers, qui présente divers
fragments de poteries gallo-romaines trouvées dans les fouilles
de son immeuble situé sur l'emplacement du cimetière de
l'abbaye primitive de Saint-Martin. Ces fouilles ont fait décou-
vrir une quantité importante de sarcophages de diverses
(1) Nécrologê des Bénédictins de Saint-Maur décédés à Saint^Ger-
main-deS'Prés de i690 à i79f, par Tabbé Yanei, 1896, in-4».
- 413 —
époques, dont les plus anciens peuvent remonter aux viii' et
ix* siècles ; forme évasée, large à la tète, rétrécie aux pieds,
pierre d'une seule pièce creusée dans le bloc, couvercle en dos
d'âne, pierre d'un grain fin assez dur, aucun signe, sauf sur
trois ou quatre des lignes en forme de croix.
Quelques sarcophages plus petits se composaient de plu-
sieurs moellons posés debout et sur place avec des joints de
mortier, en prenant tous les contours du squelette.
La Compagnie a assisté plusieurs fois à des ouvertures de
tombeaux. Il a été trouvé peu d'objets intéressants à côté des
ossements ; M. Mégret les a tous recueillis avec soin, mais il
est regrettable que les sarcophages et les ossements aient été
l'objet d'une véritable mutilation de la part des ouvriers et des
passants, très nombreux à cet endroit.
Sur une quarantaine de sarcophages, trois fragments, por-
tant des signes, ont été réservés au musée de la Porte du
Croux, un autre est chez M. Joseph Barreau, au Pont-Saint*
Ours, et un sarcophage complet avec son couvercle est chez
M. de Lespinasse, à Luanges.
— Plusieurs dons ont été faits au musée de la Porte du Croux:
Par M. Mégret, deux pierres, en forme de fût de colonne,
qui paraissent provenir du portail de l'ancienne église Saint-
Martin ;
Par M. Morlon, carrier au Greux, commune d'Urzy, plu-
sieurs fragments gallo-romains, parmi lesquels un débris de
statuette attribué à la déesse Epona, dont il est question dans
le BuMetin ; il sera convenu que le nom de notre confrère
M. Edmond Hugon, propriétaire de la carrière, sera joint à
celui du donateur ;
Enfin, par notre confrère M. Joseph Boigues^ un grelot d'ani^
mal, une petite monnaie et un lacrymatoire, de l'époque gallo-
romaine, trouvés par lui près d'Autun, à l'usine de la porte
Saint-André.
La Société leur vote à chacun un jeton d'argent, à titre de
remerciement.
— A l'occasion des fouilles faites à l'intérieur de la cathédrale
pour la construction du calorifère, M. Massillon Rouvet expose
qu'à une profondeur de trois mètres on a découvert des ves-
— 414 —
tiges dô constructions, entre autres une sorte de cul-de-four
présentant des traces de feu, mais sans aucun caractère de
substructions d'une ancienne église.
— M. Paul RebouHeau^ ancien banquier à Decize, décédé le
20 novembre dernier, était membre de notre Société depuis
deux ans. Il s'intéressait aux fouilles de Champvert. A son
château de iievanges, il avait trouvé un vase gallo-romain qu'il
avait confié à M. Gauthier. Il possédait un très curieux docu-
ment traitant d'une procédure entre un seigneur de Beauvoir
et un religieux Minime de Decize.
— Echange de BuUetins avec la Société des sciences et arts
du Beaujolais ;
La Société archéologique de Montpellier ;
La Société historique de Beaune (Côte-d'Or) ;
La Société archéologique de la Charente.
— Ouvrages offerts, outre les nombreuses publications des
Sociétés savantes et des échanges internationaux :
Diverses brochures historiques et artistiques ;
Documents historiques sur la maison de Galard-Béam.
*- Les nouveaux sociétaires admis dans le cours de l'année
sont, par ordre d'élection :
MM. Charles Tiersonnier, présenté par MM. de Toytot
et de Lespinasse ;
Fichot fils, pharmacien à Nevers, par MM. Sery et
Massillon Rouvet ;
Paulin Girard, chef de division à la préfecture, par
MM. de Fiamare et Jullien ;
Gabriel Montagnon, manufacturier, par MM. de Saint-
Venant et de Fiamare ;
Auguste Boyer, à Dampierre-sous-Bouhy, par MM. de
Fiamare et de Lespinasse ;
Charles Hugon, à Urzy, par MM. Sery et Le Blanc
Bellevaux ;
Joseph Andrieu, à Nevers, par MM. le comte de
Maumigny et Charles Tiersonnier;
J
-415-
MM. Paul Mohler, juge-suppléant, par MM. de Flamare et
Sery ;
André Philippe, archiviste delà Lozère, par MM. Sery
et de Flamare ;
Moutillon (l'abbé), curé de Saint-Martin-d'HeuilIe,
par MM. Dasse et CSachet.
R. DE L.
I
I I
t
ttûff, Imp. 9. Yêlllèi%.
Prieuré de Commagny.
(D'après un (Ipsïiti du (-ommandant Barai).
-417-.
NOTICE SUR COMMAGNY
Origines.
La partie nivernaise de lancien diocèse d'Autun est
très considérable. Deux archiprêtrés très importants,
celui de Luzy et de Corbigny, en dépendaient. Le
chapitre de l'église cathédrale d'Autun avait des biens
et des droits à Corbigny et à Marigny.
Les documents concernant ces archiprêtrés, les col-
légiales de Cervon, Ternant, les ursulines de Corbigny,
les chartreux du Val-Saint-Georges, l'hôpital et la
léproserie de Luzy sont déposés aux archives de
Mâcon.
Quant à l'abbaye de Saint-Martin d'Autim, elle
avait des droits et des biens à Beunas, et ses prieurés
de Château-Chinon, Saint-Pierre-le-Moûtier, Saint-
Saulge et Commagny (1).
M. BuUiot rapporte, dans son Essai historique sur
V abbaye de Saint-^Martin d'Autun, de l'ordre de saint
Benoit (( que Brunehilde employa les années de paix
dont jouirent ses Etats, à les pourvoir de nombreux
établissements ecclésiastiques ; et qu'elle ne donna à
aucune ville une organisation religieuse aussi complète
qu'à Autun ».
(1) Noos n'avons tronvé dans De- Vit, Onomasticon, ni ailleurs, ni Commâ-
nius, Gummanius, Cummanus, Colmanus, Colmanius, etc. Dans l'impossibi-
lité de rattacher ienotn de Commagny à aucun gentilice connu, nous nous
bornons à mentionner ces anciennes appellations : Prioratus de Gomma-
gniaco, 1161 ; Ecclesia de Colmaniaco, 1164 ; Commagniacum, 1180 ;
Comaigni, 1194; Commoigniacum, 1287; Comaigny, 1293; Comeignia-
cum, 1334 ; Comigniacum, 1367 ; Coumagny, 1567.
T. IX; 3* série. 27
\
Dans le pays éduen, sillonné de voies romaines,
où subsistaient plus que partout ailleurs des restes de la
civilisation romaine, à côté de souvenirs druidiques,
Brunehilde, riche de grandes possessions que les expro-
priations de la conquête avaient fait passer entre les
mains des Barbares, « Germaine représentant la dé-
fense héroïque de la civilisation romaine ^ (1), érigea
des monastères destinés à abriter la science et la
contemplation des disciples de saint Martin et de
saint Benoit. Des colonies de moindre importance que
le monastère de Saint-Martin d'Autun se répandi-
rent, par les soins de la reine, sur les points secon-
daires du pays éduen (2) .
Une de ces colonies fut rétablissement religieux de
Commagny . Mais aussi bien que les premiers moments
de l'abbaye d'Autun, à laquelle Brunehilde avait voulu
préparer un grand avenir, les premiers moments de
rétablissement religieux de Commagny sont demeurés
couverts de ténèbres. Un point certain, c'est que les
fondations religieuses de Brunehilde étaient faites dans
des lieux consacrés auparavant aux cultes païen, latin ou
gaulois. Commagny devait être un de ces lieux.
« En même temps que les religieux de Saint-Martin
établissaient les prieurés de Saint-Pierre-le-Moûtier et
de Saint-Saulge, défrichant d'un côté les terres fer-
tiles de la contrée entre la Loire et l'Allier, et de l'au-
tre les lisières du Bazois et des Amognes, une autre
colonie, s'éloignant moins de la maison-mère, venait
se fixer sur un des contre-forts des montagnes du
Morvan, du côté dont les bases sont arrosées par les
eaux réunies du Gaza et du Guignon (3) », c'est-à-dire
(1) MONTÉOUT, Souvenirs de Bourgogne^ p. 95.
(2) BuLLiOT, t. !•% p. Lix, Introduction.
(3) Les CongrégcUUms religieiues dans le dioeèse de Neoers^ par
ULr Grosnier, p. 140.
-419-.
au point où sont Commagny et James, James, la
fondation la plus proche de [Commagny. En effets
sur un plateau entre Moulins-Engilbert et Commagny
est le village de James, habité par des carriers. Il exis-
tait là une chapelle dédiée à Notre-Dame, ainsi qu un
petit prieuré de bénédictins réuni en dernier lieu à
Commagny. La chapelle était desservie par un prêtre;
elle le fut ensuite par le prieur de Commagny, enfin
par le curé de la paroisse (1).
Nous avons pensé qu'en raison de l'antiquité de
Commagny, des souvenirs qui rattachent ce village à
Thistoire de Brunehilde ainsi qu'à celle de l'abbaye de
Saint-Martin d'Autun, une notice sur Commagny pré-
senterait quelque intérêt.
Il faut vous dire que Commagny, au sud de Mou-
lins-Engilbert, sur une hauteur couverte, depuis les
temps les plus reculés, de vignobles et d'arbres frui-
tiers, s'élève en avant du Morvan et que le clocher
de sa vieille église est aperçu de différents points de
la région où commence le Bazois.
Commagny fut le siège d'un ancien prieuré, le plus
riche des sept qui formaient les dépendances du
monastère de Saint-Martin d'Autun, et forma une
paroisse (1).
Il est probable, suivant M^ Crosnier, que l'on s'est
contenté de construire primitivement, à Commagny,
une cella, qui plus tard devint un prieuré conventuel
d'une certaine importance, puisque le prieur fut
coUateur des églises de Moulins-Engilbert, de James,
de Sainte-Marie près d'Achun et de Saint-Péreuse.
Les plus anciens documents dans lesquels il est
question de Commagny sont :
(1) Voir pour sa consistance la Tisite reproduite plus loin.
(2) Le Mcrvan ou. essai géographique sur cette contrée, par l'abbé BkV'
DîkVf t. I, p. 539 et suiv.
La confirmation^ en 1161, par Bernard de Saint-
Saulge, évoque de Nevers, à Tabbaye de Saint-Martin
d'Autun, de toutes les églises qu'elle possédait dans le
diocèse de Nevers : « In prioratu de Commagniaco,
omnes ecclestas de Molendints, capellam de Janua
(James) (1) ».
Une bulle d'avril 1164 du pape Alexandre III qui
confirme toutes les donations faites à Saint-Martin :
« Ecclesiam de Janua, ecclesiam de Colmaniaco,
universas ecclestas de Molendints (2) ».
Le liste des fondations de Tabbaye de Saint-Mar-
tin (1265) : « . . . Nonas sept, pro Bartholomeo^ priore de
Comaigni XX sol. super mansum de Urceyo — IV
idus decembris pro pâtre et maire Bartholomei,
prioris de Commaigniaco XX sol. super vineam
quant émit dictusprior a Pavicto de Belna, et super
mansum situm rétro domum nostram de Belna (3) ».
Un acte d'échange entre les religieux de Bellevaux
et ceux de Saint-Martin (1289) (4).
Le règlement pour la liquidation des dettes de
l'abbaye de Saint-Martin. Guillaume, prieur de Com-
magny, est nommé l'un des administrateurs : « Item
prior de Commagniaco (de bonis suis ordinare pote- ^
rit) usque ad summam triginta librarum turonen^
sium (5). »
Depuis cette époque, dit Mît' Crosnier, les chro-
niques locales ne renferment rien d'important sur
(1) BuLUOT, HUtoire de Saint-Martin d'Autun, t. U» p. 39.
(SI)Ibid., II, p. 42.
0) Ibid., t. II, p. liO.
(4) Ibid., t. II, p. 138.
(5) Le prieur de Ck>mmagny faif ait partie de la commission avec le
prieur de Saint-Pierre-le-Moùtier, d'Anzy et du Teste. Leur mission
devait durer six ans et pleins pouvoirs d*administration lenr étaient
donnés. (BuLUOTi t. n, p. 191).
Commagny. Dans le pouillé du diocèse^ dressé au
commencement du xvi^ siècle, il est fait mention du
prieuré et de ses dépendances. L'importance de ses
biens et de ses droits est fixée par le terrier
qu'en 1452 (27 février) fit refaire Guillaume de Courvol,
prieur (1).
Commagny dut subir toutes les vicissitudes de la
maison-mère décrites par M. BuUiot. Sa situation
géographique l'exposa à tous les malheurs des guerres,
depuis les temps les plus reculés jusqu'aux temps des
guerres des Bourguignons et de celles de religion, qui
n'épargnèrent pas Saint-Martin d'Autun ni la plupart
de ses prieurés.
I
Le Prieuré — La Paroisse — Les Seigneuries
et Justices
Le seigneur de Commagny était le duc de Nevers,
à cause de sa ch&tellenie de Moulins-Engilbert. Com-
magny appartenait au gouvernement et à la généralité
de Moulins en Bourbonnais, élection de Nevers ; au
diocèse de Nevers, archipréveré de Moulins-Engilbert.
La paroisse comptait 102 feux. La taille des années
1683-87 fut de 1.804, 1.864, 1.720, 1.650, 1.650 livres.
Le terroir est porté dans les documents adminis-
tratifs de la généralité comme étant à seigle et vignes.
La cure de Commagny jouissait en deniers, novalles
et casuel d'un revenu montant à 365 livres (en deniers,
(1) M. Tabbé Btudiau, aaqael il faat se reporter, donne cependant sur
Commagny qaelqaes détails et anecdotes.
-422 --
900 1.; en novalles affermées, 45 L; en casuel,
20 1.) (1).
Les seigneurs décimateurs de la paroisse étaient :
le prieur de Commagny, le prieur de Saint-Honoré,
l'hôpital de Moulins-Engilbert, M. de Vilaine (dixme
inféodée),
La justice appartenait en partie au prieur, en partie
aux divers seigneurs de la châtellenie ; la première
justice étant du ressort de la justice royale du prési-
dial de Saint-Pierre-le-Moûtier, les autres justices
étant du ressort du bailliage ducal de Ne vers (2).
Il appert du terrier du prieuré de Commagny,
« dressé pour religieuse personne Frère Guillaume de
Cour vol, prieur dudit lieu, le 27 février 1452, par
Pierre Bourgeois, notaire (3) », que la justice du
prieur était limitée par le pont Cottions, le ruisseau,
en remontant la vallée, jusqu'au bois du Tronsoy ;
par le chemin réal de Mary à Commagny, par un
autre chemin qui traversait les usages de Commagny
et de Moulins-Engilbert, dits la Queue-de-Noury,
justice du comte de Nevers qui passait par le Cloiseau
de Champgossieu, entre les prés Moreaul et de la
Vesvre, et traversait le Guignon ; par le grand chemin
réal que fit faire feu de bonne mémoire pour le temps
qu'elle vivait la royne Burnichède, jadis royne de
France et de Bourgogne, lequel chemin s'appelle le
(1) Deax listes concernant la portion congnie dans le diocèse de Nevers
(1763-1766), publiées par l'abbé Pierre Deby, page 8. D'après les registres
da district de Moulins, la cure de Commagny aurait rapporté 700 livres.
Le prix du bail du prieuré (18 octobre 1790) était de 5.500 livres, dont
1.060 livres pour la portion congrue du curé et du vicaire.
(2) Éailliage royal et tiege présidial de Saint-Pien'e'le'Moiitier, et
Bailliage provincial du Nivernais, Dumint et P. Meunier, p. 39,
109 et suiv.
- (3) Arohîves du château de Vandenesse, d'après les notes de M. de
Flamare, archiviste»
-- 428-
chemyn de la royne Bumichède et est pavé, et divi-
sant les bois du prieuré de Commagny et de la
baronnie d'Anizy, jusqu'aux usages du Grand-Anizy,
et enfin par un quatrième chemin allant de la Charmée
à Limanton, pour revenir au point de départ.
En se reportant aux limites de cette justice et à
rénumération suivante des fiefs de la paroisse de
Commagny ; il est possible de se rendre compte de la
consistance du territoire de cette paroisse.
Des registres du bureau du contrôle de Moulins-
Engilbert (bail de Pierre Louvet ; Reynaud, inspec-
teur)^ conservés aux archives du département, il
ressort qu'en 1745 les principaux propriétaires de la
paroisse étaient :
Nobles possédant des fiefs :
Le marquis de Poyanne, à cause de la dame de
Leuville, son épouse, possédant les fiefs de Chambon
et de PonteHes-Brosses, le fief de Couze, consistant
en redevances et directes, le bois de Chevannes,
relevant du duché de Nevers, châtellenie de Moulins.
Sallonnyer de Montbaron, possédant la justice de
Mourceau et le fief de Saint-Quentin en cens, relevant
du duché de Nevers (châtel. de Moulins) (1).
Jacques Ducleroy, possédant la terre, justice, sei-
gneurie et château de Marry, relevant de Nevers
(ch&tel. de Moulins) (2). Les domaines Charpeau et
l'Etang.
Henry-Gabriel Ducret de Villaine, comme héritier
de son père et aux droits de Cécile et de Charlotte,
ses sœurs, Ursulines à Moulins (déclaration du 23 oc-
tobre 1741), possédant la terre, justice et ch&teau de
(i) Dénombrement reçu GaiUier, notaire à Moulins, da 23 juillet 1745,
(2) DénombremeBJt reçu GuilUer, notaire, le 19 août 1730.
— 424-
Villaine et le fief de Clos-Bourgoing, relevant de
Nevers (1).
Jacques de Ganay, possédant les fiefs des Crots et
des HouUières en cens, relevant de Nevers (2),
Roturiers possédant desjiefs,
Charlotte Duruisseau, veuve Alloury, acquéreur de
Léonard Marotte (3), possédant le pré de l'Etang,
dépendant du domaine de Mourceau, relevant de
Nevers (4).
Claude Roux, possédant le domaine de Mourceau
en fief, relevant de Nevers (5).
Guillaume Sallonnyer, possédant le fief du Pavillon,
relevant de Nevers (6) .
' Sallonyer de Tamnay, possédant le fief de la Motte-
Plessis (7).
Les enfants de Michel Alloury, possédant des
directes volantes sur le pré de Grand-Fond (8) .
Hugues Arvey, possédant des vignss à Commagny.
Jean Miné, possédant une oulche en fief.
Pierre Pougault, possédant le fief de la Corvée.
Les Picpus de Moulins, possédant les fiefs de Metz-
Girard et Champlaur, relevant de Chàteau-Chinon (9);
le domaine de Champcourt.
(1) Dénombrement des 14 sept. 1790 et 13 fév. 1724, reçu Guillier, not.
(2) Dénomb. reçu Guillier, not., le 4 mars 1742.
(8) Acte reçu Hebreget, not., le 19 mai 1715.
(4) Dénomb. reçu Dubois, not., du 21 août 1734.
Ç) Dénomb. reçu Hebreget, 20 avril 1701, 30 avril 1705. Dubois,
21 août 1734.
(6) Hommage du 20 août 1730, reçu par Guillier, not.
(7) Dénomb., reçu Pougault, not., 2 janv. 1721, 13 fév. 1687,
1»' juin 1731.
(8) A partir du zvi* siècle la famille Alloury a des biens à Commagny ,
Babize, etc.
(9) Dénomb. reçu Guillier, not., du 9juil. 1734.
- 425 —
Les religieuses Ursulines de Moulins, possédant le
domaine d'Acroux.
Le prieuré de Commagny .
L'hôpital de Moulins, possédant le domaine de la
Petite-Sauve, donné par Léonard Save et Marie
Coquille, sa femme (1), et le pré Adam acquis de
Léonard Save (2) .
Une copie de la lièvre de la ch&tellenie de Moulins-
Engilbert, que possède M. Paul Meunier, peut être
consultée pour savoir les droits du duc de Nivernais à
Commagny (années 1673, 1700, 1761).
Le bâtiment du prieuré est adossé, du côté de l'est,
à la partie de l'église dont une porte close donnait sur
la chapelle de Mary. Il est du xv« siècle, bien conservé.
Ses fenêtres, à linteaux et meneaux, ont subi peu de
détériorations. La tour du nord est d'un travail irré-
prochable. Le rez-de-chaussée et le premier sont
composés de vastes chambres. Les caves, celliers,
vinées dénotent l'importance des vignobles qui appar-
tenaient au prieuré.
Dans l'étendue que nous avons indiquée plus haut,
le prieur jouissait de tous les droits féodaux comme de
justice, haute, moyenne et basse ; il pouvait, d'après
le terrier, instituer des officiers connaissant de toutes
les causes, jusqu'à extinction de mort, tels que juge,
procureur, greffier, sergent, garde-bois, notaire; il
avait prison et pilori pour pugnir les malfaicteurs
selon leurs démérites ; les condamnés (3) à la peine
(1) Acte Gaillier, du 34 déc. 1732.
(2) Acte Gnillier, 19 fév. 1733. — Pardevant Arvey, notaire à Mou-
lins (8 janvier 1781), Jeanne de la Croix-Macombre et Félicité Bousquet,
de l'hôpital de Moulins, donnent à bail à François Isambert, notaire i
Moulins, la Petite-Sauve, paroisse de Commagny, pour 491 ts.. 1.150 liv.
de cheptel.
(3) Le Morvan, par l'abbé BiUDUUi 1. 1*% p. 541 et soît.
-4M-
capitale étaiept conduits, la corde au col, de la prison
du prieuré au pont Cottions, où ils étaient livrés aux
officiers de la ch&tellenie de Moulins, chargés de les
faire mourir aux frais de leur maître, tandis que
leurs biens étaient confisqués au profit du prieur.
Au moyen âge, la maison du prieuré était fermée
de murailles crénelées, avec portail fortifié et dé/ê/i-
aable contre ceux qui auraient voulu y entrer rigou-
reusement.
Le prieur avait le patronage de plusieurs églises des
environs, notamment le patronage de l'église de
Moulins, qui devait sa création à l'établissement reli-
gieux de Commagny.
L'église de Commagny , qui était prieuriale et
paroissiale, était dédiée à saint Hilaire, le prieuré à
saint Laurent.
Pour se rendre compte de l'état du prieuré aux
différentes époques de son existence, il faut se reporter
aux visites périodiques que les grands prieurs de
l'abbaye de Saint-Martin faisaient à Commagny.
Nous devons à l'obligeance de M. Lex, archiviste
du département de Saône-et-Loire, la communication
des procès-verbaux de ces visites, des 1*^' février 1612,
17 juin 1619, 20 mai 1633, 19 juin 1638, 11 avril 1676,
15 octobre 1687, 26 octobre 1701, 16 juillet 1705,
11 septembre 1711, 18 septembre 1714, 21 avril 1719,
7 octobre 1722, 22 mars 1725, 30 septembre 1728,
16 avril 1731, 11 octobre 1736, 18 mai 1744,
26 août 1746, 19 septembre 1752, 8 mai 1758,
l' mai 1765.
Voici quelques extraits de ces procès-verbaux : .
J612. — La chapelle de Notre-Dame-de-Pitié, fondée
par la maison de Villaine, a été trouvée en bon état ;
elle doit être entretenue par ceux de ladite maison.
La chapelle 4^M«rry pu ^e Saint- Jean a été fondée
-.427 -^
et doit être entretenue par les seigneurs du nom, mais
doit être couverte aui frais du prieur. La chapelle de
Saint-Gervais, l'église du prieuré, le logis prioral et
celui du sacristain sont en mauvais état .
Il est dit que la chapelle de Notre-Dame de James
fut brûlée par les Huguenots, en 1570, qu'ils ruinèrent
le logis auprès de la chapelle où demeurait le prêtre
qui la desservait, et que les ornements d'icelle étaient
entre les mains de Claude de Bar^ paroissien de Corn-
magny.
1638. — La visite et l'ordonnance qui suivent sont
assez intéressantes pour être reproduites en entier :
« Visite du prieuré de Commagny (Ï9 Juin 1638).
» Nous, frère Anthoine de Boucher, soubsprieur en
l'abbaye Saint-Martin-lez-Autun , ordre de saint
Benoit, dépendant immédiattement du Saint-Siège
apostolique, certifions à tous qu'il appartiendra que,
de l'hauthorité de frère Jacob Anthouard, licentié en
décret et grand prieur de laditte abbaye, et par pro-
cure expresse dudict sieur en datte du dix-septiesme
de jung mil six cent trente-huict, receue J. BouUey,
notaire royal à Autun, nous nous sommes ce jourd'huy,
dix*neufviesme dudict mois, acheminés de laditte
abbaye en nostre prieuré conventuel de Saint*Laurent
de Commagny, membre dépendant d'icelle, assisté de
frère Jean-Baptiste Saulnier, chambrier, nostre secré-
taire, et de Lazare Mathieu, tous à cheval, pour pro-
céder à la visite d'icelluy prieuré ; ou estant arrivés à
cinq heures du soir, et y ayants trouvé maistre Reney
Simonnet, accenseur de Monsieur le Prieur dudict
lieu, après nous avoir receu dans ledict prieuré et
nostre train, nous a conduict en l'église dudict lieu,
où estants prosternés devant le maistre hautel d'icelle
-428-
église, nos prières faittes, et assisté de ceux que dessus
et encore de messire Dominique des Granges, presbtre,
curé du mesme lieu, honneste filz André Potrelot,
Jean Fassin, marguillier, et autres habitans, ayants
ouverts le tabernacle où est le saint ciboire, dans lequel
repose le Saint Sacrement, l'avons adoré en toute
révérance, et recogneu ledit ciboire suflSsamment garny
d'hostie, le tout dans l'honnesteté et bien scéance, et
icelluy remis en son lieu. Continuans la visite d'icelle
église, avons recogneu le maistre hautel fort honneste-
ment paré tant d'ornements que de nappes, d'église,
forni des livres nécessaires pour le divin service, la
fabrique du chœur tant au dehors qu'au dedans en bon
estât, mesme la chappelle qu'ils appellent de Villaine,
celle de Mary estant à costé de l'épittre sens vittre,
sens ornements et nullement blanchie.
» De laditte église, assistés comme dessus, nous
nous sommes transportés en la chapelle des saints Ger-
vais et Protais, dépendante dudict prieuré, où ayants
faict nos prières à Dieu et aux patrons de laditte cha-
pelle, visitant icelle, l'avons recognue fort bien réparée
quant au couvert, dénuée de carreaux du costé de la
porte d'ambas à main droitte entrant en laditte cha-
pelle, laditte porte et l'autre, qui regarde le cimetière,
non fermentes, à deffaut de porte de bois. Il n'y a
pareillement auculnes vittres en icelle.
)) Et continuans en mesme temps nostre ditte visite,
avons veu et visité le logis prierai en toutes ces appar-
tenances, lequel avons trouvé médiocrement entretenu,
couvert néanlmoints suffisamment. Et avons remarqué
audict logis l'escurie tout proche la porte par laquelle
on entre de la maison priorale à l'église, d'où pénètre
et passe quelquefois une mauvaise odeur, et lorsqu'il y
a des chevaux en icelle, dans laditte église ; et passans
outre, nous avons visité quant au dehors le logis de la
sacristie, icelluy assés bien couvert.
» Et advenu le vingtiesme du présent mois, comme
nous aurions célébré la sainte messe dansladitte église,
à laquelle auroit assisté plusieurs des paroissiens, nous
nous sommes enquis au général d'eux tous si le service
divin, dehu tant par le sieur prieur que par le sacris-
tain, se faisoient bien et dehument, et s'ils auroient
point veu de sacristain résidant depuis fut frère
Léonard Bériard ; es quelles propositions a esté res-
pondu par commune voix que depuis quelques années
deux religieux, premièrement dom Sébastien Le Maire,
et du depuis dom Gracet, auroient pris possession de
la sacristie dudict Commagny, laquelle est aujour-
d'huy en litige, ce qui empesche la résidance dudict
sacristain. Et quant au divin service, que mondict
sieur le prieur en a convenu avec messire Jaque Febvre,
presbtre, résident à MoUins, lequel s'en est chargé, et
néanlmoints s'en aquite très mal, célébrant peu sou-
vent Hudict lieu la sainte messe et se trouvant rare-
ment aux vespres qui se doibvent dire les jours de
festes, dimanches et jours solemnels, jusque là qu'il se
passe bien quelque fois un mois entier sens qu'on le
voye dans laditte église, au préjudice de la gloire de
Dieu, édification du public et satisfaction des consien-
ces.
» Et à l'instant, nous sommes descendus à la cha-
pelle ditte Nostre-Dame de James, sur le chemin
dudict Commagny à MoUins, dépendante de la sacristie
cy-dessus, laquelle la génuflection et nos prières préa-
lablement faitte à Dieu et à la Vierge, nous avons
visité et trouvé icelle bien et dehument entretenue, le
grand autel décemment paré et orné d'images, tableaux
et autres embellissements dignes de la dévotion du
peuple. .
-.430 —
En foy de quoy se sont soubsignés en roriginal avec
nous et nôstre secrétaire, les an et jours que dessus,
messire Dominique des Granges, curé, presbtre dudict
Commagny; maistre Reney Simonnet^ accenseur
dudict sieur prieur, et Lazare Mathieu, demeurant
audict Saint-Martin.
» Signé en l'original : F. Anthoine de Boucher de
Flogny , Dbsgranges ,
SiMONBT^ L. Mathieu.
» Par ordonnance de mondict sieur, J.-B. Saulnier.
Ordonnance du 20 juin 1638
1» Le vingtiesme du mois de jung mil six cent
trante huict, la visite par nous faitte de nostre
prieuré conventuel de Saint-Laurent de Commagny
et dépendances d'icelluy, les deffauts et manquements
y recogneus, avons ordonné ce qui s'ensuit :
» Premièrement, nous avons ordonné et ordonnons
audict prieur, en attendant la paissible possession et
résidance d'un sacristain audict prieuré, qu'il tiendra
la main que le divin si fasse bien et dehument à l'hon-
neur et gloire de Dieu, décoration de l'ordre, édifica-
tion du prochain, comme il se faisoit d'ancienneté à la
descharge de sa consience et satisfaction du public, en
telle sorte que les plaintes que nous en recepvrions
cy-après, faute d'y satisfaire, ne nous obligent d'em-
ployer les voyes de rigeur et bras séculier s'il exhoyt.
Procurera que la chapelle ditte de Mary sera mise en
bon et suffisant estât par ceux qui l'occuppent, sinon
qu'il en gratifiera d'autres qui en feront mieux leur
^ debvoir, si mieux il n'ayme la réparer et se la conser-
ver.
» Fera réparer les carreaux qui manquent dans la
chapelle Saint-Gervais et Protais, et fermer la porte
du pignion d'icelle, pour obvier à la profanation qui
en pourroit arriver par ce manquement.
» Fera transporter son escurie ailleurs, pour erapes-
cher rincomodité qu'on peut recepvoir en l'église, au
subjet de la mauvaise odeur q'un tel lieu garny de
chevaux peut envoyer et faire transpirer au chœur de
laditte église.
0 Tiendra la main à bien et dehument entretenir
son logis prierai, réparer les vittres y deffalliantes et
en metttre de nouveau où elles manquent.
» Prendra garde que la lampe d'argent, calices et
autres meubles destinés à la chapelle de Nostre-Dame-
de-James, qui sont à la garde de MM. Pontus Simon-
net et Jean Debart, le premier résidant à Commagny,
l'autre à MoUins, ne soient adirés.
» Payera & l'église de Saint-Martin-lez-Autun la
chappe qu'il y doibt à cause de son nouvel advène-
ment audict prieuré.
» Payera à Monsieur le révévend abbé dudict Saint-
Martin trante livres qu'il luy doibt de pention aimuelle
au mois de may accanse de sondict prieuré.
» Payera à Messieurs les grand prieur, religieux et
couvent de laditte abbaye quatre livres qu'il leur
doibt par an de patronage sur sondict prieuré, et payera
encore six livres de cire au sacristain de laditte abbaye,
comme il a toujours faict d'ancienneté.
» Assistera ou fera assister au grand chapittre qui
se tiendra en laditte abbaye le lundy après le diman-
che de Misericordia que l'on comptera mil six cent
quarante, lesquelles choses ci-dessus, de l'authorité de
Monsieur le grand prieur de laditte abbaye et de la
nostre, il exécutera et fera exécuter sur les peyaes
portées par le droit et toutes autres.
- 432 —
» Et en suitte denostre visite^ avons taxé pour le droit
d'icelle et pris la somme de dix-huit livres tournois,
que nous avons présentement receues par les mains
de maistre Remy Simonnet, accenseur dudict sieur
prieur, qui l'en ramboursera sur le prix de sa ferme,
sens attoucher aux fraitz de bouche tant de nous que
de nostre train supportés par ledict Simonnet despuis
le jour d'hyer jusque aujourd'hui d'une après-midy,
desquels ledict sieur prieur tiendra compte audict accen-
seur, auquel les présentes ordonnances ont esté signi-
fiées, données et laissées audict Simonnet, avec le
procès-verbal de la visite, en l'absence dudict sieur
prieur, auquel il les délivrera, faictes les an et jour
que dessus. En foy de quoy nous nous sommes soubsi-
gnés avec nostre secrétaire et ledit sieur Simonnet,
accenseur.
» Signé en l'original : F. Anthoine de Boucher de
Flogny, Simonnet.
]> Par ordonnance de mondit sieur: J.-B. Saulnier(1)9.
1676. Le logis prierai est en assez bon état. Le
grand autel et les deux chapelles du côté de l'Epitre et
de l'Evangile sont en bon état, garnis de graduel,
psautier et antiphonaire. La couverture de la chapelle
Saint-Gervais entièrement ruinée et la voûte effon-
drée. La chapelle de Saint-James est en bon état, des-
servie par le sieur Simonnet, curé de Commagny, aux
lieu et place du dernier sacristain, titulaire, sauf une
partie de la couverture enlevée par le vent. Le sieur
curé de Commagny est chargé des ornements.
1719. La chapelle des saints Gervais et Protais,
(1) Archives de Saône-et-Loire. — Fonds de Pabbaye de Saint-Martin
d*Atttun ^ fonds du prieuré de Gomma^y.
- 433 -
séparée du corps de la grande église et appartenant i
l'office du sacristain, est assez bien couverte et entre-
tenue, sauf la grande porte et les vitres. Sur le dor-
toir, il pleut. Le logis du sacristain sert de demeure au
titulaire, Léonard Berriac.
1733. Le logis du sacristain est bien couvert mw
inhabité, parce que Léonard Berriac étant mort, n'a
pas été remplacé. La chapelle des saints Gervais et
P rotais, appartenant audit sacristain, est trouvée eans :
vitres et en très mauvais état pour la couverture.
1752. Près de la chapelle Notre-Dame.de Saint-
James, il y a une grange appartenant au prieuré dont
la couverture a besoin d'être réparée.
1765. Le grand ; prieur dom Charles-François-
Xavier Joulet se borne i déclarer que tout est en bon
état.
Voici la liste des prieurs de Commagny dont cer-
tains documents nous révèlent les noms :
1320. Jean de Marry (1).
1336. Guillaume, nommé l'un des administra- ;
teurs de Saint-Martin d'Autun . Nommé pour gouver-.
ner pendant six ans le prieuré dont l'abbé avait
compromis le temporel par ses dépenses.
1439. Guillaume de Courvol, est témoin, d'un acte
entre Gaucher de Courvol, écuyer, et Jehan de Çour-
(1) 1390. Procès -verbal de 13*20, où comparaiiisent nobles seigneyrs
Jean de Bazoches et Jean de Ghapean, chevaliers ; Hugues et Creoffroy de
la Toumelle, frère de Pierre, abbé de Saint-Martin, qui déclarent que
ladite abbaye est sous la garde du comte de Nevers ; ce que déclare aussi .
Jean de Mons, clerc dudit abbé.
Ledit procès-verbal porte que noble dame Âlays (Eloïse) de la Toumelle
a déclaré, en présence de M** Guillaume de Poiseuz et autres, que son
abbaye est sous la garde dudit comte ; que comparurent ^ussi Jean de
Marry, prieur de Gomegny ; Gui de Lorme, religieux du monastère de
Belleval, ordre des Prémontrés, chargé de procuration de ses confrères,
avec Pierre de Limanton et Hugues de Thianges (Trésor de te Chambre des
comptes). Notei de Dom Caffiavi, page 244, aux Archives de la Nièvre.
T. a, 3« sérier 28
- 434 -
vol, écuyer, son fils, & Isenay (1). Refait le terrier,
1452. 1445, partage de certains hommes et femmes da
condition serve entre M. Jean Quedat, licencié es lois,
conseiller et procureur général des comtes de Nevers,
en son nom et religieuse personne frère Guillaume de
Courvol, prieur de Commagny , au nom de son prieuré,
par devant Droin Cotignon et Jean Breton, notaires du
comte (2). M. Baudiau rapporte, d'après M . BuUiot,
son affaire scandaleuse avec le sacristain du prieuré ;
condamné et excommunié ; commet des meurtres.
1470. François Boutillat. Le 9 mai 1477, honorable
François Boutillat, prieur de Oommagny , est témoin (3)
en 1481, 13 mai. Religieuse, dévote et honnête per-
sonne, frère François Boutillat, prieur de Commagny ,
est arbitre d'un différend entre Pierre Chalopin, bour-
geois de Decize, et frère Charles Boutillat, prieur de
Montambert (4).
1506 (5). Jean de Salazar. On trouve dans MaroUes
(p. 193), « diverses pièces concernant le prieuré do
Commagny, duquel les fruits avaient été saisis pour
le comte, depuis la mort de frère François Boutillac,
dernier paisible possesseur dudit prieuré, dont le comte
de Nevers a la garde et l'administration. Messire Jean
de Salazar, ayant été depuis pourvu dudit prieuré, a
reçu les comptes que Guillaume Le Breton a rendus
des fruits dont il avait l'administration. »
1542 (8 déc.). Provisions du prieuré pour Robert
Hurault, clerc du diocèse de Paris, fils de Nicolas
Hurault, conseiller du roi, en remplacement de feu
François Brinon. Ces provisions sont aceordées par
(1) Archives de Limaaton.
(2) MaroUes, p. 192.
(3) Registre Are Durand, not. i Decize, Archives Nièvre, fi.
(4) Registre d'Are Barbier, not à Decize, Archives de la Nièvre.
&) Date de la mort de Boatillat
-435-
le vicaire général de Tabbé de Saint-Martin. Hurault
affranchit une pauvre fille serve et orpheline, Marie
Rault^ moyennant 40 sous. La charte d'affranchisse-
ment fait observer que toute fille en cette position
avait droit à cette faveur (1;.— Procuration donnée par
Robert Hurault, prieur, à M" Robert Hurault, abbé,
son oncle, pour affranchir de la mainmorte les biens
de certains habitants de Moulins-lès-Engilbert :
Antoine Courtois, Jean Courtois, François Gousset,
Guillaume de Varennes, Symon Desgranges, Jean de
Belloy, Guillaume Symonnet, Jean Boigard, Jean
Choppin dit Maison, Etienne Hallorry, Claude Vaget,
Guillaume Pougault, Jean Guillier, Pierre Martin^
Jean Dorlet, Jeanne veuve de Jean Larive, Jean
Symonnet le jeune dit Besgue, Michel Letort, Marie
Garrault, François son fils, Pierre Lardereault, Pierre
Chastel, Philippe Duchemyn, Claude sa femme, Jean
Bernard, Berthier Debar, Jacques son fils, Gilbert
Symonnet, Jacques Vernillac, André de Laubespin,
Guy Vernillac, Jacques fils de François Debar,
Antoine Febvre et pour affranchir également de la
mainmorte les hommes et les biens de Commagny
(11 mars 1544) (2).
Autres provisions accordées par l'abbé de Saint-
Martin lui-même à Philippe Chevrier, religieux de
l'abbaye (8 décembre 1542).
Acte par lequel Jacques Le Roy, étudiant en l'Uni-
versité de Paris, déclare qu'il ne prétend avoir aucun
droit au prieuré et désavoue la prétendue complainte
formulée en son nom contre Robert Hurault, aussi
étudiant en ladite université pourvu du prieuré
(11 mars 1544).
(1) Baudiau, vol. !•', p. 541.
(2) Archives de Saône-et-Lotre,
— 436 -
Jacques Méry . Provisions du prieuré pour Jacqu^, .
Méo^y, clerc du diocèse de Bourges [2940ût 1559).
Henry Le Maire. Réquisition de Jean Hurault,
abbé ,du Breuil, conseiller au Parlement de Paris,
pour être poixrvu du prieuré vacant par suite du déqës .
de. Henry Le Maire (12 oct. 1559). Réponse de Tabbé .
Robert Hurault « qu^l avait fait ce que estait en luy ». ,
— Déclaration des dépens faits au présidial de Saint-
Pierre, par les religieux de Saint-Martin^ demandeurs
contre Le Maire, prieur, pour avoir paiement de ,
4 livres en argent et 6 livres de cire dûs annuellement .
à la sacristie de l'abbaye (1),
Balthazard de la Boutière. 1561. E:i;ploit pour le
duc de Nivernais, marquis dlsle, contre Balthazard de
la Bouttière, prieur de Commagny, appelant de l'oc-
troi de certaine commission et établissement de com-
missaire contre lui décerné par le bailli de Niver-
nais (2) .
Etienne Tenon, chanoine de Nevers, prend posses-
sion le 9 juiUet 1566.
André Paradis, prend possession en 1579 . Investi-
ture d'un bordelage par M'« André Paradis, prêtre,'
prieur (3). Sommation par André Paradis, prêtre,
prieur de Commagny, à divers (3 juillet 1584) (4).
Jean Rémot^ 1588.
Nicolas de Grandry, commendataire doyen de
l'église.
Nicolas de Chandon» sous le grand prieur de Saint-
Martin -lès-Autun, seigneur de Mpntmorillon. Prise de
possession par Jehan Choppin, prêtre, chanoine de
Notre-Dame de Moulins, comme procureur de M" Nico- ,
(1) Sentence dn présidial du 3S avril 1557*11 mai 1557.
(2) Marolles, p. 480.
(3) Minutes des notaires de Ifoalins, Archives de la Nièvre, E»
(i) Minutes Builer^, notaire à MoulinSf
•^
- 4â7-
las de Chandôn, prieur de Commagny, en présence de
frère Claude de Marcy, sacristain du prieuré et de
]Vf Sébastien Garnier/ prêtre de Commagny, 14 sep-
tembre 1595 (1).
Jean-Raymond Ferrier, abbé de Tabbaye royale de
Charrot, 1674, habitant Paris. Quittance de la chape
qu'il devait & Tabbé en qualité de nouveau prieur
(26 mars 1685) (2).
Jean- Antoine Daguin^ de la paroisse d'Urzy, cha-
noine régulier de Tordre des Prémontrés.
Armand ou Amand Durant, 1722.
Audiat. Lettre de M'» Audiat, chanoine du chapitre
royal de Verneuil, prieur de Commagûy, demeurant à
Saint-Pourçain, qui accepte de payer 100 liv. pour
son droit de chape (26 avril 1743) (3).-
Henri Limousin, chanoine de Nevers.
Nous n'avons pas la liste complète des curés de la
paroisse de Commagny; presque tous issus de familles
notables du pays. Ils furent nommés quand le prieuré
eut perdu de son importance. Le presbytère date
du XVIII® siècle. Il est au-dessus de la fontaine de
Saint-Gervais que le peuple tient en vénération et à
laquelle il attribue la vertu de guérir de la colique.
Dans les temps de sécheresse, on y plongeait pour
obtenir la pluie une tète de saint qu'on y rémarque
(saint Zevras).
Voici ce que nous avons recueilli sur ces curés :
M. de Flamare, archiviste de la Nièvre, nous a
communiqué deux pièces datées. Tune de 1461 : c'e^t
un acte où figure M'* Guillaume Gobert, curé de
(1) Minutes Bailemy, not, collection de Soultrait. — Bail à bordelage
pour le même, 19 nov. 1596.' (Minutes du même notaire. Archives de la
Nièvre E).
(S) Archives de Saône-et-Lôire.
(3) Archives de Saône-el-Loirt.
— 438 —
Commagny, témoin (1); l'autre de 1463 (22 août),
contenant transaction entre le môme curé de Comma-
gny et Jean Michot, paroissien de Cossaye (2).
M. V. Gueneau cite (Moulins-Engilbert, 1890) Guil-
laume Lardeau, curé de Commagny, nommé chanoine
de Moulins, 1558.
1638. Dominique Desgranges, né i Moulins-Engil-
bert, en 1601.
Le service religieux, après 1638, est irrégulièrement
fait par Jacques Febvre, prêtre de Moulins.
1674. Simonnot.
1688. Vigoureux^ né à Rodez.
1699. Lecomte.
1713. Gentil.
1720. Souchon.
1766. Ravary. La prise de possession de la cure de
Saint-Laurent par Léonard Ravary, prêtre du diocèse
de Nevers, en conformité des provisions à lui accor-
dées par M«f' TEvêque de Nevers du consentement du
prieur de Commagny du 20 avril 1770 (3). Le même,
alors vicaire de la paroisse de Commagny, avait
été, le 10 juin 1667, nommé par M. de Pracomptal
au canonicat de Moulins, vacant par suite du décès de
Joseph Besson.
En 1724, M. Henri Souchon, curé, représentait à
Tévêque de Nevers, Fontaine des Montées, que la
paroisse était d'une grande étendue et difficile à des-
servir à cause des mauvais chemins et des inondations
fréquentes du Garât et du Guignon. Il demandait la
nomination d'un vicaire avec 150 fr. de portion congrue
payable par le prieur de Commagny.
(i) Archives de la Nièvre, E. Registre de Jean Boute(iuarre, not. à
Décize.
(2) Pierre, not., à Decize, mêmes archives.
(3) Acte Pougault, not., du 23 avril 1770.
-•139 -
Quant aux vicaires, voici les noms que nous pos-
sédons :
Le premier vicaire fut Jean Pougault, plus tard curé
de Maux, et en 1748 trésorier du chapitre de Moulins
et de Saint-Michel-des-Antiquailles de Lyon ; vinrent
ensuite le Père Casimir, du couvent des Picpus de
Moulins ; Valevier, Quillier, ensuite curé de Brinay ;
Pagoitange, le Père Célestin, Lemoine, ensuite curé
de Grandry ; Guyochin, mort curé de Chasnay ; Com-
maille, ensuite curé de la CoUancelle ; Dony, ensuite
curé de Montapas; Duruisseau, le Père Célestin,
Ohkink de Tourny, le Père Célestin encore une fois ;
Abraham, plus tard curé de Saint-Franchy ; le Père
Célestin, encore; François-Xavier Faure, François
Mercier, Besson, le Père Augustin Johannot, François-
Jules Bovin, François de Salle, J.-B. Remoillon, de
Château-Chinon ; le Père Théodore, le Père Damase,
le Père Dominique, le Père Ravary, le Père de la
Croix, Isambert, Sautereau, enfin Pierre Dechaux.
II
Notes générales.
Commagny , à cause de sa belle situation même, a subi
le passage de toutes les armées, de toutes les bandes qui
ont désolé le pays, dans les temps d'invasion comme
au temps des guerres civiles, pour n'avoir plus dans le
xviu* siècle qu'à subir le passage des régiments fran-
çais, qui constituait une charge dont les plaintes des
paysans ont trouvé leur dernier écho dans les cahiers
de doléances.
Un fait de dévalitation est resté dans la mémoire
— 440 —
des habitants : Tiocendie qu'ont alloméi en 1570, les
protestants (1).
Cantonnés pendant longtemps dans Tespace compris
entre La Charité, Elntrains et Vézelay, les Huguenots
avaient principalement poussé leurs incursions du côté
de la Bourgogne, mais, quand Coligny les appela
dans le Forez, ils marchèrent en suivant le côté niver-
nais des montagnes du Morvan pour gagner le Cha-
rolais. Ils étaient commandés par Bricquemaut, Bourri,
du Boulay.
En môme temps, le maréchal de Cossé arrivait
d'Orléans par Decize et Ch&tillon-en-Bazois. Quand
vers Mont-Saint-Jean et Arnay-le-Duc se fut engagée
la bataille dite d' Arnay-le-Duc, les protestants, à
marches forcées, reprirent le chemin de La Charité
par la route d'Autun ; c'est soit à l'aller, soit au retour
qu'ils brûlèrent tant d'églises, celles de Saint-Honoré,
de Montaron, de Commagny, le couvent de Belle-
vaux, etc.
La paroisse de Commagny, en 1789, avait pour
syndic Grivaud ; les deux députés élus qui durent
porter son cahier des doléances à l'assemblée des trois
ordres, qui eut lieu à Nevers pour l'élection des députés
aux Etats généraux, furent Philibert Quillier du Tour,
avocat en Parlement, et Joseph-Philibert Dubois,
notaire et procureur. Le cahier de Commagny, comme
la grande majorité des cahiers du Nivernais, pour le
Morvan, le Bazois, les Amognes, a disparu. Les bénédic-
tins de Saint- Martin ne furent représentés, à l'assem-
blée de Saint-Pierre-le-Moûtier, que par dom Repey,
prieur claustral de la communauté de Saint-Pierre.
Léonard Ravary, «n qualité de curé de Commagny,
fut convoqué à Nevers.
(1) Ls iiège de Lormetf notice par P. Mbunier, panie dans Vlndépen"
dmnoê àê CIcNnacy, il eepteoibre 4608 el osméro» «aiTftnti.
La commune de Connnagny, comme nous Tavons
vu par rénumération de ses fiefs, avait une réelle
importance. D'après un tableau, dressé par les soins
du directoire du district de Moulins-la-République,
le 24 pluviôse an II, pour la répartition, par les soins
de la Société populaire de ce cheMieu de district, des
grains du district, on voit que la commune de Com-
magny comptait 892 habitants (1) ; Moulins n'en
comptait que 1.029.
Mais Feuché, alors commissaire de la Convention,
en mission dans la Nièvre^ qui cumulait et exerçait
tous les pouvoirs, aimait à simplifier les rouages
administratif ; aussi , conformément aux vues de
Fouché, le conventionnel Lefyot, qui fut après lui
envoyé dans le département, procéda à la remise des
communes de Saint-Jeangout et Poil à la commune
de La Roche, de Luzy-forain à Luzy-ville, de Fléty
à Tazilly, de Lanty à Avrée, de Commagny et Ser-
mages à Moulins-la-République, d^Honoré-Ia-Monta-
gne à Préporché^ d'Anizy à Limanton, de Mingot à
Ch&tillon, de Sauzay à Isenay.
C'est par arrêté de Lefyot, du 27 floréal an II, que la
commune de Commagny fut ainsi réunie à celle de
Moulins. Elle comprenait la banlieue, Labrosse, la rue
de James en partie, la rue Chaude, la ru« Coulon dite
aussi du Groseillier (dans Moulins môme), enfin toutes
les parties au-delà des fortifications et des rivières du
Garât et du Guignon, ainsi que l'indiquent les actes de
Tétat civil de Commagny.
Les habitants ont souvent protesté pour obtenir leur
distraction d'avec Moulins (les 16 juin 1816, 24 no-
vembre 1824, 13 octobre 1839), mais toujours sans
succès.
(1) Mais son contingent dans le bataillon des gardes nationaaz ne fbt
qae de 5 hdizxmeB, tandis 4tie llooli&fl ^ Ibim^r l47.
^442 ^
Aujourd'hui, le service religieux a lieu rarement
dans Téglise de Commagny. Cependant le jour de
Saint-Laurent, dont la fôte donnait lieu autrefois à un
grand concours de fidèles, M. le doyen de Moulins
y célèbre la messe.
Les enterrements oât lieu encore dans le cimetière
de Commagny.
Les processions traditionnelles y sont encore faites.
Mais les ruines s'accumulent chaque jour. Le 19 juin
1898, un orage a causé de grands dég&ts au olocher et
à l'intérieur de l'église.
C'est la fabrique de Moulins qui est aujourd'hui
propriétaire, puisque la paroisse de Commagny, lors
du rétablissement du culte, a été annexée à celle de
Moulins. (Décrets du 30 mai 1806, 17 mars 1809. —
Délibération du conseil de fabrique de Moulins du
1*' août 1879, sur la demande du conseil municipal et
de M. le Préfet).
Commagny ne fut pas moins exposé aux vexations
révolutionnaires que Moulins. Il reçut la visite de la
légion révolutionnaire commandée par les agents de
Fouché, puis celle de Roure, des frères Péchereau, de
Pointe libre, agents de Lefyot (1). La légion fut logée,
nourrie chez les habitants dont les caves furent visitées
avec soin. Un des Péchereau se rendit à l'église au
moment de Toffice divin. Après avoir invectivé le curé
Ravary, en chaire, à ce moment, il excita sa troupe
à se livrer au pillage, à l'incendie et à la destruc-
tion des statues (2).
Le culte fut supprimé et, le 16 floréal an III, la ci-
devant cure fut louée à Besson moyennant 515 livres,
(1) La Nièvre pendant la Convention^ par Paal Meunier, t n, pages 53
et soivantes.
(3) Délibérations da conseil général de la commune de Movlins.
-443 -
puis vendue, le 12 thermidor an IV, à J.-B. Robert,
préposé à la recette des contributions, moyennant
2.498 livres 40.
James, sa chapelle, les bâtiments et les chaumes
(91 toises) en dépendant furent vendus le 2 floréal an II,
à Mouron pour 486 livres (1).
La moyenne des naissances, en 1600, est de 38 ;
mariages, 10 ; décès, 24.
En 1700, naissances, 35 ; mariages, 8 ; décès, 44.
En 1709, il y eut 191 décès sur 32 naissances;
année de disette, gelée, sans précédent.
Les registres de l'état civil sont à Moulins. La
remise en fut faite par Danthault, officier municipal, le
18 novembre 1792. Ils furent arrêtés Tan I de la
République, par Guillaume Pougault, propriétaire à
James, paroisse de Commagny, officier public de la
paroisse.
Sur ces registres, on relève des noms de grandes
familles disparues du pays, notamment :
De Jacquinet, du Crest, des Prés de Roche, Davout,
de Monestay, de Chaugy.
Comme on le voit, on a enlevé successivement à
Commagny toute personnalité soit comme paroisse,
soit comme commune ; il ne lui reste que son joli site,
dans ime sorte d'abandon mélancolique des bâtiments,
et son vignoble (2). On lui a même supprimé sa fête
patronale qui se fait au Pont-Cottions, plus près de
Moulins, où l'activité commerciale et les auberges se
sont transportées.
Les fêtes ou apports sont aujourd'hui moins nom-
Ci) On a découvert dans la traversée de la roate actaelle quantité d'os-
sements provenant de son cimetière.
(2) Le Monran n'a pas de vignes. Restif de la Bretonne, parlant des Mor-
vandeaux qui descendent en Bourgogne pour les vendanges, donne pour
cause que « le pays est trop froid •n
breiix t^u'au temp^ passé. Autreteis, cliàqué village
avait sa fôte qui' attirait les jeunes gens et souvent
dégénérait en batailles. Des rivalités de village se
perpétuaient. Les chroniques ont gardé la trace de ces
sortes de démêlés. Ainsi, en 1402/ Une joyeuse troupe
d'hommes et de femmes étaient allés, le jour de la
•Saint-Pierre, s'ébattre à Marry. Deux jeunes gens,
Grarnier et Favier, s'étant disputés^ en vinrent aux
mains. Garnier fut atteint d'une pierre qui Tétendit
ioiort. Favier, condàmné^ par défaut au bannissem'ent>
ne fut gr&cié que sur lés instances de ses amis (1).
M. Bogros, dans son livre A travers le Morvan,
parle de la facilité des anciens Morvan^leaux à faire
' dégénérer les fôtes en rixes meurtrières.
III
Note arehéologlque.
(( 11 n'est pas une cathédrale, un monastère, une
chapelle de village qui^ en se renouvelant, n'apporte sa
noté dans le concert universel, dit M. BuUiot ». Saint-
Martin* apporta sa pierre' & l'œuvre de la reconstruc-
tion universelle qui suivit l'àn mil.
' Cômmagny devait rester comme im témoin des deux
systèmes d architecture qui se partagèrent alors
rexpression de la pensée catholique dans le pays éduen :
lé style latin et le style byzantin qui se combinèrent
dans l'architecture du diocèse d'Autun et qui furent
'exclusivement adoptés dans les' établisiséments reli-
gieux de Saint-Martin. Cela s'explique par l'existence
à Autun de monuments romains avec empreinte
grecque, par la litur^e gréco-latine, les relations du
(1) BuMm dt U Sodélé myenulik tôt. Tût ai la'ool.; ^e ISS.
^445 -
pi^ys avec rOrient et avec l'Espagne & cause dç firu-
n^ilde.
Mo' Crosnier fait remarquer quje rarçhitç^tu^e de,
plusieurs églises nivernaises semble inspirée de
celle de l'église de Commagny, nous citerons : Saint-
Honoré, Montigny-sur-Canne, Cercy-la-Tour.
L'/église de Comniagny a été décrite socguçD^jrement
par M. Tabbé Baudiau, ;. M, dQ Soultrait en a Jfait une ,,
description complète.
Il y a peu de choses à ajouter à cettç bonnje^ descrip-
tion. Il faut mentionner cependant^ dan^ la. dQi};!^ièm§...
chapelle de gauche, le banc seigneurial, formé de
colonnettes de bois tournées et réunies, par. deç tra-
verses : ensemble massif mais original. Suar le grand
autel, on voit un écusson rond portant les armoiries
suivantes : <( d'azur à quatre fers de lance d'or, sommé
d'une couronne de marquis entre une crosse abbatiale
et une mitre ». Ce sotnt sans doute les armes d'un des
abbés de Saint-Martin d'Autun.
Dans le dallage de l'église, en remarque plu-
sieurs pierres tombales entières ou en fragments :
Outre celle d'Henri Souchon, curé, publiée par
M. de Soultrait, celle d'Hugues, seigneur de Monestay,
et celle de Marie, femme de Pierre .Panthault, on
y remarque, dans le milieu du chœur^ une pierre
incomplète, portant gravée au trait l'effigie d'un
moine ; de l'épitaphe, on ne distingue plus que les
lettres suivantes :
• • •
PRIOR DE COMMAGNY QUI TRESPASSA EN LAN
DE GRACE MIL GGGXXVII LE JOUR DE LA SAINT
MARTIN DESTE.
Il esjt f&cheux que le |iom de ce prieur, déc^édé le
4 juillet 13S7> ait disparu. C'est probablement Jean de
Marry,
Dans la chapelle de droite^ deux fragments de
tombes du xvp siècle. Dans Tune, il manque le haut et
le bas. On lit sur les côtés :
... HUNC ; SINISTRIS ; QI • I
MORTE : MIGRA VIT \ VIT A II
Cette inscription, qu'il aurait été si intéressant
d'avoir entière, semble annoncer que le défunt qu'elle
recouvrait était mort de mort violente.
De l'autre pierre, peut-être du xiv«, il ne reste plus
que la partie supérieure. On y lit :
+ ISTA i SUE : PETRA : PET* : EST : QV
È : XPS : AD : ETERA ;
Ista sub petra Petrus est(^) qu em Christus ad
etera.
Sur la cloche, autrefois à James, qui reste & Com-
magny, on lit :
Parrain — Marraine.
S^ et dame darde de Gourtenay,
baronne de Boys, la Montagne, Limanton,
Messire Jehan Simonnet et de Bard,
fabriciens 1679.
Messire Povthvs de Sibeyran, chevalier seigneur.
Sancta Maria, ora pro nobis.
Près de la balustrade, en dehors, on peut lire sur
une pierre étroite :
Guillier, de Moulins-Engilbert, 1780 (2).
(1) Le même jea de mots se trouve sur une pierre tumulaire, également
du zvi* s., à la cathédrale d'Auxerre.
(2) I^ registres des actes de l'état civil font mention des inhumations :
1* dans l'église des Pères^ paroisse de Ck>mmagny, de Charles du Glerroy,
17 mai 1668; 2* de Magdeleine du Crest, femme de J.-B. du Qeroy^
3 avril 1700 ; 8* de ce dernier^ seigneur de Villars, Mary, Niault, Este-
vault et La Ghassagne, 3 mars 1703.
Que sont devenues les cloches de Commagûy ? Le
24 germinal an II, le directoire du district prenait une
délibération, a Considérant qu'au moment où les tyrans
ou leurs satellites sont occupés à troubler notre terri-
toire par leur présence^ il est de la sollicitude de l'ad-
ministration de prendre toutes les mesures qui sont
en son pouvoir pour parvenir à les expulser du sol de
la liberté... » le directoire décidait que les cloches des
églises et chapelles, « maintenant temples de la philo-
sophie et de la raison »^ seraient conduites à Nevers
« pour y être converties en canons » .
Les cloches furent enlevées le 27 floréal suivant.
D'après une note qui se trouve sur un livre de plain-
chant venant d'Ougny, le clocher de Moulins possé-
derait une des cloches de Commagny (1732) (1).
En 1807, des discussions eurent lieu au sujet d'une
des cloches non envoyée aux arsenaux. Un arrêté du
sous-préfet maintint la cloche en la possession de la
fabrique de Moulins. L'administration des domaines
ne put la vendre, mais, malgré des réclamations, elle
ne fut pas restituée à Commagny (2). La seule cloche
qui subsiste à Commagny provient de la chapelle de
James.
Le prieuré fut vendu comme bien national à Jac-
ques Massin, fermier à Marry, et revendu par lui à
Hugues Besson, propriétaire à Commagny, moyennant
la somme de six mille francs (3). Les prés et terres
en dépendant et que possédait Potrelot de Grillon,
émigré, furent séquestrés.
(i) Cette note dit : « A toute la paroisse de se présenter pour aToir la
cloche de 2.180 livres qui est à Moulins'-Engilbert ».
(S) Délibérations du conseil municipal de Moulins des 20 août et 4 sep*
tembre 1807.
(3) Acte reçu Dubois, not.» le 33 mai 1793.
-448-
Telleestla notice que. nous consacrons. à Cômma-
gny.
A la suite de la tempête du 19 juin 1898, les
dég&ts intérieurs furent réparés au moyen d'une sous-
cription, ceux extérieurs Tont été aux frais de la,
fabrique de Moulins.
Il est bon, au point de vue de Tart, que cet édifice
soit respecté. Commi^ny conservera son, air de gran-
deur qui s 'harmonise si bien avec le site^ comme
l'expression d'une belle pensée inachevée. Tout le
monde pensera avec nous qi^e ce monastère avait été
placé là pour avoir ime histoire pleine d'enseignements
plus élevés que celle que nous venons de raconter.
En raison môme de l'idée qui a présidé à sa création,
il méritait d'être: respecté.
Rappelons qu'aussitôt après l'achèvement des répa-
tiens nécessitées par l'ouragan de 1898, M. Imbert,
curé-doyen de Moulins, s est empressé d'y célébrer
une messe solennelle, assisté d'un missionnaire.
. L'assistance était nombreuse et recueillie en écou-
tant les paroles éloquentes de, ces zélés défenseurs de
la foi ; heureuse enfin de se retrouver en ce lieu pour
prier et remercier les bienfaiteurs toujours disposés à
conçoui-ir aux boimes œuvres et à seconder un géné-
reux élan pour la restauration plus complète qui
s'impose d'un vieil édifice digne d'être conservé au
culte, au respect et à l'admiration des générations (1).
Victor Moreau
(1) A l'occasion de la nomination qai eut lieu, il y a quelques années,
du général Thibaudin, comme ministre de la guerre, le nom de Gomma-
gny fàt lu dans tous les journaux, M. le général Thibaudin se souvenant
qu'il était originaire du pays de Moulins et ne pouvant servir sous son
vrai nom, avait pris un instant pendant la guenre de 1870 le nom de
Commagny.
LES BAINS
DE L4
VILLA GALLO-ROMAINE
DE CHAMPVERT (Nièvre)
Des fouilles intéressantes, entreprises sous les aus-
pices de la Société nivernaise, furent exécutées de
1896 à 1901 sur un coteau qui avoisine, à l'ouest, le
bourg de Champvert.
Au cours de ces travaux, on découvrit de nombreuses
substructions, restes évidents d'une importante villa
gallo-romaine qui, à en juger par les derniers son-
dages exécutés, recouvrait une étendue d'environ deux
hectares.
Mais^ faute de fonds, l'exploration du sol en cet
endroit est restée inachevée ; de plus l'incertitude et
l'intermittence des allocations consacrées à ces fouilles
n'ayant point permis d'arrêter à l'avance un plan,
chacime de ces subventions fut employée sur les
points qui paraissaient fournir les résultats les plus
certains.
Un travail méthodique et exécuté de proche eu
proche eût été certainement préférable ; néanmoins, on
T. n, 3* série. 90
— 450 —
ne pouvait laisser disparaître, sans les signaler, des
vestiges aussi intéressants pour Thistoire de la période
gallo-romaine en Nivernais.
Dans un précédent rapport, on a mentionné les
premières recherches ; le présent compte rendu concer-
nera spécialement les bains annexés & la villa et un
troisième travail traitera du reste des fouilles déjà
faites et de celles qui pourront suivre.
Puissent cette répétition des mêmes découvertes et
cette nomenclature d'objets semblables, recueillis
dans des constructions souvent uniformes, n'être point
fastidieuses I
Elles nous ont d'ailleurs paru indispensables. En
effet, sauf les bains conservés en majeure partie par les
soins de la Société nivernaise, les ruines exhumées à
Champvert ont été en grande partie démolies, et ce qui
a été épargné a dû être enseveli sous le remblai afin
de rendre aux propriétaires un sol cultivable.
Bientôt donc ces vestiges ne laisseront d'autres
traces que les publications et les plans qu'ils auront
inspirés (1) ; d'où la nécessité de noter tous les détails
qui peuvent permettre de reconstituer la physionomie
et la destination de chaque pièce, et de faire, en quel-
que sorte, revivre la station dans le présent.
Chargé de la direction de ces fouilles, si intéres-
santes dans leur ensemble, j'ai le devoir de remercier
non seulement la Société nivernaise, à qui revient
l'honneur de ces recherches, mais encore le Ministère
de l'Instruction publique, le Comité des travaux histo-
riques, le Conseil général de la Nièvre, la Municipalité
de Champvert, les souscripteurs (connus ou anonymes).
(1) Rapport fait en 1898, lors du Congrès de Bourges, i la Société
française d*archéologie et en 1900 an Ck)ngris des Sociétés savantes tenu
à la Sorbonne.
— 451 —
certains visiteurs généreux ; en un mot| tou» ceux qui
ont contribué au succès des fouilles entreprises.
G. G.
Le résiiltat des premières fouilles exécutées à
Champvert fut inséré dans le Bulletin de la Société
nivernaise avec de judicieuses remarques de M. de
Saint-Venant (1). Cet érudit confrère ajoutait alors
que les derniers sondages faisaient pressentir de nou-
velles découvertes ; de mon côté, j'espérais qu'en pour-
suivant les recherches, on rencontrerait des bains.
Nos prévisions devaient bientôt se réaliser, car en
1898 on exhumait au bas de la colline, et en bon
état de conservation, les curieux vestiges d'anciens
thermes romains (2). En les comparant aux établis-
sements similaires , on put déterminer, à peu près
sûrement, l'usage de plusieurs pièces composant ces
bains; mais l'attribution des autres a été faite de
manière absolument hypothétique et sans prétention,
certains détails étant restés jusqu'ici obscurs pour
ceux de mes savants confrères de la Société niver-
naise qui, comme moi, ont suivi attentivement les
fouilles (3).
Voici la description de ces ruines , telles qu'elles
sont apparues après l'enlèvement des terres et des
débris de toutes sortes qui les recouvraient depuis de
nombreux siècles (4).
(1) Tome XVII, p. 392 i 424. — Le Bulletin da Comité des traTattx
historiques (année 1897, p. 313) contient an rapport sur ces fouilles.
(2) Voir le plan d'ensemble annexé au présent rapport.
(3) Outre une excursion faite en 1898, avec une vingtaine de membres
de cette Société, MM. de Flamare et de Çaint- Venant sont venus fré-
quemment visiter ces découvertes et m'ont aidé de leurs conseils.
(4) En raison de l'intérêt que présentaient les piscines et leurs dépendances,
elles furent déblayées, réparées et entourées d'une ddtore protectrice.
— 452 -
En entrant dans le champ fouillé, on remarque, à
15 mètres environ au nord de la route de Decize,
deux petites salles A et B, symétriquement dispo-
sées, mesurant chacune 3 m. 10 sur 2 m. 30 et
n'ayant conservé aucune trace de pavage. Leurs murs,
rencontrés à 0 m. 50 au-dessous du niveau actuel du
sol, ont une épaisseur moyenne de 0 m. 75 (1) et
indiquent une construction peu soignée ; aussi le mur
est de la salle A fut-il retrouvé démoli en majeure
partie et ne mesurant plus que 0 m . 35 à sa base. On
y voyait encore encastrés, à inégales distances, trois
tuyaux en terre cuite t, mesurant 0 m. 15 de côté sur
0 m. 35 de long et dont les orifices aflOieurent les deux
parois de ce mur (2) {Jig. i et 2),
A signaler également, dans le mm* nord de la même
pièce A, uneaire briquetée/deO m. 85 de largeur ifig^S),
rappelant, malgré la disparition de la voûte, l'exis-
tence en cet endroit d'une ouverture de fourneau
d'hypocauste (3).
Entre les deux petites salles décrites existait un
espace ou corridor C de 2 mètres de largeur, trouvé
rempli de terre noirâtre et de débris de toutes sortes
ayant subi l'action du feu (4). Le pan de mur a devait
(1) Outre une saillie de 0 m. 10 de largeur qui règne intérieurement
tout autour, on remarque aux angles de chacune de ces deux salles,
deux petits contreforts c qui ne se retrouvent nulle part ailleurs [fig, i).
(2) Ces tuyaux sont à 1 mètre au-dessous du niveau supérieur actuel
des murs ; l'un occupe Pangle sud -est ; le second est à 0 m. 60 du
premier et le troisième, à 0 m. 70 du second. Ont-ils servi à conduire
la chaleur dans les salles voisines » ou furent-ils utilisés pour amener
l'air du dehors afin d'activer le tirage du foyer placé en ^?
(3) Les pierres du mur qui supportait ce foyer ont également subi
l'action d'une forte chaleur.
(4) En le déblayant on a retiré de ce couloir des moellons rougis, des
mortiers et ciments, des fragments de tuiles à rebords et de larges briques,
des marbres de nuances diverses et de nombreux tessons de poterie de
formes et de pâtes très variées.
— 453 —
se relier jadis à la faible amorce 6 pour former une
voûte et les deux murs latéraux du couloir se termi-
naient au nord par un cintre D fait de moellons bruts
posés à plat sur le terrain naturel de la colline (1).
La salle voisine E, qui mesure 8 mètres sur 6 m. 50,
avait un hypocauste : chauffée ainsi directement par
le foyer/, elle aurait pu servir de caldariuni. On y a
retrouvé, encore en place (et reposant sur les bourre-
lets saillants en forme de grosses pastilles, placés aux
quatre angles), un certain nombre de briques {fig, 4), qui,
régulièrement espacées, servaient d'appui à de petits
piliers {/ig, 5), constitués par des carreaux de 0 m. 20
de côté et entre lesquels circulait la chaleur (S).
Ces briques étaient fixées dans ime couche de terre
à hourdir mélangée de gros sable et étendue, comme
la base des murs, sur une chape de béton rouge de
0 m. 06 d'épaisseur, supportée par un lit de grosses
pierres sèches, brutes, destinées tout à la fois à fournir
une assiette très stable et un bon drainage contre
l'humidité (3).
De la pièce E la chaleur passait dans la salle F par
une ouverture ^ de 0 m. 60, ménagée dans le mur de
séparation. Cette salle F mesure 6 m. 10 sm* 5 m. 60,
et pourrait être un tepidarium ; elle a beaucoup d'ana^
logie avec la précédente : béton semblable et au môme
(1) Ce terrain arénacé contraste étrangement avec les débris noirs qui
le recouvraient d'une couche supérieure à 0 m. 75.
(2) Les briques mesuraient 0 m. 45 de long, 0 m. SB de large et 0 m. 02
d'épaisseur. Quant aux piliers, on n'a pu en déterminer la hauteur
exacte, aucun d'eux n'ayant été retrouvé intact ; toutefois, des amorces de
piliers en maçonnerie restées adhérentes aux murs et le niveau du béton
de la grande pièce voisine I, semblent indiquer que le pavage des salles
E F était à 0 m. 50 au-dessus de l'aire inférieure.
\3) En général le béton des salles fouillées reposait sur plusieurs rangs
superposés de gros moellons ; ce qui indique quel soin les Romaint
apportaient dans leurs constmctions.
— 454 —
niveau, terre à four, briques & bourrelets et carreaux
formant les piliers d'hypocauste (1).
A l'ouest de ces deux salles et en communication
avec la dernière décrite, une étroite pièce F' de 2 m.
sur 1 m., dont la construction est peu soignée et la
destination inconnue, délimitait la partie fouillée de
ce côté (2).
A Test de la salle F on remarque une pièce circu-
laire G, chauffée directement par le fourneau H. Ce
dernier est solidement construit, notamment à droite
où deux murs accolés sont soutenus par de solides
contreforts (3) (Jig. 6), Une ouverture h, de 0 m. 65
de large et parementée en briques, a été percée dans
le mur sud (fig 7) ; elle donne accès, au moyen de deux
marches, également en briques, dans ce fourneau dont
le pavage en béton a été rencontré à 1 m. 30 de pro-
fondeur (4). A 0 m. 40 du niveau actuel des murs,
existe, à droite comme à gauche, une saillie intérieure
ayant. Tune 0 m. 15 et l'autre 0 m. 30 de largeur (5) et
paraissant avoir servi d'appui à la voûte du four-
neau (6) {fig. 6).
(1) CTest eatre ces piliers que circalait la chalear amenée par le foyer
Toisin f dont Fouverlure et les parois intérieures étaient en briques, ainsi
d'ailleurs que toutes les parties susceptibles de subir Faction du feu. En
outre, pour conserver toute la chaleur concentrée dans l'hypocauste, on
avait enduit la base des murs d'une épaisse couche de mortier rouge
formé de brique pilée et de chaux. Les mêmes constatations furent faites,
d'ailleurs, dans les salles chauffées dont on fera plus loin la description*
(2) Une petite ouverture o', ménagée au sud, donnait accès dans la vaste
cour attenante.
(3) Ces contreforts sont deux murs distants de 1 m. 85 et mesurant,
Tun 0 m. 60 de large et 1 m. 70 de long ; l'autre 0 m. 50 sur 1 m. 75.
(4) En guise de briques, on a beaucoup employé, dans la construction
de ce fourneau, de larges tuiles dont on a fait disparaître les rebords sail-
lants.
(5) Le mur de gauche mesure 0 m. 90 au-dessus du béton, tandis que
celui de droite 8*élève à 1 m. 15.
(6) Cette voûte a disparu, mais son amorce est encore très visible dans
ki murs tst et oueii.
-^ 455 —
Une petite communication i, voûtée en briques sur
1 m. 10 de long et mesurant 0 m. 60 de largeur à la
base avec 0 m. 85 de hauteur^ sous clé (fig. 8), avait
été ménagée dans le massif de maçonnerie de Touest,
pour conduire la chaleur dans la salle G contiguô.
En déblayant cette dernière, dont le diamètre est de
5 m. 50, on a rencontré, à 1 m. 50 au-dessous du
niveau actuel des murs. Taire inférieure qui, formée
d'un solide béton rouge&tre, repose sur un lit de gros
modlons bruts. Le pavage, surélevé de 0 m. 70, a
complètement disparu; et, dans le déblaiement de
cette salle, on n'a rencontré ni piliers d'hy pocauste, ni
supports d'aucune sorte ; rien, en un mot, qui puisse
indiquer la nature de ce pavage et sur quoi il repo-
sait* Seul son niveau reste indiqué par une petite
rigoley C/ig. 9 et iOj, longue de 1 m. 20 et qui, des-
tinée jadis & Técoulement de Feau, semble prouver
que la salle circulaire G était ou une piscine chaude
ou une étuve humide (?) (1).
La mur intérieur était enduit^ à sa base, d'un mor-
tier roogeâtre qui recouvrait, dans une partie seule-
ment du pourtour de la pièce, plusieurs rangées de
tuyaux de chaleur placés horizontalement et bout à
bout {fig. 12). Ne communiquant pas directement
avec la voûte du foyer voisin et retrouvés pour la
plupart remplis de mortier, ces tuyaux ne pouvaient,
dans leur état actuel, conduire le calorique dans Tinté-
rieur des murs (2) ; leur usage reste donc mystérieux,
(1) Ce conduit, ménagé dans la maçonnerie, mesure 0 m. 25 de
largeur i chaque extrémité. Le fond, bétonné, a trois niveaux différents,
comme des marches, qui se trouvent respectivement à 0 m. 25, 0 m. 90
et 0 m. 9B du haut des mura restants. Une pierre, légèrement concave
(en forme de gargouille), se voit à l'extrémité extérieure en j,
(2) Même creux, le pouvaient-ils, étant donné que le courant eût été
forcément interrompu par un certain nombre de tuyaux de chaleur,
placés transversalement avec l'orifloe afOeurant la paroi du mur inlérieur
de la piscine.
— 456 —
si on ne voit pas dans ce mortier, irrégulièrement
employé, le fait d'un travail postérieur.
D'autres tuyaux, semblables de forme et de dimen-
sions> étaient jSxés verticalement au même mur inté-
rieur; superposés en divers endroits et notamment
dans la partie nord, ils devaient activer le tirage ou
servir au dégagement de la fumée (1) (%. il et 12).
Une étroite ouverture k, ménagée dans le mur nord
de la pièce circulaire chauffée, faisait communiquer
directement cette dernière, au moyen de deux mar-
ches (2), avec une vaste salle I, de 15 m. sur 10 m. 50,
qui dut, très vraisemblablement, constituer un atrium.
Le pavage de cette salle^ retrouvé à 0 m. 25 du niveau
dWasement actuel des murs, n'était point homogène^
puisqu'avec d'épaisses dalles de marbre alternaient
des parties en solide béton, bien uni et au môme
niveau. De larges plinthes, également en marbre,
ornaient toute la base des murs (3) et les protégeaient
d'autant mieux qu'elles étaient fixées sur deux cou-
ches de mortier rouge : l'une de 0 m. 03 d'épaisseur,
accolée au mur et terminée à la base par un bourrelet
de 0 m. 06 de largeur ; l'autre de 0 m. 10 d'épaisseur,
formée de 3 blocs superposés (%. 13).
(i) Ces diverB tayaux, horizontaux et Terticaux, oommaniq[aèreiit-ils
primitivement entre eux ? On ne saorait Tavancer. Ce que Ton a remar»
que, c'est que les tuyaux verticaux, superposés généralement par trois, non
seulement adhéraient au mur avec un solide mortier, dans lequel est restée
leur empreinte, mais ils étaient, en outre, fixés par de nombreux cram-
pons en forme de T, dont les uns ont été retrouvés intacts dans le déblaie-
ment, tandis que les autres, privés de leur tête (tombée avec les tuyaux),
ont laissé leur pointe dans l'épaisseur du mur.
(2) Ces marches mesurent 0 m. 70 de long, 0 m. 35 de large et 0 m. 20
d'épaisseur : elles étaient enduites d'un mortier rouge revêtu de marbre
blanc dont on a retrouvé des morceaux encore en place.
(3) Ces plinthes en marbre gris^ de 0 m. 02 d'épaisseur, reposaient
elles-mêmes sur un dallage de même nature, établi tout autour de cette
vaste salle.
— 457 ^
Dans ceux de Vest et de Vouest, on a ménagé deux
absidioles /, m, de 3 mètres de diamètre, qui se font face
sans occuper le milieu de ces murs.
Celle de gauche, encore dallée de marbre, avait deux
ouvertures dont le seuil est encore bien visible ; elle a
dû contenir un réservoir d'eau (1), En effet, à l'angle
gauche commence une rainure /^, large de 0 m. 10 et
profonde de 0 m. 05 ; tracée dans le béton, elle oblique
deux fois avant d'aboutir au conduit o (2) (flg. 14),
qui communique avec le grand collecteur p, ménagé
sous le pavage de la salle I.
Au centre de cette dernière, se voit une belle piscine
octogonale mesurant 7 mètres de largeur (soit 34 mètres
de pourtour) et 1 mètre de profondeur. On y accédait au
nord et au sud par deux escaliers en pierre, formés
chacun de quatre marches, jadis revêtues de marbre (3)
ainsi que le fond, les parois et les bords de la piscine
qui portent, à leurs angles, des saillies décoratives (4).
Près de l'escalier du nord et au niveau du dallage
inférieur commence le grand conduit p qui, contour-
Ci > L*exiâtence d'une baignoire en cet endroit semble devoir être
écartée en raison des deux ouvertures qu*on y a percées. Il serait moins
téméraire d'y placer une vasque avec fontaine. L^autre niche— auprès de
laquelle n'existe aucune trace de rigole — aurait pu alors abriter une
statue.
(*2j Ce conduit vertical est formé de trois tuyaux de poterie rectangu-
laires, superposés et noyés dans l'épaisseur du pavage de la salle.
(3) Ces marches ont 1 mètre de long, 0 m. 30 de large et 0 m. 25 de hau-
teur; on a retrouvé en partie les dalles de marbre, soigneusement
encastrées, qui les recouvraient jadis.
(4) Aux angles de cette piscine étaient des dalles de marbre paraissant
avoir supporté des colonnes de grès (autrefois recouvertes de stuc), ainsi
qu'en témoigne une base (avec fût), rencontrée renversée sur un des coins
dallés en marbre. — Ajoutons que, de Tavis de plusieurs géologues qui ont
visité les fouilles, le marbre blanc, veiné de jaune, employé dans la villa
de Champvert, proviendrait des environs d'Arleuf, en Morvan, tandis que
le marbre gris aurait été extrait des importantes carrières de Ghampro-
bert, près Lozy (Nièvre;.
— 468 -
liant j^usieurs pièces des bains, emmenait à TAron le
trop plein de la piscine ou servait à la vider.
De cet atrium I, on avait accès dans la salle J mesu-
rant 6 m. 50 sur 11 m. 50, dont le béton est un peu
surélevé et qui dut jadis recevoir une certaine décora-
tion intérieure, à en juger par les peintures d'un rouge
vif retrouvées & la base des murs. Cette pièce a dû
être Vapodyterinm où les baigneurs se déshabillaient ;
elle était en communication & Touest par l'ouver-
ture q (1), avec une vaste salle K, au béton grossier
dont Tusage reste indéterminé ; au nord, au moyen
d'un large escalier en grès (revêtu jadis de stuc) (2) ^ avec
un long couloir L, la reliant aux dépendances de la
villa ; enfin, & l'est, avec une petite salle M^ soigneu-
sement bétonnée, qui avait conservé des traces de
peinture à la base des murs et eût pu servir d'elaethe-
sium ou salle des parfums (?)
II nous reste maintenant à décrire les appartements
qui avoisinent la cour de l'oues